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Stéphane Tournet, photographe : «Ma photo a fait réélire Wade»
Publié le jeudi 10 mars 2016  |  Le Quotidien




Le photographe Stéphane Tourné est une icône dans le milieu de l’image. Très affable, cet artiste d’une simplicité extraordinaire semble ériger l’humilité dans
le travail en règle d’art. Il a réussi à faire poser de grandes figures du monde : de Youssou Ndour à Me Abdoulaye Wade. Alors qu’il fut le seul photographe
accrédité pour la visite de Barack Obama à Dakar, il rate presqu’un challenge. Cela semble lui rester à travers la gorge. Toutefois, cet enfant blanc d’Afrique, qui se veut citoyen du monde, n’en finit plus de surprendre par son talent. Avec plein de nouveaux projets en tête, Stéphane parle avec passion de son travail et de lui-même. Ses anecdotes dans cet entretien se succèdent telles des flashs.

Pourquoi dit-on que vous êtes un photographe aux «semelles de vent» ?
(Rires). D’où vous tenez ça ? (Rires) C’est une dame qui m’a surnommé comme ça. Elle a découvert mon exposition qui s’appelle Ici l’espoir à Paris. Cette exposition a été très bien couverte par la presse, la télévision etc. Elle m’a proposé d’écrire un texte sur l’exposition ; texte sublime d’ailleurs. C’est à ce moment qu’elle m’a surnommé le photographe aux «semelles de vent» parce que j’ai passé une quinzaine d’années à vendanger. Je vivais à Paris. Autant j’étais fasciné, j’adorais Paris, mais j’étais incapable de rester à Paris plus d’une année. J’ai tout fait, je n’y suis jamais parvenu. Donc je voyageais. Dès que j’avais un peu d’argent je me rendais dans une agence de voyage, je me renseignais sur les destinations en promotion, la durée du visa. Est-ce qu’il y avait la possibilité d’aller simple parce que ça se faisait pas mal à l’époque ? Je décidais de la destination, ce qui fait que j’ai découvert des pays où je n’avais pas forcément envisagé d’aller. Par exemple, je suis parti en Egypte juste après qu’il ait eu un attentat. C’est un car suisse qui avait été attaqué et du coup toutes les réservations étaient annulées, plus personne n’allait en Egypte. C’était dérisoire. Les avions étaient vides et je suis parti en Egypte, en Indonésie aussi. Il y avait eu un espace de chasse aux sorcières à Java. Du coup, plus personne ne partait en Indonésie. C’était devenu une destination dangereuse pour certains. C’est en ce moment que moi je suis parti. La monnaie s’était cassée. Par exemple en Indonésie, j’y suis resté 3 mois, 2 fois en Inde, je suis parti en Thaïlande, en Malaisie, au Mexi­que, en République Domi­ni­caine, en Afrique du Sud… toujours des durées de 2 à 3 mois. J’allais dans ces pays sans guide, sans réservation d’hôtel. J’allais à l’accueil d’un aéroport pour me renseigner : trouver une chambre d’hôtel pas cher pour une première nuit. Je me promenais par la suite pour trouver une chambre à louer, un studio. C’était une façon de s’intégrer en fait, de ne pas être à l’hôtel avec les touristes, mais d’habiter dans un petit immeuble et de débarquer comme ça dans un lieu pour une durée assez prolongée finalement. Ensuite, cela permet de découvrir à pieds le quartier, etc.

Cela a été le cas pour le Sénégal aussi ?
Le Sénégal c’est la seule destination où ce ne fut pas le cas. En fait, tous ces voyages c’est dans le but de poser mes valises quelque part. Je cherchais un petit peu l’endroit où je me sentirai chez moi. Et bizarrement, le seul voyage que je n’ai pas fait dans ce but, c’est le Sénégal. Je suis venu ici pour voir un ami et tous les gens que je rencontrais me disaient «tu vas rester» et je répondais «non, je ne vais certainement pas rester». Et puis voilà, c’était en 1999 mon premier voyage ici.

Vous êtes parti et revenu par la suite. Pensez-vous que vous avez choisi ou le Sénégal vous a choisi ?
Oui ! Oui, c’est évident. D’abord, j’ai rencontré mon épouse même si elle est italienne. Oui ! Je pense que l’Afrique a un rythme particulier et les gens ont un rythme particulier. Je crois qu’il y a un espace de symbiose qui doit se faire. On ne choisit pas. On ne peut arriver nulle part d’ailleurs, en terrain conquis. On ne peut arriver en disant : «Salut c’est moi je m’installe, je suis le meilleur, je suis le plus beau.» Ça n’existe pas. On doit être en accord et pour l’être, d’abord ça ne se décide pas. Ça ne se fabrique pas. Soit on est en accord soit on ne l’est pas. Je ne sais pas comment on doit appeler ça. C’est dans l’air quoi. Soit t’es intégré soit tu te sens bien et tout se passe bien, soit ce n’est pas le cas. Il faut être respectueux, respectueux des gens, respectueux des lieux etc.

Vous êtes un photographe de stars pour avoir pris en photo pas mal de stars : Youssou Ndour, Jacob Devarieux, Franck Lebœuf…, Une vraie aventure ?
Tout est question de rencontre en fait. Je ne sais pas. C’est aux autres de voir s’il y a une particularité. Peut-être une particularité, mais je ne pense pas que je sois le seul à travailler comme ça. Ce qui est sûr, je ne décide jamais de ce que je vais faire. Si je dois photographier, que ce soit une célébrité, une famille quelconque ou un enfant, peu importe en fait, sauf dans la publicité évidemment où on a une commande avec une demande très précise et on doit le sortir comme ça. En l’occurrence dès que c’est un travail personnel, libre, je ne prévois rien. Parce que prévoir c’est juste se casser la gueule. On a beau avoir quelque chose dans la tête, si on n’a pas la lumière, on n’a pas l’ambiance, la personne en face de nous ne va pas forcément donner ce qu’on attend. Et on peut perdre beaucoup de temps et d’énergie à essayer d’obtenir quelque chose que la personne en face ne nous donnera pas. Il y a des gens qui ne peuvent pas sourire devant un objectif. Donc il ne faut pas s’attendre à ce qu’une personne nous donne tout ce qu’on attend d’elle. Moi je préfère être à l’écoute, être à la recherche. C’est un espace de quête. Quand on rencontre une personne, on est dans un lieu et le lieu a une atmosphère. Cette personne a une personnalité. Ça démarre toujours par un échange. C’est comme ce qu’on est en train de faire, on parle de soi on écoute l’autre, etc. On crée un espace de confiance. Et c’est ce qui me permet de voir comment la personne bouge, comment elle réagit, de capter son regard, etc. Et puis en même temps, j’essaie de voir dans le lieu la belle lumière. Je n’ai jamais un fond. Je choisi toujours la lumière en fait. Et puis voilà je suis à l’écoute. C’est tout cet ensemble, cette atmosphère, cette ambiance, ces échanges qui font ensuite qu’on fait une image. On fait une image qui représente ce moment, cet instant. Et ce qui sort souvent de ces moments c’est une sorte d’amitié, d’échange et de lien. Après moi je maîtrise parfaitement la technique, je ne fais pas partie de ces photographes qui prennent des photos et qui regardent et corrigent pour faire une autre photo, pour ensuite montrer. Je sais ce que je fais, c’est un plus.

Quelle photo avez-vous pris et réussi ici à Dakar et qui vous rend fier ?
Un jour j’ai rencontré ici à Dakar Rockmond Dunbar (Ndlr, Benjamin Miles «C-Note» Franklin qui jouait dans Prison break et dans Men­taliste), parce que j’accompagnais Ky Mani Marley, le fils de Bob Marley à Gorée. J’ai découvert en ce moment que Rock­mond était là. Quand il rentrait à l’hôtel je l’accompagne jusqu’à sa chambre et je lui dis : «Donne-moi cinq minutes pour que je te fasse un portrait.» Il me dit : «Non et je suis cerné.» Il avait des lunettes de soleil pour se cacher. Je lui dis que ça ne va pas prendre plus de deux minutes. Il me dit : «Ok en me disant de le laisser changer de chemise.» J’entre dans sa chambre, je vois une belle lumière et je me cale là-bas. Il s’assoit en face de moi et je sens qu’il n’est pas super motivé parce qu’il est pressé d’en finir. Il a accepté simplement pour me faire plaisir. En ce moment-là, je fais un portrait, je ne regarde pas mon appareil et je click une fois et je lui montre. Il regarde la photo et me fait un «ohhhhh man !». Il était impressionné. Cela a duré 30 secondes. La première image que je lui ai montrée l’a surpris et il a décidé de m’accorder d’autres pauses. Je savais que c’est un super acteur et donc après il était à l’aise et pausait sans problème. J’en ai alors profité pour lui dire «toi tu es un super guerrier. Tu vas aller te mettre dans l’eau et pauser». Il est entré dans l’eau avec son pantalon et sa chemise et je l’ai photographié comme ça. Et donc on a fait deux photos qu’il a mises sur son site web officiel. Mais chaque histoire est différente parce que chacune d’elle est un échange. Ce qui est génial en photo c’est qu’à un moment donné tout bascule et tu deviens patron et prends les commandes. Et les gens que tu photographies sont obligés de te donner ce que tu demandes. Ce qui était flagrant quand je photographiais Abdoulaye Wade.

Vous avez photographié Me Abdoulaye Wade en tant que Président ?
Oui. J’ai photographié Me Wade et il était pleinement à l’écoute. Je lui disais que j’adorais ces mains... Un jour je devais faire une photo pour lui. Je ne sais plus si c’était pour un livre ou pour autre chose. J’avais amené mes lumières et on l’attendait, car il était en rendez-vous. On a patienté pendant une heure, c’était en fin de journée. Et derrière le Palais, le soleil présentait une lumière sublime. Et je me suis dit que s’il arrivait avant 10 minutes, il fallait qu’on prenne une photo là où ce soleil était visible, même si ce n’était pas prévu. Et donc, Maître Wade arrive et me dit qu’il était désolé et qu’il a un autre rendez-vous avec un général. Il me dit qu’on avait donc que cinq minutes pour le prendre en photo. Et moi, je lui réponds : «Donnez-moi, deux fois cinq minutes.» Immédiatement, il a dit : «Ok». Il n’a même pas réfléchi. On est parti derrière le Palais et je lui ai fait asseoir sur un muret. Je lui ai montré la pose qu’il devait prendre, en s’appuyant sur mes jambes et il me regardait. Il a fait ce que je lui ai demandé, mais j’ai senti dans son regard qu’il trouvait étrange ce que je lui demandais. Je lui ai dit vous avez un regard de Brener, il a souri et j’ai pris cette pause qui était la meilleure. J’ai fait 7 ou 8 photos à cet endroit avant de monter prendre les photos qu’on avait prévues. Cette photo qu’on avait faite derrière le Palais était par la suite sa photo de campagne avec laquelle il avait recouvert l’espace de la gare de Dakar. Ils ont détouré la photo en changeant le fond. Cette photo qui était un petit plus de ce qu’on m’avait commandé, on a fini par faire campagne avec… Sa fille Syndiéli m’a d’ailleurs dit qu’il avait gagné grâce à cette photo (Rire).

Actuellement, avez-vous des projets en vue sur le Sénégal ?
J’ai toujours des projets. Je n’existe qu’à travers les projets même si certains ne sont pas viables. J’avais créé un magazine qui s’appelait Elixir. On a dû arrêter. J’avais aussi créé un concours Face of the year made in Sénégal, par manque d’annonceur on a arrêté. Pour le moment, je ne sais même pas si c’est en pause ou arrêté définitivement. Je travaille toujours sur des idées, car c’est un besoin de travail personnel. Je travaille sur des projets d’exposition même s’il n’y a pas de date. Si l’opportunité se présente je le fais. En ce moment, je travaille sur un projet qui me tient beaucoup à cœur parce que tout le monde fait tout. Les photographes deviennent graphistes et les graphistes deviennent photographes, car le matériel le permet. Cela peut permettre de se divertir et c’est bien s’il y a quelque chose derrière. J’ai en effet découvert que mon appareil photo fait de la vidéo et c’est devenu une passion. Mais je reste réaliste dans le sens où je ne suis pas réalisateur. Je reste photographe sauf que je fais de la photo qui bouge, de la photo en mouvement. J’ai commencé à faire une série sur des portraits d’artistes sénégalais. Je commence alors à exercer ce que je fais, car j’ai eu la chance de côtoyer des artistes pour les photographier, que ce soit pour la Fondation Sonatel, pour la Semaine du Sénégal à l’Unesco, pour la Présidence, pour le livre Made in Dakar. C’est un petit peu égoïste parce qu’ils me font du bien les artistes. Quand je pars au Village des arts, j’ai l’impression que je pourrais rester un mois là-bas à parler avec les gens qui y vivent, vu comment ils sont intéressants. Ils me racontent leur vie, leurs voyages, leur vécu… Ce n’est pas facile pour un petit garçon au Sénégal de dire qu’il veut devenir peintre, ils sont obligés à un moment de se détacher du pouvoir parental. C’est des gens qui sont à fleur de peau et qui ont beaucoup de choses à raconter. J’ai décidé de mettre tout ça en image, en vidéo sous forme de documentaire. Aussi parce que je trouve qu’au Sénégal, il y a un besoin patrimonial, il faut qu’il reste quelque chose.

Il y a un besoin patrimonial dites-vous ?
Le Sénégal est un pays où il y a énormément d’artistes, de très grands d’ailleurs, que ce soit dans la musique ou dans les arts plastiques, c’est une évidence. Je trouve que c’est très patrimonial, j’enregistre l’artiste qui raconte sa vie. C’est uniquement un son et je contraste pour éviter les répétitions et essayer de garder l’essentiel. Ensuite, je le filme en train de travailler sur une œuvre avec beaucoup de gros plans sur les mains, ses outils, sur son regard, comme je le ferais en photo. Je respecte en faisant des vidéos ma façon de travailler en photo. Et puis, je monte ce portrait. Quand je fais ça je suis mon fil conducteur et j’essaye de me mettre dans la peau d’un enfant qui serait le petit fils de l’artiste et n’aurait pas connu son grand-père et qui doit le découvrir à travers ce film. Je tiens à ce que quand les gens voient ce film, qu’ils aient l’impression de connaître cet artiste. Moi-même je suis vachement ému quand je fais ça. Ce sont des gens qui sont des amis. Je commence par ceux qui sont des références. Et c’est un projet qui pourrait comporter 100 portraits très intéressants. On peut recenser dans les 250 artistes au Sénégal et dans ces 250, il n’y a que 200 qui sont intéressants. Et si on cherche les fers de lance, on peut avoir vraiment 100 artistes qui sont vraiment des références.

Là vous en avez fait que 4 productions pour le moment ?
Aujourd’hui, j’en ai fait 4. On va dire que c’est une espèce de pilote parce que c’est un projet que je cherche à faire financer et essayer de financer un projet si on a rien à montrer, c’est plus difficile que si on avait des choses à montrer. Ceux que j’ai réalisés sont exactement ce que je veux faire. C’est un produit fini. Ils ont tous les 4 d’ailleurs étaient sélectionnés au Festival du film documentaire africain de Saint-Louis. Et ils ont chacun été projeté en ouverture de la soirée. C’était en novembre dernier.

Qui sont les artistes sur lesquels vous avez travaillé ?
J’ai travaillé avec Alpha Sow ue je connais depuis 16 ans, Baye Mbalo Kébé que je connais depuis plus de 10 ans et qui est un monsieur que j’adore, qui a une histoire extraordinaire. D’ailleurs, ils ont tous des histoires extraordinaires. Il y a Séa Diallo qui est un artiste multi-talents et qui a beaucoup de choses à raconter. Et enfin Kalidou Kassé qui est un artiste incontournable avec sa personnalité. Je les connais depuis longtemps et ils sont tous talentueux. Comme beaucoup d’autres. J’ai une liste d’artistes, je ne sais pas lesquels. Ce n’est pas une question de préférence. D’abord, je voudrais avoir 4 qui ont 4 styles très différents. Et puis, commencer un petit peu avec les plus anciens. Je pense que c’est important, car il y a beaucoup d’artistes qui partent en ce moment. Et c’est triste.

Ces films ont-ils la chance d’être projetés à Dakar ces temps-ci au public ?
Non pas vraiment. Aujourd’hui, je suis à la recherche d’une façon de les faire financer. Je veux surtout trouver une chaîne qui achète et qui paye les droits de diffusion, qui commanderait une série soit un mécène qui assurerait le financement. A partir du moment où il y a un financement, le financement peut faire évoluer. Par exemple, si je suis financé par quelqu’un qui souhaiterait être vu, je ne sais pas, imaginons la mairie, la Première dame ou la Présidence souhaitent soutenir ce projet, évidement qu’ils voudront une visibilité sur le Sénégal et en ce moment-là, ce sera diffusé par exemple sur la Rts. Aujourd’hui, je n’en suis pas là. Ce n’est pas mon métier, j’essaie de trouver la bonne manière. C’est très difficile. Donc, je fais un peu appel à des gens, j’envoie des mails etc. Je vais essayer de contacter Tv5 monde, Arte, France télévision… Ce qui est plus important, c’est de faire la promotion des artistes sénégalais, de l’art de façon générale. Mais je ne veux pas mettre la charrue avant les bœufs…

Est-ce qu’il y a un projet d’exposition ou autre chose que vous prévoyez sur Dakar ?
J’ai exposé à Paris, à Marseille, aujourd’hui à Dakar évidement, Los Angeles Santa Barbara. Mais là il n’y a pas de grands projets, les expositions coûtent chers. En plus, j’essaie de respecter les règles. Je trouve que c’est important de respecter les règles. Ce n’est pas le cas ici, c’est rarement le cas, c’est dommage. La photographie c’est un art nouveau par rapport à la peinture ou la sculpture qui existent depuis toujours. La photographie est l’un des derniers arts et donc c’est régi par beaucoup de règles. Par exemple une œuvre en photographie que l’on vend dans une galerie, elle doit être attestée pour son temps. L’ancre et le papier utilisés doivent avoir une attestation du fabriquant. Donc, ça ne peut pas être imprimé partout ou c’est des laboratoires qui sont spécialisés dans les œuvres d’art qui font cela. Et ça coûte très cher. Une exposition pour la tenir, il doit y avoir suffisamment de tirages et là, c’est un vrai investissement et on vit dans une période où si on n’est pas un artiste de renommée mondiale, on ne vend pas suffisamment et c’est très difficile.

Quand on est le seul photographe accrédité à Dakar pour le passage de Obama parmi ceux de la Maison Blanche, qu’est-ce qu’on retient de cette expérience ?
(Rires), A ce propos, il y a une anecdote. Effectivement, la Maison Blanche m’a accrédité. C’est rigolo. Ils ont fait une enquête, il fallait que je réponde à un million de questions. Mais comme j’avais eu un permis de travail américain, «one big extraordinary capacity», c’est un permis que l’on accorde aux artistes de renommée internationale, cela m’a facilité les choses. Si on te l’accorde, c’est parce que eux ils ont besoin de toi et que c’est un bien pour le pays de t’avoir chez eux. Donc, cela a aidé puisqu’ils avaient déjà fouillé ma vie, mon passé. Après, c’était drôle. Je me suis donc retrouvé moi dans un événement où Obama devait arriver. Ce dernier avait ses caméramans, ses photographes, etc. Et puis, au moment où il est arrive pour faire son discours, une dame de la Maison Blanche est venue me voir et m’a dit : «Est-ce que vous pouvez aller faire des photos de l’autre côté ? Il y a une table ronde avec des gens de l’Onu dans une salle là-bas.» Et j’ai dit «Mais si le Président arrivait ?». Elle me dit «Non ! Non ! Il faut prendre des photos là-bas.» Et donc, elle m’a éloigné des lieux où Obama devrait tenir son discours. Elle n’a pas voulu que je prenne des photos du Président. Je me suis par conséquent retrouvé à photographier des gens qui faisaient une conférence. Il y avait 3 ou 4 photographes de la Maison Blanche qui étaient là avec leurs flashes. Moi je déteste les flashes. Il y avait très peu de lumière, mais j’ai cherché la lumière, j’ai cherché des angles, je cherchais à faire de très belles photos et puis je les renvoyais. En fait, ce qui m’a fait le plus plaisir ce n’est pas cette accréditation, ce n’est pas qu’on m’ait autorisé à photographier Obama puisqu’on m’a finalement empêché de le photographier. Et cela m’a déçu. Ce qui m’a fait plaisir, c’est le retour à mon e-mail. Quand j’ai envoyé les photos, ils m’ont répondu que heureusement j’ai fait des photos dans cette salle, car toutes les photos qu’ils avaient de leurs propres photographes étaient inutilisables et que là, ils avaient des photos qu’ils allaient pouvoir utiliser. Et qu’ils ont fait une grave erreur de m’éloigner du Président parce que mes photos étaient meilleures, certainement que celles qu’ils avaient. Donc, cela m’a fait plaisir. Ils ont reconnu qu’ils avaient fait une erreur de jugement. Après tout, c’est leur vision. Cette femme qui m’a éloigné, je ne sais pas si elle est là pour la communication ou pour la sécurité. Ce n’est pas elle qui m’a accrédité donc elle ne connaît pas mon travail. Mais bon, c’est la vie.

Alors vous avez plusieurs vies, mannequin, photographe, directeur de publication du magazine Elixir, aujour­d’hui réalisateur on va dire…
(Il coupe) Non ! Non ! Je suis photographe. Je fais de la vidéo, je fais de l’image en mouvement. Je ne suis pas réalisateur. C’est un métier que je ne maîtrise pas. Un réalisateur doit savoir suivre un scénario, mettre en scène, diriger des comédiens. Donc non, je ne suis pas un réalisateur, ni un documentariste. Comme j’ai commencé à faire de la vidéo, j’en fais de plus en plus, je fais des reportages par exemple sur des soirées, bientôt je vais faire un nouveau film pour l’Union européenne avec qui j’ai réalisé deux films. J’ai réalisé des reportages pour l’Usaid, par exemple sur l’agriculture. Mais je ne suis pas réalisateur.

Vous dites que vous ne vous considérez pas comme réalisateur, alors qu’entre la photographie et la réalisation il n’y a qu’un seul pas…
Peut-être je ne suis pas prêt à le franchir. Peut-être qu’il faut une certaine reconnaissance. Je pense que c’est une erreur que font les jeunes aujourd’hui. Ils achètent un appareil photo, prennent une photo et se font une page sur facebook et ils se disent photographes pro. Il faut attendre que les gens vous disent que vous êtes photographe avant de dire que vous l’êtes. Moi, je ne vais pas dire que je suis réalisateur, ce n’est pas à moi de le dire. Si je suis un artiste ou pas, c’est les galeristes, les collectionneurs, les journalistes qui font de quelqu’un un artiste. Et c’est pareil pour un réalisateur, pareil pour un photographe, c’est aux autres de désigner qui vous êtes. On essaie de devenir, mais on ne l’est que quand on a cette reconnaissance. Ce n’est pas à nous de dire en fait.

Vous vous sentez africain ?
Non ! Je ne me suis jamais senti africain. Je ne me suis jamais senti européen ou français. Je me sens un être humain. Et ça, depuis tout petit…
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