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Opposition interne au Ps: Une longue tradition de déchaînements
Publié le mercredi 9 mars 2016  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DR
La réunion du BP du Ps perturbée et écourtée
Dakar, le 07 mars 2016 - Le Bureau politique du parti socialiste s`est réuni, samedi, pour examiner plusieurs questions, parmi lesquelles le référendum du 20 mars. La rencontre organisée à la maison du parti avait très mouvementé et interrompue du fait de violences des partisans du "Non" au référendum.




Les dissensions ont toujours existé au Parti socialiste (Ps) et se sont matérialisées souvent de manière extrême. Que ce soit la période d’avant 1960 ou post-indépendance, la violence semble accompagner congénitalement les tendances divergentes des ‘Verts de Colobane’. Lesquels bénéficient toutefois d’une clémence de l’opinion. Les affrontements de samedi dernier ne sont que la suite d’une longue liste.

Le Parti socialiste (Ps) bénéficie de la présomption d’un grand rassemblement politique bien structuré et bien disséminé dans le pays et...pacifique. Et à entendre la déception de beaucoup de Sénégalais après les affrontements du week-end dernier, le parti de Senghor bénéficiait d’une aura résiduelle de respectabilité auprès de l’opinion. Malgré l’attribution populaire, à tort ou à raison, d’un monopole de la violence aux libéraux du Pds, les faits montrent que l’histoire des verts a été secoué, à intervalles réguliers, de spasmes internes convulsifs. Preuve éloquente, les deux seuls condamnés à la peine de mort au Sénégal l’ont été durant le règne socialiste pour des motifs de rivalité politique interne, la même année, 1967.

La période la plus chaude est sans conteste le mois de mars de cette année-là. Le 18, Abdou Ndaffa Faye est condamné à mort pour le meurtre du député Demba Diop. Quatre jours plus tard, le 22, jour de tabaski, le président Senghor échappe à une tentative d’assassinat perpétré par Moustapha Lo, à la Grande mosquée de Dakar. Ces deux événements surviennent au faîte d’une grande rivalité politique dans le tout puissant Parti unique d’alors, l’Union progressiste sénégalaise (Ups). Demba Diop, député maire de Mbour et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, est tombé dans le guet-apens que lui ont tendu deux de ses collègues de la région, les députés Jacques d’Erneville et Ibou Kébé. Le 3 février 1967, à 10 heures, il est poignardé à mort à la préfecture (alors Gouvernance) de Thiès sous l’instigation de ses deux rivaux parlementaires, lors d’une réunion politique qui avait comme prétexte une réconciliation. Des actes extrêmes qui font presque oublier la mise à l’écart du président du Conseil, Mamadou Dia, cinq ans plus tôt et qui consacrait Senghor et son parti les maîtres de la destinée politique sénégalaise.

Au début...

D’ailleurs, c’est au tout début du Parti que de violentes dissensions ont abouti à des assassinats et tentatives qui ont marqué les premiers pas de l’Union progressiste sénégalaise (Ups), qui deviendra plus tard le Ps. Comme lors de la campagne pour les Législatives de 1956, entre le Bloc démocratique sénégalais (Bds) de Léopold Sédar Senghor et la Section française de l’internationale ouvrière (Sfio) de Lamine Guèye. Pour deux sièges à pourvoir, par le Sénégal alors colonie française, au Palais Bourbon, siège du Parlement français, les violences éclatèrent. Le 23 janvier 1955, alors que la caravane de l’avocat saint-louisien quittait Bignona pour Ziguinchor, des coups de feu sont tirés en direction de son véhicule et font quatre morts. Son colistier Ousmane Socé Diop est gravement touché à la cuisse. Les pro-Lamine Guèye rendront la monnaie de leur pièce en lynchant à mort le leader du syndicalisme ouvrier Aynina Fall, à Thiès. Deux ans après ces faits et avant l’indépendance, les deux partis fusionnent et deviennent l’Union progressiste sénégalaise (Ups).

40 morts et 250 blessés en 1963

La violence n’a pas été qu’interne. Elle s’est aussi exercée en direction de l’opposition politique. Et elle a été le fait du très policé président-poète. Le 1er décembre 1963, 40 morts et 250 blessés viennent ponctuer la première contestation électorale du Sénégal post-indépendant qui voit le président Senghor rempiler. ‘‘Demandez cela à l’opposition qui a commencé par faire tirer sur le service d’ordre’’, répondait-il au journaliste qui lui faisait la remarque sur l’ordre donné de tirer sur la foule. Alors qu’il a eu le mérite d’esquisser l’ouverture politique en 1974 avec quatre nouvelles obédiences admises dans le jeu (socialiste, marxiste, libérale, et conservatrice), la violence persiste.

En février 1978, pour son premier meeting, le cortège d’Abdoulaye Wade tombe dans une embuscade de militants socialistes à Maka-Koulibantang (Tamba) armés de machettes et gourdins. Une personne est tuée alors que des dizaines de blessés sont à déplorer. Plus de 20 ans plus tard, en février 1996, le règne socialiste sera entaché de sang suite à un rassemblement de l’opposition sur le Boulevard De Gaulle qui a dégénéré en émeutes : six policiers sont tués ainsi qu’un militant du mouvement Moustarchidine wal Moustarchidati de Serigne Moustapha Sy, fils de Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Maktoum, actuel Khalife général des Tidianes.

Dualité Niasse-Djibo

Une série de violences sanglantes qui feraient passer la supposée taloche de Niasse à Djibo Ka pour une peccadille. 1984, en pleine réunion de bureau politique qui se tenait tous les mercredis à l’Assemblée, le ministre des Affaires étrangères d’alors et secrétaire à la vie politique du Ps, Niasse, s’en est pris à son homologue de l’Intérieur et secrétaire à la jeunesse, DLK, devant le président Abdou Diouf. Toutes choses qui font que les socialistes n’en sont pas à leur coup d’essai.

Les affrontements de samedi passé sont-ils un héritage des légendaires oppositions Senghor-Lamine Guèye, Senghor-Dia, Niasse-Djibo pour ne citer que ceux-là ? En tout cas, ils surviennent dans un contexte où le parti semble frôler l’implosion, tellement le fossé s’agrandit entre différentes tendances. L’une pro-Khalifa Sall, maire de Dakar et Secrétaire national chargé de la vie politique à qui l’on prête des ambitions présidentielles. Ses partisans accusent l’autre tendance, celle d’Ousmane Tanor Dieng, Secrétaire général du Parti, d’une proximité suspecte avec le pouvoir ‘’apériste’’ en place et avec lequel il est en coalition. Histoire de dire que ça continue de tourner en boucle.

3 QUESTIONS A SERIGNE NDIAYE (DOCTORANT EN HISTOIRE)

‘‘L’histoire pourrait se répéter avec un nouveau schisme’’



L’histoire du Parti socialiste a été émaillée de violences parfois fatales. Pourtant le Ps donne l’impression d’être un parti ‘‘pacifique’’. Qu’est-ce qui explique une telle contradiction ?

Dans l’histoire politique du Sénégal, la violence a toujours été présente, que ce soit la violence d’Etat ou la violence contestataire ou populaire. L’histoire du Parti socialiste s’accommode de l’histoire politique du pays, ce qui en fait un parti politique historique, où la violence a toujours existé. Celle-ci étant visible pendant les congrès mais aussi les périodes de renouvellement ou d’investitures de délégués. Cependant, le Ps donne l’impression d’une formation politique ‘’pacifique’’ où il y a absence totale de violence. Ceci peut être dû au fait que des mécanismes au sein du parti, comme la discipline de parti et la formation du militant, ont permis de circonscrire certaines difficultés inhérentes au fonctionnement de tout parti politique, y compris les guerres de tendance.

A quel point peut-on comparer les événements de samedi dernier à ceux qui ont conduit dans le passé au meurtre de Demba Diop ou à la tentative d’assassinat contre Senghor?

Pour les événements de samedi dernier et ceux antérieurs, leur point commun, c’est que ce sont des guerres de tendances qui en constituent le soubassement, et que la forme de la violence physique ait été utilisée. Mais leur contexte est différent dans la mesure où le Ps était un parti étatique alors qu’aujourd’hui, il a perdu le pouvoir, même s’il est dans la mouvance présidentielle. Il s’y ajoute le fait que les militants actuels ne sont plus des analphabètes et entendent imposer aux dirigeants du Parti leurs aspirations.

Quelles pourraient être les conséquences de ces violences de ce samedi ?

Il faut d’abord s’interroger sur les véritables causes des violences. Sont-elles dues à de simples mouvements d’humeur par rapport à la consigne du ‘’OUI’’ des ‘’barons’’ ou est-ce que ça traduit un malaise profond au sein du parti. Si c’est le premier cas, le parti pourrait être amené à prendre des sanctions disciplinaires contre les militants et les leaders jugés responsables. Si c’est le deuxième cas de figure, l’histoire pourrait se répéter avec un nouveau schisme comparable à ceux qui ont été à la base de la naissance de L’URD et de l’AFP. Et là, le parti pourrait ne pas s’en relever, du moment qu’entre les deux alternances (2000 et 2012), il a perdu beaucoup de militants et de responsables.
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