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Malick Diagne, spécialiste en décentralisation: ‘’La ligne de conduite du PDS est très confuse’’
Publié le mardi 16 aout 2016  |  Enquête Plus
Macky
© Présidence par DR
Macky Sall donne le coup d`envoi du dialogue national
Dakar, le 28 mai 2016 - Le président de la République Macky Sall a donné le coup d`envoi du dialogue national. Il a lieu au palais de la République. Photo: Oumar Sarr, coordonnateur national du Pds




Selon le spécialiste en décentralisation, Malick Diagne, l’attitude du parti présidentiel de ne pas présenter de liste à Dakar pour l’élection au Haut conseil des collectivités territoriales se comprend facilement. Car, dit-il, compte tenu du mode de scrutin, il sera difficile pour l’APR de faire passer sa liste à Dakar. Aussi, dans cet entretien avec EnQuête, Malick Diagne souligne-t-il qu’Idrissa Seck et Malick Gakou sont conséquents avec eux-mêmes en boycottant ce scrutin. Par contre, relève-t-il, la ligne de conduite du PDS est très confuse.

Il y a beaucoup d’amalgames à propos de l’élection pour le Haut conseil des collectivités territoriales. Pouvez-vous revenir sur les modalités de ce scrutin ?

Le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) est une nouvelle institution mise en place dans la foulée des réformes institutionnelles entrées en vigueur après la promulgation de la nouvelle constitution par le Président de la République, suite au referendum du 20 mars dernier. Une nouvelle loi a été votée qui consacre de fait le HCCT tout en fixant l’organisation et la composition. Vous avez remarqué qu’après vote de la loi, il n y a pas eu de recours devant le Conseil constitutionnel pour anti constitutionnalité, puisque la nouvelle constitution a déjà acté, dans les principes, cette institution.

L’exposé de motif de loi parle d’un nouvel instrument qui vient parachever les réformes de la décentralisation de 2014, plus connu sous le nom d’acte III de la décentralisation. Le HCCT a plutôt une mission d’appui-conseil au gouvernement et de prospective sur les questions précises de décentralisation et de politiques publiques locales. Contrairement au Sénat qui avait été institué par l’ancien Président Abdoulaye Wade et dissous par son successeur Macky Sall à son arrivée au pouvoir. Le HCCT n’est pas une chambre parlementaire. En particulier, il n’a pas vocation à voter des lois ou à les rejeter en seconde lecture.

Qu’en est-il du mode d’élection ?

Le mode d’élection est le même avec un collège d’électeurs réduit qu’on appelle d’ailleurs le collège des grands électeurs pour insister sur l’importance de cet électorat déjà porteur d’un mandat consacré par le suffrage universel direct. Il s’agit de 26 688 conseillers municipaux et de 2 340 élus départementaux provenant des 602 collectivités locales. Ils ont pour mission d’élire 80 Hauts conseillers. Le reste, c’est-à-dire les 70, seront désignés par le président de la République. La loi ne lui fait pas obligation de motiver sa décision.

Qui est concerné par ces élections et qui ne l’est pas ?

Il s’agit d’un scrutin réservé aux seuls conseillers départementaux et municipaux qui sont à la fois électeurs et éligibles, sous certaines conditions. Parce qu’il faut être investi sur une liste par une formation politique ou une coalition de partis politiques. C’est un scrutin sans commune mesure avec une élection présidentielle, des élections législatives ou des élections locales. Le citoyen qui n’est pas investi d’un mandat local n’est pas concerné. Il n’est pas électeur et il ne peut pas non plus être éligible.

On a récemment entendu des leaders comme Malick Gakou dire qu’ils n’allaient pas participer à cette élection. Ce dernier est-il réellement concerné par ce scrutin ?

Il est concerné dès lors que sa formation politique dispose d’un récépissé du ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique. Rien ne s’oppose à ce que son parti participe aux élections avec des listes de candidats, s’il le souhaite.

En adoptant une telle posture, n’est-il pas dans le jeu politique ?

Sur la question précise de la nouvelle constitution et du HCCT, il a fait le choix de ne pas être dans le jeu politique, en votant et en appelant à voter pour le NON au référendum du 20 mars. Son parti a, je crois, fait un communiqué pour dire textuellement qu’il n’était pas concerné par le HCCT assimilé à un Sénat bis inopportun et inefficace dans le contexte actuel de rareté de ressources. Je pense que Malick Gakou est cohérent avec lui-même et logique dans sa démarche, de même d’ailleurs qu’Idrissa Seck dont le parti a lui aussi décidé de boycotter le scrutin.

Justement, comment analysez-vous la décision prise par le parti Rewmi de boycotter cette élection ?

La formation politique d’Idrissa Seck a motivé sa décision par le fait qu’on ne peut pas dissoudre le Sénat pour des raisons de rationalisation budgétaire et mettre en place une nouvelle institution quelques années après, sans donner la preuve qu’on a de nouvelles ressources qui permettent de faire face aux charges nouvelles induites par la création du HCCT. Il n’est pas exagéré de dire aujourd’hui qu’il n y a pas eu suffisamment d’explications et de communication sur les raisons qui ont présidé a la mise en place de cette institution. Je peux personnellement comprendre le besoin de mieux encadrer les politiques publiques locales par une institution habilitée comme le recommande régulièrement Cités et gouvernements locaux Unis d’Afrique (CGLUA) dans ses différents rapports.

Je rappelle d’ailleurs que le Sénégal a eu une position inconfortable dans le dernier classement des pays africains les mieux lotis en matière de décentralisation, précisément parce que notre pays ne disposait pas d’une institution comme le HCCT destinée à accompagner et à approfondir le processus de décentralisation. Pour autant, il m’est difficile de comprendre l’absence d’information et de communication pour rassurer les Sénégalais de l’opportunité d’une telle institution. Je constate que très souvent, dans notre pays, la politique politicienne prend souvent le dessus sur le pilotage de certains dossiers.

Le principal défi de cette nouvelle institution, ce sera sa crédibilité, c’est-à-dire sa capacité à apporter une expertise au gouvernement et à l’aider à reformuler clairement certaines politiques publiques qui apparaissent clairement inadaptées aujourd’hui. Autrement, à l’heure du bilan, la mise en place de cette institution pourrait un peu ternir le magistère de Macky Sall. Je rappelle que la France qui est, il faut le dire, une référence pour nous en matière de politique institutionnelle, avait un moment émis l’idée de mettre en place le Conseil des collectivités territoriales, dans un projet de loi portant modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Cette institution a été supprimée du projet de loi sur accord des parlementaires en commission mixte paritaire en décembre 2013, sur injonction du Sénat qui y était carrément hostile.

Que dire alors du PDS, qui avait lui aussi appelé à voter NON et qui a décidé de participer à cette élection ?

La ligne de conduite de ce parti est très confuse. D’abord, parce qu’il a appelé à voter NON au référendum comme vous venez de le relever, mais il a surtout produit des communiqués de presse pour s’insurger contre la mise en place de cette institution. Aujourd’hui, cette formation politique ne fait pas beaucoup attention aux signaux qu’elle envoie dans l’opinion. Elle donne au citoyen lambda l’impression qu’elle est essoufflée et qu’elle est dans des logiques sous-jacentes de rapprochement avec l’APR sans le dire clairement.

Le président de la République, Macky Sall, par ailleurs président de l’APR, a décidé de ne pas présenter de listes à Dakar pour laisser le champ libre à la coalition Taxawu Dakar dirigée par Khalifa Sall. Cette décision relève-t-elle d’une simple abdication ou d’une stratégie politique ?

Compte tenu du mode de scrutin, il sera difficile pour l’APR de faire passer sa liste à Dakar. Le président de la République a certainement des éléments d’appréciation qu’il est le seul à avoir du fait de sa position. Mais de façon générale et au vu des actes qui sont posés progressivement à Dakar, on peut deviner un malaise et peut-être même un choc lié a la perte de la capitale et de ses périphéries lors des dernières élections locales. Il y a par conséquent des blessures qu’il serait inutile de réveiller. Sous ce rapport, l’attitude du parti au pouvoir se comprend facilement.

N’y a-t-il pas un risque d’avoir un Haut conseil marron beige si on sait que le parti au pouvoir contrôle la plupart des collectivités locales ?

Dans tous les pays, ces genres d’institution ne sont pas des hauts lieux de débats politiques entre formations politiques opposées. On met en avant la mission de conseil et non pas de contrôle de l’action du gouvernement comme peut l’être l’Assemblée nationale. Ce n’est pas donc choquant de voir le Président disposer d’un quota. Mais vous avez raison de signaler que ce sera une chambre presque monocolore. Tout au plus, il y aura quelques conseillers du Pds et de Taxaawu Dakar en plus de ceux de l’APR qui seront majoritaires.
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