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Procès Barthélémy Dias: Chronique d’une affaire alambiquée
Publié le mardi 8 novembre 2016  |  Enquête Plus
Référendum
© aDakar.com par MC
Référendum - Le maire de Mermoz Sacré-Coeur a voté
Dakar, le 20 mars 2016 - Les opérations de vote suivent leur cours dans le centre de vote de l`école Mass Massaër Niane 1 des Baobabs. Le maire de Mermoz Sacré-Coeur, Barthélémy Dias y a accompli son devoir civique. Photo: Barthélémy Dias, maire de Mermoz Sacré-Coeur




La Commission Ad hoc de l'Assemblée nationale convoque le député Barthélémy Dias demain à 10h, dans le cadre de la demande de la levée de son immunité parlementaire. Le premier acte du procès à venir. Celui d’une approche violente de la politique, des coups bas et des règlements de comptes. En quelque sorte le procès du régime sortant, qui risque d’être riche en déballages. Même s’il reste encore suspendu à la question des commanditaires, il y a 5 ans, des investigations ont été menées et des déclarations et révélations faites. Retour sur une affaire alambiquée.

Le 22 décembre 2011, en fin de matinée, 4 pick-up remplis de nervis, venant du siège du Pds, prennent position devant la mairie des Sicap Baobab. Il s'ensuit des échauffourées entre les assaillants et les partisans du maire Barthélémy Dias, lors desquelles, des coups de feu sont échangés. À la suite de ces incidents, on apprend la mort, dans l’après-midi, de Ndiaga Diouf atteint par une balle de 9mm. Commence une longue procédure judiciaire de 5 ans riches en déclarations, révélations et prises de position.

Rapidement, les investigations menées par la Sûreté urbaine du Commissariat central de Dakar conduisent à de nombreuses arrestations. Le maire Barthélémy Dias, Habib Dieng son garde du corps, Cheikh Makiyou Siby, Seydou Oumar Mangane, les lutteurs Maodo Sèye Coulibaly et Bathie Diaw, tous deux pensionnaires de l'écurie Rock énergie, et d'autres supposés membres de l'équipe d'assaut contre la mairie de Mermoz sont envoyés à Rebeuss. Malgré ces emprisonnements, la Sûreté urbaine intensifie la traque des responsables et commanditaires présumés, de même que l'identification de l'arme du crime, entre autres.

En janvier 2012, Jean Paul Dias réagit à travers un communiqué pour dénoncer une enquête ''partiale, partisane, unidirectionnelle'' qui laisse en rade les véritables commanditaires pour s'attaquer à des seconds couteaux. Dans la même note, le père de Barthélemy Dias dénonce l'immixtion du ministre de l'Intérieur dans ce dossier, convaincu qu'Ousmane Ngom ''téléguide, contrôle et manipule'' l'enquête. ''Dans son parti pris, la police concernée s’est totalement disqualifiée, laissant émerger son manque de professionnalisme, d’éthique républicaine et de sérieux'', écrit-il. Avant d’inviter la police à ‘’arrêter de noyer le poisson en organisant des simulacres d’audition des organisateurs principaux de la tentative d’assassinat sur la personne du maire Barthélemy Dias (Bro, Abdoulaye Faye etc..) qui sont libres''. Dias père ne manque pas d’exiger la libération sans condition de son fils.

Me Ousmane Ngom : ‘’On ne peut parler de défense légitime’’

Il faut dire qu’une semaine plus tôt, le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom charge le jeune socialiste. ''Dans cette affaire, dit-il, les tirs proviennent d’un camp des protagonistes et autant les blessés graves que la personne qui a été tuée n'appartiennent qu'à un seul camp. Cela veut dire ce que ça veut dire.'' Me Ngom de poursuivre : ''personne ne peut échapper à la justice dans ce type d'événement'' et surtout, personne n’a le droit d’utiliser la violence, même pour se défendre. C’est l’Etat qui a le monopole de la violence légale dans un Etat de droit. Tout le monde a pu constater que là, il s’est agi de dérapage inacceptable. On ne peut parler de défense légitime.'', martèle le ministre avant d’enfoncer le clou : ''C’est la presse qui a fourni les éléments importants qui permettent de constater qu’il s’est agi de façon délibérée de poursuivre les gens et de tirer sur eux comme si on était au Far-West.''

Dans sa sortie, le ministre ajoute pourtant qu'''il n’est pas acceptable que des milices ou des nervis s’attaquent à un camp quelconque. Et lorsque cela se produit, dit-il, nous avons le devoir d’y mettre un terme.''

Khalifa Sall : ‘’On a des noms’’

En marge du vote du budget 2012 de la ville de Dakar, le maire Khalifa Sall dit son indignation du traitement fait de l'attaque de la mairie de Baobab-Sacré-Cœur. ''C'est le maire Barthélémy Dias, agent public doté de pouvoir d'officier public et agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions, qui a cherché à préserver une institution, qui est aujourd'hui traîné dans la boue, parce qu'agressé par des gens qu'on cherche à couvrir.'' Considérant cette situation inacceptable, le maire enjoint les policiers de ''situer les responsabilités''. Dans la mesure où, poursuit-il, ''ce sont des nervis payés par le Pds qui sont venus attaquer une institution et un maire''.

Très en colère, le responsable socialiste de menacer de révéler à l'opinion ce que les socialistes savent de l'affaire, si l'enquête n'est pas correctement menée. C'est-à-dire appréhender les nervis et leurs commanditaires. ''On a des noms. Il ne faut pas qu'ils nous poussent à donner des noms. On sait celui qui a donné les voitures. On sait celui qui a recruté. On sait celui qui coordonnait. On sait celui que ces gens ont appelé quand le commissaire de Dieuppeul les a renvoyés. On sait plusieurs autres choses'', dit-il.

Ce que dit le certificat de genre de mort

Dans cette affaire, le certificat de genre de mort établi par le Professeur Victorino Mendès, Professeur titulaire au service d'anatomie et de cytologie pathologique du pavillon Bichât de l'hôpital Aristide Le Dantec, indique une « mort à la suite de coups et blessures par arme à feu ». La balle qui a tué le sieur Ndiaga Diouf a perforé le poumon droit et le cœur du corpulent athlète, sur une portée de moins de 100 mètres. Le document auquel EnQuête a eu accès parle aussi de plaie traumatique circulaire du poumon droit et du cœur droit. Le projectile a été retrouvé à ''3 centimètres de l'origine de l'aorte'', après un examen radioscopique. Par la suite, le très réputé Professeur Mendes, qui a réalisé l'autopsie, a pu extraire la fameuse balle, un calibre 9 millimètres.

Dès lors, le travail de la Police scientifique s’en trouve facilité. Puisqu’elle a la possibilité de savoir si la balle est effectivement sortie du revolver Taurus de calibre 9 millimètres du leader des Jeunesses socialistes.

Pendant ce temps, entendu par les enquêteurs, le maire de Mermoz-Sacré-cœur balaie d'un revers de main les accusations d'homicide volontaire portées contre sa personne. Barthélémy Dias évoque la présence d'un tireur embusqué dans la buvette située à côté du siège de la Mairie. Il indique que ses tirs visaient plutôt ce « sniper » inconnu que les nervis qui ont pris d'assaut la devanture de la mairie dès 10 heures du matin.

Perquisitions, auditions et plongées sous-marines pour retrouver l'arme du crime

Trois mois après les faits, en mars 2012, lorsque le commissaire de Police, chef de la Sûreté urbaine de Dakar, fait parvenir ses conclusions dans le cadre de l'affaire, les éléments du dossier sont loin de prouver la culpabilité de Dias-fils. En effet, ils prouvent que l'expédition punitive contre le maire de Sicap Mermoz-Sacré-Cœur a non seulement été bien planifiée, mais encore, des éléments appartenant à la garde rapprochée du Président Wade font partie du coup. Pour le reste, aucune preuve que Barthélémy Dias a effectivement tué n'est apportée. Les éléments contenus dans le rapport de la Division de la Police technique et scientifique transmis à la Police le 19 janvier 2012, égrènent un chapelet d'impasses.

Parmi les différents étuis de 9 mm et 8 mm de calibre, extraits du corps de Balla Diouf (un seul étui) et des corps de plusieurs blessés à l'image de Cheikh Diop, Malick Thiombane, Pape Leyti Bâ, seuls les étuis de calibre 9 mm proviennent du pistolet de marque Taurus Pt 917 Cs Tvl 11733 appartenant effectivement à Barthelemy Dias. L'examen de la balle Wad Cutter extraite du corps de Ndiaga Diouf prouve bien que c'est le même revolver qui a blessé plusieurs nervis qui a tué Ndiaga Diouf. Et pourtant, les limiers de la Sûreté urbaine de Dakar ne trouvent pas d'indices crédibles menant vers Barthélémy Dias.

Instruits par le juge du premier cabinet, pour surtout « poursuivre leurs investigations en vue de retrouver la deuxième arme réelle de type revolver barillet qui serait détenue par Jean-Paul Dias », les enquêteurs se rendent jusqu'à Rufisque, suivant des indices d'un dénonciateur, pompiste de profession. Ce dernier révèle à la police avoir vu un homme prenant la direction de la mer, qui détenait par devers lui un sachet où était enveloppé un objet ressemblant à une arme à feu. Il déclare avoir vu l'homme jeter le sachet dans la mer, à côté de la gare maritime de Rufisque.

Ayant vu une photo de l'homme à la Une de l'Observateur, le pompiste s'est alors rendu à la Police centrale de Dakar pour donner ces éléments aux enquêteurs qui ont vite fait de procéder, dès le 17 janvier 2012, entre 13 heures et 14 h 15 minutes, à une perquisition au domicile de Sylvain Doreigo à la Sicap Baobab, sans rien trouver de compromettant. Ce dernier nie s'être rendu à la plage de Rufisque le 27 décembre 2011. « Mais curieusement, la géolocalisation de son téléphone portable n'a pu être faite du fait que durant toute cette journée, il avait éteint son appareil», révèle alors une source judiciaire proche de l'enquête. Ensuite, Sylvain n'a pu être identifié durant la présentation à témoins. Egalement, la plongée sous-marine des Sapeurs-Pompiers n’a pas permis de trouver la prétendue arme à feu.

Les confessions de ‘Ndiol’

En février 2012, l’audition de ‘Ndiol’, Samba Diouf de son vrai nom, ''membre de la sécurité privée du Parti démocratique sénégalais'', comme il se définit lui-même, révèle des choses importantes. ''Contrairement à ma première déclaration, il (Ndlr, Abdoulaye Diène, garde du corps du Président Wade) m'a remis les clefs de 5 véhicules. Il s'agit de 4x4 Pick up Tata et L200 appartenant au Parti démocratique sénégalais'', révèle ‘Ndiol’ aux limiers de la Sûreté urbaine. ‘’L'initiative de me rendre sur ces trois lieux (Ndlr, chez Bathily, Tine et Dias) est venue de moi. Cependant, la coordination et la planification ont été convenues au terme d'un échange que j'ai eu avec Cheikh Diop et Sa Américain dans les locaux de la Permanence du Pds''.

Autre confidence : ''Nous avons tenu informé Abdoulaye Diène que j'ai joint au téléphone pour l'informer de notre action (…). J'ai également appelé pour lui dire ce qui se passait et à la fin de la mission, je lui ai rendu compte'', confesse-t-il. Avant d’assurer que le but du jeu n'était pas de tuer, mais de faire peur et mettre en garde contre toute tentative de sabotage du meeting prévu par la formation libérale. ''En fait, nous connaissions bien le maire Barthélémy Dias comme quelqu'un qui a la gâchette facile et qui, pour un rien, fait usage de son pistolet. Ayant à l'esprit cela, nous nous étions préparés à tout'', déclare-t-il aussi devant les policiers.

En effet, le jour des faits, le téléphone sonne entre celui de ‘Ndiol’ et celui de Diène, garde du corps du Président Wade, quinze fois. Ce, entre 11 heures et 16 heures. Plus d'une dizaine de fois, entre 11 heures et midi. ''Toutes ces communications avaient pour but de lui rendre compte de ce qui s'est passé sur les lieux'', reconnaît Ndiol qui avoue d'ailleurs ''avoir menti lors de son précédent interrogatoire'', lorsqu'il s'est agi de protéger le body guard du Président. Abdoulaye Diène était bien présent au siège du Pds, au moment où les nervis quittaient la Voie de dégagement Nord (Vdn), pour assiéger la mairie de la Sicap-Mermoz. ''Sa présence était justifiée par le fait qu'il est le Coordonnateur de la Sécurité présidentielle et celle privée du Parti démocratique sénégalais'', assure Ndiol.

« Je n'ai pas besoin de me démettre de mon immunité parlementaire’’

La suite, Barthélémy Dias, bien que dans les liens de détention, est investi à la 9ème position de la liste nationale de Benno Bokk Yaakaar et élu député, lors des élections législatives. Après 5 mois de détention préventive, il bénéficie d'une liberté provisoire sous contrôle judiciaire. En novembre 2012, lorsque le dossier de la fusillade est relancé, le maire se dit prêt à répondre à la justice de son pays. « Je souhaite que toute la vérité éclate dans cette affaire. C'est un dossier qui n'a jamais été clôturé. Il avait été retardé du fait que certaines personnes devaient être entendues par le doyen des juges’’. Barth ajoute que « la responsabilité du PDS et de monsieur Abdoulaye Wade dans cette affaire, dans ce crime, ne souffrent d'aucun doute ». Toutefois, contrairement à sa position d’aujourd’hui sur la levée de son immunité, il dit : « Je n'ai pas besoin de me démettre de mon immunité parlementaire. La justice reste une institution. Je suis un républicain, et je me dois de respecter toutes les institutions.»

Compte à rebours

En octobre 2016, le maître des poursuites cite le député-maire Barthélémy Dias à comparaître. Toutefois, au tribunal, il estime que le prévenu ne peut pas être jugé, compte tenu de son immunité parlementaire. La semaine dernière, la commission ad hoc devant statuer sur la demande de levée de l’immunité parlementaire de Dias fils formulée par le Procureur général près la Cour d’Appel de Dakar via le ministère de la justice a été mise en place. Soumise au vote, elle a été adoptée presque à l’unanimité par les députés de la douzième législature. Ces derniers ont ainsi ratifié une liste composée de 11 députés dont 8 membres pour le groupe parlementaire Benno bokk yaakaar (BBY), 2 pour les Libéraux et démocrates et 1 pour les non-inscrits. Ils sont chargés de statuer sur la question, dès demain, en auditionnant Barthelemy Dias.
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