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Entretien avec le Procureur général : Mbacké Fall ouvre ses Cae
Publié le samedi 4 juin 2016  |  Le Quotidien
Ouverture
© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture". Photo: Mbacké Fall, Procureur général des Chambres Africaines Extraordinaires




Quelques jours après la condamnation de Hissein Habré à la perpétuité, le Procureur général près les Chambres africaines extraordinaires (Cae) revient ici sur le verdict. Mbacké Fall explique dans cet entretien comment la Chambre d’assises compte aborder les audiences civiles. Il parle du fonds d’indemnisation prévu par les statuts des Cae et qui, selon lui, va être financé par la contribution des Etats et des bonnes volontés. Revenant sur les conditions de travail, il précise que les Cae n’ont jamais reçu de pressions quant à l’exercice de leurs fonctions.

La Chambre africaine extraordinaire d’assises a rendu son verdict dans l’affaire Habré. Elle a presque suivi votre réquisitoire en condamnant l’accusé à perpétuité. Etes-vous satisfait de ce verdict ?
Nous avons mis en mouvement l’action publique et nous avons porté la parole à l’audience. Nous avons eu à mettre sur la table du juge, l’ensemble des preuves que les juges ont eu à rassembler au cours de l’instruction. Il s’agit de preuves documentaires et de preuves testimoniales qui ont fait de telle sorte que le Parquet est sûr que si le droit était appliqué, il obtiendrait gain de cause.

La phase pénale du procès est presque bouclée. La Chambre d’Assises va passer à la seconde étape, celle de la question des intérêts civils. Comment est-ce que vous allez l’aborder ?
L’action publique est déjà passée. Elle était prévue pour l’application des peines. Le statut, qui renvoie au Code de procédure pénale, prévoit qu’une fois que le juge statue sur l’action publique, il statue aussitôt après sur l’action civile. C’est pour des questions de timing et d’aménagement que cette procédure a été décalée pour permettre aux parties de mieux se préparer. Il y a une conférence de mise en état qui a imparti un délai de 10 jours aux parties civiles pour déposer leurs mémoires en ce qui concerne la réparation. Le Parquet a 5 jours pour faire ses observations. La défense, qui doit répliquer aux mémoires des parties civiles, a un délai de 20 jours. Après quoi, les juges vont délibérer l’affaire sur les intérêts civils et rendre une décision au plus tard le 31 juillet prochain. Maintenant, on ne sait pas encore le type de réparation qui sera demandé parce que les statuts prévoient trois types de réparation : la restitution, l’indemnisation et la réhabilitation. Nous attendons de voir dans quel sens les parties civiles vont rédiger leurs mémoires et nous faisons des observations conséquentes aux dépôts des conclusions.

Est-ce que vous serez dans les délais, parce que les Chambres seront dissoutes le 31 juillet 2016 ?
La question a été évoquée en conférence de mise en état. Compte tenu du fait que les victimes sont très nombreuses et les avocats aussi, ce sera extrêmement difficile de pouvoir concocter en quelques jours un travail si énorme. Mais comme on n’a pas le choix, la date butoir étant fixée le 31 juillet, il faut que les gens puissent se préparer en conséquence par rapport à cette date. Mais tout le monde le reconnaît, les parties n’auront pas suffisamment le temps pour pouvoir élaborer des demandes de grande qualité.

Les fonds, qui vont servir à indemniser les victimes, seront-ils alimentés par le condamné, l’Etat tchadien ou les partenaires ?
En principe, en droit pénal, c’est sur le condamné que pèsent les condamnations pécuniaires. C’est Habré qui a été condamné pénalement. S’il y a un lien de connexité entre le préjudice et les infractions, là automatiquement, il y a un droit à réparation qui est né et ce droit à réparation s’exerce sur le patrimoine de la personne condamnée. Mais compte tenu de la spécificité de l’affaire et du nombre de victimes, il n’est pas exclu que la réparation puisse se faire de façon complémentaire à travers un fonds d’indemnisation au profit des victimes. Parce que ce fonds est prévu par les statuts. Donc, je crois que ce sera institué et il verra l’arrivée de contribution des Etats, des bonnes volontés pour pouvoir venir en aide aux victimes. Parce qu’il n’est pas sûr que le patrimoine de l’accusé puisse permettre de régler dans son entièreté cette question de réparation.

Les victimes qui se sont constituées parties civiles sont au nombre de 9 mille. C’est beaucoup de personnes. Est-ce qu’on va vers des réparations ciblées, individuelles ou collectives ?
Les statuts prévoient que les juges peuvent accorder une réparation à titre collectif ou individuel. Tout dépend de son appréciation, au vu des éléments ou des pièces qui lui sont fournis pour pouvoir se déterminer par rapport à cela.

Il se dit que le Gouver­nement sénégalais n’a pas apprécié la peine infligée à Hissein Habré qu’il trouve trop lourde. D’ailleurs, d’après certaines sources, il l’aurait fait savoir à la Chambre ?
C’est vous qui me l’apprenez.

Vous n’êtes pas au courant ?
Je ne suis pas au courant.

Le garde des Sceaux a parlé de grâce alors même que la procédure n’est pas définitivement close ? Qu’est-ce que vous pensez de cette sortie ?
La grâce est une prérogative du président de la République qui peut l’accorder à n’importe quel condamné. Il n’y a pas de cas spécifique pour dire que la grâce sera accordée à telle personne. C’est une prérogative constitutionnelle du président de la République.

Le garde des Sceaux a-t-il le droit d’en parler surtout maintenant ?
Chacun est libre. Le ministre est une autorité. Il a une vue sur la question. Il peut l’exprimer valablement.

Comment est-ce que la Chambre va procéder avec la question des réparations et une possibilité d’appel ?
Les statuts et le Code de procédure pénale disent que si les juges finissent de statuer sur l’affaire publique, ils statuent aussitôt après sur l’action civile.

Les deux peuvent se faire de manière simultanée ?
Les deux peuvent se faire de manière simultanée, comme on le voit toujours dans les audiences ordinaires. Il peut aussi y avoir un décalage. Parfois, vous voyez certaines personnes qui sont condamnées en l’absence des parties civiles. Les parties civiles introduisent devant les procureurs aux fins de revenir sur les intérêts civils. Les intérêts civils peuvent être rendus des mois voire des années après le jugement sur l’action publique.

Est-ce que vous pouvez affirmer ici que les juges et le Parquet ont travaillé en toute indépendance ?
Oui. Le statut est clair : les juges sont indépendants, le procureur aussi est indépendant.

Vous n’avez jamais reçu de pressions ?
Je n’ai jamais reçu de pressions quant à la conduite de l’action publique. Il n’y a eu aucune entrave à l’exercice de mes fonctions. J’ai agi en toute conscience et au regard du statut.
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