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Axe Dakar - Banjul: 22 ans de relations houleuses
Publié le mardi 5 avril 2016  |  Enquête Plus
Macky
© Autre presse par DR
Macky Sall et son homologue Yahya Jammeh




Il existe entre eux plus de plages de divergences que de convergences. Le Sénégal et la Gambie ne sont pas les modèles d’une coopération ‘idéale’ pour deux pays qui ont des peuples, des langues, des cultures, une histoire, une géographie, et des intérêts presque communs. Des dissensions qui n’ont cessé et ne cessent de s’approfondir, depuis plus de deux décennies, mais n’ont jamais atteint le point de non-retour.

Des relations empreintes de ‘‘je t’aime, moi non plus’’ caractérisent les 22 ans de relations bilatérales entre le Sénégal et la Gambie. Depuis la prise du pouvoir de Yaya Jammeh, en juillet 1994, par un putsch militaire, les tensions entre les deux pays ne cessent de se calmer pour empirer et vice-versa. Le contexte géopolitique local aidant, Dakar et Banjul n’ont jamais arrêté de se détester dans la cordialité. La Gambie étant une enclave à l’intérieur du Sénégal, les menaces contre son dirigeant, quelles qu’elles soient, transitent forcément en terre de la Téranga. Deux ans après le coup d’Etat qui a porté Yahya Jammeh à la tête du pays, des tentatives de renverser son régime à partir de l'étranger et du Sénégal furent organisées, avec Kukoi Samba Sanyang à la baguette. Le 8 novembre 1996, il tente un retour en force en Gambie via le Sénégal. C’est l’échec, puisque beaucoup de ses hommes sont capturés, lors de l'attaque meurtrière contre la caserne militaire de Farafenni, à la frontière avec le Sénégal. Les autres combattants de Kukoi sont arrêtés à Tambacounda et à Kaolack.

A l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir, un rapprochement est esquissé entre l’homme fort de Kanilai et son irréductible adversaire Kukoi. Mais, il se solde par un échec en 2003. Banjul accuse ce dernier de poursuivre ses tentatives de déstabilisation, à partir de Dakar. Le 21 mars 2006, le haut-commissaire du Sénégal en Gambie est expulsé, suite à un coup d’Etat déjoué, avec le colonel Ndure Cham comme instigateur. Banjul accuse Dakar d’être derrière. Ce que le régime de Wade nie avec véhémence. En 2010 également, le général Lang Tombon Tamba est accusé de fomenter un coup d’Etat. Il est incarcéré à Miles Two avec une dizaine d’officiers. Le Sénégal, qui est alors accusé de tous les maux par son voisin, tente d’apporter les gages de sa bonne volonté pour gagner la confiance de Jammeh.

Un Macky Sall très conciliant avec Jammeh

En 2012, le nouveau président Macky Sall révoque la nationalité sénégalaise de Kukoi Samba Sanyang acquise sous Wade. L’opposant est expulsé vers le Mali où il meurt et se verra enterré au Sénégal, à cause du refus du dictateur gambien de l’inhumer en Gambie. En Janvier 2015, un autre opposant en vue, Cheikh Sidya Bayo, est expulsé du Sénégal, pour ses prises de position contre le régime de Jammeh. ‘‘ Le Sénégal ne peut pas garder sur son territoire un opposant qui fomente un coup d’Etat dans son propre territoire’’, commente alors Abdoulaye Daouda Diallo, ministre de l’Intérieur sénégalais. Ceci intervient après la seule tentative de putsch qui a vraiment fait vaciller le trône de Jammeh. A la Saint-Sylvestre 2014, alors qu’il est en visite en France, Papa Faal et Tcherno Njie, des ressortissants américains d’origine gambienne, manquent de mettre fin au règne de Jammeh. L’opération connait le même insuccès que les précédentes tentatives et les instigateurs rejoignent les USA via l’ambassade de...Dakar. Le coupable idéal est encore tout trouvé : le Sénégal.

Autant le natif de Kanilai pointe du doigt le Sénégal, autant il n’est pas épargné par les Sénégalais. Car, en plus de faire de la Gambie une base-arrière de repli pour les sécessionnistes du MFDC, Jammeh ne rate jamais une seule occasion de donner des coups à son puissant voisin. Son moyen de pression s’étant affaibli, avec un mouvement rebelle de plus en plus atomisé, Yaya Jammeh utilise toute la gamme de pressions à sa disposition pour écœurer son voisin. En août 2012, trois Sénégalais dont Djibril Ba et Tabara Samba sont exécutés, après leur condamnation à la peine capitale. Ils faisaient partie d’un groupe de 47 personnes dont six officiers gambiens jugés en novembre 2010 pour trahison et tentative de coup d’Etat.

Le blocage à l’envie de la Transgambienne par Jammeh ne suffisant plus, d’autres éléments de la discorde comme la hausse du droit de passage des camions en février dernier de 4000 à 400 mille FCfa, le jeu de yo-yo pour la remise du fugitif sénégalais Boy Jinné, ont fini d’exaspérer un régime qui se voulait conciliant au départ ; aidé en cela par des chauffeurs sénégalais excédés.

‘’Abandonner le pont et réhabiliter la RN6’’

Le Sénégal s’est-il rebiffé au bon moment ? Peut-être ! D’après certaines indiscrétions, la partie gambienne a envoyé hier vendredi un document aux autorités sénégalaises pour regretter l’annulation de la réunion mixte de 48 heures entre les deux pays qui devrait s’ouvrir jeudi. Elle souhaiterait une autre entrevue, juste après la célébration de la fête d’indépendance du 4 avril. Un ‘durcissement’ du Sénégal contre son voisin qui vient à son heure.

Si les syndicats de transporteurs sénégalais ont lancé la première salve de représailles, l’ancien ambassadeur à Banjul, Ndiouga Ndiaye, estime qu’il est temps pour les décideurs de poser des actes. ‘‘C’est un problème qui doit relever du gouvernement pour trouver des solutions. Ce n’est pas aux transporteurs d’intervenir. Il doit prendre ses responsabilités et régler définitivement ce problème, en laissant tomber cette histoire de pont et réhabiliter la RN6. C’est que disent tous les chauffeurs du Sénégal et ce sont les premiers intéressés’’, lance-t-il au bout du téléphone.

Justement se passer des sautes d’humeur du dirigeant gambien, la solution est là, ressassée depuis des années, mais qui reste encore à l’état de projet pour les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du Sénégal. ‘‘Ce serait de réhabiliter la Route nationale 6 qui va à Tambacounda et de contourner la Gambie. Si la RN6 est praticable et que le gouvernement accepte de financer le carburant pour les transporteurs, le tour est joué. Et on y gagne économiquement.

Sur tout le parcours de Dakar-Kaolack ; Kaolack-Tamba ; Tamba-Kolda, ça va faire revivre deux ou trois régions’’, selon l’ancien plénipotentiaire sénégalais en Gambie. ‘‘On doit privilégier cet aspect. Il faut épargner aux Sénégalais les énormes difficultés qu’ils rencontrent en voulant aller en Casamance par la Gambie. Ils sont maltraités et on leur demande des pots-de-vin. Ce qui n’est pas normal’’, défend-il. Pour lui, les nombreuses concessions faites à la Gambie frisent la compromission. Comme les 80% de revenus du pont qui seront versés à la partie gambienne. ‘‘Quand on veut passer par la Gambie pour aller en Casamance, on subit toutes sortes de tracasseries. Le problème, c’est que le pont sera érigé en territoire gambien’’, conclut-il.
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