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Docteur Momar Thiam, expert en communication sur l’appel de Macky Sall aux retrouvailles libérales: "Cette opération de charme politique peut avoir des risques au niveau même de BBY"
Publié le lundi 9 mai 2016  |  Sud Quotidien
Macky
© aDakar.com par DR
Macky Sall réunit sa coalition pour une victoire du "OUI" au référendum
Dakar, le 04 mars 2016 - Le président de la République Macky Sall a réuni la coalition "Benno Bokk Yakaar" pour lancer son offensive en faveur de la victoire du "OUI" au référendum du 20 mars prochain.




La main tendue de Macky Sall pour des retrouvailles libérales peut risquer, plus ou moins, de créer une fissure au sein de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar. C’est en tout cas le sentiment du Dr Momar Thiam, expert en communication et Dg de l’Ecole des haute études en information et en communication. Analysant en effet l’appel au dialogue du chef de l’Etat à son ancienne famille libérale, un appel qui s’assimile plus ou moins à une « opération de charme mais aussi une opération pernicieuse de «cassure» de l’opposition », le spécialiste établit qu’il peut à l’inverse provoquer un repositionnement des alliés dans la coalition majoritaire, en rapport à la guerre de… positionnement en perspective des consultations de 2017 et 2019.

Comment analysez-vous la sortie du chef de l’Etat ?

J’analyse à deux niveaux cet appel du président de la République. Le premier est celui purement politique en ce qu’il est du rôle du président de la République, dans les démocraties modernes à la sénégalaise, d’avoir le maximum de personnes, de structures, de partisans autour de sa personne, disons pour créer une entente cordiale afin de mieux gérer le pays. Le président de la République est donc tout à fait fondé dans sa démarche purement politique, je dis bien démarche purement politique, d’appeler à un consensus national. Et ce consensus, il doit naturellement et légitiment en mon sens, le commencer avec sa famille d’origine qui est la famille libérale. Maintenant, il faut se rappeler que celui qui a fait le premier pas, parlant de ces réunifications, c’était Me Wade qui, pendant son second mandat, appelait constamment à la réunification de la famille libérale pour pouvoir comme, il le disait lui-même, être au pouvoir pendant cinquante ans.

Je pense que Macky Sall, d’un point de vue strictement politique, s’inscrit dans cette dynamique-là. Ça, c’est l’aspect politique. L’autre aspect sur lequel j’analyserai cette sortie du chef est celui de la communication politique qui, à mon sens, est une opération de charme mais aussi à mon sens une opération pernicieuse de «cassure» de l’opposition. Parce que, évidemment, quand on gère un pouvoir et qu’on a une opposition en face, il y a en mon sens, d’un point de vue de la démarche politique et même communication politique, deux aspects qu’il ne faut pas négliger. Essayer de casser l’opposition pour être mieux positionné en faisant appel à cette opposition pour gérer ensemble le pouvoir de manière collégiale. C’est pour cela que je dis que le président, Macky Sall, d’un point de vue de la communication politique fait une opération de charme, de séduction auprès justement de cette famille qui est la plus proche et qui est sa famille naturelle, sa famille politique pour le dire. J’aimerais qu’on parle, j’aimerai qu’on signe la paix des braves si on peut l’appeler comme cela.
Au-delà de la signature de cette paix des braves, il s’agit de voir comment on peut travailler ensemble. Et on sait pertinemment, vu la conjoncture politique sénégalaise aujourd’hui, le contexte politique avec un référendum qui vient de se passer et qui déterre le statut de l’opposition, on voit mal l’opposition tomber dans cette opération de charme politique. Parce que la démocratie se nourrit d’une opposition constructive. Je ne pense pas que le Pds qui est le cheval de bataille de l’opposition, en tant que parti qui a eu à gérer le pouvoir et qui connait les contours du pouvoir puisse tomber dans cette opération. Mais, je dis que le président Macky Sall est dans une logique politique qui fait que cette opération de charme occupe non seulement le landernau politique, occupe les médias d’un point de vue politique mais surtout occupe l’opinion. Parce que quand on a la gestion de la chose publique, au-delà des erreurs de communication politique que l’on commet, quelques fois, on donne d’autres signaux pour orienter l’opinion.

Le chef de l’État ne court-il pas le risque de se mettre à dos ses allies de Bennoo ?

Évidemment, cette opération de charme politique peut avoir des risques au niveau même de coalition Bennoo Bokk Yaakaar. On vient de voir d’ailleurs une partie de cette coalition même si, elle est infirme, claquer la porte. Il va y avoir une guerre de positionnement à l’horizon de 2019. Et, si le président Macky Sall ne contribue pas à solidifier et à amplifier cette coalition qui l’a porté au pouvoir, demain une autre coalition peut naitre autour du Pds qui est le parti majoritaire dans l’opposition. Il vaut mieux donc qu’il cherche à solidifier sa coalition mais l’un risque de l’emporter sur l’autre parce que s’il veut rassurer sa coalition et derrière faire une opération de séduction politique envers l’opposition, en un moment donné, il ne saura plus à quel saint se vouer. Il y a donc des risques même si elles font partie de la politique.

Peut-on voir derrière cette sortie du chef de l’État un manque de confiance vis-à-vis du Ps ?

Le Ps est un grand parti qui est en train de se craqueler avec le choc des ambitions. C’est une situation, à la limite pernicieuse. On ne sait pas encore sur quel pied il danse. Vous avez la tendance de Tanor qui dit : venez dans la coalition. On y reste. On ne sait pas si demain, on aura un candidat. Et la tendance Khalifa Sall et certains jeunes du Parti qui disent qu’il n’est pas question de se déterminer après. C’est maintenant qu’il faut se déterminer parce que nous sommes un grand parti amené à gérer le pouvoir demain. La position du chef de l’Etat est de regarder faire. Effectivement, le Ps peut se craqueler en deux tendances. A partir de ce moment, la coalition est craquelée. La force de la coalition ne sera plus la même. Il est tout à fait légitime politiquement parlant, d’aller chercher d’autres coalitions, notamment de sa famille d’origine. Le président est entre le marteau et l’enclume.

Ne pensez-vous pas que le président anticipe sur ses actions ?

Oui ! C’est de la politique. On ne peut pas faire de sentiment. L’intérêt du président Macky Sall est de ratisser large, et il ne peut pas aller ailleurs que vers sa famille d’origine. Les mouvements politiques ont montré qu’ils ne pèsent pas trop lourd dans l’échiquier électoral sénégalais. Ce sont les grands partis qui sont mobilisateurs. Évidemment, si le Ps est scindé en deux au niveau de la coalition, il faudrait qu’il aille chercher d’autres souteneurs.

A-t-il une petite chance de parvenir à ses objectifs ?

Si on a une lecture politique de la position officielle du Pds à la personne de Babacar Gaye, porte-parole du parti, cela traduit la volonté du parti qui est de dire : nous sommes dans l’opposition, il nous importe de gérer le pouvoir. Sous ce registre-là, il n’y a pas de sens. Le fait que les coalitions de l’opposition disent non peut l’affaiblir. Il peut s’affaiblir doublement parce que ses partenaires potentiels et existentiels que sont la coalition BBY peuvent commencer à douter. La politique n’est pas une science exacte. Qui sait demain ce que cela nous réserve ?
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