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Le Quotidien N° 3329 du 4/3/2014

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Impacts négatifs d’un projet agro-industriel à Gninth : Une ONG brûle Sen Huile-Sen Ethanol
Publié le mercredi 5 mars 2014   |  Le Quotidien




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Un rapport d’Oakland Institute, assis sur une enquête de terrain, met à nu les impacts négatifs du projet Sen huile-Sen éthanol. Ce document de dix-sept pages, commis par un cercle de réflexion chargé de «promouvoir la participation citoyenne et un débat équitable sur les questions sociales, économiques et environnementales», s’attache à démontrer comment le projet Sen huile-Sen éthanol menace l’environnement et détruit les communautés locales de la réserve de Ndiaël. Avec une interface glauque et des conséquences désastreuses pour les populations, le projet Sen huile-Sen éthanol se présente sous un jour peu reluisant. Réalisé en février dernier, ce rapport corrobore les informations du journal Le Quotidien, dans son édition n°3281 du samedi 4 au dimanche 5 janvier 2014.
A Ndiaël, situé dans la région de Saint-Louis au nord-ouest du Sénégal, il se joue une question de survie. De vie ou de mort. Deux adversaires se livrent un duel à mort : l’entreprise qui tente de sauvegarder ses intérêts et les populations qui jouent leur survie. Depuis bientôt trois ans, Ndiaël se débat pour se libérer de l’étau qui lui serre la gorge. Pris en tenaille par le projet agro-industriel Sen huile-Sen éthanol qui tente d’établir une plantation agro-industrielle de 20 000 ha dans la région de Saint-Louis, Ndiaël est au bord de l’asphyxie. Pour les 9 000 habitants de la zone de Ndiaël, totalement révulsés, ça craint : une menace pèse sur l’existence de 40 villages avec les 20 000 ha du projet acquis en mars 2012 pour une durée de cinquante ans. Dès lors, la concession qui inclut la terre des trois communautés rurales de Ngnith, Diama, et Ronkh hypothèque dangereusement le droit d’utiliser la terre pour la collecte de bois, d’eau, de nourriture, de plantes médicinales et surtout l’accès aux pâturages. Pour les 40 000 bovins, 20 000 ovins, 21 000 caprins et 4 000 équidés, les zones de pâturage sont compromises. Ndiaël hérite là un projet naguère entretenu à Fanaye et qui avait abouti sur un fiasco avec l’insurrection des populations locales. Depuis, son chemin de croix n’a toujours pas entrevu d’issue.

Plus d’eau, plus de pâturages
Pourtant, cette bourgade coulait une existence tranquille. Les habitants de 40 villages et hameaux qui la composaient vivaient de l’exploitation de la terre. L’élevage extensif est l’activité économique principale de la population locale. De petites parcelles sont cultivées en dehors de la réserve de Ndiaël, ce qui assure une source supplémentaire de nourriture et de revenus. Malgré leur présence établie, une carte produite par des techniciens de l’Etat avant le démarrage du projet n’a relevé l’existence que de 6 des 40 villages et hameaux existants. Pour Oakland Institute, un think tank spécialisé dans la traque des pratiques illégales en matière de concessions foncières, «il est difficile d’imaginer que l’oubli de plus de trente villages soit une simple erreur». Les habitants des villages concernés ont bien ce sentiment d’avoir été rayés de la carte. La perte des pâturages est particulièrement problématique, car le bétail est fondamental pour l’économie et la survie des communautés de Ndiaël. Samba Sow, chef du village de Ndialanabé, explique leur calvaire : «Les conséquences sont qu’aujourd’hui, le bétail est vendu pour une bouchée de pain, car nos terres ont été accaparées par ces hommes puissants avec la complicité de l’Etat.» Non seulement le projet de Sen huile-Sen éthanol supprime l’accès aux ressources de la zone pour les communautés locales, mais il contraint également les liaisons entre les villages et l’accès aux sources d’eau douce. Les femmes du village de Yowré se plaignent qu’elles sont maintenant obligées de marcher plus de dix kilomètres chaque matin pour chercher de l’eau.

Destruction de sites sacrés, religieux...
Le développement du projet a aussi eu pour conséquence la destruction de sites sacrés et religieux, de cimetières et d’écoles. Les résidents se plaignent des violences et des intimidations par les gendarmes déployés pour bloquer l’accès à la zone du projet. Les mesures de sécurité mises en œuvre pour protéger le projet sont à l’origine d’un climat de tension croissant entre les habitants et l’entreprise. Sen huile-Sen éthanol a promis de construire des hôpitaux, des écoles, de fournir des emplois et des bourses scolaires, mais rien n’a été réalisé à ce jour. Par contre, les villageois sont témoins de la destruction des espaces communautaires essentiels, tels que les liaisons entre les villages, les pistes d’accès à l’eau et aux pâturages. Rougui Sow, un habitant du village de Kadoudef, résume leurs états d’âme : «Nous n’avons plus de pistes pour sortir. Il ne nous reste que ces puits et ils veulent les enlever. S’ils les enlèvent, nous n’aurons plus d’endroit où trouver de l’eau. Si le projet reste ici, nous serons obligés d’abandonner notre village.»

Trois enfants morts noyés
Pour ceux de Ndiaël, la question est d’une importance vitale. Le projet agro-industriel sape leur minimum et compromet dangereusement leur survie. Ils se voient dans l’impossibilité d’assurer les besoins les plus primaires : nourrir leur bétail, trouver de l’eau, ou se déplacer librement sur la terre de leurs aïeuls. La seule issue qui s’offre à eux est de «faire leurs valises et quitter leur maison et leur village». Le projet Sen huile-Sen éthanol est un géant qui engloutit des quantités importantes d’eau. Son irrigation à grande échelle dans une zone semi-aride met fortement à contribution l’eau du Lac de Guiers, le seul réservoir dans le bassin inférieur du fleuve Sénégal. En 1977, Ndiaël a été labélisé Zone humide d’importance internationale sous la convention Ramsar, le traité intergouvernemental conçu pour protéger et garantir l’utilisation durable des ressources en eau. Cette mesure de protection a été cassée en 2011 quand le Président Wade a changé la classification de la zone pour permettre à Sen huile-Sen éthanol d’y opérer.

L’Ong accable le projet
Le rapport d’Oakland Institute accable le projet : «Les ressources en eau connaissent déjà des problèmes considérables dans cette zone semi-aride, notamment la pollution chimique, la salinisation, et l’eutrophication (la croissance excessive d’algues due à la forte concentration de phosphates et de nitrates). Malgré ces problèmes et sans que les impacts potentiels n’aient été étudiés au préalable, Sen-huile a été autorisé à accroître la pression sur le Lac de Guiers. Une étude d’impact social et environnemental n’a été menée qu’en novembre 2012, alors que l’entreprise avait déjà commencé à défricher le terrain.» Trouvant contradictoire qu’une telle concession soit octroyée à une entreprise étrangère dans une région où les ressources d’eau sont rares et l’environnement fragile, le Collectif pour la défense de la réserve de Ndiaël, le regroupement de 37 des villages mobilisés pour la défense de leur territoire contre les opérations de Sen-huile indexaient aussi le système d’irrigation actuel de Sen-huile qui utilise des canaux et des systèmes d’aspersion peu efficaces pour une zone où l’eau est si rare. Ces canaux ont également été le théâtre de drames. En juin 2013, trois enfants se sont noyés après qu’ils soient tombés dans les canaux. Pour l’heure, mentionne le rapport : «On ignore si cet incident a donné lieu à une enquête officielle pour en déterminer la responsabilité.»
Sous toutes les facettes qu’il puisse se présenter, le projet Sen huile-Sen éthanol n’est d’un aucun apport pour les populations de Ndiaël. «Alors que les partisans du projet Sen huile-Sen éthanol citent des opportunités d’emplois, la création d’infrastructures, le reboisement et la construction d’écoles, entre autres projets qui bénéficieront à la population locale, aucun document officiel ou contractuel qui garantisse ces engagements n’a été rendu public et il semble peu probable que de tels documents existent», charge encore Oakland Institute.
Pour les communautés de Ndiaël, il faut en tirer les conséquences : «Le projet agro-industriel n’amène pas la prospérité, mais au contraire met en danger la stabilité économique, sociale et écologique de Ndiaël.» Avant de l’enterrer définitivement : «En utilisant les ressources locales pour la production des cultures d’exportation, le projet compromet toute possibilité de parvenir à la sécurité alimentaire à travers les systèmes pastoraux dans la région. Il apparaît clairement que le projet Sen huile-Sen éthanol menace non seulement l’environnement, mais aussi la sécurité alimentaire et la survie même des populations de Ndiaël. Celles-ci demandent que le projet soit arrêté et que les terres leur soient restituées.»

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