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Art et Culture

"Félicité", long métrage du réalisateur Alain Gomis: La belle leçon de vie
Publié le vendredi 3 mars 2017  |  Sud Quotidien
Alain
© Autre presse par DR
Alain Gomis, réalisateur franco-sénégalais




Les choses étaient pourtant très claires, c’était une projection destinée à la presse. Mais l’heure matinale, 8h, n’y aura rien fait. Car Félicité, le film d’Alain Gomis en compétition officielle à cette 25ème édition du Fespaco, aura tout simplement fait salle comble, avec des téléspectateurs sans doute trop impatients pour attendre la diffusion d’hier soir, ou à la limite celle de ce soir. Le journaliste Aboubacar Demba Cissokho, par exemple, dit n’avoir jamais vu cela, en sept Fespaco. On y découvre toute la fraîcheur d’une actrice inexpérimentée, Véronique Beya Mputu, l’énigmatique héroïne de ce long métrage, des personnages plus vrais que nature, quelques leçons de vie, aigres, douces, ou les deux, quelques tranches de rire et de tendresse…

Il y a des personnages comme ceux-là, qui vous donneront plus ou moins l’impression que vous allez devoir les mériter, les apprivoiser, les déchiffrer, doucement, patiemment, ne serait-ce que pour leur arracher un regard, un sourire, les entendre rire aux éclats, les surprendre, la larme à l’œil, les voir vaciller, ou presque…Félicité, personnage éponyme du long métrage d’Alain Gomis, vous fera sans doute cet effet-là.

On la découvre d’ailleurs dès les toutes premières images du film : ce port altier, ce petit quelque chose d’imperturbable, d’impénétrable, de fascinant, d’énigmatique, de magnétique…Cette assurance ou cette pudeur sentimentale qui vous la rendrait presque «trop dure»,hautaine, distante, inaccessible, anesthésiée, là-bas derrière cette sorte de petit mur qu’elle a l’air de mettre entre elle et les autres.

Comme on y découvre aussi Kinshasa, de nuit, ses gens, l’alcool, ses personnages éméchés, plus vrais que nature, et à la limite de la caricature, ses bistrots où l’on chante, danse, aime et rit aux éclats, où l’on s’amuse à refaire le monde, ses grands discours, cette philosophie de comptoir, sa justice populaire, ses petites combines, ses petites et grandes bagarres, les coups bas…Sans parler de ce système de santé où l’on ne prête qu’aux riches.

Le film, quant à lui, se construit sur un certain nombre d’allers- retours, entre le jour et la nuit, entre le silence des rues, et le bruit de la musique, entre le visible et l’invisible, entre la scène et la ville, comme entre Félicité…et Félicité. Car il y en a deux, au moins : celle qui danse et chante avec cette rage de vivre, et de vaincre, avec cette voix brisée pas toujours très juste, et peu importe d’ailleurs, parce qu’elle sent bon le vécu…Et l’autre, fragile et «naïve»,dit-elle, parfois épuisée, parfois à cran, et sans doute un peu sauvage. Le lien entre les deux, peut-être le trouvera-t-on dans ce ton toujours très juste, où rien n’est surjoué, autrement dit sans que le trait ne soit ni forcé, ni sur commande.

Un personnage plein de «ressources»

Alain Gomis a d’ailleurs le mérite de réconcilier, quelque part, son actrice, Véronique BeyaMputu, c’est son tout premier rôle, et son héroïne, que l’on découvre l’une et l’autre, et que l’on apprend à connaître ou à décortiquer. L’une à l’écran, l’autre dans le récit, dans cette histoire aigre-douce où la musique est entre le gagne-pain et l’exutoire, et où l’on n’a pas peur de brûler la vie, par les deux bouts. Chanteuse dans un bar, où elle est la voix de son orchestre, Félicité va devoir affronter la vie, alors qu’un accident de moto d’une rare violence envoie son fils à l’hôpital. Tout cela a un coût, évidemment : entre les sous, les coups et les contrecoups… Mais le personnage est plein de ressources.

De quoi nous offrir une belle leçon de vie, sur fond d’aventure humaine, où l’on se retrouve très vite pris aux filets d’un personnage électrique, fragmenté, à la limite de la schizophrénie parfois, avec ses démons intérieurs et sa vie antérieure.
On aime le petit côté carte postale du film, ses petites tranches de tendresse et d’humour et les petites sentences épicuriennes («Si tu es pauvre, bois de l’eau »), qui se glissent çà et là…

Sans parler de la musique, un personnage à elle tout seul : entre celle de l’orchestre, la complainte ou la langueur d’un violon, le chant choral, cette sorte de musicalité congénitale du lingala, le timbre de Félicité…
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