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Entretien avec... Bacar Dia, ancien ministre : «Le Président Macky Sall doit être à l’écoute»
Publié le lundi 29 fevrier 2016  |  Le Quotidien




Le photographe n’a pas reconnu cet homme qui rentre dans une villa. C’est que Bacar Dia a perdu son embonpoint. Dans ses bureaux en finition pour une vie de médecin biologiste, à la Cité Keur Gorgui, l’ancien ministre reçoit Le Quotidien. Le froid de ces jours a-t-il imposé ce pull au-dessus de la chemise. Ce pantalon kaki vert donne l’air d’un ouvrier, comme il en a été un pour Wade en tant que porte-parole et ministre de la Communication. Docteur Dia prescrit des «Oui» à des concertations. Des «Non» au référendum. Mais que de secrets-détails comme l’histoire du pont de Médina Ndiathbé !

Bacar Dia, expliquez-nous votre absence du landerneau politique…
J’étais dans une période de repos et d’introspection sur mes actions passées. J’ai passé presque sept années dans le gouvernement
du Président Wade.
Nous nous sommes battus contre ce troisième mandat. Nous avons gagné en 2012 parce que j’étais dans la coalition de Idrissa Seck, avant la grande coalition de Macky Sall, Benno bokk yaakaar, au second tour. Mais après la victoire, je devais finir mes études en droit avec une thèse en droit public à soutenir, qui m’a pris 4 ans. Il me faillait faire une spécialisation, j’ai été appelé à Paris VI pour faire une spécialisation en Médecine de la biologie et de la reproduction. Donc, j’étais très occupé et c’était important de prendre une pause et de faire son examen de conscience.
C’est tout cela qui explique non pas le retrait, mais le silence de quelques années que j’ai eu à observer.

Comment vivez-vous ce débat sur le référendum ?
Difficile. J’ai eu la chance ou la malchance, en 2007, quand le Président Wade avait dit qu’il avait verrouillé la Constitution et qu’il ne pouvait plus, en conséquence, se représenter, d’assister à cette conférence de presse. Le Président Wade était assis, Macky Sall, Premier ministre d’alors et directeur de campagne, était à sa gauche et moi à sa droite. Lorsqu’il avait voulu se représenter, moralement je ne pouvais pas le cautionner.
J’ai même organisé des conférences de presse pour lui dire que c’était le mandat de trop. J’ai écrit une lettre ouverte en lui demandant de retirer son projet de loi qui voulait supprimer les deux tours. C’est une erreur historique qui a été commise et qui lui a valu tous les déboires.

A-t-il été influencé ?
Je le crois. C’est très difficile. Une fois que vous êtes président de la République vous perdez tous les vieux amis, vous vous entourez de flatteurs pour la plupart.
Regardez, son cercle rapproché qui défendait ce projet de loi est aujourd’hui en train de glisser tranquillement vers le Président
Macky Sall. Je pense qu’il a subi beaucoup d’influence et à un certain moment, il a cru que cela pouvait passer et en général personne
ne te dit non. Moi, j’étais déjà dans le camp de l’opposition et il n’y a que le Président Wade qui ne l’avait pas vu venir. C’est d’ailleurs ce
que je veux éviter à mon grand frère, le Président Macky Sall. Il sait que j’ai beaucoup d’estime et de sympathie pour lui. J’ai été porte-parole du gouvernement, alors qu’il était Premier ministre.
Nous nous sommes battus ensemble en 2012, nous l’avons tous aidé à prendre le pouvoir. Nous avons essuyé les grenades lacrymogènes,
alors que Ousmane Ngom était ministre de l’Intérieur.
Il nous a arrosés avec de l’eau chaude très souvent et aujourd’hui il conseille Macky Sall. C’est son choix, il s’est ajusté. Mais moi je ne
cherche ni à être ministre de Macky Sall ni directeur général. Le Macky Sall que je connaissais avait une capacité d’écoute, il savait
reconnaître ses erreurs. Il doit savoir qu’aujourd’hui, il a toute l’opinion publique sur son dos et court vers sa perte.

Peut-être bien qu’il a confiance en ses alliés ?
Il n’a plus d’alliés là-bas. Benno bokk yaakaar est vidée de son contenu. Regardez de plus près, c’est quoi le Parti socialiste sans Aïssata Tall Sall et Khalifa Sall ? C’est quoi l’Afp sans Gackou, etc. ? Je pense qu’il doit être à l’écoute sinon les mêmes causes produiront les
mêmes effets et le Sénégal rentrera dans un cercle infernal de changements. Ma proposition est la suivante : «Monsieur le
Président, je vous demande solennellement d’arrêter le processus du référendum, d’engager de larges concertations et, probablement, si vous tenez à votre référendum, de le coupler éventuellement avec les élections législatives.»

N’est-ce pas trop tard pour arrêter ce processus ?
Non, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Son ministre conseiller juridique ne peut pas avoir raison sur les 45 professeurs de droit. Au-delà du référendum, il faut arrêter ce processus qui consiste à caser des gens qui viennent vers lui au dernier moment pour la puissance et le pouvoir. Le Président Macky Sall est en train de créer des structures comme des hauts conseils à gauche et à droite.

Cette affaire de mandat estelle comparable au scénario de Wade ?
Exactement !

Une sorte de wax waxeet ?
Je n’aime pas ce terme.

Mais c’est un terme qui vient de Wade.
Oui, il l’avait dit, mais dans un contexte très africain. J’étais dans l’opposition, mais je l’ai suivi. C’était au cours d’un discours qu’il a commis cette faute de communication. Ses adversaires l’ont exploitée. Maintenant, c’est l’histoire qui semble se répéter. Je considère que Macky
Sall avait pris un engagement qu’il n’a pas pu respecter. Il va vers un référendum qui sera le premier jalon du Sopi au sens du changement. S’il s’entête, le deuxième jalon sera les élections législatives de 2017.

Pour le référendum, vous êtes du «Oui» ou du «Non» ?
Si le Président Macky Sall accepte d’arrêter ce processus et engage de larges concertations, nous allons tous travailler pour un texte consensuel. Nous sommes pour un couplage. Main tenant, s’il s’entête, ce qui m’étonne d’ailleurs, à organiser ce référendum, notre parti va voter «Non». Il peut donner les deux milliards et quelques aux étudiants pour régler quelques questions pédagogiques ou les mettre dans le front social où les choses sont en train de bouger de partout. Je ne sais pas si le Président Macky Sall se rend compte que le Sénégal est en
train de connaître la situation quasi semblable à celle de 2011.
C’est un cocktail explosif. Il faut que Le Président Macky Sall désamorce la bombe.

Il semble être dans cette logique d’apaisement à entendre son ministre en charge de la Com muni ca tion de la Présidence, El Hadji Kassé, qui annonce que le Président est prêt pour de larges concertations…

Vous savez, j’étais porte-parole du gouvernement et du Président Wade. Ce sont des ballons de sonde.

Voulez-vous dire que le Président veut reculer ?
Je n’aime pas les termes «reculer » ou «avancer». Je pense que c’est bien que El Hadji Kassé parle de concertation, de dialogue. Si cela doit servir de prétexte pour relancer le débat autour de ces questions afin de corriger le texte aussi bien dans le fond que dans la forme, c’est louable. Je pense qu’il faut retirer ce texte et engager de nouvelles concertations. Je le dis parce que Amsatou Sow Sidibé, Malick Ndiaye, le député imam Mbaye Niang qui ont quitté Macky Sall ne sont pas n’importe qui. On peut mettre dans ce lot Khalifa Ababacar Sall et Me Aïssata Tall Sall qui sont dans sa coalition. Il n’y a que Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse. Aujour d’hui, je me demande ce qui reste de cette coalition.

Vous parlez de flatteur, mais à un moment on vous a surnommé «Bacar Wade Dia». Donc, vous étiez aussi flatteur vis-à-vis de l’ex-Président ?
D’abord, j’ai travaillé avec Wade en toute loyauté et en toute intelligence. Quand j’entrais dans le gouvernement, je travaillais, car je
suis médecin. Je défendais Wade sur le terrain de son bilan. Vous ne m’avez jamais entendu intégrer des cercles de soutien. J’ai organisé
les «Grands débats de l’info», c’était pour rendre visible ses réalisations. Je pensais que Wade devait être élu sur la base de son
bilan. Il disait : «Quand je mets de l’argent dans l’éducation, ce n’est pas du social, mais un investissement sur ce que le Sénégal a de
meilleur, les ressources humaines. » Ce que je disais hier, je le répète aujourd’hui. C’est un grand visionnaire, un panafricain. Je le
respecte aussi pour les 26 ans de combat ininterrompu qui ont conduit à une alternance démocratique au Sénégal. Après, je trouvais qu’il commençait à dévier de sa trajectoire, sans compter du point de vue institutionnel le poste de Vice-président qu’il a voulu créer, le deuxième tour qu’il a voulu supprimer, entre autres. Encore une fois, Wade est un des rares militants des Etats-Unis d’Afrique. Et depuis qu’il est parti, nos chefs d’Etat ne s’en préoccupent même plus. Et moi, je suis un panafricaniste comme lui. Wade est un «garmi (noble)», un grand seigneur. Si c’est cela être «Bacar Wade Dia», je reste encore «Bacar Wade Dia». Ce que je dis ce n’est pas de la flatterie. Si tel était le cas, je serais là à défendre Macky Sall. Je me suis battu d’ailleurs au même niveau que le Président Sall à la Place de l’Obélisque et j’en suis aujourd’hui fier. On a gagné et je suis retourné à mon travail. C’est pour cela que si je lui dis que la trajectoire qu’il est en train de
prendre n’est pas la bonne, il doit m’écouter.

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec le Pds ?
D’abord, je fais la différence entre le parti et Wade. Il est beaucoup plus fort que son parti. Et pour beaucoup, je me réclame de sa philosophie. Je ne peux pas tirer sur le bilan et l’oeuvre de Wade. Ces erreurs lui ont valu sa chute. Donc, ce qui est important pour nous jeunes, c’est d’en tirer des leçons. Pour ce qui est de marcher sur les cadavres, c’est de la faute de l’opposition. C’est pourquoi j’appelle le Président Macky Sall à la concertation, à la discussion et à l’apaisement. Il ne faut pas qu’il cherche à construire l’avenir du Sénégal avec toute une opposition sur son dos. Je rêve de voir Macky et Abdoulaye Wade autour d’une table. Alors que l’affaire Karim n’est pas encore réglée… Je sais que Wade à cette grandeur-là.

Avez-vous rendu visite à Karim ?
Oui, je lui ai rendu visite. Quand Oumar Sarr était en prison, j’ai trouvé que c’était injuste et je suis intervenu à la radio pour demander sa libération sans condition. Aussi, quand je suis parti voir Karim Wade, je n’ai pas médiatisé cette visite, mais nous avons échangé parce que nous avons toujours eu des relations très simples et très sages.

Il ne vous avait pas un peu bousculé vers la sortie du gouvernement en tant que puissant homme de la Génération du concret ?
Non. Moi je ne suis pas dans ce machin-là. D’ailleurs, ces grandes dames qui étaient en transe quand Karim parlait, elles sont où ? Ces
grands messieurs qui venaient de partout en tant qu’experts en communication pour la Génération du concret et qui tenaient des soi-disant
réunions, je me demande s’ils ont été le voir en prison. La Génération du concret était un ascenseur politique pour certains. Ils étaient incapables de passer par les coalitions, par les structures régulières du parti. Maintenant, cela pose la question de la responsabilité de la famille dans l’action politique.

Cette implication de Karim a été, en partie, une des causes de la défaite de Wade ?
Je crois. Mais surtout parce qu’il avait une armée de flatteurs. Faites le point de la Génération du concret et les sociologues doivent d’ailleurs s’y pencher. Ils se retrouvent tous à côté de Macky.

Vous pouvez les énumérer vous-mêmes ?
Non, je ne le ferai pas. Ils sont tous là-bas à faire encore les douces paroles : «C’est formidable, c’est très bien !» Et le jour où vous chuterez, ils iront voir le futur Président.

On disait de Karim Wade qu’il intervenait même dans certains dossiers qui ne le concernaient pas directement. L’avez-vous vécu ?
(Longue moue) Non, je me faisais respecter. Karim n’était ni mon Président ni mon Premier ministre. Par conséquent, il ne pouvait pas me donner des instructions. C’est moi qui ai fait ce communiqué du Conseil des ministres qui a reporté le sommet de l’Anoci. Wade m’a dit : «Ils ne sont pas prêts, il faut reporter le sommet.» Et je vous assure que Karim a beaucoup de respect pour le Président. Quand je suis sorti, il a hésité à rentrer dans le bureau du Président. Je précise que quand j’étais ministre, il n’était pas encore dans le gouvernement.
Il est venu avec l’arrivée de Souleymane Ndéné Ndiaye. C’est d’ailleurs l’équipe qui a fait couler Wade par des amalgames, des fautes
de communication et politiques très graves.

Comment voyez-vous alors la communication de Macky Sall aujourd’hui ?
C’est très difficile. Un porteparole, c’est celui qui fait passer un éléphant dans le trou d’une aiguille.

Défendre parfois l’indéfendable…
Disons ce qui est difficilement défendable (rires). Quand vous êtes dans un gouvernement, tant que c’est facile tout le monde parle. Quand c’est difficile, c’est seul le porte-parole qui est au devant.

Qui est envoyé au charbon…
C’est ça. Mais le porte-parole a aussi la chance de vivre la solitude avec le chef. Quand il est tout seul, c’est le porte-parole qu’il voit pour
dégager les stratégies pour vous en sortir. Mais enfin, on assume. Je n’ai jamais été du Pds, mais j’ai quand même été porte-parole
pendant 4 ans. Donc, Wade m’a beaucoup fait confiance.

Qu’est-ce qui vous a alors le plus marqué chez Wade ?
Ce que je retiens de lui, c’est le jour où ma voiture a fait un accident. C’était dans le cortège pour l’ouverture de la campagne, sur la route de Rufisque. Macky Sall était le directeur de campagne. Alors, la foule était prête à me lyncher d’ailleurs. Macky ne s’est pas arrêté, tout comme Iba Der Thiam. Abdoulaye Wade, lui, arrivé à mon niveau, s’est arrêté et est descendu pour me mettre hors de danger avant de me demander de rentrer à Dakar. Ce sont des gestes qu’on n’oublie pas. On ne peut pas me dire que les autres étaient plus pressés que lui. C’est comme le jour où, en Conseil des ministres, on devait adopter le projet de loi sur la suppression de la peine de mort. Il y a eu un débat très poussé et il a dit : «Je supprime la peine de mort. Et en le faisant, je vous interdis de tuer mon futur assassin.» C’est quand même très
philosophique. C’était très fort.
C’est aussi comme le jour où le Pds s’est battu pour arracher le poste de porte-parole du gouvernement que j’occupais. C’était la parenthèse Aminata Lô. Mais une semaine après, je reviens en Conseil des ministres, le Président dit : «C’est vous qui m’aviez demandé d’enlever Bacar, mais vous ne savez pas que personne ne peut faire ce qu’il fait. Je le remets.» Il y a eu des moments privilégiés et exaltants entre Wade et moi, qui ne m’autorisent pas de parler de lui d’un certain ton.

Il lui arrivait tout de même de vous faire des remontrances.

Oui, c’est vrai, mais pas en public. C’était par exemple difficile avec les communiqués du Conseil des ministres. Ah là, tout était rouge. La première semaine c’était raturé ; la deuxième la même chose. Je me souviens, je suis allé dire à mon épouse :
«Ecoute, cette affaire de communication et de porte-parole là, je ne sais pas ce que le Président Wade veut.» Au bout de deux à quatre mois, il ne me corrigeait plus. Avec Wade, il faut sentir où il veut aller. C’est d’ailleurs pourquoi les ministres de la Com mu nication ne du
raient pas avec lui. Presque tous les six mois, il les change. Les gens me disaient : «Tu ne vas pas durer.» Mais finalement, j’ai fait quatre ans de porte-parole. J’ai appris énormément de choses avec Wade. Maintenant, la politique est ce qu’elle est : on se
sépare et on se réunit.

Parlez-nous un peu de cette histoire de couplage des élections en 2005 au nom des inondations…
(Il sourit) Oui, c’étaient des moments très durs. Mais vous savez la politique, c’est aussi une lutte. Il y avait des inondations partout.

C’était aussi un bon prétexte …
Non, je vous assure que ce n’était même pas une bonne période pour organiser des élections. Maintenant, il est clair qu’on a
beau réaliser des choses, si vous organiser des élections dans un contexte où les populations dorment dans de l’eau, vous ne pouvez
pas les gagner. Et je voyais en Wade un manager qui avait une équipe qui prenait des coups. Il n’y a pas ce que nous n’avons pas entendu, mais nous avons assumé.
Macky Sall a vécu tous ces beaux moments avec Wade aussi. De toute façon, on ne peut pas mettre Wade entre parenthèses parce que
ses réalisations sont telles qu’on ne peut pas les oublier.

Parlant d’infrastructures, on vous identifie au fameux pont de Médina Ndiathbé. Racontez-nous un peu…
Oui, quand je pense à Médina Ndiathbé, je pense à Wade aussi. Avant, les gens mourraient ou accouchaient dans les pirogues.
Le spectacle était triste. Quand il a réalisé ce pont- on me dira que c’était insuffisant- c’était déjà un pas. Macky Sall aussi a sa vision
et ses options. Donc, il va aussi faire ce qu’il peut. L’essentiel c’est l’image qu’on laisse aux générations futures. C’est comme
la libéralisation de la télévision…

Ministre de la Communication, vous n’étiez pas en de bons termes avec la presse aussi dans l’attribution de fréquences et autres…
(Rires) La presse m’a aidé à gagner en maturité parce que j’avais à peu près 34 ans quand le Président me nommait ministre des Institutions avant la Communication. Wade m’a appris à encaisser, à comprendre que dans le jeu démocratique, il faut savoir prendre des coups sans animosité.
Je lisais les journaux parce que j’étais convaincu que chaque matin, il y a quelque chose qui allait sortir et peut-être nous éclabousser. Et
je vous le dis, quand Madiambal a voulu chercher une fréquence, j’ai dit : «Ce monsieur-là, son journal Le Quotidien est en train de nous
tuer. Alors, le jour où il aura une radio, ce sera la catastrophe.»

Donc ce n’était pas le Président Wade qui avait refusé de lui attribuer la fréquence pour Première Fm ?
Non, Wade n’avait rien à voir avec ça. C’était moi. Et je trouvais des prétextes à gauche et à droite pour retarder sa fréquence.

Vous faisiez la même chose alors avec les fréquences télé ?
Non, les fréquences télé étaient le plus souvent gérées par le Président. Et d’ailleurs, par mesure de précaution, à chaque fois qu’on me
demandait d’attribuer une fréquence, je demandais à ce que cela soit écrit. Macky Sall, Premier ministre d’alors, m’avait dit : «Pourquoi tu as donné une fréquence à Ben Bass ?» Je lui ai répondu : «J’ai eu l’autorisation.»
Certains ont dit : «Ce n’est pas vrai.» Alors, j’ai pris la note écrite et je l’ai faxée. Maintenant, c’est clair qu’on avait tous peur. Quand
on est au pouvoir et qu’on libéralise la télévision, avouez que c’est quand même une arme redoutable.
C’est tout de même avec beaucoup de fierté que j’ai participé à ce processus qui n’est pas encore parfait.

Qu’avez-vous fait à l’époque du cas de la télévision de Youssou Ndour ?
C’était la même chose. Je me suis battu pour la Tfm et Youssou Ndour le sait. Main te nant, il y avait une farouche opposition de certains caciques du Pds. Quand le Président m’a autorisé, j’ai fait les dossiers et quand je quittais, j’étais obligé d’appeler l’équipe et de leur
donner une copie pour éviter que les gens reviennent sur le processus. Malgré tout, il y a eu des lenteurs. L’un dans l’autre, je pense
que c’est difficile, mais reconnaissons quand même les mérites du Président Wade.

La libéralisation, c’était la carotte avant le bâton qui s’est abattu sur Sud Fm qui a été fermé pour avoir publié un entretien avec Salif Sadio… Racontez-nous un peu…
(Large sourire) Oui ! Vous pouvez dire que c’étaient des erreurs, mais quand on le faisait, on y croyait de bonne foi. Chaque matin, il me fallait la Une des journaux et quand on m’avait informé de cette une-là, c’était quand même terrible. C’étaient le ministre de l’Intérieur et moi.

Qui a décidé ?
Wade n’avait rien à voir avec ça. Les gendarmes ont débarqué à Sud Fm.

Maintenant, qui a décidé ?
C’est l’Etat. Vous savez, la force d’un gouvernement c’est «un pour tous et tous pour un». Nous devons tous assumer nos décisions
et non dire : «Ce n’est pas moi, c’est l’autre.» On a été attaqué, critiqué ; les Forces de l’ordre sont rentrées à l’intérieur de Sud
Fm. Est-ce qu’il fallait le faire ou pas ? Bon, au moment où on le faisait, on croyait que c’était une bonne attitude.

Certains vous décrivaient à l’époque comme un homme froid de par certaines de vos décisions ?
Oui. Très froid ! Quand il fallait fermer Sud, oui vous avez raison. C’est comme quand il fallait prendre certaines décisions par rapport
à l’aide à la presse. Est-ce que j’aurais le courage de le faire encore aujourd’hui ? Feu Modou Ngom, directeur de la Communication, qui était un excellent fonctionnaire de l’Etat, me donnait des conseils très avisés que je refusais de suivre. Aujourd’hui, cette aide est restée tout comme la partie réservée à la formation des professionnels et des correspondants régionaux. Donc, c’était un ministère très agité. Et vous voyez que c’était l’image d’un homme très méchant, mais ce n’est pas ma nature. Un porte-parole qui fait des compromis, c’est de la compromission ; autrement dit une trahison. Tu es médecin, tu rentres dans le gouvernement, on te déplume. Les journalistes te mettent
à nu. Il faudra l’accepter stoïquement, ce n’est pas facile, mais c’est une très belle école que j’ai fréquentée pendant 4 ans et j’en suis encore fier.
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