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Kémi Séba - écrivain: ‘’Je ne crois pas au Pse du Président Macky Sall’’
Publié le vendredi 19 aout 2016  |  Enquête Plus
Macky
© Présidence
Macky Sall
Le président de la république du Sénégal a dirigé la délégation sénégalaise au club de Paris pour le financement du Plan Sénégal Emergent




L’analyste politique Kemi Séba, qui vient de publier son troisième ouvrage de 150 pages intitulé ‘’Obscures époques’’, diagnostique, dans cet entretien, la montée du terrorisme en France, en Afrique, de même que les forces et les faiblesses de la société civile dudit continent. Avec un regard critique, l’écrivain considère que l’Afrique ne peut pas se développer avec des plans d’émergence financés par ses ‘’pilleurs’’.

Vous venez de publier votre troisième ouvrage intitulé ‘’Obscures époques’’. Qu’est-ce qui a motivé l’écriture et la publication de ce livre?

J’ai été simplement inspiré par l’actualité telle qu’on la voit aujourd’hui, la politique internationale. Nous sommes, plus que jamais, à une époque où les diversions commencent à être instrumentalisées pour des raisons politiques, économiques. Aujourd’hui, ceux qui se plaignent du terrorisme, du feu, sont en réalité les gens qui l’allument.

Vous faites allusion à qui?

Je parle des pompiers pyromanes, les oligarchies occidentales de manière générale. Les pétromonarchies arabes, comme l’Arabie Saoudite, contribuent à ce terrorisme qu’elles financent à bon nombre d’endroits. C’est une action qu’on crée. Malheureusement, elle échappe à ceux qui l’inventent. Mon livre est un ouvrage de poche de plus d’environ 150 pages. Déjà, en plus de trois mois, on a vendu 3 000 exemplaires. C’est aussi une étape dans ma démarche littéraire. J’ai essayé de faire en sorte qu’il soit accessible à tout le monde. D’ailleurs, beaucoup de gens en banlieue, aux Antilles, en Amérique du Sud, etc. le considèrent comme le leur parce que le langage leur parle.

Vous parlez de ‘’fiction géopolitique’’ dans le livre. Cette expression renvoie à quoi ?

Comme son nom l’indique, c’est la géopolitique mondiale. La fiction, c’est partir du principe qu’on raconte un récit qui ne soit pas 100 % lié à des événements avérés. En réalité, quand on lit le livre, on se rend compte que 80% des choses qui y sont dites correspondent à des éléments réels. Mais je voudrais, étant donné que mon propos est très attaqué par les autorités occidentales, éviter les procès qui ont été faits par rapport à ma pensée politique. C’est la raison pour laquelle j’emploie l’expression ‘’fiction géopolitique’’.

Selon vous, qu’est-ce qu’il faut faire pour que les pays du Sud puissent tirer leur épingle du jeu dans ce village globalisé?

D’abord, il faut qu’ils passent par la société civile. Dans tous les pays où on a été, on a remarqué que les membres de la société civile savent qu’il faut nécessairement revenir à la source, faire une étude de la tradition, de son identité dans ce village globalisé. Quand quelqu’un comme Barack Obama veut imposer le mariage homosexuel dans les sociétés qui n’ont pas les mêmes réalités que les Etats-Unis, cela pose problème. On a des coutumes propres aux sociétés africaines. Alors, c’est comme si on est dans une situation où le point de vue d’une petite minorité doit être accepté par tous. Par ailleurs, le terrorisme est aussi un instrument qui sert à asseoir une vision unifiée ou unique du monde.

Justement, parlons de ce terrorisme dont vous faites état. Ces derniers mois, la France a été fortement secouée par des séries d’attaques. Avec le recul, en tant que natif de ce pays, quel commentaire faites-vous de cette situation?

Déjà, tout le monde sait que quand on parle du terrorisme, c’est aussi une manière d’éviter de faire état des questions sociales. Des gens qui se réclament de l’Islam se permettent d’assassiner, d’écraser, de tuer des frères musulmans. De ce point de vue, en toute objectivité, il est légitime de se poser des questions de fond sur la nature et la véracité de ce terrorisme. Avons-nous affaire à des mercenaires?

A votre avis, est-ce le cas?

Bon, il faut d’abord connaître l’idéologie du ‘’takfirisme’’. Elle est portée par des gens qui se revendiquent comme étant les seuls garants de la religion. Et elle est promue par une branche radicale de l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, ce terrorisme dont on parle a des intérêts géostratégiques qui sont en contradiction totale avec les principes du Tiers-monde. A côté, Boko Haram se sert de l’installation de base militaire américaine pour assassiner ses propres frères. C’est parce qu’il y a des déstabilisations qui favorisent la présence du commandement américain sur le continent africain. Donc, à mon avis, il faut qu’on se demande à qui profitent ces actes terroristes. En France, le terrorisme s’explique par une manipulation d’Etat que tout le monde connaît.

Ces manipulations viennent d’où ?

Vous savez, le père de Mohammed Merah a dit, lors de cette affaire, que son fils était un agent public du service français. Actuellement, tout le monde sait, y compris les médias européens, que le jeune a été instrumentalisé. Malheureusement, les gens n’ont pas essayé d’aller plus loin dans la réflexion. Son père, lui-même, a dit qu’il a été manipulé par le même service pour mener ces exactions. Ceci étant dit, je dois vous signaler que ce pays n’est pas ma préoccupation première. Mon souci majeur, c’est de faire en sorte que l’Afrique aille mieux. Maintenant, on peut s’interroger sur la politique sociale de la France qui pousse, forcément, certaines personnes à se laisser enrôler par des criminels comme Daesh, Boko Haram, etc. Ces organisations sont elles-mêmes manipulées. Il y a aussi le degré de paupérisation dans les quartiers populaires en France avec les jeunes immigrés qui souffrent le martyre. Donc, quant on voit de jeunes noirs, arabes, qui s’engagent dans des voies extrémistes, on doit se poser des questions.

Peut-on faire la connexion entre la montée de Boko Haram et la déstabilisation de la Libye orchestrée en grande partie, selon des observateurs, par l’ancien Président Sarkozy?

Effectivement, le Président Sarkozy a été un des pionniers qui ont déstabilisé la Libye. Ce chaos ne tombe pas du ciel. Les personnes qui mettent le feu essayent de jouer les pompiers. La présence et la surpuissance de l’Etat islamique est liée à trois facteurs: la déstabilisation de la Syrie, la guerre en Irak et la destruction de la Libye. Donc, la France et les chanceliers occidentaux ont leur responsabilité dans ces situations. Boko Haram, cette bande de malfrats, est devenu une puissance. Il n’aurait jamais eu cette facilité si la Libye n’avait pas été déstructurée parce qu’elle était garante d’une sécurité minimum en Afrique.

Que dire de l’Union africaine (Ua) dans le cadre de cette affaire en Libye?

Il faut juste dire qu’elle a révélé son degré d’incapacité aux yeux de millions d’Africains. Moi, quand je parle du panafricanisme, je ne fais pas allusion à l’Union africaine (Ua) qui est financée en grande partie par des gens qui ne sont pas issus du continent. Vous ne pouvez pas défendre les intérêts de l’Afrique si vous êtes financé en majorité par des fonds exogènes.

Vous êtes critique par rapport aux Ong qui interviennent en Afrique. Comment expliquez-vous cette attitude?

Non, ce n’est pas une posture critique. C’est plutôt l’analyse du monde. A travers mes voyages, j’ai constaté que les peuples du Sud, y compris la Russie, qui résistent à l’uniformisation du monde, sont confrontés aux mêmes problèmes. Ils refusent le diktat des agendas des Ong. Ils sont financés et décidés à Washington, Paris.

Quelle appréciation faites-vous de la société civile africaine?

Je pense qu’il y a une guerre à l’intérieur de cette société civile africaine. Celles qui ont choisi d’être avec nos anciens colonisateurs, et d’autres qui veulent faire une guerre d’indépendance à l’intérieur de cette même société civile. Parce qu’elle est le futur terrain de jeu du pouvoir démocratique réel au 21ème siècle. Elle sera le centre de gravité du pouvoir en Afrique dans les années à venir. Et tout le monde le sait. D’ailleurs le degré d’investissement des anciennes puissances à l’intérieur de cette société civile africaine devrait nous faire comprendre que le pouvoir ne se décide plus simplement dans les urnes, les hautes sphères des technocrates, mais plutôt dans la société civile. Et, c’est la raison pour laquelle le département d’Etat de ces grandes puissances dépense autant d’argent pour financer un certain nombre d’Ong. Nous, en ce qui nous concerne, nous portons un choix d’auto-détermination. Et je signale que j’ai reçu beaucoup de tentations de captation.

Ces tentatives viennent d’où ?

Eh bien ! de plusieurs endroits. Il y a plusieurs sphères, dont je me garde de faire leur promotion, qui me disent qu’on peut vous sponsoriser, mais ce n’est pas nécessaire de parler de telle chose. Elles essayent de me faire comprendre que le problème, ce n’est pas le néocolonialisme, mais plutôt la question des droits humains, je dis qu’il y a problème.

Pour que les Africains puissent tendre vers une société civile dynamique, il faut qu’il y ait une forte conscience citoyenne avertie…

(Il coupe) Effectivement. Et je précise que cette conscience citoyenne est en marche dans beaucoup d’endroits sur le continent africain. C’est pour cette raison que certains essayent de désorienter cette jeunesse en lui faisant comprendre qu’il s’agit de se battre pour les droits de l’Homme. Ils tentent de niveler notre niveau de réflexion et de conscience vers le bas. Pour nous, c’est une question globale. Je n’ai jamais entendu ces Ong financées par l’Occident faire état de la problématique du Franc CFA, alors que c’est une question profondément importante.

Récemment, dans une de vos sorties, vous avez fermement condamné l’arrestation de certains membres du mouvement antiesclavagiste Ira par le régime mauritanien…

Oui, je l’ai fait parce que nous sommes au 21ème siècle. Je ne comprends pas qu’un pays africain s’adonne à des pratiques esclavagistes. Aussi, je regrette le mutisme des pays environnants sur cette question précise. Leur silence me dépasse. Et le gouvernement raciste ne va jamais dire que le combat de ces gens est juste. En un mot, cette situation devrait être une affaire continentale.

Votre discours est souvent perçu comme ‘’radical’’. D’ailleurs, c’est dans ce sens que vous avez été arrêté plusieurs fois en France, interdit d’entrer en Suisse. Comment expliquez-vous votre attitude intellectuelle?

Ils ont tout simplement peur de mon discours. Et ça me paraît légitime. Des pays qui passent leur temps à piller ceux du Sud ne peuvent pas accepter que quelqu’un vienne leur dire d’arrêter ce qu’ils font. A cet égard, la diabolisation de ma personne dans les pays du Nord me vaut d’être considéré comme un combattant de la liberté dans beaucoup de pays du Sud. Je ne suis pas en contradiction totale avec les peuples du Nord, mais plutôt avec les élites occidentales politiques qui sont les complices de la finance internationale responsable du néocolonialisme, du néolibéralisme déstructurant.

Vous êtes au Sénégal depuis 2011. Et vous vous intéressez aux questions politiques. Que pensez-vous du Plan Sénégal émergent (Pse) porté par le Président Macky Sall.

On ne peut pas avoir d’émergence au Sénégal tant qu’on la demande vis-à-vis de ceux qui sont responsables de notre délitement. C’est aussi simple que ça. L’émergence qui est financée par la France, qui a une grande responsabilité dans l’état social, politique, économique que nos pays traversent présentement, avec les plans d’ajustements structurels, me paraît quelque chose qui n’est pas crédible. Ces mêmes bailleurs sont nos pilleurs. De ce point de vue, je ne crois pas à son Pse. Et je n’attaque pas l’homme, mais son idée.

L’Afrique est-elle sur la voie du développement?

Nous sommes le continent le plus riche du monde. Et nous parlons de voie de développement par rapport à quoi. Est-ce qu’on doit construire des immeubles comme à New York ou Paris ? Ces gens-là ont moins de richesses que nous, mais ils nous poussent à croire que pour être des personnes développées et civilisées, on doit s’orienter vers une dynamique qui prend en compte leurs réalités.

Vous venez de lancer le mouvement Urgence panafricaniste. Pourquoi vous l’avez mis en place?

Je ne l’ai pas lancé seul. Et nous sommes dans une démarche bicéphale qui est très active sur le terrain africain, notamment au Sénégal. Le mouvement est présent sur deux tendances : sociale et économique. A travers la tendance sociale, nos militants contribuent à distribuer des repas aux populations qui sont les plus défavorisées au Maroc, au Sénégal, au Cameroun, aux étudiants qui sont dans une situation d’extrême précarité en France. La démarche politique repose sur une sensibilisation sur des problématiques de fond que j’ai déjà citées. Au niveau international, nous avons lancé la campagne avec Alpha Blondy qui a rejoint Urgence panafricaniste, de même que Claudy Siar, Dj Awadi…Bref, nous avons plusieurs personnalités qui rentrent dans cette dynamique de soutenir le mouvement.

Vous êtes financé par qui?

On s’autofinance. C’est le sacrifice le plus dur, mais il rend le mouvement le plus crédible possible auprès de la masse. La télévision est l’outil sur lequel je compte le plus parce que l’Urgence panafricaniste porte beaucoup d’espérances, d’énergies. C’est un mouvement viral. J’ai 250 mille personnes qui me suivent sur ma page facebook. Et tous ces gens disent être des sympathisants du mouvement. Alors, il ne s’agit pas pour nous d’avoir des cartes de membre. C’est plutôt un état d’esprit. Récemment, j’ai rencontré à Ouagadougou des jeunes qui ont lancé un service d’Urgence panafricaniste parce qu’ils se reconnaissent dans l’état d’esprit que nous développons. Et je n’ai pas été informé de leur intention.
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