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El Hadj Diouf, leader du Parti des travailleurs et du peuple: ‘’Karim Wade avait réuni toutes les conditions pour obtenir la grâce’’
Publié le mercredi 29 juin 2016  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Me El Hadj Diouf, avocat, député et président du Parti des travailleurs et du peuple




Avocat de l’Etat dans l’affaire Karim Wade, Me El Hadji Diouf a pourtant été l’un des premiers à demander la libération de Karim Wade. Aujourd’hui que le président de la République a accédé à cette requête, il soutient que Karim Wade avait réuni toutes les conditions pour obtenir la grâce. Dans cet entretien avec EnQuête, le tonitruant avocat brocarde la mise en place prochaine du Haut conseil des collectivités territoriales. Cette institution, selon lui, n’a aucune utilité.

Karim Wade a été libéré avant-hier à la suite d’une grâce que lui a accordée le président de la République. Quelle appréciation faites-vous de cette libération ?

Je ressens un sentiment de fierté et de satisfaction. C’est tout simplement la requête que j’avais formulée et développée, devant le président de la République. Cette requête a eu gain de cause. J’avais demandé que le Président gracie Karim Wade. En tant qu’avocat de l’Etat, d’aucuns même m’avaient taxé de déloyal. Mais j’ai toujours expliqué que la procédure judiciaire était terminée. Karim Wade étant définitivement condamné, ayant purgé plus de la moitié de sa peine de six ans prononcée par la Cour de répression de l’enrichissent illicite (Crei), ayant perdu son épouse, ses enfants étant trop jeunes, ses parents vieux, il avait réuni toutes les conditions pour obtenir la grâce.

C’est pourquoi, j’ai demandé au Président de faire preuve de magnanimité, pour gracier son frère Karim Wade, comme il a eu à gracier des milliers de Sénégalais. Contrairement à ce qu’a dit Y en a marre, sur les 7 000 graciés, les 6 000 sont des pauvres. Donc toutes les couches sociales sont concernées par la grâce. Mais les condamnés remboursent jusqu’au dernier centime et l’Etat ne perd rien, en demandant la grâce pour Karim Wade.

Cette libération de Karim Wade est perçue par certains comme un encouragement aux détournements et à la corruption. Partagez-vous leur avis ?

Ceux qui disent cela n’ont rien compris. Ils sont contre Karim Wade et Macky Sall. Ils ne veulent pas la paix dans ce pays. Ils veulent mettre de l’huile sur le feu. Ils font la confusion entre la grâce et l’amnistie. La grâce ne nous empêche pas de rembourser. Alors, comment cela peut encourager l’enrichissement illicite ? Vous allez rembourser ou on va prendre tous vos biens. Vous n’aurez plus rien. On reprend tous vos véhicules, vos maisons, vos villas. C’est toujours une punition. La grâce n’efface ni le délit ni la condamnation. La seule faveur est que vous allez dormir chez vous, au lieu de le faire en prison.

Aujourd’hui que Karim Wade est élargi de prison, pensez-vous que la traque des biens mal acquis va continuer ?

En tout cas, j’ai averti le pouvoir. Si cela s’arrête, ça va être la catastrophe. Mais il faut aussi savoir que le temps de la justice n’est pas celui de la population et de la politique. On ne doit pas bâcler les enquêtes. On fait des enquêtes, on se rend compte que vous avez des biens impressionnants qui dépassent l’entendement et on vous demande la provenance. Ça mérite des enquêtes pointues de la part de la gendarmerie. Peut-être que c’est ce qui explique les lenteurs. Mais si c’est une décision délibérée d’arrêter, j’avertis Macky Sall. Car cela va lui coûter très cher. Et j’ai même préconisé qu’on remonte jusqu’à 1960, qu’on ne s’arrête pas juste à ces 25 personnes. Tous ceux qui se sont enrichis dans ce pays, depuis l’indépendance, qui ont des milliards, doivent justifier l’origine de leurs biens. C’est une demande du peuple. Il faut que la traque continue, que cela soit une institution pour que tout le monde sache qu’on n’a pas le droit de voler.

Le cinquième anniversaire du Mouvement du 23 juin a été commémoré hier. Que retenez-vous de cette date ?

C’est une date historique qui célèbre la deuxième indépendance du Sénégal. Ce jour-là, on a voulu recoloniser le Sénégal, en faisant passer un projet de loi qui cherchait à faire élire le président de la République, au premier tour, avec seulement 25% des suffrages. Cette loi prévoyait également l’élection en même temps d’un président et d’un vice-président de la République qui remplace le premier en cas de démission. Celui qui dirige le ticket est choisi par les Sénégalais, alors que cela ne peut être le cas pour celui qui l’accompagne. Il fallait élire deux présidents, le même jour.

Je considère cette étape de notre histoire, comme une deuxième indépendance du Sénégal. Il y avait ce jour du 23 juin une mobilisation exceptionnelle du peuple sénégalais qui a montré qu’il était le seul souverain. Le peuple a repris son pouvoir et le gouvernement, avec sa majorité mécanique, a reculé. A l’époque, j’étais investi sur la liste majoritaire du Sopi. Mais j’avais privilégié les intérêts supérieurs du peuple. Je combats l’injustice en permanence. J’ai sauvé mon pays ce jour-là, en usant de stratégie parlementaire pour qu’on ne vote pas la loi.

Je suis intervenu cinq fois pour faire du dilatoire. Pendant ce temps, il y avait une furie devant l’Assemblée nationale. J’étais comme un lion contre une majorité mécanique et écrasante. C’est le commissaire Arona Sy et certains parlementaires qui m’ont demandé d’aller dégager les manifestants devant le portail de l’hémicycle et qui menaçaient de tuer les députés. Personne n’osait sortir. Et quand je suis sorti, non seulement, ils m’ont acclamé, mais ils m’ont porté pour me conduire au Palais et m’installer comme président de la République. Si je les avais suivis, il y aurait eu plusieurs dizaines de morts, avant que je n’arrive au Palais. Et je ne voulais pas être président dans ces conditions, en marchant sur des cadavres. J’ai sauvé le peuple. J’ai sauvé les députés et j’ai sauvé mon pays. C’est pourquoi, le 23 juin est historique pour moi.

Est-ce que l’esprit du 23 juin subsiste toujours ?

Sept mois après le 23 juin, les Sénégalais ont enlevé le président qui était là. Pour le régime actuel, il n’y a pas encore une chose qu’on peut assimiler au 23 juin. Si le gouvernement actuel pose des actes aussi graves que ceux qui ont été posés par le pouvoir d’Abdoulaye Wade, il sera châtié et balayé. Ce sont les mêmes Sénégalais qui sont là, le même peuple fier, averti et digne.

La plupart des figures de proue du M23 sont aujourd’hui dans l’entourage immédiat de Macky Sall. Pensez-vous que ces gens puissent se retourner contre le chef de l’Etat, en cas de dérive ?

Ce que je sais, c’est qu’ils n’étaient pas les meilleurs. Dans une manifestation, il y a des leaders mais aussi ceux qui viennent pour d’autres raisons. A l’époque, c’était bien vu de manifester. Mais est-ce que tout le monde est conséquent. Je pense que Macky Sall ne va jamais dégénérer, tomber aussi bas pour mobiliser tout un peuple contre lui. Je serai toujours à ses côtés pour le critiquer, lui apporter ma modeste contribution, pour qu’il évite la punition qui a été infligée à Abdoulaye Wade. A l’époque, j’avais parlé à Abdoulaye Wade et à son fils. Mais ils ne m’avaient pas suivi. Les membres de ce gouvernement n’avaient plus la lucidité nécessaire pour apprécier les événements, parce que le pouvoir corrompt et rend fou.

Actuellement, je suis avec Macky Sall. Mais je le critique. Car, qui aime bien châtie bien et la critique fait avancer. Il y a tellement de larbins dans ce pays qui pensent que quand quelqu’un est au pouvoir, il faut lui cirer les bottes. C’est dans l’intérêt de Macky Sall que je suis très dur avec lui. Comme ce fut avec Abdoulaye Wade, je suis allé jusqu’à diriger le M23.

Le ministre de la justice était récemment devant la commission des lois de l’Assemblée nationale pour présenter le projet sur le Haut Conseil des collectivités territoriales, une institution que vous qualifiez d’inutile. Pourquoi cette posture ?

J’ai voté OUI au référendum, mais il y a des points sur lesquels je ne suis pas d’accord. Je pense qu’on peut se passer du Haut conseil des collectivités territoriales. C’est le même cas pour le changement de la composition du Conseil constitutionnel. Cette structure va être désormais composée de sept membres dont les deux seront choisis par le président de l’Assemblée nationale. Je pense que le président de l’Assemblée nationale est toujours dans la mouvance présidentielle. Si le président de la République choisit cinq, son allié deux, cela ne rassure pas les autres candidats. Je veux que le Conseil constitutionnel ne fasse pas l’objet d’attaque ou de soupçon.

C’est toujours le même groupe qui choisit. Pour moi, le Haut conseil des collectivités territoriales est inutile et n’a aucun sens. On dit que c’est une structure consultative, elle n’a aucun pouvoir de décision. Et c’est le président de la République qui nomme les 70 membres sur les 150. Je pense que par rapport à la décentralisation, aux collectivités locales, le président de la République a des interlocuteurs valables qu’il peut consulter, notamment l’Association des maires du Sénégal, les conseils départementaux... Le chef de l’Etat a également nommé un ministre chargé de la décentralisation et des collectivités locales. Ce ministre a des conseillers techniques dont le rôle est de s’occuper des collectivités locales et de leurs difficultés. Le Président n’a nullement besoin de ce Haut conseil.

Au-delà de l’institution, quel regard portez-vous sur sa composition quand on sait que les 70 membres seront choisis par le Chef de l’Etat ?

Ce n’est que du gâchis !

Pour beaucoup, c’est une institution pour caser une clientèle politique. Qu’en pensez-vous ?

Ce n’est que cela. Le Président Abdou Diouf avait créé son Sénat où il n’y avait que ses partisans. Il a été immédiatement balayé avec cette institution. Abdoulaye Wade a lui aussi créé son Sénat composé uniquement de ses partenaires, il a été également balayé. Il faut que Macky Sall s’appuie sur le passé pour légiférer valablement aujourd’hui et pour demain. On n’a besoin ni du Sénat, ni du Haut conseil des collectivités territoriales. Ce sont des structures budgétivores qui nous coûtent des milliards, alors que le pays est pauvre et malade. Je combattrai cette structure jusqu’à ma mort.
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