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Art et Culture

Monument de la renaissance africaine: L’œuvre controversée de Wade charme les visiteurs
Publié le mercredi 14 septembre 2016  |  Enquête Plus
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© Autre presse
Le monument de la Renaissance Africaine inauguré en 2010 par Abdoulaye Wade à Dakar




Inauguré en avril 2010, bâti sur les collines des Mamelles de Ouakam, le Monument de la renaissance africaine offre aux résidents et étrangers la possibilité de se promener, mais aussi de découvrir des objets d’art, sur ce site touristique et culturel niché non loin de la mer. Statue de 22 000 tonnes de bronze réalisée en 34 mois, violemment controversée à ses débuts, elle semble aujourd’hui faire le bonheur de nombreux visiteurs.

Un vent frais balaie les phares des Mamelles de Ouakam. Une localité dominée par la forte présence de la communauté lébou. 15 heures au Monument de la renaissance africaine. Le temps est moins clément. En ce vendredi 2 septembre 2016, le soleil émet des rayons accablants qui s’écrasent sur la statue orientée vers celle de la Liberté. Le soleil est tyrannique. Il dissuade les visiteurs qui se font rares. D’ailleurs, l’Esplanade du Monument est pratiquement déserte. Et la fraîcheur de la brise marine caresse les vêtements des quelques personnes rencontrées sur ce site touristique et culturel.

Par petits groupes, dégageant beaucoup de souffle, elles arpentent péniblement les 198 marges qui mènent vers la statue. Comme une intense activité physique. Marcher sur ces escaliers n’est pas chose aisée : c’est un parcours du combattant. Visiblement abattues par la fatigue, jambes tendues, deux jeunes filles de taille moyenne sont assises sur les escaliers. Fatiguées, vêtues de jean serré, elles ont à peine franchi la moitié des marches, alors qu’elles doivent rejoindre leurs camarades qui sont déjà au Monument. Sacoche autour du cou, Maguette Dieng ajuste ses lunettes noires. Avec un français ponctué de wolof, notre interlocutrice étale ses vérités. Elle dit : ‘’A la place de ces escaliers, je pense que les initiateurs de ce Monument auraient pu créer un ascenseur. Ceci dans le but de prendre en compte les personnes âgées, de même que les enfants. Actuellement, nous sommes épuisées, alors que nous sommes encore à mi-chemin.’’

Maguette Dieng et son amie Khady Sy viennent des Hlm. C’est la première fois qu’elles mettent les pieds sur ce site. Elles sont éblouies par cette gigantesque œuvre réalisée sous le magistère de l’ancien Président Abdoulaye Wade à hauteur de 12 milliards de F CFA. Fascinées, elles apprécient : ‘’C’est un bon endroit pour les touristes. Et nous pensons que les Africains doivent venir ici pour découvrir et visiter le Monument. Il nous permet de connaître l’histoire du continent, du monde noir. Aussi, au lieu d’aller à la plage avec les enfants, les parents peuvent venir sur ce site pour que leurs fils s’imprègnent de notre passé.’’

Sur les lieux, les photographes attendent impatiemment les visiteurs. Ils déambulent en plein air. Parfois, ils se dirigent vers les rares visiteurs qu’ils aperçoivent de loin. Armés de leurs appareils, une fois la distance réduite, ils se mettent en position de photographier la personne qu’ils rencontrent sans pour autant avoir son aval. ‘’On essaye de gagner notre vie ici. Sauf que les clients sont rares parfois’’, souffle l’un d’eux, visiblement pressé.

Mamadou Touré et Ardo Dieng sont des élèves à Yavuz Selim. Sac au dos, ils viennent d’effectuer leur première visite au Monument de la renaissance africaine. Tout comme Maguette Dieng et son amie, ils trouvent l’endroit ‘’agréable’’. ‘’Il est loin de la pollution. C’est aussi une bonne œuvre culturelle pour booster l’économie touristique du Sénégal. Il est spacieux. Le Monument est impressionnant’’, contemplent ces deux jeunes, très disponibles pour disserter sur cette statue.

Abdoulaye Wade : ‘’35% des retombées financières m’appartiendront’’

Le projet du Monument de la renaissance africaine a débuté en 2006, quand Abdoulaye Wade, alors président de la République, a commencé à réfléchir à un monument ‘’massif’’ qui représenterait, en haut de la colline, le Sénégal et l'Afrique émergeant de siècles d'esclavage et de colonialisme. Après des années de planification et de construction, l’œuvre a été inaugurée le 03 avril 2010. Cette date marquait également le cinquantième anniversaire de l'indépendance du Sénégal. Une vingtaine de chefs d’Etat africains et de fortes personnalités culturelles de renommée internationale venues de presque tous les continents avaient pris part à cette cérémonie. A cette occasion, le chef de l’Etat Abdoulaye Wade avait reçu ses homologues des pays suivants : Bénin, Burkina-Faso, Cap-Vert, Comores, Congo, Gabon, Gambie, Guinée Equatoriale, Liberia, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, République populaire démocratique de Corée, Sierra Leone, Tchad, Togo, Côte d’Ivoire, Zimbabwe…

Quand le Monument a été révélé aux yeux de l’opinion, Me Wade s'approchait du terme de douze années de présidence. Et il revendiquait 35% des revenus provenant du tourisme suscité par cette œuvre, au nom des lois de la propriété intellectuelle.

‘’Un gagne-pain pour 16 photographes’’

Haut de 50 mètres et réalisé en bronze, le Monument représente un homme aux muscles saillants. Torse nu, il porte sur son bras gauche un enfant tout en enveloppant de l’autre une femme. ‘’L’homme, la femme et leur enfant feront face au soleil, symbolisant l’ouverture du continent au reste du monde. C’est une force de propulsion et d’attraction dans la grandeur, la stabilité et la pérennité de l’Afrique’’, détaillait le Président Wade. Plus de 6 ans après, le Monument est devenu une réalité. Surtout au grand bonheur des photographes qui campent sur ce site. Entouré de ses camarades, Malle Ndiaye le porte-parole des 16 photographes qui exercent sur le périmètre du Monument de la renaissance africaine n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé à l’ancien Président. ‘’Merci à Me Abdoulaye Wade d’avoir construit cet édifice. C’est notre gagne-pain’’, avance-il.

Quant aux jeunes Mamadou Touré et Ardo Dieng, ils promettent, dans les prochains jours, de revenir pour visiter l’intérieur du Monument : ils se sont déplacés à l’improviste.

Monument de polémiques

Le projet du Monument de la renaissance africaine a fait l'objet de nombreuses critiques très salées. Il a concentré les oppositions au Président Wade. La polémique concernait notamment son coût jugé exorbitant dans un ‘’contexte de crise économique’’ du pays. Les ‘’détracteurs’’ du projet s’interrogeaient sur la transparence relative au financement et l'annonce publique que le chef de l'État se réserverait, au titre de la propriété intellectuelle, par rapport aux 35% des recettes engendrées par la visite du monument et la fréquentation. Il a également été critiqué sur le fait que sa construction ait été menée par la ‘’dictature’’ nord-coréenne. Ainsi, peu avant l'inauguration du Monument, des centaines de personnes (opposants du régime de Wade et acteurs de la société civile) avaient manifesté dans les rues de Dakar pour demander la démission d’Abdoulaye Wade pour ces raisons. Alors que certains jugeaient aussi le style du monument trop stalinien ou y voyaient des symboles maçonniques, d'autres le trouvaient trop païen et indécent (le pagne porté par la femme fut pourtant rallongé par rapport au projet initial) dans un pays musulman à 95 %.

Le 11 décembre 2009, dans un sermon unitaire, une trentaine d'imams de Dakar et de sa banlieue avaient prêché contre le monument comme contraire à l'Islam. En écho à ces jugements qui remettaient en cause l’utilité de la statue, le porte-parole du Président Wade, Bamba Ndiaye, rétorquait : ‘’L’Afrique émerge de l’obscurité et regarde audacieusement vers l’Occident pour initier un nouveau dialogue, après des siècles d’esclavage et de colonisation.’’ Donc, officiellement, le trio qui compose le Monument est porteur d’un tout autre message.

Pour l’administrateur du Monument, l’infrastructure, comme son nom l’indique, représente l’Afrique et le monde noir. Aussi, ajoute Racine Senghor, c’est une manière de marquer cette présence d’égale dignité avec les autres peuples du monde entier. ‘’Il est destiné à montrer une Afrique qui veut s’affirmer, jouer son rôle, sa partition et révéler au monde toutes ses capacités, à tout point de vue. La réalisation du monument était sujette à beaucoup de polémiques. Certains ont même soupçonné l’existence de cercles cachés dernière la statue. Mais ce sont des polémiques, de mon point de vue, qui sont liées à ces types de réalisations’’, croit-il savoir.
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