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Suppression du franc CFA: Des économistes démontent les arguments des partisans
Publié le mardi 28 fevrier 2017  |  Sud Quotidien
Siège
© Autre presse par DR
Siège de la BECEAO au Sénégal




Souveraineté monétaire, régime de change, garantie de la convertibilité, politique monétaire… Un débat aussi vieux que la monnaie elle-même longtemps porté par d’éminents économistes, relancé en juillet 2015 à la suite du feuilleton relatif à la sortie de la Grèce de la zone euro, et en 2016 par le fameux «Brexit» s’intensifie de plus en plus. Appuyé en cela par la sortie du président Tchadien Idriss Déby Itno en 2015, le Bissau Guinéen Carlos, secrétaire exécutif démissionnaire de la commission économique pour l’Afrique des Nations unies, Kako Nubukpo, ancien ministre de la Prospective et de l’évaluation des politiques publiques du Togo, agrégé d’économie, et des économistes sénégalais comme Demba Moussa Dembélé, Ndongo Samba Sylla entre autres qui militent en faveur d’une monnaie nouvelle pour émerger. Tout le contraire pour Thiémoko Meyliet Koné, gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), qui minimise les agitations et trouve qu’une nouvelle donne commandée par les besoins des économies dans leur quête de transformations structurelles d’émergence et non des critiques rarement appuyées par des études scientifiques, ne saurait faire évoluer le dispositif monétaire actuel

NDONGO SAMBA SYLLA - ECONOMISTE CHERCHEUR A LA FONDATION ROSA LUXEMBOURG : «Avec le franc CFA, point d’émergence»

Convoquant le dernier rapport du Pnud sur l’Indice de développement humain (éducation, santé…), Ndongo Samba Sylla, économiste, chercheur à la Fondation Rosa Luxembourg, rapporte que sur les 11 derniers pays du classement, les 6 sont de la zone franc. Corroborant l’étude à la pauvreté, il avance qu’«il y a une forte relation entre sous développement et zone franc». Argumentant, il indexe les mécanismes de fonctionnement de la zone franc qui seraient responsables de cet état de fait car reposant essentiellement sur l’arrimage du franc CFA à l’euro, qui est une monnaie forte. Et dans un tel cas de figure naturellement les exportations sont tendanciellement pénalisées. En ce sens qu’une monnaie forte agit comme une taxe sur les exportations, et en contre partie comme une subvention sur les importations. Dès lors, toutes choses égales par ailleurs explique-t-il :«les pays aux monnaies moins fortes sont plus compétitifs. Or, lorsque vous avez des économies très volatiles comme c’est le cas dans les deux zones (Uemoa-Cemac), le système d’échange le plus adapté est celui d’échange flexible. Ce qui peut amortir le taux d’échange sans trop d’impacts négatifs sur l’économie réelle ».

Poursuivant, il relève que : «lorsque vous avez une monnaie fixe, toutes les évolutions quel que soit le taux d’échange, ne change pas. Donc, une monnaie fixe ne permet pas de gérer la volatilité structurelle de nos économies. Deuxième mécanisme riche, mais brandi comme argument fondé sur l’efficience par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), c’est la maîtrise de l’inflation qui a autant d’avantages que d’inconvénients».

Toutefois, dira t-il :«cette faible inflation a un coût. Dans une telle situation les entreprises ne sont pas incitées à investir. Conséquence, moins de croissance économique». Mieux, étaye-t-il: «Des études économiques depuis les années 90 montrent que dans le cadre de la zone franc, la faible inflation a pour contrepartie des taux de croissance en dessous du potentiel de la zone franc».

Aucune perspective d’émergence avec le franc CFA

Jugeant le franc CFA inadapté à nos économies et les mécanismes de fonctionnement inappropriés pour répondre de manière pragmatique aux aspirations des populations (émergence), Ndongo Samba Sylla clame qu’il est illusoire pour les pays africains de penser pouvoir se développer sur le plan économique dans le cadre du système franc CFA. Pour s’en convaincre confie-t-il: «Exceptée la Guinée équatoriale, aucun pays de la zone franc n’a une croissance à deux chiffres. Tous les autres pays ont une croissance en demi-teinte (zigzag)». Il soutient mordicus que les banques centrales n’ont pas vocation à créer la croissance ou l’emploi, mais plutôt la stabilité des prix. Dans cette option de maîtrise de l’inflation et du maintien de la parité à l’euro, découle drastiquement un sous financement des économies par les banques en crédits bancaires rapportés à l’économie sur produit intérieur brut et qui représentent moins de 25% dans la zone Uemoa et 13% dans la zone Cemac, selon les dernières statistiques de la Bceao publiées annuellement», rappelle-t-il.

Tout le contraire en Afrique subsaharienne avec 64%, et 100% à 200% dans les pays émergents et riches avec pour conséquences l’absence de financement bancaire dans nos économies. Et ceci est le fruit du mécanisme du système franc CFA car, relève t-il, « la Bceao juge impertinent de devoir décaisser (prêter) de l’argent pour l’achat de produits importés. Et si lesdits crédits commencent à s’amoindrir, la Banque aura de moins en moins la possibilité de défendre la parité franc cfa-euro ».

D’où «l’option de rationalisation annuelle de crédits aux fins de pouvoir défendre la parité franc CFA-euro». Du coup, les gens trouvent l’idée géniale (parité franc CFA-euro). Mais, en contre partie, cela se traduit par une absence réelle de financement pour les investissements publics et privés.
Le peu de financements octroyés sont de court terme avec des taux d’intérêt trop élevés. La conséquence est une surliquidité des banques et une absence de financements pour les initiatives nationales (entrepreneurs).
Mieux, poursuit-il : «dans le cadre des accords de la zone franc, notamment la fixité du taux d’échange, la centralisation des réserves d’échanges, la garantie de la convertibilité par la France et le libre transfert de capitaux», on relève «justement dans ce libre transfert de capitaux, des inconvénients comme le libre rapatriement de tous les profits pour les entreprises étrangères. S’y ajoute que tous ceux qui ont acquis illicitement de l’argent peuvent le transférer librement dans d’autres pays». Pour preuve, il souligne le cas de Teodorin Obiang, fils du président de Guinée équatoriale, soupçonné de s’être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable, en volant l’argent du pays. Et tout ceci, «c’est le système franc CFA qui le permet», argumente t-il.

Parité, stabilité du franc CFA, seuls arguments…

Selon Ndongo Sylla, «les seuls arguments valables pour les partisans du franc CFA, c’est la stabilité du franc CFA et la maîtrise de l’inflation ».Toutefois, a-t-il relevé, « la stabilité n’est pas une fin en soi. L’objectif final devrait nous permettre de dire grâce à la gestion de la monnaie, on a eu une économie prospère dans laquelle les gens vivent bien et les indicateurs sociaux se portent bien et on ce qui prévaut actuellement ».

Vraisemblablement, fait-il remarquer, «ceux qui en bénéficient sont forcément favorables. Par exemple un agent de la Bceao ou un président africain de la zone franc ne prendra pas le contrepied de la France. Car, en définitive, il va de leur poste et de leur rapport avec la France».

DEMBA MOUSSA DEMBELE - ECONIMISTE ECONOMISTE& CHERCHEUR, DIRECTEUR DE L’ARCADE : «Le franc CFA est un déni de souveraineté»

L’économiste Demba Moussa Dembélé est formel par rapport au franc CFA: «Le franc CFA est un déni de souveraineté. Nous le combattons à tout point de vue», clame t-il. «Avec le franc CFA, il n’ya aucune perspective de développement pour l’Afrique. Ceci s’avère par le temps», martèle l’économiste. Analysant techniquement les arguments de la France et autres acolytes fondant la pertinence du maintien du franc CFA dans les deux entités monétaires (Cemac-Uemoa), Demba Moussa Dembélé réprouve et convoque les derniers statuts du traité européen en son article 127 qui stipule «la stabilité des prix qui passe nécessairement par le ciblage de l’inflation à 2%». Un traité européen imposé par l’Allemagne et qui aujourd’hui créé plus de distorsions en matière de politique économique au sein de l’Union européen, avec notamment le BREXIT (sortie de la Grande Bretagne de la zone de l’UE), les difficultés économiques de la Grèce et actuellement en France avec la contestation à l’extrême droite avec le front national et même de la Gauche… qui revendiquent la revue de la stabilité (austérité). Au même moment en 2010, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) révise ses statuts. Et l’article 8 des nouveaux statuts de la Bceao reprend textuellement le consigné du traité 127 du traité européen. Lequel traité indique que la politique monétaire de la Bceao, c’est la stabilité des prix. Et cette stabilité des prix passe forcément par le ciblage de l’inflation à 2% telle que consignée par la Banque centrale européenne (Bce).
Et dans le même temps, la Bceao a sciemment supprimé l’article 16 qui permettait de financer les Etats membres de la Bceao à hauteur de 20% de leurs recettes budgétaires de l’année écoulée. Donc, la Bceao en révisant ses statuts a supprimé ledit article qui accordait cette faveur avec comme conséquences, «l’absence de financement pour nos volatiles économies».

Fleuraison d’émissions obligataires

Selon l’économiste, «si nos Etats recourent aux marchés financiers pour résoudre l’équation du financement de nos investissements, c’est en partie dû à la revue des statuts de la Bceao, qui a vu la suppression de l’article 16 parce que n’ayant plus la possibilité de bénéficier des avantages dudit article».
Mieux, on étouffe l’investissement parce que tout simplement ce ciblage de l’inflation se traduit par la restriction de crédits aussi bien pour nos Etats que pour le secteur privé. Pour lui, maîtriser l’inflation implique le contrôle des dépenses publiques d’une part et les investissements privés, d’autre part.

L’Uemoa enregistre le plus faible ratio crédit au monde

Poursuivant son analyse M. Dembele fera noter que «dans les pays de l’Union économique monétaire ouest africain (Uemoa), le ratio crédit à l’économie par rapport au produit intérieur brute (Pib), est l’un des plus faibles au monde avec pas plus de 25%, maximum 30%. Alors que dans des pays où l’argent circule, le ratio est compris entre 70, et plus de 100%. Tout le contraire dans nos Etats parce que les petites et moyennes entreprises (Pme) n’arrivent pas à s’autofinancer. Or, plus de 94% de notre tissu économique est constitué de Pme, selon les dernières études de l’Agence nationale des statistique et de la démographie (Ansd)».

Dès lors, il s’avère «inconcevable de garder le franc CFA, les accords monétaires et de défense qui étouffent nos économies».
A cela, s’ajoutent entre autres la question de la souveraineté et la liberté de transfert qui existent entre nos pays et la France et qui favorisent la fuite de capitaux. Ainsi, «les entreprises françaises peuvent-elles rapporter la totalité de leurs bénéfices, mais également toutes les entreprises étrangères établies dans nos pays, faute d’un contrôle d’échange».

Mais également, «le dépôt de 50% de nos réserves d’échange au trésor français. Et donc, pour toutes ces raisons, nous disons que le franc CFA est un frein au développement de l’Afrique». Ce, «aussi longtemps que nous utiliserons cette monnaie point de développement. D’ailleurs les conséquences au plan social, c’est la persistance du chômage et de la pauvreté». Dans les 8 pays de l’Uemoa les 7 sont classés parmi les moins avancés par les Nations unies, seule la Côte d’Ivoire y échappe (classement des Nu). «C’est dire que le franc CFA n’a jamais été un atout pour le développement de l’Afrique mais plutôt un frein et un instrument de négation et de domination de la souveraineté des pays d’Afrique, martèle-t-il. Et c’est tout le sens de nôtre combat. Nous luttons contre ce déni de souveraineté parce que bientôt 60 ans d’indépendance, le constat reste implacable (…)»

Le franc CFA est dans l’intérêt de la France et non des africains

Pour M. Dembele, «il est tant que nous prenions notre destin en main. Dans l’histoire des pays dits émergents, il y a deux instruments primordiaux, c’est le contrôle de la politique budgétaire et la politique monétaire. Or, ici, ni l’un, ni l’autre n’est de notre autorité».

Double tutelle du franc CFA

Aujourd’hui, fait-il savoir: «Si la Bceao veut changer quelque chose, il faut l’aval de l’UE et de la France. C’est dire que le franc CFA est dans l’intérêt des Français et de l’Union européenne». «Dans les nouveaux statuts de la Bceao (2010) avec la mise en place du comité de politique monétaire dans le conseil d’administration, il y a un représentant de la France avec voie délibérative (droit de vote) et pour le président de la commission de l’Uemoa représentant 8 pays, il assiste juste au conseil d’administration, sans droit de vote», déplore l’économiste.

En définitive, «nous ne voulons pas de réaménagement. Nous l’avons connu. D’abord au départ la Bceao était en France, après 65% de nos réserves au trésor français, aujourd’hui 50%. Mais nous voulons nous débarrasser de cet instrument de domination, de recolonisation de l’Afrique. Nous voulons une monnaie qui reflète nos fondamentaux économiques et le Cfa ne l’est pas. D’où ce grand écart entre le coût de la vie et les revenus dans nos pays…», explique t-il.

La mobilisation générale, seule voie

Conscient que la question est éminemment politique, l’économiste dira: «Il faut une mobilisation générale de sensibilisation et d’information sur la nécessité de battre une nouvelle monnaie ».

Le gouverneur de la Bceao minimise

L’Ivoirien Thiémoko Meyliet Koné, Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), trouve «très légères» les critiques contre le franc CFA. Aussi vieilles que la monnaie, elles portent essentiellement sur la souveraineté monétaire, le régime de change, la garantie de la convertibilité, politique monétaire… etc. Pur produit de la Bceao, il s’en désole car, selon lui, ces critiques «peuvent alarmer inutilement l’opinion». Cet ancien cadre de l’administration ivoirienne trouve que «le franc CFA reste une monnaie stable et prisée dans la sous région et emporte l’adhésion des populations et des opérateurs économiques». Par conséquent, rien à changer! Pour lui, «des critiques, rarement appuyées par des études scientifiques crédibles, ne sont pas une raison suffisante pour faire évoluer le dispositif monétaire actuel». Il soutient que des réformes importantes ont été réalisées dans la zone Uemoa afin de moderniser et d’adapter les instruments et la gestion de la politique monétaire aux besoins de nos économies en pleine mutation.

Se voulant convainquant, le patron de la Bceao dira : «Si évolution il devait y avoir, celle-ci serait commandée par les besoins des économies dans leur quête de transformation structurelle et d’émergence. Et les réformes seraient déterminées par des études d’impact. Rien n’est jamais fait au hasard. Il ne faut pas oublier que l’UEMOA, ce n’est pas un pays et une monnaie, mais huit pays de niveaux économiques différents qui partagent une même devise».

2% d’inflation jugérestrictif pour les économies volatiles

Abordant le nœud du problème, le Gouverneur convoque les études réalisées dans l’Uemoa et dans beaucoup de régions du monde qui ont prouvé que plus l’inflation est élevée, plus les crédits sont chers et plus les projets à rentabilité faible sont pénalisés. Le consensus est que le maintien d’un taux d’inflation faible et stable contribue à créer un environnement macroéconomique favorable à l’investissement et à la croissance.

Par conséquent a-t-il soutenu : «Il permet d’attirer plus facilement les capitaux extérieurs et préserve la compétitivité ainsi que le pouvoir d’achat des populations. Les agents économiques sont donc incités à investir et à consommer davantage. Par conséquent, la demande de crédit se développe».

Absence d’interchangeabilité des billets de banque et systèmes de paiement dans la zone franc

A cette difficulté, le gouverneur laisse entendre que les deux Banques continuent de travailler en vue de restaurer l’interchangeabilité des billets de banque et de connecter les systèmes de paiement des deux zones. Les échanges techniques sont terminés. Le protocole d’accord global a été élaboré et son adoption en cours au niveau de la Cemac.

50% des réserves déposées au trésor français

Thiémoko Meyliet Koné rappelle que «les réserves de changes sont obligatoirement conservées à l’extérieur des pays afin de permettre le financement de leurs transactions extérieures par la banque centrale ». Ensuite, «ces devises représentent de l’argent dont la contrepartie en monnaie nationale a déjà été mise à la disposition des économies par la BCEAO ».

Enfin, «ce serait un non-sens économique que de réinjecter une seconde fois la contrepartie de ces fonds dans l’économie. Nos accords avec la France servent à garantir la convertibilité illimitée du franc CFA, en échange du dépôt d’une partie de nos réserves sur le compte d’opérations logées à Paris». Toutefois, «il précise que depuis la signature en 2005 de l’avenant qui fixe la part de change à déposer en compte d’opérations à 50%, la Bceao s’est conformée à cette disposition». Néanmoins, clarifie-t-il: «Il peut y avoir des écarts, mais ceux-ci sont très faibles et uniquement dus à des ajustements de trésorerie inhérents aux opérations quotidiennes. Ces éléments sont vérifiables dans les comptes de la Bceao publiés dans les rapports annuels. »

GUY MARIUS SAGNA FRONT ANTI APE/CFA : «Nous militons pour la fin de la servitude monétaire»

Bon nombre d’intellectuels africains, notamment des économistes soutiennent mordicus que le franc CFA arrimé à l’euro ne saurait développer les pays concernés, du fait de son arrimage à l’euro. Pour eux, il faut substituer le CFA par une autre monnaie.

Pour Guy Marius Sagna, du Front anti APE et anti CFA, «Les pays des zones CFA délèguent à la France la gestion de la valeur externe de leur monnaie à travers un arrimage du CFA à une monnaie forte qui est l’euro. Du coup, les marchandises des pays CFA ne jouissent pas d’une bonne compétitivité prix à l’exportation. La valorisation des exportations des pays CFA dépend de l’évolution du taux de change entre l’euro et le dollar et non d’une volonté politique souveraine des pays africains. Or, le taux de change doit être adapté à nos objectifs de développement et permettre donc d’exporter à bas prix. Ce qui n’est pas possible en zone CFA comme elle fonctionne actuellement. C’est une des raisons qui font qu’au Sénégal dans les 2 et 3 premières années le taux de mortalité des PME est de 65%». Et de s’interroger: «Comment ne pas aussi voir en cela une des causes des drames sociaux qui ont poussé 12.000 sénégalais parmi lesquels des chômeurs, soit 16 par jour, à tenter d’entrer irrégulièrement ces deux dernières années en Italie?»

A la question de savoir quelle réponse, il convoque l’histoire: «C’est Edouard Balladur (ancien Premier ministre de la France, Ndlr) qui nous rappelle que « La monnaie n’est pas une question technique, mais politique qui tient à l’indépendance et à la souveraineté des Etats ». Une monnaie qui ne permet pas d’avoir sur le long terme des croissances du PIB réel par habitant supérieur à 2% par an, qui ne permet pas de financer suffisamment l’économie avec des crédits bancaires à l’économie représentant 25% du PIB en zone Uemoa et 13% du Pib en zone Cemac, alors que ce ratio s’établit à plus de 100% du PIB dans les pays développés et dans les pays émergents, et qui cerise sur le gâteau, permet la sortie sous la forme de flux financier illicite de 21.000 milliards de francs CFA par jour, est une monnaie qui participe indubitablement à notre sous-développement. C’est dire que le débat sur le CFA pose la question de la sortie du sous-développement et qu’il est par conséquent d’abord social et politique et sans aucun doute technique ensuite.

Expliquant qu’Il nous faut montrer aux peuples en quoi ce CFA contribue à expliquer les tragédies que sont le chômage, la pauvreté, l’insécurité alimentaire, Marius Coly milite pour «l’édification d’un rapport de force pour rejeter la gestion des affaires des cités africaines avec cette monnaie néocoloniale». Il assure travailler «à faire des questions de souveraineté, notamment monétaire, le cœur du débat électoral». Si les actuels serviteurs des populations que sont les gouvernements ne veulent pas entendre raison, «il faudra les remplacer par des patriotes panafricanistes qui comprennent que sortir nos peuples de leur situation, c’est transformer structurellement les rapports entre l’Afrique et le reste du monde ».

Sur les voies et moyens de bâtir une nouvelle monnaie, il déclare: «Il y a un projet de monnaie unique de la CEDEAO imaginé dès 1983, démarré en 1987 et devant se réaliser en 2020». A ce titre une «task force» dirigée par les présidents du Niger et du Ghana traduit notamment cette volonté. Nous sommes cependant inquiets quand nous entendons par exemple le président du Sénégal et son ministre de l’économie dire qu’ils ne sont pas pour l’abolition du CFA quand nous sommes rassurés d’entendre Idriss Déby emboucher la même trompette que nous. C’est dire qu’au même moment où la CEDEAO réfléchit aux conditions à remplir pour matérialiser cette monnaie unique, les débats se poursuivent y compris entre chefs d’Etat sur l’opportunité de la sortie du CFA.

«Sortir du CFA par la monnaie unique de la CEDEAO est pour nous le plan A. Mais si, par exemple à cause de l’Etat du Sénégal, ce projet est sabordé, nous pensons que les peuples, pour se soulager et sortir de la pauvreté dans les meilleurs délais, doivent sinon avoir leur monnaie unique à l’exclusion de pays comme le Sénégal du moins sortir de ce CFA en ayant des monnaies nationales. Ce dernier cas de figure serait une étape vers de futures retrouvailles en attendant que tous les pays soient dirigés par des gouvernements qui mettent en avant les intérêts des peuples africains», conclut-il.
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