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Manque de consensus sur le fichier, investiture des conseillers, législatives de 2017: Momar Seyni Ndiaye fait une analyse exhaustive
Publié le jeudi 11 aout 2016  |  Sud Quotidien
Christine
© aDakar.com
Christine Lagarde a tenu un discours devant la Représentation Nationale
Dakar, le 30 Janvier 2015 - La Directrice Générale du Fonds Monétaire International s`est adressée aux députés Sénégalais. Christine Lagarde a été reçue à l`Assemblée nationale par le président Moustapha Niass.




Le manque de consensus de la classe politique sur le fichier électoral ne laisse pas de marbre des observateurs de la classe politique. En tout cas, Momar Seyni Ndiaye, journaliste-formateur, trouve qu’en réalité, il est regrettable que la loi portant refonte du fichier électoral passe à l’Assemblée nationale sans consensus entre les différents acteurs, notamment le pouvoir et l’opposition. Il estime ainsi que cette mésentente montre «qu’on va droit vers de nouveaux contentieux». Dans cet entretien, M. Ndiaye est, par ailleurs, revenu sur les problèmes d’investitures que connaissent les partis et coalitions, pour le choix des candidats au Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), ainsi que sur la volonté de la Coordination PS de Dakar d’aller aux législatives sans la coalition Benno Bokk Yakaar.

Jeudi prochain, les députés sont appelés à voter le projet de loi n°21/2016 portant refonte partielle des listes électorales, alors que les acteurs politiques, en l’occurrence le pouvoir et l’opposition, ne parviennent pas à s’accorder sur, soit la refonte du fichier, soit son audit. Que pensez-vous de ces deux propositions faites par les deux camps ?

Il est regrettable que le vote de demain intervienne dans un climat de mésentente entre la majorité et les formations de l’opposition. Le processus de dialogue politique, enclenché depuis le 28 mai, aurait dû logiquement aboutir à un accord sur la conduite des processus électoraux jusqu’en 2019. Et même au-delà de cette échéance. Les discussions engagées sur la refonte du fichier étaient pourtant bien lancées et ont même permis de surmonter les premiers écueils apparus sur la représentation des parties. Cette bonne disposition d’esprit aurait dû continuer à animer les protagonistes.

Un vote du texte sans consensus, va planter les germes d’un conflit politique qui risque d’affecter les prochaines séances. Dans le fond, l’opposition a certainement raison de réclamer l’audit du fichier. Mais, ce diagnostic technique avait été effectué en 2012, de manière consensuelle, avec l’apport de techniciens exogènes au système. Il n’avait pas réglé un problème récurrent depuis des décennies, du stock mort estimé à environ un million de citoyens, qui ne prend plus part aux scrutins depuis très longtemps. Ainsi, le taux d’abstention est artificiellement surestimé, alors que bon nombre de ces citoyens électoralement inactifs, sont soit décédés, ont perdu leurs droits civiques et politiques ou modifié leur statut civil ou militaire ou même d’adresse.

Mais, là où l’opposition pèche, c’est qu’elle admet que le fichier actuel, même avec son stock mort, a permis d’organiser des élections aux résultats incontestables. Dans la même foulée, elle rejette l’idée d’une refonte partielle par la confirmation physique.

L’équation est là difficile à résoudre: comment circonscrire le stock mort, si on n’arrive pas à faire le distinguo entre les citoyens abstentionnistes, les morts, les déchus de droits civiques et politiques, et ceux qui ont changé de statut ou tout simplement d’adresse, et ne l’ont pas corrigé lors des périodes de révisions exceptionnelles ou non ? A cela, il faut ajouter aussi ceux qui ont perdu leurs cartes d’électeur et/ou d’identité nationale.

Un nouveau diagnostic aurait, sans doute, permis de se fixer sur la typologie du stock, et le profil d’électeurs concernés. Ensuite, il faudrait, sans doute, refondre même partiellement le fichier, pour le nettoyer, mais à partir d’une approche présentielle physique, si l’on veut aboutir à une fiabilité à cent pour cent. Et enfin, l’on procéderait à une campagne de communication et de sensibilisation forte pour inscrire, les nouveaux citoyens et surtout les jeunes qui auront dix-huit ans le jour des élections législatives.

L’autre alternative consisterait à opérer une refonte totale, en faisant l’économie d’un nouvel audit. Dans ce cas, il faudrait que chaque sénégalais jouissant de ses droits civiques et politiques se réinscrive avec une carte d’identité à jour, pour obtenir une nouvelle carte d’électeur. A huit mois des élections législatives, gagner ce pari relève pratiquement du miracle, car le temps manquerait certainement. La majorité commet, sans doute, l’erreur de la précipitation pour n’avoir pas donné assez de temps pour reformuler le désaccord, mesurer l’étendue de la discorde et trouver un terrain d’accord.

Ce vote à l’Assemblée nationale, où elle dispose d’une majorité mécanique, peut apparaître comme un passage en force par voie parlementaire, à l’opposé de l’esprit du dialogue politique. En vérité, il y a eu beaucoup de retard dans la gestion des dossiers électoraux à l’horizon. Ce dialogue aurait dû être entamé dès après les élections régionales et départementales, avec la perspective d’opérer une refonte totale, et une véritable stratégie de mobilisation sociale, lors des révisions exceptionnelles ou normales des listes.

La réactualisation du fichier doit être périodique et automatique. Les citoyens ont aussi leur part de responsabilité pour n’avoir pas souvent accordé aux révisions l’importance qu’elles méritaient. Il en est de même aussi pour les partis politiques et dans une certaine mesure la société civile. Avec le vote des députés, sans consensus de la classe politique au préalable, on va droit vers de nouveaux contentieux. Une étape douloureuse pour notre démocratie que notre pays avait dépassée.

Partout au Sénégal, les partis politiques, comme les coalitions de partis, connaissent des problèmes pour investir leurs candidats à l’élection des membres du Haut conseil des collectivités territoriales, prévue ce 4 septembre. Qu’est ce qui explique ces dysfonctionnements ?

Les partis politiques, tous bords confondus, ont été pris de court par l’organisation des élections pour la mise en place effective du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT). Visiblement, ils ne s’y attendaient pas, à l’échéance du 4 septembre. C’est là aussi une des défaillances du dialogue politique, dont les acteurs devaient s’attendre sur un agenda électoral figé jusqu’en 2019. Mais ces dissensions, qui s’expriment souvent en une violence verbale inouïe, même à l’intérieur d’un même parti, démontrent une absence totale d’organisation et de procédures dans le choix des candidats aux élections et leur mission à accomplir au sein de ces structures électives.

La logique de partage et d’usufruit l’emporte souvent sur un choix démocratiquement opéré. Ces partis fonctionnent comme des GIE, dans lesquels chacun, le staff notamment, cherche à engranger le maximum de profit que rapport l’occupation d’un poste. La formation politique fait cruellement défaut. La conscience politique est la chose la moins partagée. Ces tiraillements démontrent une incurie sans nom et une grave dépravation de l’idéal démocratique représentative. Ce délitement affecte déjà la bonne marche du HCCT, avant qu’il n’ait vu le jour.

Pensez-vous que ce soit une stratégie politique du chef de l’Etat, ou tout simplement un empressement dans les choix politiques du président ?

Pour une fois, au moins, il ne me paraît juste d’en faire porter la responsabilité exclusive au président de la République, Macky Sall. Il avait réussi à décrisper la tension politique en lançant l’idée d’un dialogue politique dont le pendant électoral avait rassemblé l’essentiel des forces politiques. Les discussions avaient bien commencé. Mais, les acteurs politiques ne se sont pas montrés à la hauteur de l’espérance que nous pouvions placer sur un éventuel apaisement du climat politique, pour des processus électoraux calmes et maîtrisés.

La coalition Bennoo Bokk Yaakaar tout comme les autres forces politiques en portent la grande responsabilité. Ceci dit, le président de la République appartient à un camp politique. Il serait illusoire de croire, qu’il ne mettrait pas de son côté tous les atouts pour renforcer ses positions. Pourvu qu’il ne fasse pas preuve pas de parti-pris, au-delà des normes et exigences démocratiques dont il est le garant.

N’y a-t-il pas des risques pour les partis politiques de créer des frustrés, quand on sait que les élections législatives se profilent à l’horizon ?

Les partis politiques et leurs militants constituent une infime minorité parmi les électeurs. Aujourd’hui, ils portent la responsabilité de l’échec du dialogue, qui risque de plonger le Sénégal dans une période de contestations pré et post électorales dont les prémisses se dessinent déjà. Les citoyens électeurs ont la possibilité de sanctionner les coupables de ces dérives politiques, quelque soit leur bord politique. Ils devront le faire au moment venu, sans la moindre hésitation. Il faut tout de même rappeler que le président de la République a l’impérieux devoir de créer les conditions d’un exercice équitable de la démocratie, notamment les processus électoraux. Cette obligation lui incombe, car c’est la qualité de ces processus électoraux qui l’ont mené au pouvoir.

La Coordination PS de Dakar envisage d’aller aux législatives, toute seule, sans la coalition Bennoo Bokk Yaakaar. Quels sont les risques pour la coalition présidentielle et aussi pour le Parti socialiste ?

Ce fait n’est pas nouveau. En juin 2014, la Coalition Dekkal Ndakaru, dirigée par le maire de Dakar, Khalifa Sall, avait déjà remporté les élections départementales et municipales à Dakar. Cette coordination recoupe exactement les contours de cette coalition dans laquelle on notait la présence de la LD et d’autres formations appartenant à Bennoo Bokk Yaakaar. La plupart des élus de Dakar sont donc issus de cette formation. Il est donc normal qu’elle se représente sous la même bannière pour ces élections de moindre importance. Même si le PS est concerné, au premier chef, par cette échéance très circonscrite, on scrutera aussi la position d’autres formations alliées de Khalifa Sall.
Lors du référendum, certaines d’entre-elles et même le maire de Dakar-Plateau n’avait pas suivi Khalifa Sall dans le choix du Non. Est-ce une position de circonstance ou un vrai désamour, la suite nous le dira. De toutes manières, élections, le PS est, au vu de ces tiraillements récurrents, engagé dans un processus irréversible de fragmentation. Le signe de séparation entre Khalifa Sall et Ousmane Tanor Dieng est maintenant net. Ces élections en seront probablement un nouveau révélateur.
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