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Résolution de la crise gambienne: Le dilemme de la CEDEAO
Publié le jeudi 12 janvier 2017  |  Enquête Plus
Mini-Sommet
© Présidence par DR
Mini-Sommet de la CEDEAO consacré à la Gambie à Abuja
Abuja, le 11 janvier 2017 - Le président de la République Macky Sall a pris part au mini-sommet de la Communauté économique des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) consacré à la situation en Gambie.




Une affaire, deux options différentes. Engagée à résoudre l’impasse dans laquelle se trouve la Gambie, la CEDEAO a du mal à dégager une position consensuelle sur cette question. Règlement diplomatique ou intervention militaire ? Cette indécision fait le lit d’une situation inconfortable pour tout le monde. Pendant ce temps, le Président Yahya Jammeh reprend du poil de la bête, déroule et nargue la communauté.

Le temps presse. A huit jours de la date fatidique de l’investiture d’Adama Barrow (19 janvier), l’incertitude sur une sortie honorable, négociée ou diplomatique du Président Yahya Jammeh n’est plus une donne à négliger. Ceci au regard de l’évolution des événements, des discours et de la posture belliqueuse de l’homme fort de Kanilai. Le Président gambien, après son revirement spectaculaire, ne cesse de rester sourd aux invites des émissaires de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dépêchés pour le raisonner. Défiant cette organisation, il s’est permis, dans son dernier discours à la nation, de formuler des menaces à l’égard de la CEDEAO. Le Président Jammeh de laisser entendre que son ‘’recours est tout à fait légitime’’.

‘’J’ai contesté les résultats des élections parce qu’ayant des doutes sur la fiabilité de ceux-ci. Il m’était légiféré de pouvoir déposer un recours auprès de la Cour suprême pour un recomptage des voix. Seulement la Cedeao veut, à tout prix, faire des résultats du 1er décembre quelque chose d’irrévocable. C’est comme si elle voulait la guerre. Avec ce procédé, elle nous la déclare.’’ Les mises au point de la CEDEAO, il les qualifie de ‘’forcing’’. Loin d’être ébranlé, il avertit que son gouvernement ne compte pas céder d’un seul iota. Pas de reculade ! ‘’Pour la défense de notre souveraineté, mon gouvernement est largement prêt à faire face. Nous sommes des patriotes. La Gambie est indépendante, souveraine, avant toute autre chose.’’

Gardant le cap, Jammeh cogne sur la CEDEAO. Et pourtant, le président de la commission de cette organisation, Marcel Alain de Souza, avait révélé que les forces d’attente de la CEDEAO étaient prêtes pour une intervention militaire face à un éventuel refus de Yahya Jammeh de céder le pouvoir au nouveau Président élu Adama Barro. ‘’(…) Toute une stratégie est mise au point par l’ensemble des chefs d’Etat pour parler un langage de fermeté et envoyer des signaux forts pour que Yahya Jammeh comprenne que nul ne doit s’opposer à la loi’’, avait-il laissé entendre. Précisant tout de même qu’ils n’espèrent pas en arriver à une intervention armée. ‘’C’est pourquoi le Président Macky Sall et d’autres chefs d’Etat ont souhaité que le Président Buhari, qui a été nommé médiateur, et le Président John Dramani Mahama (président sortant au Ghana) co-médiateur, puissent faire entendre raison à M. Yahya Jammeh.’’

Butant sur la fermeté de Yahya Jammeh qui agit sans concession aucune, la CEDEAO semble avoir, aujourd’hui, mis de l’eau dans son vin. Elle a radicalement modéré son ton musclé du tout début de cette crise. Autrement dit, au sein de cette structure qui regroupe des pays de l’Afrique occidentale, l’intervention militaire, dit-on, n’est plus d’actualité. D’ailleurs, la semaine dernière, lors de l’investiture du nouveau Président ghanéen Nana Akufo-Aaddo, la CEDEAO en a profité pour tenir une rencontre ‘’improvisée’’ sur cette crise. ‘’L’instance souhaite résoudre la situation gambienne en toute diplomatie’’, soutenait Ellen Johnson Sirleaf, Présidente du Libéria, par ailleurs émissaire de la CEDEAO. Cette formule pacifique, souffle-ton, vise à ‘’préserver le climat pacifique qui règne dans cette région d’Afrique’’.

‘’Une intervention militaire entraîne toujours des morts’’

Le Président Alpha Condé, lui, ne veut pas entendre parler d’intervention militaire en Gambie. La semaine dernière, à l’occasion de son séjour à Ankara, le chef d’Etat de la Guinée a plaidé l’option diplomatique pour sortir la Gambie de l’ornière. A la télévision turque, revendiquant son amitié avec le Président Jammeh, le chef d’Etat guinéen avait insisté sur le dialogue. ‘’Tout le monde sait que j’ai d’excellentes relations avec le Président Yahya Jammeh. Il l’a dit dans Jeune Afrique qu’il n’a que deux amis en Afrique : le Président Mugabe et moi. (…). J’espère que le moment venu, nous allons discuter avec lui pour qu’on essaye de trouver une solution. Je ne crois pas que l’intervention militaire soit une bonne solution. Elle entraîne toujours des morts. Et j’espère qu’on pourra l’éviter par le dialogue.’’

Dans ce contexte africain marqué par un climat d’insécurité lié au terrorisme et la circulation des armes légères, une intervention militaire peut avoir des conséquences effarantes. Déplacement forcé des populations installées entre la frontière sénégalo-gambienne, l’amplification du conflit en Casamance, entrave à la circulation des personnes et des biens… Tous ces paramètres sont donc à intégrer dans la réflexion autour d’une intervention armée. Le journaliste et communicant Momar Seyni Ndiaye, d’alerter : ‘’Une intervention militaire en Gambie aurait des conséquences désastreuses, surtout si le Sénégal doit être en ligne de front pour diriger les opérations. (…) Le Président Yahya Jammeh a développé autour de lui des groupes de mercenaires, des rebelles venus de la Sierra Leone. Et ils le tiennent presque en otage. C’est une personne schizophrène (…) qui n’a jamais eu la volonté de partir.’’ A l’en croire, il appartient aux Gambiens de se lever et de réclamer le résultat des urnes. Le journaliste est conscient de la capacité de nuisance de Yahya Jammeh.

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle il invite les chefs d’Etat de la CEDEAO à faire preuve de beaucoup de prudence par rapport à cette situation. ‘’Je sais que toute action militaire en Gambie aura forcément des dégâts collatéraux sur notre pays. Pas seulement sur la Casamance, mais aussi dans la région du Sine Saloum. Il va y avoir des phénomènes comme des réfugiés qui vont venir. (...) La Gambie est dans le Sénégal. Donc, il ne peut pas y avoir des difficultés d’ordre militaire dans ce pays sans que le Sénégal ne soit concerné. Encore une fois, j’en appelle à la négociation, à prôner le dialogue et à raisonner Yahya Jammeh’’, milite de son côté le leader l’Ucs, Abdoulaye Baldé, par ailleurs ancien ministre des Forces armées du Sénégal sous le régime d’Abdoulaye Wade.

Dépêchés en Gambie pour raisonner le Président Jammeh, les premiers émissaires de la CEDEAO ont quitté ce pays sans le convaincre. Ils ont quitté le sol gambien bredouille. Créée en 1977, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest devait, selon les termes officiels de l’organisation, ‘’favoriser la croissance économique et le développement en Afrique de l’Ouest’’. Et elle groupe 15 Etats membres. En 1978, elle s’est dotée de prérogatives diplomatiques et a adopté un pacte de non-agression pour aider au maintien de la paix dans la zone. Avec la mise en place, en 1990, d’un groupe pour contrôler l’application de cessez-le-feu, l'Ecomog, ce groupe de supervision devient le bras armé de la communauté. Le Nigeria, le Bénin, le Burkina Faso, la Gambie, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal et la Sierra Leone fournissent les contingents militaires. Et les interventions sont décidées lors de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, la plus haute instance de décision de la CEDEAO.
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