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Entretien avec El Hadj Mamadou Niang Leuz (producteur-réalisateur): ‘‘Les télés ne nous rapportent rien‘’
Publié le lundi 15 fevrier 2016  |  Enquête Plus
La
© Autre presse par DR
La télévision numérique terrestre bientôt disponible au Sénégal




Elancé, quelques dreadlocks sur la tête, le regard hagard, rien chez El Hadji Mamadou Niang dit Leuz ne renvoie à l’homme qui pense des scénarios pour ‘’Dinama nekh’’, ‘’Buur Guéwel’’, ‘’Ndary Baba’’ entre autres. Dans le milieu de l’audiovisuel depuis 2000, Leuz qui s’est fait un nom à travers sa structure Leuz Media estime que les autorités devraient leur accorder plus d’importance. Dans cet entretien, le réalisateur et producteur lève un coin du voile sur la diffusion tardive de la saison 3 de ‘’Dinama nekh’’, les rapports avec les télés, le milliard donné l’année dernière par Macky Sall pour le fonds pour le cinéma, le contrat de ‘’Dinama nekh’’ avec A+ etc.

Avant Leuz Media, votre nom était très connu dans le milieu de l’audiovisuel. Peut-on avoir une idée sur vos productions ?

Oui. Je travaille dans l’audiovisuel depuis 2000 et mon premier film est ‘’Keur Baye Mbarick’’, un vieux qui m’avait marqué car j’ai grandi à Niary Tally. Sinon, j’ai fait des clips avec presque tous les artistes sénégalais. Mon premier téléfilm a été ‘’Mbaye Bercy’’ avec le groupe Soleil Levant. Ensuite, en 2002, j’ai été acteur et assistant du réalisateur dans un téléfilm appelé ‘’Banc diaxlé’’. Puis, il y a eu le documentaire ‘’les pieds dans l’eau’’, fait sur les inondations dans la banlieue. Un documentaire sélectionné au festival international du film d’environnement de Paris et au festival de Bilbao. En 2010 toujours, j’ai réalisé la colère de ‘’Mame Coumba Bang’’. Puis, j’ai fait ‘’Un café avec’’, saison 1 et 2, et ‘’Dinama Nekh’’ aussi.

Pourquoi avoir arrêté « Un café avec… » ?

Ce fut une belle aventure mais je préfère ne plus en parler.

Pourquoi ?

Rien. C’est que j’ai préféré passer à autre chose à un moment donné, faire mes propres affaires. J’ai beaucoup appris avec cette série, j’ai fait de belles connaissances avec qui j’ai gardé de bons rapports. Mais j’ai tourné cette page. C’est vraiment derrière moi.

Vous avez commencé à faire des téléfilms à un moment où les Sénégalais ne connaissaient que les télénovelas. N’était-ce pas difficile au début ?

C’est un challenge et comme je vous ai dit tantôt, « un Café avec… » a été une belle expérience. Ce fut très difficile et ça l’est encore mais, on n’avait pas le droit de laisser tomber car les Sénégalais avaient adhéré. Je me rappelle, le dernier épisode de la saison 1 de Un café avec, on a terminé le montage vers 14h 30mn alors que ça devait passer à 14h. Et ce jour-là, vous ne pouvez pas imaginer combien de personnes m’ont appelé pour savoir ce qui se passait. C’était encourageant.

Aujourd’hui, on a montré qu’en ce sens, on peut faire de bonnes choses, consommées par les Sénégalais et exportables. Par exemple, la saison de ‘’Dinama nex’’, on l’a vendue à A+. Ce qui montre qu’on n’est plus obligé d’importer des cultures autres. Notre rôle en tant que réalisateur, c’est aussi de créer des débats intellectuels, entre membres d’une famille, faire des films qui prêtent à discussion. Si on a les moyens, on peut aller très loin. Nous pouvons sensibiliser sur tous les domaines à travers nos productions. Je suis vraiment fier que les Sénégalais arrivent à ça maintenant.

Par contre, ce qu’il nous faudrait, c’est que les dirigeants nous appuient. C’est une industrie. Nous créons même des emplois. Malheureusement, on ne nous aide pas trop. Par exemple, l’année dernière, lorsque le président de la République a donné 1 milliard en guise de fonds pour le cinéma, on a déposé mais, on n’y a pas eu droit. Ceux qui sont restés pendant 15 à 20 ans sans produire ont été les bénéficiaires. C’est injuste. Egalement, il faut que l’on pense à voter cette loi relative aux télévisions. Elles ne doivent pas être des producteurs, mais seulement des diffuseurs. Les télés nous concurrencent et ce n’est pas normal. Nous avons besoin d’être protégés car nous générons beaucoup d’emplois.

Vous avez parlé tantôt d’A+. L’argent qui découle de ce contrat n’a-t-il pas créé des problèmes entre vous et les acteurs ?

Non, on n’a pas eu de problèmes par rapport à ça. Nous avons été les premiers à vendre notre téléfilm à A+, bien avant même la série ‘’Un café avec… ‘’. Nous n’avons aucun problème. Avec les acteurs, ce sont des contrats que l’on signe et on respecte nos engagements.

Et par rapport à la publicité, comment ça se passe ?

Les acteurs savent que c’est avec la publicité que l’on supporte certaines charges, dont leur paiement. Et ils savent que nous respectons nos engagements, sans faute. Parfois même, quand on n’a pas d’argent, on fait tout notre possible pour les honorer. Ce que je peux vous dire pour résumer, c’est que nous partons sur des bases claires. Maintenant, si on reste une à deux saisons sans payer les acteurs, à coup sûr, ils ne viendront pas pour la saison 3.

Et les termes du contrat ne changent pas suivant les saisons, vu qu’il peut y avoir parfois des améliorations sur le plan financier ?

Ça dépend de l’histoire, de l’écriture. Il y a des acteurs qui viennent, d’autres qui quittent. Donc, forcément, il peut y avoir des changements.

Aujourd’hui, tout le monde est acteur, mannequins, artistes, animateurs télés entre autres. Chez Leuz, c’est souvent de nouveaux visages. Pourquoi ?

C’est un choix. Je veux que l’on voie de nouvelles têtes. Lorsqu’on décide d’innover, il faut aussi innover avec les acteurs. Dans ‘’Ndary Baba’’, il n’y a que des acteurs connus, qui sont très bien d’ailleurs. Pour vous dire, moi je ne fais pas de casting formel. Je sors, je côtoie les gens dans les rues, dans les cars rapides et il arrive que quelqu’un attire mon attention. Je prends les contacts, retiens les visages pour savoir à quel scénario ils correspondent. Par exemple, Baye Meissa qui joue le chef de quartier dans la saison 2 de ‘’Buur guéwel’’, c’est dans mon quartier que je l’ai vu. Discutant avec un ami devant chez moi, je l’ai vu sur un vieux scooter avec sa cigarette, taquinant celui avec qui j’étais. Je l’ai trouvé intéressant, je lui ai proposé un rôle.

Et pour maman Aïcha et Daro dans ‘’Dinama nekh ‘’ ?

Maman Aïcha, je l’ai rencontrée devant le Bureau sénégalais des droits d’auteurs (Bsda). C’est un ami qui y travaille qui me l’a présentée par hasard. Lorsqu’on a échangé, je l’ai trouvée elle aussi intéressante. Pour Daro, elle était déjà comédienne. Quand Metzo m’a présenté son projet ‘’Dinama nekh’’ et qu’il est venu me demander qu’elles (Mounas et Daro Ndlr) commencent les répétitions, je lui ai dit que ce n’était pas la peine ; que l’on tourne directement. C’est ce qu’on a fait et tout le monde a assuré. C’est venu naturellement.

En matière de téléfilm, quand la Saison 1 est un succès, c’est parfois difficile d’assurer les saisons qui suivent. Est-ce que cela ne vous est pas déjà arrivé ?

Ce n’est pas facile mais, pour ma part, je travaille avec un grand frère du nom d’Ameth. On échange sur les scénarios. Je donne parfois les idées générales, il se charge du reste. Pour ‘’Buur Guéwel’’, saison 2, on a voulu changer mais les gens n’ont pas compris. Les Sénégalais n’ont pas aimé. C’est dommage car on voulait parler des problèmes de la société, descendre jusque dans le quartier pour exposer des réalités de la société. On a vu par contre que les Sénégalais s’habituent aux acteurs et préfèrent les histoires marrantes. Mais ce n’est pas un problème d’écriture. On verra même que vers la fin, on a un peu rectifié en faisant revenir des personnages. Nous, notre petite force, c’est que pour vraiment tâter le pouls, on tourne au jour le jour.

La saison 3 de ‘’Dinama nekh’’ tarde. Pourquoi ? Vous avez des problèmes ou bien ?

Non, notre problème, c’est que la production est chère et il nous fallait rassembler les moyens qu’on n’a pas encore. Mais, on reprend bientôt inshallah. On y travaille, on est en train de faire le dépouillement. Là, ce sont les scénarios que j’ai en main. Mounass avait voyagé, elle a eu un bébé mais elle est rentrée. Daro s’est mariée mais cela n’a aucun impact négatif sur le téléfilm. Au plus tard au mois d’avril, nous allons commencer à diffuser. Il n’y a aucun problème entre les acteurs, ni entre l’équipe de production et de réalisation avec les acteurs. D’ailleurs, nous étions tous ensemble dimanche dernier au mariage de Daro dont je suis le parrain. C’est moi qui l’ai donné en mariage. Vous avez vu Oumy Ndiaye tout de suite, Kheuch vient juste de m’appeler, Mbaye Diop Fary Mbaye, on s’est parlé hier. Pareil avec Mounass, Fodé et tous les autres acteurs. Vous les reverrez tous très bientôt sur le petit écran.

Vous déplorez le manque de moyens mais, il paraît que pour démarrer la saison 3 de ‘’Dinama Nekh’’, vous avez reçu un financement

Si on avait reçu un financement, vous verriez la série demain diffusée par une télé. Ce n’est pas vrai. On n’est appuyé par personne. On n’a aucun financement, ni officieux, ni officiel. On ne se plaint pas car nous créons des emplois et nous faisons des choses qui plaisent. Mais habituellement, on ne gagne pas d’argent avec nos productions. Pour ma part, ce sont des investissements que je fais. Il peut y avoir un retour comme je peux tout simplement perdre. Autre chose, c’est qu’on se partage nos recettes avec les télés. Pour la saison 2 de ‘’Buur Guéwel’’, j’ai vendu un documentaire à la chaîne française Arte et j’ai reversé cet argent dans la production.

Je l’ai perdu car, finalement, les annonceurs ne sont pas venus. C’est un risque qu’on prend. Ça ne marche pas à tous les coups. Les télés, je vous le répète, ne nous rapportent rien. Elles ne font que diffuser et tout ce qu’on y gagne, on le partage avec eux. Il n’y a personne qui nous appuie. Si quelqu’un dit qu’il nous a remis de l’argent, c’est faux. Aucune télé ne le fait. Nous démarchons des annonceurs pour pouvoir diffuser. D’ailleurs, on pense arrêter ce modèle standard de diffusion car il n’est pas rentable. On travaille à perte. Nous bossons sur d’autres productions et nous comptons aller vers d’autres méthodes de diffusion.
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