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ILAA TOUBA - Violation des droits des travailleurs : Les Chinois sur un péage d’illégalité
Publié le lundi 30 mai 2016  |  Le Quotidien
L`autoroute
© Autre presse par DR
L`autoroute "Ila Touba"




Fruit d’un prêt concessionnel d’un montant de 416 milliards assorti d’un taux d’intérêt de 2% qui sera remboursable sur une période de 25 ans avec un différé de 5 ans, l’autoroute Thiès-Touba appelée autoroute «Ila Touba», dénommée aussi Autoroute de l’émergence, excède les travailleurs sénégalais. Ils n’ont aucun droit. Ils n’ont que des devoirs. Dans ce projet, présenté par les autorités du pays comme le plus important depuis l’indépendance avec 800 millions de dollars en un seul jet, les travaux de l’autoroute Ilaa Touba ont créé la précarité chez les travailleurs. C’est la violation des droits de l’Homme.

Ils sont jetés sur une autoroute qui viole leurs droits. La pénurie de travail et la recherche effrénée du job sont devenues le casse-tête des jeunes et des adultes qualifiés ou non dans cette contrée du Baol. Ils attendent, espérant un liard du ciel et un geste des hommes «responsables» dans toutes les attitudes possibles : Couchés, assis, débout dans toutes les positions souvent la main droite sur le menton. On croirait faire face à des gueux, des bohèmes par leur misérabilisme exacerbé. Ils viennent aux chantiers porteurs de l’espoir de toute une famille. Mais la plupart rentrent sans aucun acquis, déçus, bras ballants, souvent la tête base. C’est la sinistre condition des chercheurs d’emploi et des travailleurs de l’autoroute Ilaa Touba. A Touré Mbonde où est implantée une des quatre bases vie de Crbc comme à Bambey, les travailleurs confient : «Non seulement nos charges et heures de travail sont énormes, mais nous sommes laissés à la merci des Chinois qui peuvent nous renvoyer sans aucune contrepartie parce que nous ne bénéficions pas de contrat de travail. Nous travaillons 10 heures de temps par jour pour percevoir moins de huit de rémunération/jour. Nous n’avons pas de bulletin pour savoir si les cotisations sociales sont défalquées ou non de nos maigres salaires. Notre situation frise l’esclavage. Les Chinois nous traitent comme des esclaves dans notre propre pays.» Ciré Boukary éclaire davantage ce problème : «Lorsque nous avons été choisis pour aller chercher le second lot de camions au Port autonome de Dakar, ils ont confisqué nos permis et nos cartes d’identité. Jusqu’à présent et cela fait quinze jours, je n’ai pas vu mes pièces. Je cours des risques énormes en restant sans aucun document.» Long de 113 kilomètres, l’ouvrage va créer, selon les autorités sénégalaises, 7 000 à 8 000 emplois pour la durée des travaux et 600 emplois permanents après les travaux. Des employés qui ne sont pas immatriculés au niveau des institutions sociales comme l’Ipres et la Caisse de sécurité sociale parce que seulement Crbc ne veut pas se conformer à la législation sénégalaise. Bamba Fall, contrôleur du Travail et de la sécurité sociale en service à l’Inspection régionale du travail et de la sécurité sociale de Diourbel, explique : «Les établissements Crbc de Bambey et de Diourbel ne sont pas déclarées.»

Plainte contre l’entreprise
Sur le terrain, les travailleurs sont fatigués. Ils bûchent beaucoup, mais en contrepartie, perçoivent peu. «Nous sommes rémunérés à 420 F l’heure contrairement au barème en vigueur au niveau de ces chantiers qui fixe l’heure à 560 francs. Nous travaillons tous les jours du lundi au dimanche et nous ne pouvons même pas avoir 40 mille francs. Si tu es malade ou bien tu as un empêchement, tu n’es pas pris en charge. Si tu as la malchance de commettre un accident, tu vas rembourser jusqu’au dernier centime», confie Ciré Boukary. Avec ces conditions draconiennes, les plaintes ne manquent pas. L’entreprise est traînée en justice. Depuis sa mise en place, l’Inspection du travail et de la sécurité sociale n’a jamais reçu autant de plaintes. «Les plaintes que nous avons reçues dépassent de loin la centaine. Il y a beaucoup de manquements. Les Chinois ne respectent aucune réglementation. Ils font ce qu’ils veulent», renchérit Bamba Fall. «Il y a beaucoup d’abus et d’exactions de la part des Chinois», confie Bamba Fall qui liste les délits pour lesquels les Chinois sont traînés en justice. Il s’agit le plus souvent des motifs d’arrêt du travail sans raison valable, licenciement abusif. Une anecdote rapportée par le contrôleur Bamba Fall : «Un chauffeur a vu sa paie amputée de 30 mille francs parce que seulement il avait dépassé sa consommation de 5 litres.» Il a fallu l’arbitrage de l’Inspection du travail pour que les Chinois acceptent de restituer le montant prélevé. Mais ce qui est le plus désolant dans cette vilénie des Chinois, c’est qu’ils sont aidés par des Sénégalais qui n’hésitent pas à balancer leurs compatriotes. Aliou Samboudou note pour s’en désoler : «Un chauffeur a été remercié parce que les Chinois disaient qu’il puait de l’alcool. A l’Inspection du travail, le gars a fini par se rétracter disant que c’est le Chinois qui lui avait demandé de témoigner contre son compatriote, mais il n’était pas présent.» Plus près de lui, un ouvrier spécialiste du coffrage proteste : «Si le chef de l’Etat ou bien son ministre des Transports terrestres et du désenclavement effectuaient un tour ici, ils allaient voir les conditions inhumaines dans lesquelles les Chinois nous font travailler. C’est une véritable entrave à la dignité humaine. Ils n’ont aucun respect pour nous. Et dire que nous allons rembourser avec le reste de la population ce prêt ! Nous n’avons droit à rien. Ceux qui restent ici dans le chantier, s’ils n’ont pas d’argent ou bien n’amènent pas leur repas, ils se nourrissent d’arachides grillées et de café en attendant qu’ils rentrent chez eux. Nous n’avons pas d’Ipm. Si quelqu’un se blesse ici ou tombe malade, ce n’est pas le problème des Chinois. Ils font comme chez eux.» Dans ces bases vie de Bambey et de Touré Mbonde, ils sont venus d’un peu partout du Sénégal pour espérer trouver un emploi.

Mise en demeure
Crbc rechigne à parapher avec les travailleurs des contrats. Ils repoussent toujours les échéances et cela, en dépit des rappels de l’Inspection du travail et de la sécurité sociale. Bamba Fall : «A Bambey, ils nous avaient montré un exemplaire de contrat et de bulletin de salaire, mais depuis trois mois nous attendons. Ils refusent de se conformer aux textes en vigueur dans ce pays.» A ce jour, personne ne peut dire le nombre exact de travailleurs dans les chantiers de Crbc. Bamba Fall : «Les responsables refusent de nous donner le nombre exact de travailleurs. Nous avons même interpellé l’Ageroute pour lui demander de dire aux Chinois de se conformer à la législation du travail du Sénégal.» Choquée par cette situation, l’Inspection du travail a été obligée de servir des mises en demeure à Crbc. Il se pourrait même qu’elle aille jusqu’à arrêter les travaux «parce que les travailleurs travaillent 7 jours sur 7. Ils n’ont pas de repos hebdomadaire alors que c’est obligatoire. Ils font 10h d’affilée et n’ont pas de prime de panier alors qu’ils en ont droit parce qu’ils font 50h alors que la moyenne est de 40. L’amplitude de travail est énorme. Nous notons beaucoup de manquements». Mais ces mises en demeure n’ont aucune chance d’aboutir parce que «les Inspections du travail ont les mains liées».

Autoroute de la contestation
Avant même que les choses sérieuses ne débutent, l’autoroute Ilaa Touba est partie pour être le chantier le plus contesté. Et pour cause, il n’y a pas que seulement les travailleurs du chantier qui protestent, les impactés aussi crient leur indignation et déception. Les populations de Touba Kanka, plus connu sous le nom de «Deuk Bou Reuy», ont engagé un bras de fer avec l’Etat, maître d’œuvre de ce chantier. Elles attendent avec impatience le reversement des indemnisations d’environ 1 000 parcelles. A Diourbel et Bambey, les ¾ des personnes impactées ont reçu leur argent.
Comparés aux travailleurs de Henan Chine qui effectuent le même travail, les ouvriers de Crbc sont moins lotis. Là où ils sont payés sans bulletins, les premiers nommés reçoivent des bulletins et voient les cotisations sociales reversées. Un employé de Henan Chine confie : «Les chauffeurs sont logés à la 5ème catégorie et perçoivent après reversement des cotisations sociales de 413,06 francs.» L’autoroute va générer, disait le responsable chinois lors de la visite du chef de l’Etat le 19 novembre à Bambey, environ 6 000 emplois locaux. Elle va réaliser dans le département de Bambey 30 forages. Le financement de l’autoroute, pour rappel, est un prêt concessionnel, assorti d’un taux d’intérêt de 2% et remboursable sur une période de 25 ans avec un différé de 5 ans, selon le ministre de l’Economie, des finances et du plan. L’autoroute Thiès-Touba est considérée comme le plus grand projet jamais réalisé depuis l’indépendance de notre pays si on se réfère au coût du finan­cement, estimé à 416 milliards de F Cfa. Le ministre des Infrastructures, des trans­ports terrestres et du désenclavement, M. Mansour Elimane Kane, le présentait comme étant le projet qui a mobilisé le plus grand investissement direct étranger depuis l’accession de notre pays à la souveraineté internationale et qu’il allait générer 7 000 à 8 000 emplois durant 5 ans. C’est plutôt l’esclavage. Les responsables de Crbc n’ont pas voulu réagir.
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