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Momar Seyni Ndiaye analyste politique sur la grâce présidentielle: "Karim Wade est passé de victime à coupable"
Publié le vendredi 1 juillet 2016  |  Sud Quotidien
Karim
© AFP par DR
Karim Wade, fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade




Du Qatar où il se trouve, Karim Wade, élargi de prison par grâce présidentielle, tisse sa toile et semble chercher un positionnement dans la sphère politique de l’opposition. Quid de ses chances pour s’imposer comme personnalité de premier plan dans l’échiquier politique ? De l’avis du journaliste formateur, Momar Seyni Ndiaye, le fils de l’ancien chef de l’Etat doit de se défaire d’abord de 4 contraintes majeures, pour prétendre à une place confortable sous le soleil de l’opposition. Dans cette entretien accordé à Sud Quotidien, l’analyste politique a décortiqué les appels émises par Karim Wade à certains leaders de l’opposition, non sans révéler les tares du patron de Rewmi, Idrissa Seck, qui se positionne à tort ou à raison comme leader de l’opposition.

Karim Wade a été gracié. Est-ce qu’aujourd’hui, il a les moyens de s’imposer dans la scène politique sénégalaise ?

Dans la posture qu’il est actuellement, je ne pense pas qu’il ait les moyens de s’imposer comme une personnalité de premier plan dans la sphère politique sénégalaise. Parce qu’il est encore sous le coup de beaucoup de contraintes. Il n’a pas été amnistié, mais gracié. Donc, sa première contrainte est son statut politique et civique, qui n’est pas totalement réglé, malgré la grâce. Beaucoup de juristes conviennent avec moi que, si on regarde bien le Code électoral, Karim Wade n’est pas à mesure d’être ni électeur, ni éligible. Il y a d’autres hypothèques qui pèsent sur lui. L’une de ses hypothèques, c’est qu’il est obligé de se conformer au remboursement de la dette. Sinon, il risquerait de subir ce qu’on appelle une contrainte de corps, c'est-à-dire on l’obligerait à payer l’amende au risque de le remettre en prison. Ce sont des choses qu’il aura beaucoup de mal à contourner pour pouvoir exercer des activités politiques.

La deuxième chose porte sur son parti politique. Aujourd’hui, le Parti démocratique sénégalais est en lambeau. De quel Pds Karim Wade va hériter ? Est-ce que c’est le Pds qui est en train de négocier avec le Président Macky Sall, pour éventuellement intégrer le gouvernement, ou c’est une faction du Pds qui serait là et qui n’accepterait pas de rejoindre Macky Sall ? Le reste est déjà parti, parce qu’il y a au moins 8 partis qui sont sortis des cendres du Pds et qui n’ont aucune relation avec le Pds et Karim Wade. Il s’agit, entre autres, des personnalités comme Abdoulaye Baldé, Souleymane Ndéné Ndiaye, Pape Diop, pour ne citer que celles-là. Je les vois mal se retrouver derrière le fils de l’ancien président Wade pour en accepter le leadership. La plupart de ces leaders ne l’avaient pas tellement accepté quand ils étaient au pouvoir avec lui, je les vois difficilement l’admettre, maintenant qu’il n’est plus au pouvoir.

Il y a aussi le troisième point qui porte sur la configuration de l’opposition sénégalaise. Karim Wade ne vient pas dans un terrain vide. Il faut noter que la barque de l’opposition est déjà occupée par des coalitions et personnalités qui ne céderont pas facilement la place à Karim Wade. Comment va-t-il faire pour venir, du jour au lendemain, s’imposer comme un leader de l’opposition alors que sur le terrain politique nous avons de fortes personnalités comme Idrissa Seck et certaines qui relèvent de ce que j’appelle «la nouvelle opposition» ? C'est-à-dire Abdoul Mbaye, Cheikh Tidiane Gadio, Mamadou Lamine Diallo, Ousmane Sonko, El Hadji Ibrahima Sall, entre autres. Il y a dans l’opposition beaucoup de responsables, qui ont aujourd’hui plus de légitimité politique, parce qu’ils sont là depuis déjà longtemps et qu’ils sont dans les conditions qui leur permettent de revendiquer leur leadership politique beaucoup plus que Karim Wade.
J’ajouterais simplement une quatrième contrainte qui est l’image qui découlera de Karim Wade, quand tout sera connu sur les conditions de sa libération. S’il s’avère qu’il a été partie prenante de transactions obscures, évidemment son image se dégraderait. En attendant, l’histoire n’est qu’à son début. Il faudra attendre probablement quelque temps, quelques mois, voire quelques années, pour qu’on puisse faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles Karim Wade a été libéré et pour qu’on puisse dire s’il mérite la confiance des Sénégalais pour diriger une opposition crédible et s’opposer à Macky Sall.

Pour conclure sur ce point, je peux dire que Karim Wade est passé de victime à coupable. Il a été victime de machination politique, et aujourd’hui soupçonné coupable, peut être au cœur d’une transaction pour le moins obscure.

Nous avons constaté que de Doha où il réside depuis sa grâce, Karim Wade a contacté certains leaders de l’opposition. Pensez-vous qu’il puisse manœuvrer à distance pour une remobilisation politique de l’opposition ?

On sait, par la presse, que Karim Wade a envoyé des messages téléphoniques ou a appelé même personnellement des leaders politiques, dont Decroix, Malick Gackou, Baldé etc. Mais, les contenus des communications, nous dit-on, ne comportent que des salamalecs. C'est-à-dire des salutations, des remerciements. Il ne s’agit pas là d’une tentative de mobilisation politique. C’est tout simplement un échange de bons procédés, parce que tous ces leaders lui ont soutenu, tout comme les hommes religieux et certains éléments de la société civile qui ont trouvé injuste tout le processus, de son arrestation à sa condamnation, en passant par son jugement. Donc, je n’accorde pas une très grande importance à ces coups de téléphone. Au fond, il ne s’agit simplement que d’une reconnaissance que Karim Wade veut manifester, puisque qu’il n’a pu le faire au vue des conditions dans lesquelles il a quitté le pays.

Est-ce que dans le contexte actuel, on peut dire qu’Idrissa Seck, leader du parti Rewmi, est bien positionné pour occuper la place de leader au sein de l’opposition ?

Pour être leader de l’opposition, il faut le prouver. Il faut justifier une envergure politique, un nombre conséquent de militants, de députés à l’Assemblée nationale, un positionnement dans la configuration territoriale en termes de mairies ou de départements. Si on prend ce critère, Idrissa Seck est le colistier. Il a aussi été un ancien premier ministre. De ce point de vue là, il a effectivement des atouts potentiels pour être le leader de l’opposition. Mais, le problème fondamental d’Idrissa Seck est qu’il y a un contentieux entre lui et le peuple sénégalais, qui ne lui a pas pardonné ses voltefaces antérieures. Idrissa Seck est enfermé dans une sorte d’image paradoxale au point que, à beau argumenter, les Sénégalais ont du mal à le croire parce que dans le passé, il a eu des attitudes tellement ambigües que les Sénégalais ont fini par désespérer de lui. C’est la raison pour laquelle, même si en termes objectifs, compte tenu de la position actuelle du Pds qui négocie avec le pouvoir, Idrissa Seck a les moyens de devenir le leader de l’opposition, il se trouve que dans la pratique les Sénégalais l’ont retiré leur confiance. Il lui sera très difficile de remonter la pente pour faire croire aux Sénégalais qu’il a véritablement changé et qu’il peut aujourd’hui assumer des desseins d’un homme politique crédible de l’opposition.
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