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Amadou Diaw (président du Groupe ISM): ‘’Un entrepreneur doit accepter l’échec’’
Publié le lundi 6 fevrier 2017  |  Enquête Plus




Alors que la question de l’adéquation formation-emploi occupe une place centrale dans les débats, Amadou Diaw le président de l’Institut supérieur de management (ISM) lui, déclare ne pas y croire. Convaincu que le Sénégal doit être un hub de l’enseignement supérieur, il estime qu’il n’y a pas encore suffisamment d’écoles privées dans le pays.

Quel regard portez-vous sur l’enseignement supérieur privé au Sénégal ?

Je parlerai de l’enseignement supérieur d’abord avec votre permission. J’ai l’habitude de dire que le Sénégal est le hub de l’enseignement supérieur en Afrique francophone. On est fier d’avoir ce système dans notre pays et d’avoir un enseignement supérieur de qualité à l’échelle nationale. Je trouve que cet enseignement supérieur est de qualité, contrairement à l’image qu’on lui donne. Des problèmes, il y en a partout. Je me base sur les classements. Au niveau mondial, l’université de Dakar est l’une des mieux classées en Afrique francophone si ce n’est pas la mieux classée, contrairement à ce qu’on dit. Ça c’est une chose. La deuxième chose, c’est que dans l’enseignement supérieur au Sénégal, il y a une composante importante qu’est le privé. Il est né avec l’ISM en 1992 et occupe aujourd’hui plus du 1/3 de l’enseignement supérieur avec des écoles qui se portent plutôt bien dans un pays qui a une tradition d’excellence. Mais aussi qui doit se battre pour demeurer le hub en Afrique francophone.

Quels sont les principaux obstacles auxquels vous êtes confrontés dans ce sous-secteur ?

Ce ne sont pas des obstacles. Nous sommes dans un environnement qui évolue tous les jours. Nous formons des hommes pour un continent qu’est l’Afrique. Elle a besoin souvent de ressources humaines de modes différents. Aujourd’hui, ce à quoi on doit s’atteler, c’est de former des profils à mesure de s’adapter. Le monde évolue. Les systèmes universitaires classiques ne sont pas toujours en mesure de s’adapter à la même vitesse, d’évoluer comme le monde évolue. C’est dû à des lourdeurs qui font partie des traditions universitaires. Mais les choses évoluent positivement. On va me parler de l’emploi. Pour cela, je suis beaucoup plus nuancé. Les emplois eux-mêmes changent. Le tiers des emplois qui existent aujourd’hui disparaîtra dans 25 ans. Personnellement, je suis opposé au concept d’adéquation formation-emploi. Nous devons former des hommes en mesure de s’adapter à ce qui va se créer, à l’évolution du monde et non pas spécialement à des métiers.

Vous avez parlé de l’emploi, mais les étudiants sont avant tout confrontés au problème du stage…

Alors là aussi, le monde évolue. Nos écoles préparent les dirigeants de demain. Et dans la formation que nous donnons, notamment en management des ressources humaines, nous veillons à inculquer, dans le fonctionnement, le programme, un nouveau de type de relations entre les entreprises, les organisations et l’école. Je vous assure que les jeunes qui sont formés aujourd’hui à la gestion des ressources, qui demain seront les dirigeants en charge des ces dernières dans une entreprise, auront une relation différente avec le concept de stage. Parce que, ce qu’il faut expliquer aujourd’hui, c’est que le stagiaire ne doit pas être un demandeur. C’est quelqu’un qui apporte quelque chose à l’entreprise, une vision nouvelle, un regard neuf. Il faut expliquer cela aux dirigeants et ceux que nous préparons ont déjà compris cela.

Vous dites qu’ils ne sont pas demandeurs, ils ont des offres. Mais encore faudrait-il que ces stagiaires aient accès à la porte de l’entreprise.

Là aussi, je vous le répète, il faut travailler sur les relations entre le monde de l’école et les entreprises. Une école comme ISM vient du monde de l’entreprise. Ce sont des entrepreneurs qui l’ont créée. Nous n’avons jamais ressenti cette difficulté depuis la création. A la création de l’ISM, les enseignants étaient des entrepreneurs. Ceux qui faisaient la sélection en interne étaient des hommes d’entreprises. Il faut qu’il y ait une sorte d’osmose entre l’école et l’entreprise. L’ISM est un labo et les autres écoles ont bien suivi dans ce sens-là. Et ça n’ira qu’en s’améliorant, j’en suis convaincu. Pour parler du système public, il y a certaines universités qui sont en relations très étroites avec le monde des entreprises. Je prends le cas de l’université Gaston Berger de Saint-Louis qui est proche du monde économique. C’est un exemple qu’il faut mieux présenter au monde.

De plus en plus, vous incitez les étudiants à aller vers l’auto entrepreneuriat. Mais est-ce que c’est aussi évident que vous le dites ?

Effectivement, ce n’est pas évident et il y a un débat. Chez nous, nous avons supprimé le mémoire de sortie. Vous savez que pour les mémoires, souvent on pompe sur Google, on prend des fins de chapitres, on ajoute, etc. A la place du mémoire, nous avons mis l’obligation de création d’entreprise. Cela ne veut pas dire que ce sera l’entreprise de sa vie. Là il y a la relation à l’innovation, à ce besoin de créer. Nous sommes des êtres humains, nous avons besoin de créer. Qu’on ne me dise pas que certains sont en mesure de créer et d’autres non. Nous sommes des êtres humains, donc nous sommes capables de penser, d’imaginer et d’innover.

C’est à cela que nous préparons les jeunes. Là, on ne peut pas me faire croire que certains sont entrepreneurs, d’autres non. Après l’entrepreneuriat, il y a l’intra-preneuriat, ceux qui au sein même d’une entreprise doivent imaginer. Nous devons accompagner les jeunes dans le développement de leur imagination, de leur créativité. Il faut qu’ils apprennent à oser. C’est notre rôle. C’est aux écoles de les préparer à ça. Une fois que ceci est dit, il y a un deuxième problème dans la relation entrepreneuriale. C’est la relation à l’échec. Un entrepreneur doit accepter l’échec. J’ai vu récemment un ouvrage : ‘’échouer, échouer plus pour mieux réussir’’. Chez nous, celui qui échoue dans un projet le vit comme un drame. C’est un espace d’apprentissage où ils doivent s’améliorer. Il faut développer l’entrepreneuriat au sens large du terme. J’entends par là le besoin de créer, d’oser, d’imaginer. Il faut développer cela pour tous les jeunes depuis les écoles primaires, pas seulement dans l’enseignement supérieur.

Que pensez-vous de la politique de l’Etat dans le secteur de l’enseignement supérieur ?

Nous avons eu 25 ans d’existence, 25 ans de relations très étroites avec notre ministère. Il n’y a jamais eu de rupture entre la tutelle et nous. Pendant toute cette période, la quasi-totalité des ministres ont eu à faire appel à nous. Ils discutaient avec nous, avec moi-même particulièrement, de manière très régulière. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Je me suis retrouvé vice-président de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Sénégal. Il y a une relation continue et fluide. Nous avons contribué, je pense, jusqu’à une période récente, à l’élaboration des textes qui organisent notre métier.

Au delà du cas particulier de l’ISM, comment ça se passe de façon générale ?

Les établissements sont tous aujourd’hui dans des collectifs. Il y a la conférence des grandes écoles, celle des établissements privés d’enseignement supérieur, etc. Toutes ces conférences ont des relations de confiance avec l’Etat. Je n’ai pas eu, à ma connaissance, échos de portes fermées. Il y a des relations très très étroites.

N’y a-t-il pas nécessité d’assainir le milieu avec beaucoup d’écoles qui ne respectent pas forcément les normes de qualité ?

Là aussi, j’ai un point de vue qui est différent de celui qu’on entend. Il n’y a pas suffisamment d’écoles. Lorsque les entreprises du bâtiment et du secteur public se multiplient, l’on dit que c’est un boom immobilier, le BTP se multiplie. Lorsque les entreprises d’informatique se multiplient, on dit ça y est, c’est le boom de la technologie. Le Sénégal de par sa tradition, depuis le début du siècle, a offert l’école de médecine, l’école William Ponty. Cette tradition d’excellence a donné dans les 25 dernières années une explosion des industries du savoir, il faut s’en féliciter. C’est une force du Sénégal, c’est notre richesse. N’ayons pas honte de le dire. Il y en a qui disparaissent, il y en a qui naissent. L’Etat a mis en place une autorité en charge de la qualité qui est en train de faire ses premiers pas et qui a donné ses premiers résultats qui sont fort intéressants. Nous n’avons pas encore suffisamment d’écoles, créons-en. La croissance démographique est là et le Sénégal a son rôle à jouer sur la base de sa tradition d’excellence.

Vous parlez d’excellence, justement si on se soucie de ces écoles-là, c’est parce que la qualité n’y est pas toujours.

Dans le secteur du BTP, il peut y avoir du bon et du mauvais. Dans tous les domaines, on en trouve. Nous avons l’Etat qui a mis en place une autorité en charge de cela (Autorité nationale d’assurance qualité, ANAQ : NDLR). Mais qui est le meilleur des juges ? C’est le parent. Il peut ne pas être suffisamment informé sur le monde de l’entreprise qui va recruter. Si tous les diplômés d’une école restaient au chômage, cette école ne peut que disparaître. Ce n’est pas possible. J’ai confiance aux ressources humaines de mon continent, du Sénégal. Nous avons cette force, un corps professoral en mesure d’accompagner la jeunesse sénégalaise et africaine. N’oubliez pas que dans nos écoles, souvent on a plus du tiers constitué d’étudiants venus d’autres pays. Cela veut dire qu’ils ont confiance au Sénégal. C’est à nous tous de soutenir ce label ‘’made in Sénégal’’ plutôt que d’en dire du mal.

Quel est le taux d’insertion à l’ISM ?

Nous formons des entrepreneurs. Chaque diplômé a créé une entreprise. Si c’est cela le taux, c’est 100%. Puisque chaque diplômé doit créer une entreprise.

Combien de diplômés compte l’école ?

On est à 20 000 Africains qui, aujourd’hui, sont partout. Il y a toutes les fonctions du pays. Il y a des entreprises entières dans le secteur des banques ou encore des télécoms où on trouve nos diplômés. Un Sénégalais ne peut pas se lever le matin, mener une activité sans rencontrer un diplômé de l’ISM. Ce n’est pas possible.

Vous avez noué un partenariat avec Galileo. Qu’est-ce qui explique ce choix ?

Il y a deux aspects dans ce partenariat. Nous sommes une entreprise qui a 25 ans et qui, à un moment, a besoin de faire un nouveau saut. Ça a été le cas après les 10 ans. On a fait appel à des équipes militaires pour nous aider dans la rigueur. Nous avons aujourd’hui besoin d’outils nouveaux, de méthodes nouvelles en termes d’organisation, de ressources humaines et de ressources financières. Nous avons fait appel à un leader mondial qui va nous aider dans cela, Galileo en l’occurrence. 3e opérateur en Europe en termes d’éducation. Il va nous accompagner et on en est fort heureux. Il est partout dans le monde et c’est notre manière d’imposer notre marque ISM à travers le monde entier.

L’avenir d’Amadou, c’est à l’ISM ou bien vous avez d’autres perspectives ?

A la limite, je pense que j’ai été piqué à l’ISM. Cette école est ma drogue. Je vis de l’ISM. La culture est une de mes passions tout comme l’art contemporain, la jeunesse africaine, etc. J’apprends à mes étudiants à s’intéresser à beaucoup de choses mais tout ceci autour d’un beau projet que j’ai mis en place il y a 25 ans et qui était le premier business school. L’ISM et Amadou Diaw, c’est pour la vie.
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