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Manguethe Mané, soeur de Cheikh Sidaty dit Gattuso: « Je demande un suivi psychologique pour les deux »
Publié le mardi 2 aout 2016  |  Enquête Plus
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© Autre presse
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Depuis vendredi dernier, les jeunes de Colobane, qui ont passé quatre ans en prison dans l’affaire du meurtre du jeune policier Fodé Ndiaye, hument désormais l’air de la liberté. Comblée de joie, la famille de Cheikh Sidaty Mané ne cache pas son soulagement. Chez eux, le salon ne désemplit pas. Hommes, femmes, jeunes… rendent visite à l’«hôte» du jour qui, crâne rasé et barbu, affiche des sourires de temps à autre. Le jeune Mané n’étant pas disposé à parler, c’est sa sœur Manguethe Mané qui a délivré le message de la famille. Loquace, elle revient, entre autres, dans cet entretien, sur ces quatre ans de détention, la sentence de 20 ans vécue comme un « coup de massue », la « galère » de leur mère. La dame ne veut pas d’indemnisations, mais plutôt un suivi psychologique pour son frère et Cheikh Diop.

Votre frère Cheikh Sidaty Mané a été relaxé vendredi dernier. Quel a été son premier message après sa libération?

D’abord, je rends grâce à Dieu qui est au début et à la fin de tout. Et je remercie nos parents qui n’ont ménagé aucun effort, depuis quatre ans. Nous avons été soutenus par toute la population de Colobane, les organismes de droits humains, le mouvement «Y’en a marre», «Tout va mal» etc. Nous avons une justice juste, des gens qui disent le droit. Alors, le premier message de Cheikh Sidaty Mané, après sa sortie de prison, c’est : ‘’sànt Yàllà’’ (je rends grâce à Dieu). En rentrant à la maison, il était avec son livre de ‘’Xasida’’. Et ça m’a marqué quand je l’ai vu l’ouvrir. Honnêtement, j’ai été impressionnée par ce portrait. Je lui ai même demandé qu’on aille à la plage pour qu’il puisse faire son bain, mais il a refusé.

Dans quel état d’esprit se trouve-t-il?

Il a été vraiment marqué par ce qu’il a vécu. Il est très ému. Maintenant, il sait le sens de la famille, des amis.

Avez-vous senti un changement par rapport à son comportement de tous les jours?

J’ai constaté plus d’humilité dans son comportement, de calme, pas trop de changement par rapport à son côté farceur. Tout à l’heure, quand il est venu, il y avait beaucoup de monde dans la maison. Les enfants sont toujours autour de lui. C’est un homme serviable, sociable. Quand il entrait en prison, il avait 28 ans. Et je ne l’ai jamais vu frapper un enfant.

Il a le sens de l’humour….

Exactement, il essaye tout le temps de faire rire, même dans sa façon de parler.

Comment votre famille a-t-elle vécu ces quatre ans en prison?

C’était très difficile. Mais, ce qui nous a aidés, c’est cette communion, ce bloc que la famille a fait derrière Cheikh Sidaty Mané. Et nous étions convaincus de son innocence.

En première instance, votre frère et son ami Cheikh Diop avaient été condamnés à 20 ans prison. Comment la nouvelle a-t-elle été accueillie dans votre famille?

Eh bien ! Elle a été accueillie comme un coup de massue. C’était douloureux. Ce jour-là, je ne pourrai jamais l’oublié dans ma vie. Et en pleurant, je suis tombée en syncope. Le vendredi dernier, quand on a donné la sentence, j’ai dit AlhamdouliLah, parce que j’avais foi en Dieu.

Toute la famille est soulagée…

Oui, toute la famille est soulagée. Mais je tenais aussi à faire un témoignage. Et je le dis sur le Saint Coran. Le vendredi dernier, quand je suis arrivée chez moi vers 2 heures du matin, après avoir fait mes ablutions, j’ai prié pour le défunt Fodé Ndiaye. Parce que nous, nous avons eu la chance, aujourd’hui, que notre frère revienne dans notre famille. Mais la famille du défunt Fodé Ndiaye n’a pas eu cette occasion. Pourtant, il était jeune comme eux. De ce point de vue, je dis que c’est très douloureux. J’ai une pensée pieuse pour lui. Je n’ai jamais parlé de ça, parce que la situation était sensible, le contexte chargé. Malheureusement, aujourd’hui, il y a un ou des coupables qui courent toujours.

Que comptez-vous faire après sa libération?

Actuellement, on va profiter de notre frère, parce que ça fait longtemps qu’on ne l’a pas vu. On va essayer de lui chercher du travail pour qu’il soit réinséré dans la société. Présentement, c’est tout ce qu’on a comme objectif.

Votre famille est-elle prête à mener des actions pour que son fils soit indemnisé?

Actuellement, nous ne sommes pas intéressés par cette question d’indemnisation. Le pécuniaire n’est pas important. Notre objectif, pour le moment, c’est de faire en sorte qu’il applique les vraies valeurs de la vie qu’il a reçues avant d’être envoyé en prison. Nous n’allons pas poursuivre quelqu’un pour une quelconque indemnisation. Ce qui nous préoccupe, c’est qu’ils reconnaissent que ces jeunes ont été torturés, bafoués dans leur dignité. Actuellement, tout le monde jubile. Mais ces jeunes auront des séquelles. Il y a des choses qu’ils ne nous diront pas. Ils resteront éveillés des nuits, parce qu’ils ont été touchés dans leur chair. Donc moi, je pense plutôt à un suivi psychologique. Si on peut les prendre en charge, les écouter, leur proposer un programme etc., je pense que c’est plus important que l’aspect pécuniaire.

Votre maman a-t-elle été déstabilisée durant le séjour carcéral de son fils?

Bon, elle est aujourd’hui soulagée. Je vous le dis, pendant quatre ans, je ne reconnaissais plus ma mère. C’était une femme très active, qui croquait la vie à belles dents. Elle était coquette. Mais durant ces quatre dernières années, je l’ai vu dépérir, se transformer. Elle ne dormait plus ; elle restait sur son canapé toute la journée. Le soir, à 16 heures, quand j’arrivais à la maison, je la trouvais sur son fauteuil jusqu’à 2 heures du matin. Elle n’arrivait pas à rentrer dans sa chambre. Et j’interpelle la police, la justice sénégalaise, etc. Parce qu’accuser une personne d’un crime aussi grave que le meurtre d’un policier, je dis que c’est inquiétant. Au lieu d’anéantir la vie d’une personne innocente, je pense qu’il faut au moins chercher, creuser, pour situer le mal. La preuve, on a failli incarcérer ces jeunes de Colobane pour le restant de leur vie pour des choses qu’ils n’ont pas commises.

Ces jeunes ont été envoyés en prison dans un contexte politique très chargé, marqué par des séries de manifestations contre le régime de l’ancien Président Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, des élections se profilent à l’horizon. Avez-vous un message à lancer à l’endroit des jeunes?

Je pense qu’il ne faut pas que la jeunesse soit instrumentalisée. Au même moment, il faut se battre pour ses convictions, ses idéologies, sa liberté, etc. Je ne dis que les jeunes doivent rester chez eux. Mais, pour le cas de mes frères, ils n’avaient aucune conviction politique pour aller se battre. Et je pense qu’ils doivent faire très attention aux politiques, en évitant d’être embarqués dans des choses qu’ils vont regretter.
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