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Entretien Avec... le rappeur du groupe Keur Gui : Thiat dévoile les secrets d’état - «Ceux qui libèrent Karim Wade sont des voleurs comme lui» - «Macky n’est pas un homme de parole»
Publié le vendredi 24 juin 2016  |  Le Quotidien
Y en a marre
© aDakar.com par M
"Y en a marre" exige la libération immédiate de leurs camarades détenus à Kinshasa
Dakar, le 16 Mars 2015 - Le mouvement "Y en a marre" a rencontré la presse nationale et internationale pour faire le point sur la situation de leurs camarades arrêtés à Kinshasa (RDC). Les "Y en a marristes" demandent leur libération immédiate. Photo: Thiaat, membre de "Y en a marre"




Propos recueillis à Marseille - Leur musique s’impose à l’international depuis qu’ils sont engagés avec le mouvement Y’en a marre. Le soleil semble bien au zénith pour le groupe Keur Gui, qui après Marseille, enchaîne dans le cadre de la célébration de leurs 20 ans de scène, des spectacles à Berlin, Copenhague, Madrid, Amsterdam…Etats-Unis. Au festival Africa fête à Marseille, Kilifeu et Thiat ont offert un spectacle majestueux. Et lorsqu’on tend le micro à Cyrille Oumar Touré alias Thiat, après cette prestation de «fous», ça rime et détonne avec une fougue d’artiste engagé. Un entretien à bâtons rompus où le rappeur n’a pas fait dans la langue de bois, crachant ses vérités et ses convictions sur la vie politique et sociale sénégalaise, mais surtout sur l’affaire Karim Wade.

Keur Gui, comment va «la maison- Sénégal» ?
(Sourire) La Maison va bien pour ce qui est de notre musique. Et elle est ce qu’elle est en ce qui concerne le Sénégal.

Depuis votre dévouement aux questions sociales à travers Y en a marre, votre carrière semble prendre un beau tournant à l’international. Avez-vous aussi ce sentiment ?
Je n’ai pas vraiment ce sentiment mais tant mieux qu’il y ait une retombée positive de ce qu’on a essayé de faire en tant que citoyen. Si notre implication citoyenne nous met au-devant de la scène, cela veut dire que les populations ont fini de comprendre notre lutte, surtout qu’on ne parle que des choses qui concernent le pays. Il n’y a rien de personnel là-dedans, on n’a jamais parlé de musique dans notre engagement social. On parle tout le temps du devenir du pays et si à travers cela, les gens nous donnent un peu plus de respect et d’ouverture, on dit alhamdoulilah !

Est ce qu’on peut véritablement dissocier la musique que vous faites aujourd’hui de votre lutte au sein de Y’en a marre ?
Non ! Je pense que c’est une nouvelle forme de lutte. On le disait, on l’a dit et là, on le fait en même temps. Donc c’est cela la particularité : dire les choses et appliquer cela sur le terrain. Je pense que c’est un pas important dans notre carrière en tant que activiste, artiste. On a toujours été des artistes, on n’avait jamais été activiste jusqu’en 2011 quand on est descendu dans la rue pour s’impliquer davantage. Je pense que quand tu réponds d’un nom d’activiste, il faut que tu poses des actes, l’activiste ce n’est pas que des paroles c’est des actes. Donc, nous avons essayé de le traduire tant bien que mal avec le mouvement Y’en a marre.

Aujourd’hui vous tournez beaucoup en Europe, avec énormément de concerts. Quelles ont été vos dernières dates et celles à venir?
Nous avons fait énormément de dates, mais les Sénégalais ne le savent pas. J’ai en tête le Japon, où on a fait 4 concerts, le Benin, le Mali, le Burkina, le Maroc, la Tunisie. On va faire le Gabon, Lagos... Là, nous sommes en Europe, on fait aujourd’hui (Ndlr, l’entretien a été réalisé le 19 juin dernier) Marseille, demain on est à Berlin, le 21 aussi on joue à Berlin, le 8 juillet à Cabaret Sauvage, et le 12 juillet à Madrid. Après on rentre au pays pour une semaine et on revient pour Amsterdam et Copenhague. Après on retourne au pays, et au mois de septembre on va aux Etats-Unis. Donc ça va. Il y a plein de dates, plein de trucs, et tout cela on l’a inscrit dans les célébrations de nos 20 ans de carrière.

La petite histoire de deux amis d’enfance, qui a commencé à Kaolack, commence par faire le tour du monde. Une fierté non?
Il y a 20 ans on faisait un concert devant chez Kilifeu avec de la clôture de paille et l’entrée était à 250 Cfa. On a eu 4 personnes pour voir ce concert. Et c’est la maman de Kilifeu qui avait acheté les 4 billets. Il n’y avait personne d’autre. Et, Kilifeu m’a dit ce jour-là, «un jour on vendra un billet à 1million pour nous voir. Il faudra payer 1 million… ». Cela, 20ans après on l’a fait. Cela veut dire qu’on y a toujours cru. Et ce n’est que le début du commencement. Tant qu’on reste ce que l’on est, tant qu’on continue à faire ce que nous faisons comme nous le faisons, je pense que le meilleur reste à venir. Nous voulons des Grammy, des disques d’or, tout ce qui est comme placement en matière d’artiste et nous ne ménagerons aucun effort pour les obtenir. Je pense que, l’on est sur une voie, je ne dis pas que c’est la bonne ou la mauvaise, en tout cas on est sur une voie qui est la nôtre. Lentement mais sûrement on sait où on va.

Vous avez sorti dernièrement l’album Encyclopédie, pourquoi ce titre et pourquoi deux tomes ?
Encyclopédie, c’est un livre qui traite de tous les sujets. Notre album est aussi un livre audio qui traite de tous les sujets. Il n’y a donc pas meilleur nom que Encyclopédie pour définir ou pour titrer cet album, parce qu’on traite de tout, problèmes sociaux, politiques, économiques, le hip hop en général, l’Afrique, l’Europe etc. Donc c’est une encyclopédie audio.

Vous faites le pari sur deux tomes alors qu’habituellement on ne voit plus ça à Dakar. Est-ce que c’est parce que vous avez beaucoup d’enregistrements en souffrance ?
Vous savez quand on a commencé à bosser sur cet album, on s’est rendu compte qu’on a plus de 30 à 35 morceaux à proposer. On ne peut pas tout sortir et nous avons décidé de sortir les 2 tomes classés comme ça : opinion publique ou c’est les gens qui parlent. On dit haut ce que les gens disent tout bas, des règlements de compte ou c’est nous qui parlons. Donc après, le prochain tome qui va arriver, il va s’appeler Secrets d’Etat, où on va dire, ce qui ne s’est jamais dit. Ce qui est dit en douce, ce que personne n’ose dire et ce qui se passe. Donc c’est comme ça qu’on procède. Ce que les gens disent ce sont eux qui le disent, qui le pensent, mais tout bas.

Quand vous dites Secrets d’Etat, est ce que l’on peut s’attendre à ce que vous dites des choses que vous connaissez et que le Sénégalais lambda ne connait pas ?
Nous le dirons avec des audios, des sonores, ça va être du lourd, ça c’est clair on le promet.

Et ce seront des audios secrets d’hommes publics, des gens qui sont au pouvoir… ?
D’hommes publics, d’hommes d’Etat qui ont dit et qui se sont dédits ou qui ont fait des choses, magouillé ou fait des trucs. Vous verrez que Secrets d’Etat c’est un autre album, et c’est autre chose. Ce sera du jamais vu et du jamais entendu au Sénégal.

Vous avez abordé la crise du mouvement hip-hip dans l’album encyclopédie, alors que cette crise vous concerne aussi, non ?
On ne l’a subi, pas parce que, nous, très tôt, on avait dit que nous ne voulons pas faire partie de l’industrie musicale qui existe déjà. On a dit que nous allons créer une autre industrie pour survivre en dehors de cette industrie. Donc nous, on ne subit pas cette crise. C’est justement la raison pour laquelle nous sommes partout dans le monde aujourd’hui, donc cette crise ne nous concerne pas. On a peut-être des solutions en vue pour cette crise parce que pour nous, tant qu’il y a des artistes qui suivent les règles des promoteurs ou des promotrices ou des directeurs de label, ils sont à la merci de ces gens-là. Il faut que les artistes prennent leur décision et prennent leur destin en main et c’est ce que nous prônons.

On est dans le festival Africa fête qui est créé par Mamadou Konté, est ce que ce festival a quelque chose de particulier pour vous ?
Déjà Rest in peace MamadouKonté! Il a été un grand monsieur de l’Afrique, du Sénégal qui a créé un truc qui se fait dans plusieurs pays. C’est un honneur pour nous d’être là, un jour très spécial, aujourd’hui puisqu’on partage la scène avec d’autres artistes engagés. C’est l’un des rares festivals qui ont demeuré plus de 20 ans. Ce n’est pas rien. Cela veut dire que c‘est du lourd… Franchement, si on pouvait suivre le festival dans son itinéraire partout dans le monde on le ferait. Pour nous, cela nous permet de partager avec le public marseillais, de montrer ce que l’on fait, on ne s’est jamais produit à Marseille, on y a enregistré une chanson par le passé. C’est donc une grande première, c’est un honneur pour nous.


Vous avez chanté «Dioguéfi». La notoriété de ce morceau-là, semble aller au-delà de vos attentes aujourd’hui non ?
Franchement quand on le faisait, très tôt on a su que ce morceau allait faire du tabac, un tollé mais de là à être un tollé international, c’est surprenant ! Et ça fait plaisir. Cela nous permet aujourd’hui de nous dire: tiens ! Ça c’est possible que Kilifeu chante car il n’a jamais chanté auparavant. C’est la première fois qu’il a chanté et il a chanté tellement différemment, il va continuer à progresser dans ce sens, à donner le meilleur de lui-même. Il y a énormément de choses qu’on va découvrir dans Secrets d’Etat qu’on a jamais fait par nous-même. Et voilà Dioguéfi est un hymne pour tout le monde, l’Afrique, et pour tout le Sénégal.

C’est en 2014 que vous avez chanté Diogué fi. Aujourd’hui au Sénégal, est ce qu’il y a quelque chose qui a changé ou évolué ?
Rien ! Pas forcément ce qui nous intéresse. S’il y a des choses qui ont changé c’est dans le cas où les hommes politiques changent les normes. Par exemple quand Abdoulaye Wade nous parlait de Nepad, Macky nous parle d’émergence. On ne veut pas émerger, on veut se développer, émerger ça ne veut rien dire. Qu’est-ce que cela veut dire, émergent ? Pour moi, le Sénégal émergent de Macky ne veut rien dire. Le problème est qu’ils sont au ralenti les politiques. Rien n’a véritablement changé dans la mesure où l’école subit vraiment une crise, la santé publique a toujours des problèmes, les denrées sont toujours chères, le carburant coûte cher, les transhumants, il y en a tout le temps. Pire, ils le font d’une façon très animale. C’est vraiment des animaux, cette bataille qui se retrouve au Palais après ce qui s’est passé en 2012, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de choses qui aient changé. On est dans une continuité d’un système qui a été rétabli depuis super longtemps. Pourtant, c’est là où se trouve l’erreur parce que, quand tu veux faire tomber (-) et tu ne coupes pas la tête, tu coupes le socle et nous, on a coupé une tête pour mettre une autre tête. Il faudrait qu’on commence à voter pour ; on vote toujours contre et tant qu’on n’aura pas à voter pour, on aura jamais le changement.

C’est surprenant quand même que vous teniez ce discours. Il y a quelques années vous faisiez partie des premières personnes qui ont reçu le Président Macky Sall, aux premières heures de Y en a marre et aujourd’hui vous tenez ce discours sur son régime?
Oui ! Quand on l’a reçu, on lui a dit clairement ce que nous pensons et il a dit que «le pays ne changerait pas parce que lui, il le voudrait, il faudrait que tout le monde s’y mette», que pour que le pays change il faudrait des changements radicaux dans beaucoup de domaines. On lui a parlé de la transhumance, il avait promis qu’il n’accepterait pas la transhumance et il avait dit : «Je vais casser tous les partis mais je n’accepterai pas la transhumance.» Il avait promis des réformes constitutionnelles, on s’attendait à la réduction de son mandat, à la séparation des pouvoirs et tout. Cela ne s’est jamais fait, ça veut dire que Macky n’est pas un homme de parole. On a cru en sa bonne foi, parce qu’il nous avait dit «Je resterai le Président de mon parti au premier mandat. Il avait dit «je ne quitterais pas le secrétariat général de l’Apr… » Honnêtement, quelqu’un qui avoue un truc et qui te promet des choses, tu ne peux que lui faire confiance. Et moi très tôt, j’ai vu que ça n’allait pas être qu’une continuité de Wade. En quelque sorte je n’ai jamais cru en lui, d’ailleurs je n’ai même pas voté pour Macky au premier tour. On a eu la malchance qu’il soit arrivé au deuxième tour. Alors lui contre Wade : le choix c’est clair, on a suivi notre logique.

Aujourd’hui, on parle de la possibilité que Karim Wade sorte de prison. En tant que leader d’opinion, qu’en pensez-vous?
Je pense que si on fait sortir Karim Wade ce serait la plus grossière bêtise politique de l’histoire du Sénégal. Parce que Karim Wade est un voleur, car étant condamné pour cette raison. Si on le libère au bout de 3 ans de prison, alors les jeunes de Colobane qu’on a accusés de meurtre, ils sont où ? En prison, les jeunes qui ont volé un coq à Colobane ou à Thiaroye, ils sont où ? En prison. C’est malhonnête ! Je pense que Karim Wade ne devrait même pas l’accepter. S’il est honnête, s’il dit qu’il n’a pas volé pourquoi accepter une grâce ? Si on n’a rien fait, on ne demande pas pardon et on ne veut pas d’un pardon. On purge sa peine, on sort et la vérité éclatera un jour. Je pense que politiquement ce n’est pas bien. Socialement, ce n’est pas bon. Ce n’est pas bon aussi pour la démocratie, ni la stabilité du pays, et tous ceux qui demandent la libération de Karim Wade sont des voleurs comme lui. Quand on demande la libération d’un voleur, on est voleur. Quand on libère, un voleur on est voleur ou on s’apprête à voler... Macky Sall craint peut-être demain que l’on puisse mettre un membre de sa famille en prison et qu’il puisse bénéficier d’une grâce. Voilà, ce que j’en pense.
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