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Dr Cheikh Atab Badji sur une éventuelle cohabitation en 2017 à l’Assemblée: "La survenue d’une cohabitation reste inéluctable"
Publié le lundi 11 juillet 2016  |  Sud Quotidien
Christine
© aDakar.com
Christine Lagarde a tenu un discours devant la Représentation Nationale
Dakar, le 30 Janvier 2015 - La Directrice Générale du Fonds Monétaire International s`est adressée aux députés Sénégalais. Christine Lagarde a été reçue à l`Assemblée nationale par le président Moustapha Niass.




Le Dr Cheikh Atab Badji, MBA en Science politique reste convaincu que dans ce contexte politique actuel de post référendaire, «la survenue d’une cohabitation reste quasi inéluctable». Dans cet entretien accordé à Sud Quotidien, l’analyste politique a relaté les indices qui semblent objectiver un jeu politique. Dr Badji est, par ailleurs, revenu sur le comportement que doit adopter la classe politique, si cohabitation il y a, non sans indiquer la situation politiquement conflitgène que causerait une cohabitation au Sénégal.

Vue la nouvelle configuration politique qui se profile, peut-on envisager une probable cohabitation à l’Assemblée nationale au lendemain des législatives de 2017 ?

Dans une élection, tous les cas de figure doivent être envisagés. L’issue de toute jouxte électorale obéit à un paramètre, par essence, insaisissable, à savoir ce qu’on identifie en science politique comme le comportement électoral qui reste dépendant des données de circonstance dont le discours politique, les manœuvres politiciennes, le contexte socioéconomique favorable ou défavorable, l’usure du pouvoir.... Dans notre contexte politique actuel de post référendaire qui a vu la synchronisation de l’agenda électoral, la survenue d’une cohabitation reste quasi inéluctable, dans les sept prochaines années. Plusieurs indices semblent objectiver un jeu politique ouvert, si on interroge les chiffres de l’histoire électorale récente.

• Que les législatives de 2012, année d’une alternance euphorique, organisées quatre mois tout juste après la présidentielle, n’aient permis d’élire une assemblée qu’avec un taux de participation historiquement faible (environ 36%), avoisinant celui du referendum.
• la victoire mitigée aux (dernières) élections locales qui partagent avec les législatives le potentiel de scission du bloc parti
• la faible participation référendaire malgré la forte mobilisation humaine et matérielle, laisse entrevoir les limites objectives de la coalition de circonstance, émanant plus d’une sanction politique que d’un résultat d’une véritable représentativité.
• le faible potentiel de mobilisation (autour de 35%) des législatives depuis 1993 (date de découplage présidentielle-législatives) jusqu’à nos jours, en dehors de l’exception de 2001 (67%)
• les coalitions comme conglomérats de chefs de partis (non de partis) qui pèsent plus comme fardeau politique que poids électoral car l’arithmétique électorale enseigne que l’addition en politique n’est forcément synonyme de croissance; certains éléments étant comme affectés d’une charge négative ou une valeur nulle annulant ainsi toute opération d’addition ou de multiplication les impliquant.
• le pari incertain des retrouvailles avec leur lot certain de séparations et de recomposition du paysage politique où la morale du slogan “gagner ensemble, gouverner ensemble” risque de céder le pas à la raison face au risque de “gagner ensemble, gouverner ensemble et perdre ensemble”.

Bref, autant de paramètres qui présagent d’un jeu ouvert en 2017 et en 2023 où un changement de majorité parlementaire est bien dans l’ordre du possible.

Si tel est le cas, quel doit être le comportement de la classe politique ?

En démocratie, la cohabitation est une probabilité, même en cas de synchronisation du calendrier électoral, allusion faite aux cas constitutionnellement définis de vacance du pouvoir. Cette probabilité est d’autant plus forte en cas de désynchronisation. D’ailleurs, au Sénégal, la première cohabitation-de-faite a bien eu lieu en 2000, suite a une désynchronisation avec l’instauration du septennat (1993-2000) et une alternance installant à la tête du pays un nouveau Président devant démocratiquement cohabiter pour trois ans avec une Assemblée légalement élue en 1998. Cette situation politique inédite a été vite contournée par la dissolution de l’Assemblée nationale portée par une adroite communication politique justifiant un référendum que l’histoire a fini de renseigner sur ses véritables mobiles qui allaient au-delà de la dissolution du Sénat, diminution du nombre de députes ... Fort de cela, il me parait important d’analyser la cohabitation selon son contexte de survenue en “cohabitation sanction” et en “cohabitation alternance”. Si dans le dernier cas, la solution politique antidémocratique de dissolution de l’Assemblée nationale sous le prétexte de jouir d’une majorité pour mettre en œuvre sa politique peut passer sous l’emprise de l’euphorie comme ce fut le cas en 2000, celle-ci reste difficile sinon impossible dans le cas d’une “cohabitation sanction” au risque de crise politique majeure.

Il est important que la classe politique se mette à l’exercice de l’apprentissage du partage du pouvoir dans un esprit de collaboration saine en dehors des calculs politiciens partisans. Cela suppose mettre en avant les intérêts supérieurs de la nation. Servir l’intérêt général avec désintérêt. Ce qui, malheureusement, semble chimérique surtout s’il s’agit de ce nous appelons une “cohabitation sanction”, c’est à dire quand le président de la République à mi-mandat est sanctionné par la perte de majorité parlementaire. En effet, un tel cas de figure aiguise l’appétit” de la nouvelle majorité parlementaire qui va plus manœuvrer pour remplacer le chef de l’Etat que de se soumettre aux impératifs gouvernementaux.

Dans tous ces cas soulevés, que doit faire la classe politique

Le comportement de la classe politique devrait être de se focaliser sur l’offre politique alternatif ou correctif, notamment le programme politique en cours en y apportant les correctifs jugés nécessaires pendant cette période qui s’étend sur deux ans. Pour briguer la magistrature suprême, l’histoire politique enseigne que la cohabitation n’est presque jamais en faveur de la majorité parlementaire cohabitant, contrairement à ce que semble théoriser une partie de la classe politique. Les cas Chirac (1988), Balladur (1995) et Jospin (2002) sont assez éloquents dans le syndrome de cohabitation politique.

Quelle conséquence pour la démocratie sénégalaise, si cohabitation il y a?

Elle a beau être un baromètre de vitalité démocratique, la cohabitation reste une situation politiquement confligène. En politique comparée, il est intéressant à convoquer à ce propos l’histoire politique de la France sous la Ve République, qui est à bien des égards superposable à notre vie politique récente, tous deux partants du référendum de 1958. La première expérience de cohabitation (1986-1988) fut tout simplement amère, qualifiée de “période de campagne électorale continue” ou d’immobilisme” ou encore d’hyper conflictuelle”. La seconde dite de “velours” (1993-1995) s’est avérée plus apaisée, la douloureuse expérience de la précédente ayant fait enseignement. Mais au décours de ce cycle intenable de cohabitations ( 9 ans de cohabitation sur un cumul de 16 ans) dont la dernière et la plus longue a duré le temps d’un quinquennat (1997-2002), la classe politique française a fini par faire un consensus obligé sur un point: il faut réduire les chances de cohabitation à moins que leur plus simple expression, sa survenue relevant dorénavant plus de la force majeure que du fait électoral. Un hasard de calendrier a permis de conjuguer l’instauration du quinquennat suite au referendum du 24 septembre 2000 et la synchronisation de l’agenda électoral conjurant ainsi ce fléau démocratique de par sa récurrence. Le mal fut ainsi jugulé.

Dans notre contexte, les travers seraient encore plus marqués d’autant plus que les forces politiques vont à l’assaut des élections avec leur nouvelle trouvaille à savoir les coalitions électorales et électoralistes en lieu et place de coalitions politiques parce que n’ayant aucune base politique documentée et clairement énoncée sous la forme d’un programme ou plan de gouvernement prenant compte l’état situationnel basé sur un diagnostic utilisant des outils d’analyse universellement connus. D’ailleurs, dans les partis, on n’y apprend pas à gouverner, mais à s’opposer. Conséquence, l’objectif serait juste de gérer la toute prochaine élection présidentielle au détriment de la gestion politique du pays qui exige parfois des solutions tranchées sur des questions sanitaires, éducatives, scolaires ou sociales pouvant affecter la cote de popularité. C’est ainsi à titre d’exemple le PSE, censé être un patrimoine politique collectif commun, car ayant coûté l’argent du contribuable, pourrait être “voué aux gémonies” à tort, pour ne pas donner l’impression d’être sans solution et occasionnant du coup un éternel recommencement. Le contexte de rivalité politique deviendrait ainsi un terreau fertile au chantage syndical avec leurs incidences sociales et engagements financiers douteux, mais aussi au marché indécent des courtiers politiques.
La cohabitation, enjeu électoral et hors jeu politique; tel est le paradoxe de ce produit démocratique. L’actualité, c’est aussi demain, surtout quand il est lourd de conséquences. C’est pourquoi la classe politique partisane, la sphère politique intellectuelle non partisane et l’espace politique médiatique doivent faire leur cette question démocratique politiquement délicate.
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