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Le Quotidien N° 3328 du 3/3/2014

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Demba Moussa Dembélé, président de l’arcade : «Il faut jeter le Cfa…»
Publié le lundi 3 mars 2014   |  Le Quotidien


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© Autre presse
La CENTIF travaille sur des dossiers de blanchiment d`argent
La CENTIF travaille sur des dossiers de blanchiment d`argent


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La dévaluation du franc Cfa remonte à 20 ans. Cette décision imposée par la France et le Fmi devait aider les pays de la Zone Franc à accéder au développement. Dem­ba Moussa Dembélé, président de l’Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au développement endogène (Arcade) analyse les raisons de cet échec et propose des solutions pour sortir du sous-développement. En marge d’une conférence sur le thème : «20 ans après la dévaluation: quel avenir pour le Franc Cfa ?», l’économiste revient dans cet entretien sur le manque de souveraineté économique des Etats ouest-africains qui freine son développement, et donne son point de vue sur le Pse.
Ce mois de janvier 2014 a été célébré les 20 ans de la dévaluation du Cfa. Quels avantages les Etats africains ont tirés de cette décision venue de la France et du Fmi?
Je peux vous répondre en disant : pratiquement aucun. Si vous regardez tous les pays qui utilisent le Franc Cfa, ils font partie des pays les moins développés en Afrique. Les indicateurs de développement humain de ces pays sont parmi les plus bas dans le classement du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). On disait que le Franc Cfa devait servir à l’intégration, c’est-à-dire à des échanges économiques plus développés entre eux. Cela ne s’est pas matérialisé. Nous vendons cent fois plus aux pays tiers qu’aux pays utilisant le Franc Cfa. Nous achetons plus à l’extérieur des pays non Cfa qu’à l’intérieur.
En Afrique de l’ouest, la situation est un peu meilleure par rapport à l’Afrique centrale. En termes de croissance économique, on nous disait que notre stabilité et le taux d’inflation faible pouvaient être des facteurs. Ce n’est pas vrai. Cinquante ans d’expérience ont montré que tous les prétendus acquis liés au Francs Cfa ne se sont pas matérialisés.
A la lumière de tout cela, est-ce que l’on peut dire que le Cfa n’a pas d’avenir, ou est-ce que c’est du fait de la dévaluation que le Cfa n’a pas aidé au développement ?
Pour nous, il n’y a pas d’avenir pour le Franc Cfa. Si nous voulons nous développer. Nous pouvons garder le Cfa pendant cinquante ans et nous ne serons jamais développés. Donc si nous voulons aller de l’avant, il faut absolument jeter le Cfa à la poubelle. L’expérience a montré que tous ceux qui avaient critiqué le Franc Cfa depuis le début des indépendances avaient raison, plus aujourd’hui qu’auparavant. Par conséquent, il est absolument fondamental que nous ayons une monnaie sur laquelle nous avons un contrôle total, qui puisse servir nos objectifs de développement social, qui puisse servir à revaloriser notre potentiel économique surtout nos matières premières, nos ressources naturelles.
Une monnaie, c’est un problème politique. C’est un instrument fondamental de développement économique et social. Si vous ne maîtrisez pas votre monnaie, c’est une partie de votre processus de développement que vous ne maîtrisez pas et vous ne pourrez pas aller de l’avant. L’expérience l’a prouvé.
Vous l’avez souligné. La monnaie est un instrument de développement mais si demain on enlève le Cfa pour mettre à la place une autre monnaie, est-ce que cela changera quelque chose ?
Les pays africains vont contrôler les prix. Ils décideront de la politique monétaire. Aujourd’hui, nos banques centrales copient leurs politiques sur la Banque centrale européenne. Et cette Banque centrale européenne, ce qui l’intéresse c’est la lutte contre l’inflation, alors que nous nous avons des problèmes de développement.
Si on a notre propre monnaie, nous décidons de nos politiques. II n’y aura pas d’administrateurs français, britanniques ou américains. Ce seront des administrateurs africains qui décideront en fonction des objectifs, des priorités de développement de l’Afrique, de la sous-région, si vous voulez.
Nous pourrons nous servir de cette monnaie pour faire des ajustements. Par exemple diminuer les taux d’intérêts pour favoriser les investissements pour certaines régions ou pour certains secteurs. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Une monnaie souveraine nous donne une marge d’actions qui nous permet non seulement de contrôler notre processus de développement, mais aussi de l’orienter comme nous l’entendons. C’est pourquoi nous nous battons pour une monnaie souveraine sous le contrôle des Africains qui serve les objectifs de développement du pays.
Donc c’est un problème de souveraineté qui se pose ?
Quand un pays devient indépendant, il y a trois symboles qui le reflètent : l’hymne national, le drapeau et la monnaie. Nous, nous avons le drapeau et l’hymne, mais il reste le troisième aspect qui est le plus fondamental. L’indépendance politique est plus facile que l’indépendance économique. Même l’indépendance politique, c’est entre guillemets, parce qu’il y a eu tellement d’accords qui nous lient les mains à la France ou aux pays développés qu’on ne peut pas parler réellement d’indépendance politique.
Mais l’indépendance économique, elle est nulle. Aujourd’hui, au moment où je vous parle la plupart des banques à Dakar sont contrôlées par des capitaux étrangers. La plupart des grandes entreprises commerciales ou même industrielles sont contrôlées par des capitaux français ou européens. Donc, on ne peut pas dire qu’on est indépendant parce que s’ils décident de licencier, le gouvernement dira : «C’est une entreprise privée je n’y peux rien». Le gouvernement est impuissant. Alors que si on avait des entreprises sénégalaises faisant travailler des Sénégalais, l’argent resterait dans le pays.
Ces entreprises étrangères, quand elles font des bénéfices, elles les rapatrient. Alors que s’il s’agit d’entreprises sénégalaises, l’argent reste là et sert encore à investir. Tout cela, c’est une monnaie et une politique souveraine qui permettent de le faire.
Les entreprises sénégalaises font face à des problèmes de financement pour se développer. Si nous avons notre propre monnaie et que ces problèmes de financement persistent, est-ce que cette nouvelle monnaie peut résoudre ce problème?
Si nous avons notre propre monnaie, il faut réorganiser le système bancaire et créer des banques de développement. Créer notre propre monnaie seulement ne suffit pas.
Il faut des instruments qui puissent aller avec cette monnaie, c’est-à-dire des banques de développement con­trô­lées par l’Etat et aussi des banques commerciales spécialisées, qui vont financer des secteurs spécifiques. Donc, c’est tout un ensemble. Ce n’est pas seulement avoir la monnaie et laisser les choses en l’état.
Si on prend l’exemple du Cap-Vert qui a réussi à décoller en s’appuyant sur une monnaie qui n’est pas la sienne qui est l’euro. Qu’est-ce que vous en dites ?
Le Cap-Vert a compté sur la diaspora capverdienne.
Sans indépendance monétaire, il a quand même réussi à décoller !
Ces statistiques qu’on sert dans les rapports internationaux, je suis très septique. Je connais les Capverdiens. Peut être que la situation est un peu meilleure par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays. Au moins, ils ont eu la chance d’avoir des Présidents qui respectent leur Constitution, qui acceptent l’alternance. Il n’y a pas eu de grabuge comme en Guinée-Bissau ou dans d’autres pays. Cela a fait que le Cap-Vert est mieux loti que certains autres pays de la sous-région. Mais dire que le Cap Vert est développé, moi je ne suis pas affirmatif.
A propos du Plan Sénégal émergent (Pse), la délégation du Groupe consultatif est rentrée avec plus de 3700 milliards d’engagements de financements et pourtant, vous n’y croyez pas trop ?
Je dis que Macky Sall est rentré les poches vides. Pourquoi ? Il est parti avec plus de cinq cent personnes à Paris dans des hôtels de luxe. Ils ont dépensé des centaines de millions de francs Cfa pour se faire ridiculiser. Vous savez qui la France a envoyé pour observer ? La Secrétaire d’Etat à la Francophonie.
Peut-être parce que comme vous, elle ne croit pas au Pse ?
Bien sûr que la France n’y croit pas. Amener cinq cent personnes pour aller demander de l’argent, mais les gens qui viennent qu’est-ce qu’ils vont penser de vous ? Ensuite le Groupe consultatif, c’est des promesses. Vous savez très bien qu’il y a un fossé entre les promesses et les décaissements. Je donne l’exemple de l’Union européenne qui n’a jamais décaissé plus de 45% des ressources promises depuis que le Fonds européen de développement (Fed) existe, c’est un fonds quinquennal. Au bout du deuxième Fed, pratiquement on recycle les mêmes fonds qui étaient promis, il y a dix ans. C’est une farce.
La plupart des promesses ne se réalisera pas et celles qui le seront, le seront sur la base de conditions que ces pays vont poser. Si le Sénégal satisfait à ces conditions, on dit voilà on met les sous, si ce n’est pas le cas, on garde les sous.
Dire que Macky Sall est revenu avec des milliards, ce n’est pas vrai. Il est revenu avec les poches vides parce qu’ils ont dépensé beaucoup d’argent et sont revenus avec des promesses dont la plupart ne se réalisera pas. La preuve, ce n’est pas la première fois que nous allons à Paris. Abdoulaye Wade l’a fait deux fois. Est-ce qu’ils ont fait le bilan ? Jamais.
Ils ont quand même battu un record !
Oui. Vous verrez au prochain Groupe consultatif. A chaque fois, on dit qu’ils ont battu un record. Mais est-ce qu’on a fait le bilan de ces records ? Est-ce que réellement l’argent est rentré ? Si oui à quoi a-t-il servi ? C’est une question fondamentale et j’espère que Macky Sall aura l’honnêteté de dire : «Voilà ce qu’on m’avait promis, voilà ce qui est rentré et voilà à quoi cela a servi».
Si ces promesses se matérialisent, est-ce que cet objectif d’atteindre un taux de croissance entre 7 et 8% peut permettre au Sénégal d’émerger ?
D’abord on dit 7 ou 8%, pourquoi pas 10% ? Ce n’est pas une question volontariste. Tout le monde veut atteindre un taux de croissance à deux chiffres. Il n’y a aucun pays au monde qui ne veuille pas atteindre un taux de croissance à deux chiffres. Mais ce n’est pas comme ça.
Il y a une réalité. Nous sommes un Pma (Pays moins avancé). Nous ne contrôlons pas la plupart de nos politiques. Le Fmi envoie une délégation de Washington avec leurs cartables pleins de courbes. Ils vont aller voir le ministre de l’Economie et des Finances et lui dire : «Vous ne pouvez pas faire ça». Ensuite, ils vont voir le Président et lui dire : «Monsieur le Président, il faut réviser vos objectifs budgétaires. Tu ne contrôle pas tes politiques et tu veux atteindre 7 ou 8%, ce n’est pas possible».
L’émergence, ce n’est pas seulement un seuil de croissance. Il y a aussi un seuil technologique. L’émergence ce n’est pas seulement vendre des cacahuètes, du poisson ou des phosphates. Il faut aussi un minimum de niveau technologique. Tous les pays émergents ont atteint un certain niveau de développement technologique qui fait qu’ils sont émergents. Mais nous, si on compte seulement sur les matières premières…
Le Président Sall a beaucoup insisté sur les infrastructures. Il a parlé de l’axe Dakar-Bamako, mais pas beaucoup du pont de Gambie. Est-ce que vous y voyez la construction de ce pont ?
Il y a un problème politique entre la Gambie et le Sénégal. Il y a eu des bis­billes à cause d’un ou deux Sénégalais qui avaient été exécutés et il y a aussi le problème de la Casamance. Nos Prési­dents n’ont pas de suites dans leurs idées. Il ne faut pas en faire des problèmes personnels.
Ce pont sert les intérêts des populations, contribue à l’intégration en Afrique. Vous savez très bien qu’entre l’Allemagne et la France, il y a eu plusieurs guerres mais les gens sont revenus pour dire qu’ils sont condamnés à être ensemble, parce qu’ils sont le socle de l’Union européenne et la paix passe par là. Ce n’est pas parce qu’ils s’aiment, mais parce que l’histoire et la réalité font qu’ils sont obligés de travailler ensemble. C’est comme cela qu’il faut voir.
La Gambie, c’est presque une enclave dans le Sénégal. En faisant ce pont d’une certaine manière on lève cette enclave là et permet aux populations d’aller et de venir. Mais si on a des états d’âme, malheureusement ça donne ce que ça donne en Afrique où les Présidents disent quelque chose aujourd’hui, et demain pensent à autre chose. A la fin de leur mandat, on se demande ce qu’ils ont fait.
Le problème des infrastructures c’est très important. Il faut que les gens puissent être mobiles.

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