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Situation des malades mentaux au Sénégal: Un danger ambulant
Publié le mardi 10 mai 2016  |  Sud Quotidien




La vie des malades mentaux n’est pas de tout repos dans la société sénégalaise. Laissés à eux-mêmes dans des conditions qui inspirent pitié, ces personnes dépourvues de discernement vivent toutes, ou presque, dans des conditions difficiles. Notamment, quand elles disparaissent mystérieusement, comme ce fut le cas, il y a de cela deux ans à Tambacounda. Sans occulter un autre drame que vivent les femmes déficientes mentales, victimes de viols suivis de grossesses. Si elles ne subissent ce sort atroce, le plus souvent, ce sont elles-mêmes qui en font subir aux populations. En atteste, les cas d’homicides commis par certains d’entre eux, qui auraient des troubles psychiques. A cause de leur agressivité, ces malades mentaux sont en passe de devenir une menace pour la société. Il est donc important de jeter un coup d’œil sur la prise en charge de cette couche vulnérable. Un exercice assez sensible auquel Sud Quotidien a consacré ce dossier pour briser un tabou. Si du côté du personnel soignant l’on déplore le manque d’implication des familles dans la prise en charge des malades mentaux, le président de l’Association de soutien aux malades mentaux, Assoumana Dionne, lui, dénonce une mauvaise politique de santé mentale. Pendant ce temps, les familles, elles, éprouvent des difficultés financières pour accompagner leurs malades. Quant aux défenseurs des droits de l’homme, ils plaident pour le renforcement des structures de soins.

Malades mentaux : victimes et/ou coupables

Route de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar, à quelques encablures de Yoff, le village Lebou, un malade mental y a élu domicile sous une passerelle. Peu soucieux du vacarme et des multiples déplacements des véhicules sur cet axe très fréquenté, il reste des heures cloué sur un matelas plus poussiéreux que doux. Souvent, il griffonne sur la chaussée des noms de jeunes filles où il emprunte les rues sablonneuses, pieds nus. Des personnes comme lui, il en existe partout à Dakar et même dans tous le pays. Dans le quartier huppé des Almadies, un soir du mardi 03 mai, un fardeau de bagages peu utile à la main, un homme de petite taille faufile entre les voitures. Ni les restaurants luxueux ou des autres boites de nuit ne l’intéresse. Il marche sans but ? Il est difficile voire impossible de circuler à Dakar ou dans une autre ville du pays sans rencontrer les malades mentaux errants. Ces conditions de vie peu enviables sont à l’origine de nombreux drames. En effet, il y a de cela presque deux ans, plusieurs malades mentaux ont été la cible de malfaiteurs à Tambacounda. Surpris dans leur sommeil ou dans leur refuge, ils ont été assassinés. Ni le déplacement du ministre de l’intérieur et de la sécurité publique, Abdoulaye Daouda Diallo sur les lieux encore moins le renforcement du dispositif sécuritaire n’ont changé la donne. Les coupables courent toujours. En plus d’être tués, les femmes avec une déficience mentale sont quant à elles victimes de viols. Pis, ces dernières semaines, les malades mentaux s’illustrent par des actes violents. Au village Beulle Gueye, un patelin situé à quelques kilomètres de Louga un déficient mental du nom d’Ibra Gueye y a tué sa mère et l’épouse de son grand-frère. Les faits se sont déroulés dans la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 avril 2016. Quelques jours auparavant, un cas similaire a été signalé à Kolda. Le 17 avril, un jeune élève a été tué par un déficient mental. La liste est loin d’être exhaustive.

SEYDI GASSAMA, SECRETAIRE EXECUTIF AMNESTY SENEGAL : «Les structures psychiatriques sont insuffisantes»

Pour le secrétaire exécutif d’Amnesty International au Sénégal, «c’est à l’Etat de construire des structures d’accueil pour prendre en charge les malades mentaux. Les structures psychiatriques sont insuffisantes. Il y a des malades mentaux qui séjournent en prison. Un malade mental n’est pas responsable du point de vue de la loi pénale. Donc, il faut des structures d’accueil pour que les personnes avec des troubles soient détenues hors des prisons en cas d’infraction ». Seydi Gassama trouve que : « C’est à cause de l’absence des structures que l’on retrouve les malades mentaux dans la rue ». Par ailleurs, le secrétaire exécutif d’Amnesty International au Sénégal plaide pour la gratuité des soins. «Autant la prise en charge des maladies infectieuses est importante, autant le suivi des malades mentaux l’est également. Souvent, les médicaments ne sont pas à la portée des familles. Autant les médicaments destinés au Sida et à la tuberculose sont gratuits, autant on devrait pouvoir rendre gratuit les médicaments destinés au traitement de la maladie mentale ».

Pour le secrétaire exécutif d’Amnesty International au Sénégal, l’errance des malades mentaux traduit une faillite de la société. «Le Sénégal fait partie des rares pays où on retrouve autant de malades mentaux dans la rue sans prise en charge adéquate. C’est une faillite morale pour notre pays. Une société qui ne peut pas prendre en charge ses malades mentaux est une société qui est en faillite morale. C’est à l’Etat du Sénégal à qui incombe la responsabilité de prendre en charge les malades mentaux. Les parents veulent retenir les malades mentaux dans les maisons, mais ils représentent des problèmes de sécurité énormes dans les foyers. Ils sont parfois des gens violents et difficiles à retenir ».

ASSOUMANA DIONNE, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DE SOUTIEN AUX MALADES MENTAUX : «Le Sénégal n’a pas une politique de santé mentale»

Pour le président de l’Association de soutien aux malades mentaux (Assam) Assoumana Dionne, il n’y a pas de politique de santé mentale permettant une prise en charge convenable des malades mentaux. « Avoir des hôpitaux ce n’est pas avoir une politique de santé mentale. Le Sénégal n’a pas une politique de santé mentale. La santé mentale est un tout programme. Il faut une sensibilisation pour amener les Sénégalais à savoir le comportement à tenir face à un malade mental ».

Pour Assoumana Dionne également, les structures de prise en charge des malades mentaux ne suffisent pas. A son avis, il faut une décentralisation des centres psychiatriques dans tous les départements. Le président de l’Association de soutien aux malades mentaux pense également qu’il faut le renforcement du personnel soignant. Selon lui, «il existe un déficit criard de psychiatres». Pour Assoumana Dionne, la durée de formation du psychiatre est longue. Pour palier à ce déficit, il plaide pour la formation de technicien en santé mentale à l’Ecole nationale de développement sanitaire et sociale (Endss). De l’avis du président de l’Association de soutien aux malades mentaux, les familles ne peuvent pas jouer un grand rôle dans la prise en charge des déficients mentaux car dit il, « elles ne bénéficient d’aucun soutien des autorités étatiques ».
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