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Ousmane Tanor président du Hcct: Le Plafond de ‘‘Verts’’
Publié le mercredi 2 novembre 2016  |  Enquête Plus
Macky
© aDakar.com par DR
Macky Sall réunit sa coalition pour une victoire du "OUI" au référendum
Dakar, le 04 mars 2016 - Le président de la République Macky Sall a réuni la coalition "Benno Bokk Yakaar" pour lancer son offensive en faveur de la victoire du "OUI" au référendum du 20 mars prochain. Photo: Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général national du Parti socialiste




Le nouveau président du Hcct est tel un sphinx qui renaît des cendres d’une adversité politique qui a laissé beaucoup de camarades socialistes sur le carreau.

A moins d’un séisme, que même le plus inspiré des metteurs en scène hollywoodien ne pourrait imaginer, Ousmane Tanor Dieng, 70 hivers en janvier prochain, ne sera pas président de la République du Sénégal. Soit ! Le socialiste en chef se contentera de l’ersatz institutionnel qu’est la présidence du Haut Conseil des Collectivités territoriales (Hcct). ‘‘Manifestement, c’est une récompense. C’est la conception que Macky Sall se fait de la gestion partagée des institutions et de l’administration. Tanor accepte d’être une variante avec l’actuel président, comme il l’a été avec Diouf’’, confie un analyste politique qui tient à garder l’anonymat.

Un poste qui vient s’agglutiner à la ribambelle de fonctions qu’il a occupées depuis 1976. Député à l’Assemblée nationale, président du groupe parlementaire socialiste ; ministre d’Etat, ministre des Services et des Affaires présidentiels, Directeur de Cabinet, puis Ministre Directeur de Cabinet du Président Abdou Diouf, Conseiller diplomatique du Président Abdou Diouf, Conseiller diplomatique du Président Léopold Sédar Senghor, Conseiller chargé des Affaires internationales au Ministère des Affaires étrangères (Division Afrique, Division ONU, Secrétariat Général)..., OTD a assurément un profil technocrate.

Art martial

Passe donc cette incohérence, ce pied de nez à la démocratie qui veut qu’un président nommé dirige une institution où une bonne moitié des membres sont élus. Celui qui naguère pensait que ‘‘les victoires électorales sont des victoires techniques’’, dixit l’analyste, a la particularité d’être un homme d’apparence zen, taciturne. Le calme qu’il dégage, la voix fluette, les gestes raffinés, et la sympathie ou nonchalance qui en découlent ne sont pas un faux-semblant. L’ancien collégien de Gandon, Saint-Louis, qui aimait revenir dans sa localité natale de Nguéniène (Mbour) en hivernage pour aider dans les travaux champêtres, est vraiment d’un naturel flegmatique, presque stoïque, dans un milieu où cette qualité passe plutôt pour un handicap. ‘‘Les plus grandes douleurs sont muettes’’, aime-t-il dire dans son entourage, selon Abdoulaye Willane. Un trait de caractère certainement hérité d’une ascendance maraboutique paternelle, d’un milieu sérère où l’exubérance est pratiquement péché, et d’une pratique sportive relaxante comme le yoga, la marche et les arts martiaux.

‘‘Il est jovial, agréable, d’un commerce facile, souple diplomatiquement. Il ne fait pas de calculs ou de combines. C’est un homme d’équilibre presque introverti. Il n’est ni avare ni prodigue’’. A écouter le maire de Kaffrine et porte-parole du Ps, on donnerait à Tanor le Bon Dieu sans confession. Willane est d’autant plus ravi que la vie privée de Tanor ne pollue pas l’espace public. ‘‘Il n’y a personne qui pourrait vous dire le nom d’une de ses femmes’’, se félicite-t-il. Son protecteur bienveillant, le président Diouf, est également élogieux dans ses ‘‘Mémoires’’. ‘‘C’était un garçon méthodique, sérieux, travailleur et cultivé’’, écrit l’ancien chef d’Etat. Mais d’après cet observateur anonyme, ces qualités humaines du président du Hcct ne sont que circonstancielles.

‘‘Tanor, en son temps, était cassant et arrogant. La défaite de 2000 l’a rendu humble, mais c’est un homme de rapports de forces. Il domine ou il se soumet. Il s’est soumis à Diouf et a dominé les autres que le président a mis sous son autorité. Il y a une dialectique du commandement et de la soumission chez lui, comme chez beaucoup d’hommes de pouvoir d’ailleurs’’, analyse-t-il. Comme preuves, il lui attribue la paternité de la systématisation de la transhumance mise en spectacle, de la formule adorée des libéraux sur ‘‘la constante et les variables’’, et la non-concession de prérogatives à l’adversaire, en cas de supériorité... et bien d’autres. Dans sa gestion du parti le plus structuré du Sénégal, il ne faut pas donc l’imaginer en homme du palais vociférant. S’il est omniprésent, c’est plutôt en marionnettiste qui, en touches discrètes, imprime aux autres les mouvements qu’il souhaite. ‘‘C’est un homme ambigu, un autoritaire fondamental’’, poursuit l’analyste.

Facteur bloquant

Tanor a eu la chance, ou la malchance d’avoir connu un parcours politique plutôt soft dans un parti qu’il a intégré à partir du Gouvernement grâce à la bienveillance, certains parlent de complaisance, d’Abdou Diouf. En 1995, ce dernier qui sortait d’une hospitalisation de la hernie discale se rend compte qu’il est temps de passer le témoin de la direction d’un parti où les clignotants sont au vert. Désireux de dissocier sa charge présidentielle de celle de secrétaire général du Ps, il se heurte au refus de ses camarades socialistes qui l’obligent finalement à une parade. Il crée le poste de président (honoraire) du parti, ainsi que le poste de premier secrétaire qui s’attellerait à gérer le parti. Un consensus se dessine autour du ministre d’Etat chargé des Affaires présidentielles OTD. L’appel d’air créé par le départ de l’influent ministre d’Etat Jean Collin est une coïncidence heureuse pour le collaborateur de Diouf.

En mars 1996, trois ans après un directorat de campagne victorieux, il est installé à la tête du parti, passant par le haut de l’entonnoir et coiffant au poteau le besogneux secrétaire politique Moustapha Niasse et surtout un ambitieux secrétaire à la jeunesse Djibo Leyti Ka, alors en pleine émergence, qui lui en vouera une inimitié légendaire. La rencontre sera plus tard et depuis qualifiée de Congrès sans débats. En plus d’une charge ministérielle plus proche d’un commissaire politique soviétique ‘‘qui faisait qu’il était le Premier ministre de fait’’, souligne l’analyste, ce fameux congrès sans débats vint le blinder comme incontestable et incontesté numéro 2 du parti derrière un Diouf qui avait ‘‘tendance à déléguer ses pouvoirs’’. ‘‘Pour Tanor bien sûr, c’est une position en or, puisqu’il était à la fois le plus proche du chef de l’Etat et le collaborateur le plus proche du chef du parti’’, a dû concéder le Président Diouf dans ses Mémoires tout en se défendant d’avoir voulu le parachuter.

Résistances

L’énarque aux cheveux sel-poivre qui a dernièrement tropicalisé son dressing code, préférant la sobriété des ‘sabadoor’ à la justesse des coupes anglaises, a dû agir comme tout bon politique. Il lui a fallu feindre, envoyer un émissaire au besoin, en changer, rester évasif, trouver un compromis, le dénoncer, reprendre tout à zéro, manœuvrer encore, sans vraiment rien céder sur le fond, pour arriver à ses fins. L’homme, cultivé comme tout bon ‘Senghorien’, qui aime se livrer à ‘‘des pérégrinations livresques’’, a dû faire preuve de génie pour sortir le Ps des abysses de l’après-défaite. Malgré un manque de charisme évident, OTD aura eu le mérite d’avoir protégé les Verts durant les années de fer après l’Alternance. La décennie 2000-2012 aurait pu voir le démantèlement du parti sous les coups de boutoir libéraux.

En ce temps, le parti de Senghor n’était qu’une toute petite oasis verte qu’un moment d’abandon risquait de ramener au désert, constamment à la merci de vents de sable déclenchés par ‘‘l’ennemi’’ politique héréditaire, Abdoulaye Wade, dont OTD a travaillé à sa participation au premier Gouvernement de majorité présidentielle élargie en 1995. Menacés par ce rouleau compresseur, des cadres socialistes ont dû rejoindre, de force plutôt que de gré, les prairies bleues. ‘‘Il a ramassé par morceaux les débris qui restaient et avec une patience digne de Pénélope, il a constitué une carapace contre Abdoulaye Wade’’, témoigne Ablaye Willane. Le principal intéressé a avoué récemment qu’un poste de Vice-président lui a été taillé sur mesure par le Pape du Sopi, qu’il a poliment refusé.

Même si OTD a eu le talent de tenir le parti le plus structuré du Sénégal sous sa férule, pendant deux décennies, trois déconvenues électorales marqueront à jamais sa gestion. S’il a eu l’honneur, anecdotique, d’être le directeur de campagne perdant de la première alternance politique du Sénégal en 2000, les présidentielles de 2007 et 2012 ont prouvé que les menées politiques du natif de Nguéniène n’excédaient pas la cuisine interne des Verts. ‘‘En 2007 et 2012, il ne se présentait pas pour être élu, il ne manque pas de lucidité à ce point, mais pour se construire l’image du chef du Ps. C’était plus la direction du parti que la magistrature suprême qui l’intéressait’’, remarque l’analyste. Un poste pour lequel, il a eu par deux fois à s’employer.

Djibo Ka ayant créé un courant à l’intérieur du Ps avec Modou Amar et Mbaye Diouf, s’est fait exclure. Il a alors créé l’Union pour le renouveau démocratique URD, en 1998. Neuf ans plus tard, bis repetita. La vieille garde du parti, gênée par la montée en puissance des jeunes ‘‘tanoristes’’ dans le bureau politique (dont Barthélémy Dias, Aïssata Tall Sall), a agité devant Tanor le chiffon rouge du courant de pensée et l’a obligé à sortir la cravache. Ensuite, l’ex-maire de Dakar, Mamadou Diop, celui de Ziguinchor Robert Sagna, et Souty Touré ont quitté le navire et créé leurs partis. Abdoulaye Makhtar Diop en a profité également pour sortir du Ps. Affaibli, le vigoureux appareil socialiste d’avant 2000 a vu son score à la Présidentielle chuter de 41% en 2000 à 13% en 2012.

Après lui, le déluge !

A cheval entre la vieille garde politique de la première génération et les jeunes loups aux dents longues nés après l’indépendance, OTD a su jusqu’ici résister aux vicissitudes du climat politique sénégalais. Si Senghor a réussi la conquête du pouvoir, son exercice, et sa transmission ; si Abdou Diouf a échoué sur le dernier point ; OTD n’aura réussi dans aucun de ces trois éléments. Dernières tribulations d’une vie politique bien remplie, mais pas couronnée de succès, le membre de l’Internationale socialiste compte aller jusqu’au bout, comme d’habitude, quand il s’agit de rébellion interne. Etant donné qu’en politique, les bons alliés sont les alliés faibles ou affaiblis, serait-il infiniment plus important pour lui de continuer à pouvoir trouver une plage de convergence avec Macky, quitte à compromettre la participation historique des Verts aux prochaines joutes électorales, pour un HCCT qui risque de disparaître à la prochaine alternance politique ? Ce serait assurément pour le Ps faire un grand pas en avant alors qu’il est au bord du gouffre.

Ou, préférera-t-il être sanctifié par la clameur presque bêlante de l’angélisme pro-Khalifa qui réclame à cor et à cri une renaissance socialiste qu’incarnerait le maire de Dakar ? Ironie du sort, c’est 20 ans, presque jour pour jour, après avoir poussé à la sortie celui qui dit l’avoir recruté à la présidence (Djibo Ka), qu’il risque de se faire éconduire par ceux qu’il a amenés dans le bureau politique du Ps.

Le 5 mars 2016, OTD est malmené physiquement, comme jamais il ne l’a été auparavant, par des socialistes à la maison du Parti à Colobane. Penaud, l’expérimenté tête de file des Verts avouera avoir été naïf après ces affrontements. ‘‘Il a perdu le sens des évènements depuis la perte du pouvoir’’, souligne l’analyste. S’ensuit une plainte, initialement contre X, qui se trouve être pour violences et voies de fait, coups et blessures volontaires, tentative d’assassinats, injures publiques, menaces de mort et dégradations de biens appartenant à autrui.

Une plainte pour laquelle, le fier-à-bras de Khalifa Sall, Bamba Fall, a été entendu la semaine dernière. ‘‘De qui se moque Tanor ? C’est un fonctionnaire qui ne tient pas à perdre ses privilèges avec Macky Sall’’, a asséné ce dernier après son face-à-face avec les enquêteurs. Le troisième (et dernier ?) courant contre un redoutable timonier qui aura su se défaire de toutes les adversités internes qui ont secoué son navire. Sauf que pour cette fois, le risque de se faire électrocuter par des ‘‘jeunesses aux antipodes de la sagesse et à l’opposé de la résignation’’, comme dit le politologue Babacar Justin Ndiaye, n’est pas négligeable. Mais puisque Tanor n’est pas manchot, les socialistes risquent d’embarquer à coup sûr dans un bateau ivre pour un long voyage au bout de la nuit.
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