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Trois questions à ... Me Mame Adama Guèye sur la sortie de l’Ums: "La révolution qu’il faut porter, c’est d’ouvrir le Conseil supérieur de la magistrature ..."
Publié le samedi 16 juillet 2016  |  Sud Quotidien
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© Autre presse par DR
Me Mame Adama Guèye, avocat d`affaires et acteur de la Société civile




La proposition de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), invitant l’Exécutif à sortir du Conseil supérieur de la magistrature, dans le but de renforcer l’indépendance de la justice sénégalaise, ne trouve pas l’assentiment du président de la Plateforme «Avenir Sénégal bi nu bëgg». Dans cet entretien téléphonique accordé à Sud Quotidien hier, jeudi 14 juillet, Me Mame Adama Gueye trouve qu’une telle approche est «réductrice», dans la mesure où la justice n’est pas qu’une affaire de magistrats et d’Etat, mais plutôt qu’il a une multiplicité d’acteurs dans ledit secteur. Il en a profité pour rappeler au chef de l’Etat, Macky Sall, l’assise de la justice, promise en fin avril dernier.

L’Union des magistrats du Sénégal a sorti un communiqué dans lequel, elle a exigé la sortie de l’Exécutif du Conseil supérieur de la magistrature, pour le renforcement de l’indépendance de la justice. Pensez-vous que ce soit en réalité le frein à l’indépendance de la justice au Sénégal ?

Je pense que la démarche là est trop réductrice. On ne peut pas réduire la question de l’indépendance de la justice à ce seul point. La question de la gouvernance du Conseil supérieur de la magistrature doit être considérée, mais dans une approche globale. Parce qu’aujourd’hui, la justice n’a pas que ce problème. Donc, la démarche qu’il faut doit être holistique, inclusive, ouverte, qui implique l’ensemble des parties prenantes. Parce qu’il ne faut pas qu’on pense que la justice n’est que l’affaire des magistrats et de l’Etat, éventuellement. La justice est rendue au nom du peuple sénégalais. Il y a beaucoup de parties prenantes. Toutes les parties prenantes ont leur mot à dire sur le fonctionnement de la justice.

D’ailleurs, c’était très heureux que le président de la République ait décidé de convoquer les assises de la justice. C’était prévu fin avril. C’est l’occasion de le rappeler au président de la République, pour qu’il y ait un débat ouvert et large.

Moi, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut totalement exclure l’exécutif du Conseil supérieur de la magistrature. La révolution qu’il faut porter, c’est d’ouvrir le Conseil supérieur de la magistrature aux autres parties prenantes de la justice, comme ça se fait dans beaucoup de pays dans le monde, et comme c’est préconisé par un magistrat, notamment Ibrahima Dème dans un texte intitulé : «Le Conseil supérieur de la magistrature : l’indispensable réforme». C’est un article de fond, qui propose une réforme du Conseil supérieur de la magistrature, mais de manière intelligente. Il préconise cette idée d’ouvrir le Conseil à d’autres acteurs. Il propose ainsi un avocat membre du Conseil, un professeur titulaire de droit, une personnalité compétente judiciaire désignée par les organisations de la société civile, une personnalité désignée par les centrales syndicales, deux députés. Ça, c’est intéressant et dans le cadre de la réforme de la gouvernance du Conseil de la magistrature supérieure, il peut être intéressant de reconsidérer les pouvoirs dont dispose l’exécutif. Il faut redistribuer le pouvoir, réorganiser la gouvernance de telle sorte qu’il ne soit plus possible que l’Exécutif exerce un pouvoir sur le Judiciaire. Parce que les actions essentielles qui se posent souvent, c’est la question de la carrière des magistrats.

Je suis d’accord qu’effectivement, on ne peut pas organiser une omnipotence de l’Exécutif par rapport à cette question. Mais, c’est une question de gouvernance qui concerne la magistrature. Ce n’est pas seulement une solution réductrice qui consiste à dire qu’il faut sortir l’Exécutif qui règle le problème. Aujourd’hui, la justice est un grand malade avec beaucoup de problèmes. Ce n’est pas parce qu’on règle un mal, qu’on règle tous les problèmes.

Quand vous dites que vous ne faites pas parti de ceux qui souhaitent que l’Exécutif sorte totalement du Conseil supérieur de la magistrature, craignez-vous une République des magistrats au Sénégal ?

Il ne faut pas un autre gouvernement de la justice. Ce n’est pas un mot qui m’appartient. C’est en réalité un mot qui a été prononcé par un ancien président de la Cour de cassation française. Il estime que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne requière pas l’autogouvernement de la magistrature. Pour l’indépendance de la justice, il y a beaucoup d’autres facteurs. Cette indépendance ne peut pas être réduite aux rapports magistrats-exécutifs. Il y a beaucoup d’autres facteurs qui minent l’indépendance de la justice.

Etes-vous de ceux qui pensent qu’il faut supprimer le ministère de la justice ?

La question de la justice est une question de fonctionnement de service public. La responsabilité du fonctionnement du service public relève de l’autorité exécutive qui peut assurer le fonctionnement du service de la justice sans mettre en cause l’indépendance de la justice. Ceux qui disent que pour pousser à des solutions extrêmes, il faut enlever le ministère de la justice, qui va gérer le service public de la justice ? Avec ce service, c’est de l’investissement, de l’organisation. C’est en réalité beaucoup de choses. Ce n’est pas seulement rendre la justice. Alors que le rôle des magistrats c’est de rendre la justice. Il y a beaucoup d’autres fonctions qu’il faut prendre en considération pour le bon fonctionnement de la justice.
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