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Colonel Baïdy Bâ (directeur des eaux et forêts, chasses et de la conservation des sols): ‘‘Les dégâts du trafic sont énormes’’
Publié le lundi 9 mai 2016  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Le président de la République veut un encadrement plus strict de la coupe de bois




Après le tollé soulevé par le regain de la coupe et de la vente illicite de bois en Casamance, le directeur des Eaux et Forêts s’explique. Le colonel Baïdy Ba met en avant les réalisations de l’Etat dans ce domaine avec le recrutement de 400 nouveaux agents, tout en reconnaissant l’immensité de la tâche. Il annonce une implication plus effective de l’Armée dans la zone pour combattre le phénomène et esquisse des projets d’envergure pour la Casamance et la zone des Niayes



Vous venez de terminer une tournée dans les régions de Tambacounda et de Kolda. Comment se porte la politique des aménagements forestiers conduite par la Direction des Eaux et Forêts ?

D’abord, un peu d’histoire. Notre pays connaît l’expérience la plus ancienne en matière d’aménagement forestier avec notamment, d’une part, la forêt de Bandia (1954), et d’autre part, le programme national d’aménagement des peuplements naturels (1963-1972) couvrant les peuplements de gonakiés longeant le fleuve Sénégal et les forêts de légumineuses-combrétacées du Rail dans l’axe Kaolack-Tambacounda. Comme vous le savez, l’aménagement forestier est une modalité de gestion forestière qui permet de faire en sorte que les coupes de bois soient en deçà de l’accroissement annuel moyen, ce qui permet à la forêt d’assurer toutes les fonctions qui lui sont assignées et d’assurer la durabilité.

Pour atteindre cette durabilité, des prescriptions techniques ont été édictées parmi lesquelles on peut noter la coupe des tiges dans les classes de diamètre 10 à 25 cm des espèces classées dans la catégorie « bois énergie » ; celles de diamètres inférieurs à 10 cm ne sont pas coupées ainsi que celles ayant un diamètre >25 cm (semenciers). Une rotation de 8 ans est observée, c’est-à-dire qu’on reviendra sur la parcelle coupée 8 ans après… Cette politique a permis aujourd’hui l’aménagement de 48 forêts pour une superficie totale de 1 044 440 hectares dans les régions de Tambacounda, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor, Kaffrine, Kaolack et Fatick. Ces aménagements font intervenir un ensemble d’acteurs dont le secteur privé, l’administration publique, les collectivités locales et la société civile.

Malgré ces dispositions, on a eu du mal aujourd’hui à quantifier l’ampleur du phénomène de la coupe. Peut-on avoir un état réel du phénomène en Casamance ?

Vous avez raison de parler d’ampleur du phénomène. Effectivement nos formations forestières avaient connu depuis très longtemps un trafic illicite de bois vers les pays limitrophes. Les dégâts étaient énormes. Profitant de la situation qui sévissait dans cette partie du pays, les trafiquants se livraient à cette exploitation illégale. Cependant, il faut noter que ce phénomène est en train d’être combattu avec force suite aux instructions données par le Chef de l’Etat aux forces de défense et de sécurité (Armée, Gendarmerie, Eaux et Forêts, Police, Douane) pour intensifier la lutte contre la coupe illicite de bois le long des frontières.

Il y a eu beaucoup de réprobations sur la suite à donner aux coupeurs qui sont pris. Les Eaux et forêts sont-ils laxistes quant à l’application stricte de la loi ?

Le service forestier applique strictement la loi. Il ne saurait en être autrement. Le jour où nous serons laxistes, nous ôterons l’uniforme parce que nous aurons trahi le serment que nous avions prêté en intégrant le prestigieux corps des Eaux et Forêts. On est un service de développement mais nous avons aussi le code forestier qui gouverne la gestion forestière. Il suffit de voir le contentieux dans les régions de Tambacounda, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor pour constater que le service forestier sanctionne rigoureusement les infractions. Des compatriotes et même des étrangers sont en prison dans toutes ces régions que je viens de citer. Des camions d’immatriculation étrangère sont saisis. Et cela, vous pouvez le vérifier sur place. Combien de charrettes, de motos et même d’animaux sont saisis ?

Mais on a noté un sous-effectif des Eaux et Forêts dans le Médina Yoro Foula qui est un bastion forestier important. Vos services abandonnent parfois les saisies faute de pouvoir les acheminer. Peut-on assimiler les efforts à une goutte d’eau dans la mer ?

Nous faisions face à un déficit criard d’agents forestiers. D’ailleurs le Chef de l’Etat vient d’autoriser un recrutement exceptionnel et historique de 400 agents forestiers. Pour sa part, la Direction des Eaux et Forêts vient de déployer 250 agents qui sont déjà sur l’ensemble du territoire national. 80% de cet effectif sont déployés dans les régions sud. C’est ainsi que le département de Médina Yoro Foulah a été fortement renforcé.

Pour la saisie du bois, le service forestier transporte les produits jusqu’au poste forestier le plus proche. Dans certains cas, on les confie aux chefs de village jusqu’à l’arrivée du service pour prélever les saisies. Il est impensable de laisser le produit sur place bien que cela nécessite de gros moyens pour soulever les troncs et même des camions. Je viens d’ailleurs d’envoyer un autre camion ce matin (l’entretien a eu lieu lundi dernier 2 mai 2016) sur Kolda pour aider à l’acheminement des produits.

Les patrouilles mixtes (avec l’armée ou la gendarmerie) semblent fonctionner, mais elles sont intermittentes. Est-ce une option que vous envisagez de reproduire plus régulièrement ?

Je viens d’une mission dans les régions de Tambacounda et de Kolda pour suivre le processus d’aménagement en cours mais surtout voir comment se passe la lutte contre le trafic de bois. J’ai sillonné le département de Médina Yoro Foulah et je suis allé jusqu’à Niaming. Cela fut aussi l’occasion pour moi de discuter avec les populations le long de la frontière et avec les élus locaux pour les sensibiliser. Nous allons d’ailleurs mettre surtout l’accent sur ce volet car on a quand même trouvé des comités villageois engagés dans la lutte contre ce trafic. C’est le lieu aussi de magnifier la parfaite synergie d’action et la mutualisation des moyens entre le service forestier et les forces de défense et de sécurité. En effet, l’Armée nationale dans toutes ses composantes est aujourd’hui à la pointe du combat avec la Direction des Eaux et Forêts. De nombreuses patrouilles mixtes se déroulent régulièrement dans toute la zone sud de notre pays. C’est une option définitive et menée de façon permanente. Elle est coordonnée par les COMZONES, les COMLEGIONS et les Inspecteurs régionaux des Eaux et Forêts.

Mais est-ce que cela est suffisant pour venir à bout de la coupe illégale de bois surtout dans cette partie sud du pays ?

Aujourd’hui, c’est un sentiment de soulagement et d’espoir qui souffle au sein de la Direction des Eaux et Forêts car c’est la première fois qu’un chef d’Etat met le focus sur le service forestier et érige en priorité la gestion durable des ressources naturelles, en particulier les forêts. Le gouvernement est donc conscient des ravages de la coupe illicite de bois sur nos forêts. Et tout le monde fait de son mieux pour combattre ce fléau.

Quelles sont les perspectives pour la Direction des Eaux et Forêts, Chasses et de la Conservation des Sols ?

Nous sommes en train d’élaborer un projet de Gestion durable des écosystèmes côtiers et estuariens du Sénégal avec l’appui du Forum des Nations unies sur les Forêts dans le cadre du test de son nouveau mécanisme de financement de la Gestion durable des forêts. L’objectif général du projet est d’assurer une gestion durable des écosystèmes côtiers et estuariens du Sénégal pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la conservation de la biodiversité et l’amélioration des conditions de vie pour les populations locales. Nous venons aussi de démarrer le projet de Renforcement de la gestion des terres et des écosystèmes des Niayes et de la Casamance dans un contexte de changements climatiques (PRGTE).

Dans la zone des Niayes, la production maraîchère nationale procure près de 430 millions de dollars aux producteurs pour une production de plus de 750 000 tonnes, selon l’Agence Nationale de Statistique et de la Démographie (ANSD). L’arboriculture fruitière occupe une place importante dans le calendrier des paysans.

Dans la zone éco-géographique de la Casamance, la salinisation, l’acidification des sols, l’ensablement des vallées, le désensablement des plateaux, l’affaissement du niveau de la nappe phréatique et la menace sur la mangrove constituent des entraves au développement. Les populations ont conscience de l’impact du climat sur leurs activités mais déplorent la difficulté de l’accès à temps à l’information climatique et météorologique dans un langage compréhensible. Le projet va donc intervenir dans les deux grandes zones éco-géographiques que sont les Niayes (Région de Thiès et Louga) et la Casamance (Régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda).
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