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Art et Culture

La saga des séries télévisées
Publié le mardi 29 mars 2016  |  Enquête Plus




Les télés en raffolent. Les séries télévisées sont devenues l’expression la plus vivante du quatrième art sénégalais. Mais à quel prix ?

Les professionnels du théâtre tiennent aux différences. Ils ne se gênent pas pour rectifier les gens à chaque fois que de besoin. C’est ainsi que le comédien et acteur Lamine Ndiaye tient à ce qu’on n’appelle pas ‘’série télévisée’’ tout ce qui passe sur les chaines sénégalaises actuellement. ‘’Dès qu’il y a une suite ce n’est plus une série mais un feuilleton’’, affirme-t-il. En plus d’être un professionnel Lamine Ndiaye fait partie de ces premiers Sénégalais à avoir joué dans une série télévisée. En effet, on croit que ce modèle est tout nouveau alors qu’il n’en est rien. Le Sénégal a connu ‘’Ndakaru’’ ou encore ‘’Fann Océan’’ réalisé par le défunt Mahama Jonhson Traoré.

Mais, ‘’wiri-wiri’’ et ‘’double-vie’’ diffusés sur la télévision Futurs médias ainsi que ‘’ndary baba’’ qui passe sur la RTS 1 ou encore ‘’Rëp tëp’’ de la 2Stv ne sont pas des séries tels qu’on les considère mais plutôt des feuilletons. La différence faite, des séries il en existe malgré tout comme ‘’Dinama nex’’ ou encore ‘’Riirou tribunal’’. Cependant, quels qu’en soient les modèles ces productions diffusées régulièrement ont une place importante dans les programmes audiovisuels. On est loin de l’époque où chaque mardi soir toute la famille se réunissait devant la télé attendant la diffusion d’un téléfilm.

L’on est bien éloigné donc de cette période où chaque mercredi les gens échangeaient dans les transports et cours de récréation sur le malheur de l’orpheline ‘’Coumba amoul ndèye’’ et sa scélérate de belle-mère, des frasques de Golbert Diagne dans Baara Yeggo, ou encore la droiture de ce Directeur général incarné par Moustapha Diop dans ‘’Un DG peut en cacher un autre’’. Aujourd’hui, on parle du plan fou de Daro et Maïmouna, de Dj Boub’s et sa Lissa ou encore de ‘’Persidan’’ et son ‘’tribunal’’.

Ce changement s’explique par des raisons financières d’abord. ‘’ Avec les téléfilms, c’est le producteur qui y met ses propres moyens, l’investit dans un produit avec tous les frais que cela incombe et le vend sur le marché’’, explique le producteur et comédien Mansour Mbaye Madiaga. Et ce type de producteur n’a pas toujours la certitude de recouvrer l’argent dépensé. D’ailleurs, habituellement il n’y gagne absolument rien à cause de la piraterie et des réseaux câblés tel que le souligne Mansour Mbaye. C’est pour cela d’ailleurs que des troupes comme ‘’Soleil Levant’’ font aujourd’hui plus dans la production de séries que dans celle des téléfilms.

‘’Vous savez quand vous faites une pièce et que vous dépensez 2 millions par exemple vous pouvez vous retrouvez avec trois millions après. Mais avec une série vous pouvez gagner beaucoup plus’’, assure le metteur en scène de la compagnie Thiessoise Cheikh Ndiaye. En effet, explique Mansour Mbaye ‘’pour la diffusion des séries dans les télévisions, c’est le porteur du projet qui va à la recherche de sponsors et après il gagne 50% des recettes publicitaires et le reste va au diffuseur. C’est pourquoi les télévisions optent pour la plus part pour ces séries’’, informe-t-il. Pourtant, les choses ne devraient pas se passer ainsi. ‘’Normalement, les télévisions devraient engager des artistes, les payer pour qu’ils tournent des séries’’, affirme-t-il. Si l’on se fie à Cheikh Ndiaye c’est ce que fait la Tfm. Puisque c’est Ndiaga Ndour qui produit ‘’wiri-wiri’’.

Avec ces séries, le public a découvert une autre race de comédiens et d’acteurs. Il s’agit de gens célèbres à qui on donne des rôles pour mieux vendre une histoire. ‘’Pour moi avec cette floraison de productions, on crée des emplois. Mais à un moment donné les artistes sont relégués au second plan et ce n’est plus intéressant. Il doit y avoir de l’équilibre dans la distribution des rôles’’, suggère Ibrahima Mbaye Sopé personnage principal dans ‘’Ndary Baba’’. Dans sa conception, ‘’les séries ne doivent pas être un tremplin pour le business’’. Par conséquent, on ne devrait pas prendre n’importe qui juste pour attirer les sponsors. Faire du théâtre poursuit-il, ‘’c’est du sérieux’’.

Néanmoins, ‘’avec l’avènement de l’audiovisuel, les gens sont pressés d’être découverts. Par exemple, à ‘’Daraay Kocc’’, il y a vingt ou trente ans des gens comme Tapha Diop, Abou Camara ont fait 15 ans de pratique avant d’être connus’’, rappelle le Directeur de la troupe dramatique du Théâtre national Daniel Sorano, Ibrahima Mbaye. C’est pourquoi Mansour Mbaye Madiaga milite pour qu’on redonne aux artistes leurs places dans leur métier. ‘’Tout ce que doit gagner l’artiste va dans les poches des journalistes, lutteurs, mannequins et autres qui jouent les premiers rôles dans les pièces. C’est pourquoi il est un peu difficile actuellement pour les artistes de s’en sortir. Et je pense que chacun doit se limiter à son métier et laisser l’artiste-comédien avec son théâtre’’, estime-t-il.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que ces séries marchent bien au niveau national qu’il faudrait s’en contenter. L’internationaliser doit être une perspective sérieuse à envisager. ‘’Si on veut vivre de notre art, il faut qu’on internationalise nos produits’’, soutient Kader Diarra dit Pichininico. Et le Sénégal a le potentiel qu’il faut pour cela. Lamine Ndiaye y croit dur comme fer. D’ailleurs, il renseigne que ‘’Nollywood’’ s’est inspiré du Sénégal pour être ce qu’il est aujourd’hui. Et c’est le fondateur de cette industrie cinématographique nigériane qui le lui a dit. Le Sénégal pourrait faire mieux s’il s’était donné les moyens d’y arriver. ‘’On peut même faire plus que le Nigeria mais eux ils ont compris très tôt qu’il fallait professionnaliser les productions c’est pourquoi aujourd’hui leurs séries sont diffusées un peu partout dans le monde’’, avance Kader Diarra. Une fois encore la professionnalisation s’impose comme une urgence à régler.
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