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Me Assane Dioma Ndiaye, Pdt de la Lsdh: ‘’Ceux qui ont les mains propres n’ont pas problème avec la CPI’’
Publié le lundi 31 octobre 2016  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture". Photo: Me Assane Dioma Ndiaye, avocat des parties civiles




Avocat défenseur des droits de l’Homme, Me Assane Dioma Ndiaye analyse la vague de démissions des pays africains de la Cour pénale internationale comme une volonté de ne pas répondre de leurs crimes. Pour éviter davantage la saignée, le président de la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) invite le Sénégal à jouer son rôle de leadership.

Comment analyser la vague de démission des pays africains de la CPI ?

Je pense que relativement aux pays africains, c’est une action concertée. Ces décisions ont été prises mais elles ont été retardées ou diluées par le fait que le Sénégal ait été porté à la tête des Etats parties. Je pense que c’est ce qui a un peu brisé leur mouvement et qui a fait qu’il n’y a pas eu de ‘’dé-ratification’’ collective. N’eût été la nomination du Sénégal à la tête des Etats parties, au dernier sommet de Kigali, au Rwanda, ces décisions auraient été prises sous forme de résolution. Là, le Sénégal a brisé cette volonté commune avec d’autres pays comme la Côte d’Ivoire et le Nigeria. Certains ont décidé de prendre leurs responsabilités et souverainement de ‘’dé-ratifier’’ leur ratification tout simplement.

De tout temps, les pays africains n’ont jamais voulu se soumettre à la justice. Ils ont voulu s’aménager une impunité totale, parce que quelqu’un qui a les mains propres n’a pas de problème avec la CPI. C’est ça la réalité car, quelle que soit l’imperfection ou le manque d’universalité qu’on peut reprocher à la CPI, elle ne poursuivra et ne pourrait poursuivre que s’il n’y a pas d’innocent. Pour les pays qui ont ouvert le bal, à part l’Afrique du Sud dans une moindre mesure, le Burundi est dans la ligne de mire de la CPI, mais également la Gambie avec son lot de violations et d’exécutions extra judiciaires. Tout ceci explique que ces pays sont obligés de sortir pour s’aménager des plages d’impunité.

Donc l’argument de la discrimination au détriment des Africains ne tient pas la route ?

Tout à fait ! Avec la présidence de Me Sidiki Kaba, l’objectif, c’était de se battre de l’intérieur pour arriver à corriger un certain nombre d’imperfections, de faire de telle sorte que la Cour soit davantage universelle, que les poursuites ne soient pas exclusivement orientées vers l’Afrique, même si nous reconnaissons que les plus graves violations des droits humains y sont commises. Son objectif consiste à faire ratifier le plus grand nombre de pays, surtout les grands comme la Chine, les USA et la Russie. Faire en sorte que les justices nationales soient fortes fait partie de ses objectifs et c’est le combat à mener, car il faut aujourd’hui savoir que la CPI n’a qu’une compétence subsidiaire. C’est-à-dire qu’elle n’est compétente que parce que les pays ne jugent pas.

Si on arrive à renforcer les systèmes judiciaires nationaux, s’ils prennent correctement les problèmes, la Cour n’a pas vocation à intervenir. Donc, on pouvait mener ce combat, tout en restant à l’intérieur, comme le Sénégal l’a préconisé. Ce n’est pas dans un souci de dénoncer une quelconque injustice que des pays veulent démissionner. En réalité, ils ont un passif très lourd en matière de violation de droits humains. C’est pourquoi on tente aujourd’hui d’affaiblir la Cour, mais surtout de faire qu’on puisse demain lui opposer une certaine incompétence. Mais c’est ignorer que même si on ne ratifie pas, le Conseil de sécurité peut déférer toute situation devant la Cour. De mon point de vue, ce mouvement qui est en train de se dessiner par rapport à certains pays, surtout le Burundi, ne peut constituer une échappatoire devant ce qui se passe avec les crimes qui sont en train de se commettre dans ce pays. Les Nations unies ne pourraient pas les laisser impunis.

Pour la Gambie, est-ce qu’on ne pourrait pas analyser sa démission sous l’angle diplomatique, d’autant plus que l’Assemblée des Etats parties est dirigée par le Sénégal avec qui il n’est pas en odeur de sainteté ?

Je crois que c’est plus profond que ça. Yayah Jammeh sait que l’on a tellement documenté sur les graves violations des droits humains qui sont commis dans son pays et qu’on mesurera véritablement l’ampleur le jour où il quittera le pouvoir. La CPI s’intéressera inéluctablement à la situation. Et même si Jammeh n’est pas en odeur de sainteté avec le Président Macky Sall, c’est une citoyenne gambienne qui est à la tête du parquet de la CPI. Ne serait-ce que par courtoisie, il n’aurait jamais dû quitter, parce que si cette dame a été portée à ce niveau de responsabilité, c’est avec la caution de son Etat.

C’est regrettable et comme je l’ai dit, c’est un instinct de préservation. De toutes les façons, le Sénégal a une grande responsabilité dans ce qui se passe, il doit agir. Dans le communiqué que nous allons sortir dans les 48 heures, nous voulons dire que le Sénégal, en raison du fait qu’il est le premier pays à ratifier le statut de Rome, qu’il préside aux destinées des Etats parties, il doit mener le combat au sein du Conseil de sécurité. En sa qualité de membre non permanent aussi, il doit faire de sorte que l’ONU prenne une résolution qui étende la compétence de la CPI au-delà du fait que le Conseil de sécurité peut déférer toute situation.

Mais, ce que nous prônons, c’est que le Sénégal prenne le leadership pour mener ce combat pour qu’une résolution soit déposée au niveau du Conseil pour que les compétences de la CPI soit étendues à tous les Etats. Qu’ils aient ratifié ou non. Parce qu’on ne peut pas comprendre qu’une Cour soit universelle et que son universalité dépende des Etats. Donc, en ce moment, nous ne sommes plus dans l’universalité. Par conséquent, le plus grand défi de la CPI, au-delà de ces soubresauts que nous connaissons, c’est de faire en sorte que l’universalité ne soit plus laissée à la discrétion des Etats. La responsabilité de protéger, fait qu’il s’agit d’une donnée qui ne doit pas être laissée à la disposition des Etats qui décideraient que la Cour intervienne chez eux ou non. On ne peut pas laisser les gens commettre de graves violations et qu’on nous invoque l’argument de la ratification ou non.

Et le rôle de l’Union africaine dans cette situation ?

C’est vrai qu’avec le procès de Hissein Habré jugé au Sénégal, l’Union africaine se glorifie du fait qu’elle est capable de juger ses propres fils en Afrique sans l’apport des autres. C’est vrai mais il faut comprendre que nous sommes dans un monde de globalité et que la justice n’a pas de couleur. Il n’y a pas de justice pénale européenne, africaine ou américaine. Je crois que l’UA (Union africaine) a tort de vouloir relativiser la justice pénale internationale ou la comprimer dans une régionalisation.

C’est vrai que par rapport à certaines affaires, comme celle de Hissein Habré qui ne pouvait pas relever de la CPI pour des questions de non-rétroactivité et par rapport à la Centrafrique où évidemment un Tribunal spécial est en vue, à l’image des Chambres africaines, cela était compatible avec l’existence de la CPI et avec le fait que les Etats africains soient membres de la Cour. C'est-à-dire, tout en envisageant cette possibilité pour l’Afrique de s’aménager une justice qui lui est propre, elle doit quand même rester. Ce qui fait que nous ne pouvons pas être en phase avec l’UA. C’est qu’avec même le projet de statut de la chambre pénale en gestation au niveau de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, déjà des soupapes d’impunité sont en train d’être aménagées. Car quand on dit aucun Etat, aucun Chef d’Etat en activité ne pourra être poursuivi, cela est inacceptable. Autrement dit, on voudrait dire que tant qu’un Chef d’Etat est en activité, il ne pourra être poursuivi, même s’il commet de graves violations.
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