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Pleins Feux : Saly condamnée à la noyade
Publié le vendredi 16 septembre 2016  |  Le Quotidien
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© aDakar.com par DF
Le PM visite la commune de Yène pour constater les dégâts causés par la houle
Dakar, le 5 Septembre 2015 - Le Premier ministre a visité la commune de Yène pour constater les dégâts causés par la houle dans la nuit du dimanche à lundi. Il était accompagné du ministre de l`intérieur et d`autres membres du gouvernement.




Du fait de certains travaux d’aménagement mal pensés et mal réalisés en amont, la plupart de réceptifs hôteliers de la station touristique de Saly ont perdu leurs plages, et assisté à la disparition de leur clientèle, en majorité étrangère. Des solutions avaient été préconisées pour endiguer le phénomène. Malheureusement, leur mise en œuvre a été faite également de manière encore plus désordonnée. Ce qui fait qu’à ce jour, certains commencent à envisager la disparition de la station touristique, tandis que d’autres essaient d’arrêter la mer, même avec leurs bras.

Saly menacée de disparition
Saly, un site très important pour l’activité hôtelière et touristique, qui participe grandement à l’activité économique du pays, subit depuis plusieurs années, un très important et inquiétant phénomène d’érosion côtière. Cette dernière s’est accentuée les quatre dernières années. Conséquence : beaucoup d’hôtels ont perdu leurs plages, alors que ces réceptifs vendent le sable et le soleil. Un tour sur les lieux renseigne sur les dégâts énormes causés par la furie des vagues. Cela malgré la mise en place du fonds d’adaptation aux changements climatiques, qui avait prévu de construire 9 brise-lames à Saly pour freiner la dite érosion.

Face à l’érosion côtière, les hôteliers se défendent comme ils peuvent
Les brise-lames, qui étaient prévus sur une distance de 1,5 km pour servir de boucliers contre les vagues, n’ont pas produit les effets escomptés. C’est pourquoi les hôtels, qui se trouvent sur cette distance, ont eu recours chacun de son côté, à des méthodes de protection différentes. Avec un bonheur différent également. Ainsi, au niveau des hôtels «Filaos», très affectés par l’érosion côtière, le mur de protection construit pour se prémunir de la furie des vagues qui le frappent directement, est très menacé par la mer. A en croire un responsable de l’hôtel, des efforts considérables ont été faits par les hôteliers pour lutter contre l’érosion côtière, mais les effets en sont comme du beurre au soleil : «Nous avons construit le mur en 2012. Il fallait attendre fin août 2012 pour le réaliser, du fait des grandes houles. Nous avons fait un premier enrochement pour atténuer le choc. Ce mur, long de 100 mètres, a coûté 150 millions de francs Cfa. Certes, cela avait commencé à donner des résultats, car la fonction de plage était en train de revenir mais puisque c’est une lutte qui demande énormément de moyens, les hôteliers ne peuvent plus tenir, le balnéaire est vraiment mourant à Saly.»
La réalisation de ce mur de protection au niveau de cet hôtel n’est pourtant pas sans effet par ailleurs. Elle a causé des désagréments au niveau de la base nautique de Palm Beach, qui a carrément cessé d’exister. Cela parce que, du fait d’un manque de coordination des efforts de lutte, chacun essaie de se prémunir comme il peut face aux éléments naturels. «Il n’y a pas de plan réfléchi par les hôteliers pour faire face à l’érosion côtière. Je crois que si on arrive très rapidement à mettre en place un bon programme de protection côtière, la station de Saly pourrait être sauvée», indique l’hôtelier cité auparavant.
En attendant, la situation est dramatique pour de nombreux réceptifs. L’hôtel Teranga de Saly a perdu plus de 500 mètres de plage, en grande partie à cause justement de ce manque d’harmonisation des plans de riposte concoctés par les hôteliers. Les nostalgiques pourraient sans doute se souvenir qu’en 2002, en préparation de leur campagne pour la Can et le Mondial, les Lions du Sénégal de football s’entrainaient sur cette plage. Aujourd’hui, un mur de protection a été construit face à la mer, pour tenter d’empêcher les vagues d’atteindre les murs de l’hôtel. Une situation décriée par le gérant de l’hôtel : «C’est ce qui a accentué les dégâts au niveau de l’hôtel Teranga, qui se trouve à la lisière du village.» Suffisant pour qu’il rappelle aux autorités du pays et aux responsables de la Sapco que la disparition de la plage diminuerait très sensiblement l’activité touristique à Saly et déboucherait sur la perte des 5 milliards de francs Cfa investis rien que dans son réceptif, sans compter un licenciement sec de 100 à 150 employés.

Aide qui peut !
Pour éviter ce drame annoncé, les hôteliers de Saly ont pris langue avec tous ceux qui sont susceptibles d’apporter une solution à ce casse-tête. C’est ainsi qu’au-delà de la Sapco, les autorités municipales de Saly ont été interpellées. Mais à ce niveau, les gens parlent plutôt finances qu’autre chose. Le premier adjoint au maire de Saly déclare qu’en 2009 et 2010, sa municipalité a contribué 8 millions de francs Cfa pour cette cause : «Durant ces deux années, nous avons donné 4 millions par an. Certes, cette contribution n’est qu’une goutte dans la mer, mais il faut comprendre que cette lutte nécessite la mobilisation de tous. Sur le projet concernant le fonds d’adaptation aux changements climatiques, financé par la Banque mondiale, et qui concernait Rufisque, Saly et Joal, la mairie de Saly a contribué en prenant en charge le volet sensibilisation. Nous allons bientôt recevoir une délégation à Saly, pour constater le phénomène.»
Pour se prémunir de ces vagues qui ont noyé des centaines de mètres de plage, le Sénégal avait reçu du Fonds d’adaptation sur les changements climatiques, une enveloppe financière de 4 milliards 309 millions 500 mille francs Cfa pour réaliser des ouvrages à Rufisque, Saly et Joal-Fadiouth, sur une durée de deux ans (janvier 2011 à janvier 2013). Au niveau de Saly, il était prévu la réalisation de 9 brise-lames pour préserver les plages. Mais une visite sur les lieux a permis de se rendre compte que seuls deux brise-lames ont été réalisés sur les 9 prévues.

Seuls 2 brise-lames sur 9 prévus ont été réalisés
Les deux brise-lames en question, ont permis de récupérer 50 mètres de plage. Les concernés, parlant sous anonymat, assurent que l’argent effectivement reçu pour la réalisation de ces ouvrages, n’a été que de 900 millions, et que les deux brise-lames ont coûté 700 millions. Or, les neuf brise-lames programmés, qui devaient s’étendre sur 1,5 km, allaient coûter 3 milliards de francs Cfa. D’où l’arrêt du projet à ces deux ouvrages uniques, dont les concepteurs tentent de se consoler en disant qu’ils peuvent avoir une durée de vie de 20 ans.
Pourtant, ces deux brise-lames, réalisés sur le littoral de la commune de Saly, et dont chacun fait 90 mètres, avaient même commencé à porter leurs fruits. Mais, l’arrêt des travaux ne leur a pas permis de réaliser tout leur potentiel, et les a rendus quasiment inutiles.
Les brise-lames sont très importants dans la zone de Saly, où les plages sont menacées depuis une décennie, car ils contribuent à réduire les effets néfastes et permettent le développement des activités touristiques dans la zone. Les brise-lames sont des types de digues qui brisent l’énergie des vagues qui tapent sur les plages. La vague se charge en sédiments. Au retour, elle les dépose sur les plages sans les éroder. Chaque ouvrage mesure 90 mètres, avec une brèche de 80 mètres, qui constitue un passage pour les pirogues. La reconstruction de la plage se fait à partir des sédiments retenus au retour de la vague. Le processus est facilité par ces brise-lames qui diminuent la pression de la vague.
Dépassés par l’ampleur des dégâts, les acteurs attendent toujours de voir les promesses du ministre de l’Environnement, Abdoulaye Bibi Baldé, se réaliser. Ce dernier leur avait annoncé la poursuite des travaux de construction des brise-lames dans le budget de 2016. Il avait promis aux acteurs de l’inscrire dans le budget consolidé d’investissement pour au moins continuer de faire les digues, en leur disant que cela couterait 700 millions de francs Cfa.

Le village traditionnel de Saly Coulang menacé de disparition
L’avancée de la mer ne hante pas seulement le sommeil des hôteliers mais également celui des populations du village traditionnel de Saly Coulang, qui ne dorment plus que d’un seul œil. Le vieux Abdoulaye Pouye, ressortissant du village, déclare que les dégâts causés par l’érosion côtière sont énormes car le village n’a presque plus de débarcadère pour débarquer le poisson, et si cette situation perdure, il craint que le village ne soit lui-même englouti par les eaux. Sur place, on peut constater les stigmates de la force des vagues sur les rochers, avec des fondations fendues, un littoral jonché de racines d’arbres et une plage submergée. Triste décor qui a fini d’installer la peur chez les populations : «La nuit nous ne dormons que d’un seul œil. Chaque jour nous craignons que la mer ne s’agite, comme en mai 2009, elle n’a rien laissé sur son passage. D’ailleurs, une bonne partie du village est aujourd’hui sous les eaux. Il est difficile aux femmes de descendre pour aller chercher le poisson, du fait de la digue qui a été construite. Malheureusement, cette digue est utilisée aujourd’hui par certains comme dépotoir d’ordures. Or, la saleté est toujours rejetée par la mer. Nous voulons que ce projet continue pour au moins atténuer le phénomène», a souhaité le vieux Pouye.

Les syndicats du tourisme crient au secours
La modification du décor et les changements liés à l’érosion côtière ont poussé les syndicats de l’hôtellerie à appeler au secours. Aujourd’hui la clientèle se fait rare du fait de l’absence de la plage envahie par la mer. Ces syndicalistes sont convaincus que le tourisme balnéaire est mourant et qu’il faut d’autres offres touristiques pour que Saly retrouve son attractivité. Bocar Diallo, président de la commission du tourisme à Saly, estime qu’il ne faut pas se voiler la face, et affirme que c’est la fermeture de la lagune de Saly qui est à l’origine de ce phénomène brutal d’érosion côtière qui dénature toute la zone : «Ils auraient dû ouvrir la lagune et laisser l’eau de mer passer ; mais ils ont laissé des hôtels construire leur port, dont certains sur la mer. Cela a cassé tous les rochers et la mer a «bouffé» toutes les plages. Nous déplorons également ce qui s’est passé avec la réalisation des brise-lames à Saly, quand le constructeur sénégalais a voulu amener un autre béton qui n’est pas celui qui est recommandé.»
Pour Mamadou Diouf, le président du syndicat national des travailleurs de l’hôtellerie, café, bars et restaurant, l’Etat doit sortir les gros moyens pour en finir avec ce phénomène, sinon ce sont des milliers d’emplois que Saly va perdre : «Déjà, la rupture brandie par certains tours operators a été mise à exécution, ce qui est à l’origine de la baisse d’activité, qui a comme incidences financières des pertes de recettes et d’emplois. Si cette situation perdure, des mesures de compression du personnel vont s’opérer, comme cela a déjà commencé dans certains hôtels de Saly.»

La Sapco annonce une enveloppe de 11 milliards de francs
Le Gouvernement du Sénégal, avec l’appui de la Banque mondiale, va allouer un montant 22 millions de dollars (11 milliards de Cfa environ) pour la mise en place de brise-lames, l’ensablement et la restauration de la plage de la station balnéaire de Saly Portudal.
Selon le directeur général de la Sapco, Bocar Ly, des mesures fortes ont été prises par le Gouvernement pour régler le problème de l’érosion côtière à Saly. Revenant sur la situation qui prévaut actuellement dans la station, il déclare : «Les plages de la station sont fortement affectées par l’avancée de la mer et 30% des logements à Saly ont déjà perdu l’accès aux plages utilisables. Pour pallier cette situation défavorable à la station au niveau de l’érosion côtière, le Gouvernement du Sénégal, avec l’appui de la Banque mondiale, va allouer un montant 22 millions de dollars pour la mise en place de brise-lames, l’ensablement et la restauration de la plage de la station balnéaire de Saly Portudal.».
Suite à une étude faite sur la situation de l’érosion côtière, les directeur général de la Sapco a révélé que la situation est critique pour les complexes hôteliers qui ont mis en place des ouvrages longitudinaux de haut de plage et de bas de plage afin de conserver le peu de sédiment restant au niveau des plages. Mais la situation la plus critique est notée au niveau du littoral entre la pointe de l’hôtel Espadon et l’hôtel Royam : «Ce secteur, qui s’étend sur un linéaire d’environ 800 m, a été également fortement impacté par l’interruption du transit littoral, par le grand épi transversal au niveau de l’hôtel Safari, du fait de la progression vers le sud de l’érosion. Aujourd’hui, cette plage est en érosion. Elle n’est plus alimentée naturellement par des sédiments sableux.» Le directeur de la Sapco a déclaré que dans la continuité des deux brise-lames qui ont été déjà construits, il est préconisé la réalisation d’environ 8 brise-lames et d’un épi, tandis que dans les 2 autres scénarii, la réalisation uniquement d’épis est privilégiée, qui sera associée à une butée de pied afin de limiter le départ de sable. Vers l’hôtel Espadon, il y aura une dizaine d’épis, dont les trois derniers auront une longueur décroissante, et ceux-ci seront associés à une butée de pied, a rassuré Bocar Ly.
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