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Momar Seyni Ndiaye analyste politique sur la sortie du conseil technique de Macky Sall: "Cette sortie est inopportune ..."
Publié le vendredi 10 fevrier 2017  |  Sud Quotidien




Le journaliste formateur, non moins analyste politique, Momar Seyni Ndiaye, juge «inopportune» la sortie du Conseiller technique du chef de l’Etat, Luc Sarr qui a soutenu dans un quotidien de la place que «Moustapha Niasse demeure plus que jamais le candidat du président de la République». De l’avis de M. Ndiaye, joint par nos soins, cette déclaration de M. Sarr, si elle est confirmée par Macky Sall, porterait «un coup de poignard au rajeunissement de la classe politique». Il a ainsi botté en touche les arguments avancés par le responsable politique à l’Alliance pour la République (Apr). Entretien.

Le conseiller technique du chef de l’Etat, en l’occurrence Luc Sarr a fait une sortie dans la presse pour révéler que l’actuel président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse demeure plus que jamais le candidat du président Macky Sall pour les législatives de 2017. Comment appréciez-vous une telle déclaration ?

A mon avis, cette sortie me parait inopportune, pour 3 raisons. La première est que normalement, pour des choses aussi décisives, le Président doit réserver la primeur à ses militants. La deuxième raison est que ce choix devrait être discuté au sein des instances de l’Apr et ceci ressemble véritablement à une absence de démocratie interne puisque le Président, lui seul, a décidé de qui dirigera la liste. On revient ainsi aux vieilles pratiques du centralisme démocratique où c’est effectivement au niveau du centre qu’on prend les mesures les plus importantes qui sont imposées à la base. La troisième raison est qu’on donne un coup de poignard à ce que moi j’appelle le rajeunissement de la classe politique. Il est quand même étonnant que partout dans le monde, ce sont des quadra et des quinqua qui sont aux commandes et qui dirigent les institutions. Et qu’au Sénégal, malheureusement, nous constatons le contraire. On ne voit à la tête de ces institutions que des septuagénaires, des octogénaires, ou en tout cas des personnes qui ont très longtemps séjourné dans les institutions. Ceci ne favorise pas le renouvellement des idées, et ne permet pas d’insuffler du sang nouveau dans nos institutions.

Il y a trois mesures que le président de la République a prises récemment et qui ne me paraissent pas aller dans le sens du rajeunissement. C’est d’abord la nomination d’Ousmane Tanor Dieng au niveau du Haut conseil des collectivités territoriales. Puis, il y a l’augmentation de l’âge de la retraite au niveau certaines juridictions. Enfin, le fait de devoir reconduire Moustapha Niasse comme tête de liste. Du coup, Moustapha Niasse sera probablement le prochain président de l’Assemblée nationale. Ces 3 mesures ne me paraissent pas, dans tous les cas, favoriser le renouvellement et le rajeunissement de la classe politique.

Pour toutes ces raisons, je pense que, si la déclaration de Luc Sarr, conseiller technique du Président Macky Sall, est confirmée par le chef de l’Etat, il y a là un manquement assez grave, à la fois, à la démocratie interne, au rajeunissement de l’équipe et également au respect qu’on doit avoir pour ses propres militants quand il s’agit de faire des choix aussi stratégiques.

N’avez-vous pas le sentiment que cette déclaration du conseiller technique du chef de l’Etat soit juste un ballon-sonde pour un peu jauger les impressions au niveau de sa coalition Benno Bokk Yakaar, et surtout au niveau de sa formation politique ?

Même si c’est un ballon-sonde, ce sont des procédés qui ne sont pas très louables en politique. Les partis fonctionnent à partir d’une certaine démocratie interne. D’abord, M. Luc Sarr, à ce que je sache, n’a pas de base politique affirmée. Je ne lui connais pas de base, ni de position stratégique dans l’Apr pour devoir faire ces déclarations. Evidemment, si c’est un ballon-sonde, ça peut avoir des conséquences graves, parce qu’il y a lieu que le président démente ses propres conseillers sur des questions aussi importantes. A mon avis, Luc Sarr n’aurait jamais pris le risque de parler au nom du président de la République s’il n’avait pas l’avale de ce dernier.

A l’Apr, il existe des personnalités, qui sont de premier plan, jeunes et qui ont exercé d’importantes fonctions gouvernementales. Ils ont une certaine expérience et connaissent très bien le parti. Ils peuvent diriger la liste et insuffler du souffle nouveau. Je pense que le président Macky Sall devrait quand même faire beaucoup plus confiance aux jeunes. Ce sont les jeunes qui l’ont élu. Ce sont ces jeunes qui ont fait la révolution pour bouter dehors Me Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, il est important que les jeunes puissent occuper des fonctions importantes dans ce pays, plutôt que continuer à les confier à des personnes qui ont déjà fait leur temps et qui, compte-tenu de leur âge et d’un certain nombre de facteurs politiques, ne peuvent plus insuffler des idées nouvelles dans les institutions.

Pourtant, le responsable politique à l’Apr a avancé comme argument, la recherche de l’équilibre et de l’avenir de la coalition présidentielle dans le choix porté sur le Secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (Afp) ? Qu’en est-il ?

Je ne crois pas que l’équilibre de la coalition repose sur la nomination de Moustapha Niasse. Dans tous les partis, partout au monde, le parti dominant, à savoir celui qui a offert à la Nation un président la République, c’est le parti qui contrôle les institutions les plus importantes. L’équilibre provient déjà de ça. C’est de dire quelle est la personnalité qui a été élue à la tête de l’Etat, quel est son parti, et quelles sont les institutions ?

A partir de ce moment, mettre à la tête de ces institutions, au moins pour la plus part, les personnalités qui sont issues de ce parti dominant. Le fait de vouloir jouer à l’équilibrisme, en maintenant à la tête des institutions, des personnalités politiques qui sont déphasés complètement et qui n’ont même pas de parti en réalité, n’est pas pertinent. Parce que, si vous prenez l’Afp, elle est réduite à sa plus simple expression. Aujourd’hui, la majeure partie des militants sont avec Malick Gackou. Le Parti Socialiste est traversée par des crises profondes qui mettent en cause même son avenir. Donc, confier ces institutions à des personnes aussi controversées que Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, c’est vraiment donner un coup de poignard au rajeunissement de la classe politique et c’est faire de la politique politicienne. Parce que l’argument que Moustapha Niasse aurait avancé, selon mes informations, est la suivante : «aujourd’hui, si Moustapha Niasse n’est plus le président de l’Assemblée nationale, il prendrait le risque de voir son parti s’effondrer. Parce que, c’est sa présence à ce poste qui constitue le seul espoir que Moustapha Niasse peut susciter au sein de l’Afp». Donc, en maintenant Moustapha Niasse comme tête de liste de Benno, le président tente de lancer une bouée de sauvetage à l’Afp, au détriment de l’équilibre de son propre parti. Alors que dans son parti, il y a effectivement des personnalités de premier plan qui ont déjà joué des rôles importants, aussi bien dans le gouvernement que dans le parti, avant que Macky Sall ne soit à la tête de l’Etat. Au moment où il aspirait à prendre la tête de l’Etat, il y a des personnalités qui l’ont aidé et qui ont fait de même dans le gouvernement. A mon avis, le président devrait se tourner beaucoup plus sur ces personnalités, plutôt que de continuer à jouer à l’équilibrisme politicien, qui consiste à mettre à la tête des institutions des personnalités qui sont d’un certain âge et qui sont dépassées politiquement.
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