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Une conversation onirique pour actualiser la pensée de Cheikh Anta Diop
Publié le mercredi 8 fevrier 2017  |  Agence de Presse Sénégalaise
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© Autre presse par DR
Pr Cheikh Anta Diop, historien




Le philosophe et chercheur sénégalais Khadim Ndiaye fait paraître cette semaine chez Academia un ouvrage intitulé "La leçon du lotus – Conversations avec Cheikh Anta Diop", hommage d’un jeune auteur qui offre sa lecture originale de l’œuvre de l’historien et homme politique.

Cette publication se veut aussi un moyen de vulgarisation d’une pensée que se réapproprient des jeunes soucieux de contribuer à l’entreprise de transformation politique et sociale, plus de trente ans après la mort du savant sénégalais.

"Redonnant corps et paroles au patient sculpteur de nos rêves, Conversations avec Cheikh Anta Diop réussit à vulgariser, sans la mutiler, une pensée complexe et nuancée. Cela peut paraître aller de soi mais le fait est que personne n’y avait songé avant Khadim Ndiaye… Le résultat est un hommage affectueux, le regard rivé avec nostalgie sur le futur", écrit l’écrivain Boubacar Boris Diop, auteur de la préface.

De quoi s’agit-il dans "Conversations avec Cheikh Anta Diop", travail dont le préfacier dit qu’il est "à la fois original et limpide ?" : "Ndongo, un jeune disciple, rejoint le Maître dans l’au-delà et lui pose des questions auxquelles il répond en reprenant mot pour mot des passages de ses propres livres ou interventions publiques", résume Diop.

Cheikh Anta Diop, engagé dans la restauration d’une conscience historique africaine, est mort le 7 février 1986, à l’âge de 62 ans.

Il a travaillé sur l’historicité des sociétés africaines, l’antériorité de l’Afrique et l’africanité de l’Egypte, entre autres thèmes de ses recherches.

Cheikh Anta Diop a notamment publié "Nations nègres et culture" (1954), "L’Unité culturelle de l’Afrique" (1960), "Etude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique de l’antiquité à la formation des Etats modernes" (1959), "Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique" (1967), "Civilisations ou barbarie" (1981), entre autres.

Le préfacier rappelle le contexte historique - marqué par la remise au goût du jour de clichés et stéréotypes racistes par des intellectuels et hommes politiques ayant de puissants relais médiatiques – dans lequel l’intérêt de Khadim Ndiaye pour le travail de Cheikh Anta Diop s’est aiguisé.

Ce contexte, c’est celui de la publication, en 2003, de "Négrologie : pourquoi l’Afrique meurt" de Stephen Smith, de la loi de février 2005 sur "les aspects positifs de la colonisation" (2005) et du Discours de Dakar (2007), etc.

Se servir de la pensée de Cheikh Anta Diop "comme d’un bouclier"


"Confronté à ces agressions brutales ou insidieuses, Khadim Ndiaye réalise encore plus clairement l’importance vitale de la pensée de Cheikh Anta Diop dont il se sert, de son propre aveu, +comme d’un bouclier+", souligne Boubacar Boris Diop, ajoutant : "On comprend que devenu adulte il ait eu envie d’amplifier, pour notre bonheur et notre profit, cette voix qui lui a permis de sentir enfin un sol ferme sous ses pas".

Le prologue du livre donne à cette conversation d’un genre particulier, une dimension encore plus importante, parce que articulée autour de la substance d’une œuvre féconde et actuelle.

"C’était la troisième fois que je voyais cette silhouette en rêve en l’espace de quelques jours, raconte Ndongo. Elle apparaissait puis disparaissait. Cette fois, elle resta immobile. Assise, une bulle de lumière l’entourait qui m’éblouissait. Elle se rapprochait."

"Je distinguais mieux son visage. Un homme. Il était imposant. Vêtu d’un boubou blanc, il portait des lunettes à monture d’écaille. Il arborait un large sourire rassurant qui laissait apparaître ses dents d’une blancheur éclatante", ajoute-t-il, parlant du visage de son maître qui a "quelque chose de familier".

Les premiers mots de l’échange : « --- Me reconnais-tu cher Ndongo ? /--- Mais, Mai...Maître Chei...Cheikh Anta Diop, bégayai-je. Est-ce bien vous ? /--- Oui Ndongo, c’est bien moi. Tu sais, tu peux me tutoyer. Ne sois pas gêné. Je sais combien tu es attaché à ma pensée et quel effort tu fournis pour la vulgariser. Pour te témoigner ma gratitude, je t’emmène avec moi pour un périple nocturne. Tu auras le loisir de me poser toutes les questions que tu veux en rapport avec ma pensée ».

En cinq chapitres (l’odyssée de la personnalité ; la personnalité culturelle et ses composantes ; l’évolution créatrice : vers l’avènement de la personnalité culturelle ; la revivification de la personnalité culturelle : vers la renaissance ; l’humanisme vigilant), Khadim Ndiaye offre une relecture du travail de Cheikh Anta Diop, lui-même appelé à expliquer des points importants.

Cette posture permet de jeter une lumière singulière sur l’actualité, preuve que l’égyptologue avait inscrit l’essentiel de cette œuvre dans l’histoire pour la mettre à l’abri de contingences factices et éphémères.

Réconcilier spécialistes et damnés de la terre

Boubacar Boris Diop signale que l’ouvrage est "l’aboutissement logique d’un long parcours de Khadim Ndiaye à l’intérieur de l’univers intellectuel si riche et complexe de son maître et inspirateur."

Sur la démarche de l’auteur, il écrit : "Pour saisir l’intérêt de cette façon de procéder, il faut se souvenir que sa vie durant Diop s’est adressé à la fois aux spécialistes des disciplines scientifiques les plus pointues et aux damnés de la terre, en particulier aux Nègres".

"Il fallait trouver un moyen de réconcilier ces deux publics naturellement situés à des années-lumière l’un de l’autre. Il était de toute façon hors de question pour cet intellectuel organique de se résigner à la moindre coupure d’avec son peuple", relève-t-il.

Le préfacier ajoute : "Le présent ouvrage reste donc fidèle, dans son concept, à la démarche diopienne. Nous y retrouvons l’intellectuel ne rechignant pas à aller au charbon et le savant soucieux de s’en tenir aux faits avérés, laissant du même coup ses contradicteurs se vautrer dans les eaux fétides de leurs préjugés".

"Est-ce Khadim Ndiaye qui s’en est allé rendre visite à son maître dans l’au-delà ou est-ce ce dernier qui est venu le trouver sur la terre des hommes ?", se demande Boubacar Boris Diop, qui constate que la voix de l’auteur de "Nations nègres et culture’’ semble "si proche.".

"Seule une réelle maîtrise du sujet permet d’imaginer les bonnes questions et de savoir à quel endroit précis de sa foisonnante production scientifique trouver les réponses appropriées de Cheikh Anta Diop", estime Diop.

"Quoi qu’il en soit, les interrogations de l’auteur de Conversations avec Cheikh Anta Diop restent les nôtres, celles du commun des mortels, et il sait nous restituer sa moisson dans une langue lumineuse et honnête, loin du consternant pathos à la mode", dit-il.

Il s’agit, entre autres, d’interrogations sur les questions linguistique et raciale, "l’aliénation par la religion comme facteur de régression", les relations internationales et le sujet de la souveraineté des Etats…

Dans le dernier chapitre du livre, le Maître a ce mot qui sonne comme un appel au dialogue pour créer les conditions d’une paix fondée sur le respect des différences : "Pour qu’il y ait une fraternisation réelle entre les peuples, affirme-t-il, il faudrait que les forces soient plus ou moins égales, qu’elles se neutralisent par la dissuasion. Cette fraternisation souhaitée serait viable si chaque peuple s’arme d’abord de son identité culturelle renforcée".

Le dialogue se poursuivra. C’est le Maître qui en donne une indication claire : "Je reviendrai Ndongo. En attendant, sors de ta réserve et partage ce que tu as appris sur la personnalité culturelle. Pourquoi rester silencieux comme une ombre ? La fontaine doit jaillir. Des entrailles doivent surgir les bonnes paroles. La nuit doit révéler ses secrets. Vas-y et déverse un torrent de mots".

"La bulle était à hauteur de ma chambre. Le Maître sortit, me déposa sur le lit et s’éclipsa avec la bulle comme par enchantement. Je me réveillai en sursaut, tout en sueur. J’avais la gorge sèche. Je me levai, regardai par la fenêtre. Je ne vis personne", écrit l’auteur. Vivement la suite.
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