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Avis d’inexpert par Jean Meissa Diop: Quand courent les rumeurs…
Publié le mardi 3 janvier 2017  |  Enquête Plus
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Le CORED se penche sur les perdiems dans la presse
Dakar, le 24 août 2016 - Le Conseil pour l`observation des règles d`éthique et de déontologie dans les médias (Cored) a tenu un "Cas d`école" sur le thème: "les perdiems et/ou frais de transport: corruption institutionnalisée dans la presse". Photo: Jean Meissa Diop, journaliste




La fabrique à rumeur et les officines qui l’élaborent et la répandent semblent fonctionner à plein régime par ces temps de crise en Gambie et d’intervention militaire internationale pour contraindre le prétorien Yahya Jammeh à remettre le pouvoir au civil qui l’a vaincu à l’issue d’une élection démocratique et transparente. Ça manipule, désinforme et répand la rumeur ; de la plus vraisemblable à la plus loufoque.

La plus fumeuse de ces derniers jours est le renversement et l’arrestation du président Jammeh par un des officiers de son armée, le général Badjie, en l’occurrence. Apparue sur la blogosphère (dénomination de l’internet et de ses réseaux sociaux), elle s’est répandue aussi vite qu’une traînée de poudre réveillant crédulité et incrédulité chez les internautes. Ici et là, on s’est réjoui de la ‘’nouvelle’’, mais les plus précautionneux y sont allés avec des pincettes. Et il est heureux de constater que la presse, véhicule de premier choix de fausseté de ce style, ne s’y est pas laissée prendre.

La rumeur est, avec la manipulation, un des phénomènes contre lesquels le journaliste se heurte dans la collecte et le traitement de l’information. Parce que, comme d’aucuns le définissent en caricaturant, mais avec pertinence, ‘’la rumeur est le marché noir de l’information’’. Elle peut paraître ‘’trop grosse’’ pour mériter un intérêt rédactionnel. Et pourtant, elle ne mérite pas tant que cela un dédain tranchant ; comme toute autre information, elle doit être vérifiée, si tant est que, comme on dit dans les rédactions, ‘’toute information non encore vérifiée n’en est pas une’’. La rumeur peut être porteuse d’un ou de plusieurs indices pouvant mener à des faits réels, mais que le journaliste ne trouvera qu’en vérifiant, plutôt que se limiter aux attitudes primesautières et aux présomptions pour publier ce qui se révèlera contre-vérité.

Un des problèmes avec la rumeur, c’est qu’elle est mal ou pas du tout ‘’sourcée’’ ; personne ne sait d’où elle provient ni qui l’a propagée à une échelle si vaste, à l’ampleur si insoupçonnée… On citera de longs extraits la chronique de Sidy Diop parue dans ‘’Le Soleil’’ du 04 juillet 2014 : ‘’C’est parfois l’image d’un marabout aperçu sur un mur obscur d’un coin paumé qui fait courir la foule, parfois c’est un poisson miraculeux qui porte des écritures coraniques, si ce n’est des cafards dans des bouteilles d’eau minérale ou encore des pastilles fabriquées avec de la graisse de porc.

‘’Une folle rumeur a circulé récemment à Dakar. En effet, d’après les témoignages de plusieurs personnes, une 4X4 distribuait « généreusement » de la viande, 10.000 F CFA et un mètre de « percale » (tissu qui sert de linceul aux musulmans décédés) à titre d’aumône aux passants. Mais, ‘’toutes les personnes qui ont eu à recevoir cette aumône (offrande ?) ont piqué une crise avant de rendre l’âme’’.

‘’A Pikine, Guédiawaye, Médina ou Grand-Dakar, localités où il y aurait eu des « victimes à la pelle », l’existence de cette 4X4 de la mort n’a pu être confirmée. Ainsi sont les rumeurs.

Elles se transmettent très vite, se propagent, sont analysées, commentées, disséquées, confirmées ou infirmées, etc. (…) un phénomène tellement complexe qu'il est encore difficile d'en démonter les mécanismes’’.

Certes, elle diffuse de l’information, mais la presse n’a pas vocation à colporter de la rumeur. L’imprudence peut et a mené au désastre, par exemple dans les années 90, en 1997 si j’ai bonne mémoire. Qui a oublié la délirante chasse à l’étranger et les réflexes xénophobes déclenchés par des rumeurs autour de prétendus ‘’voleurs de sexe’’ venus d’Afrique centrale ? Au moins une personne trouva la mort dans la folie qui s’était emparé de Dakar. Une emprise si forte qu’il suffisait d’avoir un certain faciès et de serrer la main à des individus fragiles d’esprit pour que ces derniers se sentent émasculés sans que, à la vérification chez certains par le commissaire central de l’époque, Amadou Tall, rien ne donna la preuve d’une spoliation de leurs attributs masculins.

Des années plus tard, un journal publia une information sur exactement le même sujet. Ses dirigeants se firent admonester par un vieux journaliste déplorant que la leçon de la rumeur de 1997 ne semblât pas avoir été retenue. Et même si une rumeur s’avère porteuse d’une information, son traitement devra être fait avec beaucoup de responsabilité plutôt qu’avec beaucoup d’objectivité. Oui, je refuse de me laisser entraîner dans ces raisonnements et définitions qui font de l’objectivité une valeur cardinale du journalisme. Sans la responsabilité, l’objectivité n’est rien. Autrement dit, une information vraie et vérifiée peut être porteuse de nuisance ; et le journaliste responsable s’abstiendrait de la diffuser. Les intégristes de l’objectivité parleraient d’autocensure ; qu’à cela ne tienne ; ils auraient tort d’ailleurs.

C’est une rumeur (s’il ne agit d’une manipulation par les services officiels) qui sembla avoir sauvé le Sénégal d’une nuit d’émeutes quand l’équipe nationale de football fut éliminée dès le 1er tour à la Coupe d’Afrique des Nations en Egypte en 1986, autrement appelée ‘’Caire 86’’ une traumatisante dénomination. Une astucieuse ‘’source’’ fit croire que, en fait, le Sénégal reste dans la compétition en raison d’une réserve introduite et visant un joueur ivoirien disqualifié et disqualifiant, de facto, son pays, la Côte d’Ivoire. La tension retomba pour ne pas remonter quand la supercherie fut éventée. Le coup fourré était trop professionnel pour qu’on ne soupçonnât pas une officine de l’Etat d’en être l’auteur.

La rumeur et la manip’ peuvent avoir du bon…
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