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Art et Culture

Horizons avec... Pape et Cheikh : «Macky n’a pas besoin de nous pour sa campagne»
Publié le jeudi 6 octobre 2016  |  Le Quotidien




Le groupe Pape et Cheikh vient de lancer la promotion de son album «Esprit live2» sorti il y a un mois. Rendez-vous est donc pris à Fass Delorme son QG. L’endroit communément appelé «Khéér Bii» au centre des immeubles 62 et 63 des Hlm Fass sert de cadre pour un détour sur sa musique et la carrière de ses membres. A l’arrivée, c’est seulement Pape, le lead vocal du groupe qui est sur place. Il s’excuse de l’absence de son compère Cheikh qui se trouvait à Gadiaye (Guèdiawaye), pour raison familiale. Et c’est parti pour environ une heure d’échange. Entre partage d’ataya avec ses hôtes, réception de coup de fil par moment, Papa Amadou Fall, parle pour deux, sans artifice de star. Il dit les choses comme il le pense, sans fioriture.

Vous avez sorti en août dernier votre album «Esprit live 2». Comment le public accueille selon vous ce nouveau Bébé ?
Le public l’a bien accueilli. Cet album est composé de 16 morceaux, et nous recevons chaque jour des feed-back positifs. Des gens appellent pour marquer leur satisfaction. Je m’en réjouis puisque c’est la finalité de notre musique : produire des morceaux qui ont du sens et qui sont utiles pour ceux qui les consomment. D’ailleurs les titres qui figurent dans «Esprit live 2» ont tous été choisis par notre public. Au lancement du Cd, le groupe Pape et Cheikh a effectué une séance d’écoute avec la presse et le public pour leur permettre de choisir et d’apprécier notre musique. «Esprit live 2» appartient désormais au public. Nous avons fait appel à la presse sachant qu’elle joue un rôle de pont. Sur les 16 morceaux ils devaient en choisir 13. Mais on a finalement opté de sortir les 16 morceaux 2 Cd de 8 morceaux chacun.

Quelle est la différence entre Esprit live 1 et Esprit live 2 ?
Esprit live 2 est la continuité d’Esprit live 1. On joue très souvent en live. Au sortir de nos prestations, le public en redemande toujours. Ils aiment l’esprit live et non pas l’album qui après 3 mois à tendance à passer aux oubliettes. Nous nous sommes donc réunis avec nos musiciens pour jouer comme on le fait sur scène. C’est ce qui a donné naissance à Esprit live 1. Voyant comment le public l’a accueilli on a continué sur la même lancée avec Esprit live 2. Il faut noter tout de même qu’il y a quelques innovations dans Esprit live 2. Les titres sont différents, les sonorités également diversifiées : il y a du Man­din­gue, Sérère, Socé… Comparé à Esprit live 1, Esprit live 2 a mis plus de temps à naître. On a mis 2 ans à travailler les morceaux Baay Pexe et Baaxu Maam. Rien que pour satisfaire notre public. Je pense qu’on a réussi parce que les fans se les sont appropriés.

Esprit live 1 a été primé album de l’année en son temps. Vous espérez une distinction pour le chapitre 2 ?
En faisant notre musique nous nous contentons de bien travailler et de laisser le reste à l’appréciation du public. C’est lui qui devrait juger si tel album mérite d’être élu meilleur de l’année ou non. Pour Esprit live 2 nous avons convié les mélomanes et journalistes culturels qui l’ont validé. Donc nous ne doutons pas de la qualité de l’album. Leur choix a plus de crédibilité à nos yeux que tout autre.

Maintenant qu’Esprit live 1 et Esprit live 2 sont sur le marché, doit-on s’attendre à Esprit live 3 ?
Notre musique n’est pas une histoire d’album mais plutôt de carrière. On réfléchit actuellement sur d’autres albums qui peuvent être intitulés «Esprit live 3» ou autrement. Ça dépend.

Pour la réalisation de cet album le groupe Pape et Cheikh a collaboré avec Vouzenou. Cette structure vous a produit ou s’agit-il d’une autoproduction ?
Esprit live 2 est une autoproduction. Nous produisons nous-mêmes nos albums depuis 2005. Nous collaborons juste avec Vouzenou parce que Khadim Dia (le directeur de Vouzenou) nous prête main-forte dans l’organisation et la communication de nos activités. Avant cela, on a travaillé avec Jololi qui fut notre premier producteur.

Justement on se souvient que votre 1er album Yaakar avec Jololi avait mis beaucoup de temps à sortir. Quel était réellement le souci ?
Ça a pris environ deux ans parce qu’il y avait beaucoup de groupes. Nous étions pressés de voir notre premier produit sur le marché, alors que les producteurs attendaient le moment opportun pour sortir l’album. Ils ont bien fait, puisque le morceau Yatal gueew a connu un franc succès et un grand impact lors des élections de 2000. Nous n’avons pas regretté notre collaboration avec Jololi. Et je profite de l’occasion pour remercier Bouba Ndour (de Jololi productions). Il y a eu certes des tiraillements et des querelles entre-temps, mais je reconnais toutefois qu’il avait bien fait.

Vous avez aussi collaboré aux temps avec Real Word de Peter Gabriel, pour la sortie d’un album international. Y avait-il réellement eu un contrat à l’époque ?
En ce moment nous étions sous contrat avec Jololi qui nous a mis en contact avec Peter Gabriel pour réaliser l’album international Mariama. Grâce à cet album, nous avons rencontré Tracy Chapman et fait le tour de l’Europe, des Etats Unis. Mariama est un album extraordinaire, qui nous a lancé sur le plan international. Nous avons été un peu partout dans le monde. C’est là où réside l’importance d’une musique de qualité. Toute musique doit avoir une fin utile pour ceux qui l’écoutent. Ce qui lui permet de résister au poids du temps. Après 20 ans d’absence, le Baobab a connu à nouveau un réel succès. On a fait leurs premières parties en Angleterre et dans toute l’Europe…

A vous entendre parler on dirait que vous êtes nostalgique de cette époque ?
Je le suis. Le titre Ma Ansou (chanson Socé), on l’avait joué en l’an 2000. Les gens ne l’écoutaient pas à cette époque. Donc on l’a ressuscité (dans Esprit live 2) pour montrer à nos fans que les vieilles chansons ont leur importance. Ce morceau est un hit. Il évoque les différentes péripéties dans notre parcours. Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Nous avons en effet appris à jouer à la guitare au Conservatoire. On a joué dans plusieurs hôtels à Mbour, à Dakar et effectué plusieurs tournées dans les îles du Saloum avec des groupes Sérères. Cela nous a permis d’apprendre et de comprendre la musique sérère, mandingue et les différentes variétés.

En écoutant Esprit live 2 on remarque justement ces différents apports : Sérére, Mandingue, Socé ?
Esprit live 2 reflète notre vécu. C’est la somme de nos différentes expériences. Des expériences extraordinaires que je me remémore avec beaucoup de plaisir. Tenez par exemple notre 1er orchestre Santamuna était Sérère. On ne chantait que de la musique sérère. On a joué les 1ere parties de Tringa ; Metissacana. On a joué avec Ouza. On nous payait 3000 francs au sortir de nos prestations, ça suffisait largement à nous réjouir. Ce n’est pas comme aujourd’hui.

Revenons sur votre dernier album où vous chantez Xarit. Ce morceau a-t-il un sens particulier pour le duo musical que vous formez ?
Je connais Cheikh depuis l’âge de 9 ans. Nous sommes originaires de la même ville Kaolack et notre amitié précède de loin le début de notre carrière musicale (musique boléwounio). Nous avons fait ensemble le Conservatoire, nous avons partagé la même chambre et la même guitare. Aujourd’hui, Cheikh a un enfant qui porte mon nom. Entre nous, c’est une longue et vielle amitié, renforcée par notre amour commune pour la musique. Il a été bassiste de Ouza et faisait des variétés Jazz, alors que moi je faisais les accompagnements. Après Santamuna on a formé notre propre groupe : Pape et Cheikh.

Quelle est la force de ce duo?
Ma relation avec Cheikh est sacrée. On a grandi ensemble et c’est quelqu’un de très réservé contrairement à moi. Je suis quelqu’un de très ouvert. J’aime faire mes waxtane en pleine rue comme vous le voyez ici. Cheikh et moi, c’est l’eau et son contraire. La force de notre duo réside donc dans la compréhension et l’acceptation de l’autre.
«On a failli donner au groupe le nom d’Akasinka».

Vous disiez tout à l’heure avoir partagé la même guitare avec Cheikh ?
On était 4 d’ailleurs. On a acheté une guitare qui faisait le tour. Cheikh et moi comme nous habitions ensemble on avait le droit de la garder 2 jours d’affilée. Baba et Sidy Diaw avait chacun un jour de garde. Cette guitare avait le pouvoir de nous réunir chaque soir. On n’hésitait pas à aller voir des professionnels pour apprendre à jouer. C’est par la suite que chacun a trouvé une guitare et on s’est inscrit en cours du soir au Conservatoire pour le perfectionnement.

Votre 1er orchestre s’appelait Santamuna, d’où vient alors le nom d’Akasinka et comment vous est venue l’idée de nommer votre groupe Pape et Cheikh?
On a failli donner au groupe le nom d’Akasinka. Mais cela n’a jamais été le cas. Nous avons finalement opté pour Pape et Cheikh, C’était une façon pour nous de laisser nos marques dans ce groupe.

Au lancement de Esprit live 2, on vous reprochait d’être de plus en plus mbalax dans votre style musical…?
On fait de l’acoustique tout en étant ouvert sur tout ce qui peut rendre bénéfique notre musique. Nous nous plions à la demande de notre public qui parfois sollicite le mbalax. Si on a une soirée de gala on joue soft jusqu’à ce que les gens terminent de manger, et on change de tempo au fur et à mesure. A Vogue (Ndlr, Boite de nuit à Dakar), nous ne jouons pas avec la batterie, mais le public de Just 4U n’a rien à voir avec celui de Vogue. Un concert demande de l’énergie, tu te donnes à fond il y a aussi de la percussion.

A part l’acoustique et le mbalax, vous écoutez quel genre de musique ?
Personnellement j’écoute tout mais le plus souvent c’est du chant religieux, des wolofals de Serigne Moussa Ka et Serigne Hady Touré. Parce que ces gens-là ont une certaine profondeur dans leur parole. En les écoutant on en tire beaucoup de leçons. Leurs paroles sont riches d’enseignements. La langue wolof recèle un patrimoine immense que beaucoup ne s’efforcent pas de comprendre. Tout comme il existe le pluriel, masculin et féminin dans la langue française, il existe également le masculin et le pluriel dans la langue wolof. C’est important que les gens le sachent.

Dans les années 2000 vous avez effectué beaucoup de tournées internationales dans des festivals. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pourquoi?
On ne fait plus de tournées depuis que nous avons rompu notre contrat avec Jololi. Ce sont eux qui nous avaient mis en contact avec Real World. Nous partons avec nos propres moyens et ce n’est pas facile. On a déjà joué dans beaucoup de pays à travers le monde, ce qui fait que nous ne sommes plus dans l’euphorie des tournées. Nous n’acceptons pas de tournées sans nos musiciens. Pape et Cheikh, ce n’est pas seulement Cheikh et moi. Il y a tout un groupe qui travaille d’arrache-pied. Ce ne serait pas juste qu’on part en tournée pour deux mois les laissant seuls ici : la musique c’est leur gagne-pain, c’est avec cette musique qu’ils nourrissent leur famille. S’ils ne travaillent pas, ils ne vont pas manger. Au Sénégal beaucoup d’orchestres se sont disloqués à cause des problèmes du genre. Il arrive parfois que des artistes disent qu’ils sont en tournée alors que dans les pays où ils vont, on les met dans de minuscules salles ou dans de mauvaises conditions. Pape et Cheikh n’accepte pas cela. Ce n’est pas une tournée.

Vous aviez initié le folk festival international. Qu’en est-il, ce projet est-il complètement mort ?
Cela me fait mal d’en parler. Oui parce qu’à un certain moment nous avions les moyens de tenir ce festival avec le régime qui était là. Avec le régime actuel nous n’avons pas demandé et je ne sais pas si on nous le refusera ou non. Toujours est-il que cela fait partie de ce qui développe le pays culturellement. A un moment, nous nous sommes plus concentrés sur notre carrière et on n’a pas pu maintenir cette équipe. Cela fait partie des raisons qui ont fait que le folk festival international ne se tient plus. Il doit y avoir une personne qui, même si le groupe Pape et Cheikh n’est pas là, se chargera de le gérer. Mais nous sommes en voie de le réinitialiser. Cela fait partie des projets de Pape et Cheikh pour l’année 2017. On cherche aussi des partenaires, car il nous en faut beaucoup. Lors de la dernière édition on avait beaucoup de partenaires, certains ont pris la logistique, d’autres le paiement des artistes. C’était un évènement pour tous les Sénégalais. Ça commençait à faire partie du calendrier culturel du Sénégal.

A quand le prochain spectacle Grand théâtre ?
Je crois que ce sera en ce début d’année 2017. Nous voulons aller au Grand Théâtre. Nous allons voir comment nous organiser car il faudra fixer une date et en être sûrs pour se prononcer. Cela dit, je précise que nous ne sommes pas dans ces histoires d’anniversaire. Pape et Cheikh ne le fait pas. Nous ne sommes pas là pour déposer des sacs et dire aux gens d’y jeter de l’argent. Nous avons un public mûr à qui on doit de la bonne musique et un beau spectacle.

Pape et Cheikh s’expose peu dans les médias, cela ne ralentit-il pas votre notoriété ?
Quand Pape et Cheikh décide d’aller vers la presse, c’est parce qu’il a des choses à dire. Je ne vais pas faire le buzz pour espérer que les gens parlent de moi. Pour moi faire le buzz équivaut à travailler. C’est insensé de parler partout sans avoir fait grand-chose. Il vaut mieux faire quelque chose pour ensuite parler. Si j’ai un évènement à faire aussi qui nécessite d’appeler la presse, je l’appelle pour qu’on collabore. Si j’ai des problèmes j’appelle Guissé Pène qui me dit à quel organe je dois parler et ce que je dois dire.

On dit que Dembel et Jimy Mbaye ont rejoint le groupe Pape et Cheikh. Vous confirmez ?
Dembel et Jimy Mbaye sont des ténors de la musique. C’est pourquoi nous les sollicitons. Et eux, apportent juste une contribution au groupe Pape et Cheikh. Cela ne fait pas d’eux des membres du groupe Pape.

Parlons un peu de l’actualité. Quel regard portez-vous sur la Sodav et la question des droits d’auteurs ?
Je ne connais même pas la traduction exacte de la Sodav.

Vous devez savoir en tant qu’artiste…
Je suis inscrit au Bsda depuis que j’ai commencé à faire de la musique. C’est bien beau de parler de la Sodav, on l’a installé pour peut-être changer la donne et permettre aux musiciens de ramasser plus de pécules dans leur travail. Cependant on attend toujours de voir une évolution. La Pca de la Sodav a démissionné de son poste sans avoir réalisé des choses concrètes. Dans ce secteur, ce n’est pas l’or et le diamant. Les musiciens souffrent de plusieurs maux dont la piraterie. Ils arrivent à peine à s’en sortir. Nos seules sources de revenus chez Pape et Cheikh ce sont nos concerts live. A mon avis, la Sodav n’a pas encore une utilité pour les artistes.

Nous avons appris que vous étiez un bon joueur de navetane ?
J’ai été un bon footballeur. J’ai joué dans les équipes navetanes. C’était un hobby. Je regrette par contre les violences notées dans les équipes de navetane. Elles sont trop nombreuses au niveau des stades, de la lutte, ça mériterait qu’on s’y penche. Ça ne dure que 3 mois à quoi bon toutes ces violences ?

Vous avez chanté Gorgui Dolliniou en 2007 pour Wade. Si vous devriez chanter aujourd’hui pour la réélection de Macky Sall vous lui chanterez quoi ?
Dans mes relations je ne cherche pas des couleurs de parti. Pour preuve la chanson que j’ai composée Yatal guew gui a été utilisée par 21 partis sur les 22 qui sont allés en campagne en 2000. Diène Farba Sarr est un de mes fans tout comme Babacar Gaye, Pape Samba Diop, Abdoulaye Wilane Sarr, Mimi Touré, Aïssata Tall Sall… Lors de mes soirées ces opposants politiques s’asseyent à la même table. Ils sont tous des frères et sœurs et mon rôle est de les réunir. Ceux qui viennent aux soirées Pape et Cheikh peuvent en témoigner. J’invite tous à s’inspirer de cette belle image et d’éviter de tout politiser. La chanson Gorgui Dolliniou nous l’avons fait pour Abdoulaye Wade, non pas pour chanter ses louanges mais parce qu’il a réalisé des choses concrètes. Et d’ailleurs c’est Macky Sall, qui était son directeur de campagne, qui a avalisé ce morceau. Nous sommes toujours sur la même lancée : chanter les bonnes choses et dénoncer les mauvaises. Nous ne cherchons pas à attiser le feu, mais à rassembler, et à cultiver la joie et la paix.

Etes-vous prêt à chanter les mérites de Macky ?
Il sera le bienvenu s’il a besoin de nous. On attend. Mais je pense que le président Macky n’a pas besoin de Pape et Cheikh pour chanter pour sa campagne. Il y a Souleymane Faye, Doudou Ndiaye Mbengue. Il y a beaucoup d’artistes autour de lui.
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