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Avis aux universitaires, intellectuels, et autres chercheurs africains: Éviter le piège d’une recherche désincarnée
Publié le vendredi 12 fevrier 2016  |  Sud Quotidien
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© Autre presse
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Ouvert en début de semaine au Centre de recherche ouest-africain (Warc), le symposium sur « Race, Racisme et Construction des Modernités Noires » a déplacé sa toute dernière table-ronde vers la Salle du Conseil de l’Ifan, où l’on s’est très vite senti à l’étroit. Dans le rôle de l’orateur du jour, hier mercredi 10 février, l’anthropologue américain Michael Blakey, qui a surtout mis en garde les universitaires et autres intellectuels. Mise en garde contre une recherche désincarnée, sans substance ou pas assez à l’écoute des populations. Ou qui se contenterait de modèles téléchargés, empruntés, que l’on viendrait ensuite copier-coller machinalement.

Ne vous fiez pas aux apparences. Car derrière leur petit côté un peu futile ou un peu-beaucoup drôle, ludique voire léger, certaines de nos provocations passeraient quasiment pour quelque jeu très…très sérieux. Tenez par exemple : l’anthropologue américain Michael Blakey a eu du mal à se débarrasser de ce petit sourire en coin qui ne l’a quasiment pas quitté de la matinée, hier mercredi 10 février, dans cette salle de l’Ifan où l’on s’est très vite senti à l’étroit, mais il ne devait certainement pas parler en l’air ou pour blablater.

De ce discours, pour faire court, on ferait presque une mise en garde, un speech à l’attention des universitaires et autres membres de l’espace académique. Ce que dit Michael Blakey, c’est qu’il faudrait se méfier d’une sorte de recherche absolument désincarnée pour ne pas dire complètement décalée, emmurée dans une bulle qui lui voilerait la face ou lui cacherait le monde, et qui ferait fi, peut-être pour se rassurer, de ce qui se passe autour d’elle. Et pour quelqu’un comme le Dr Mody Sidibé, Maître de conférences de Littérature anglaise à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), faire de la recherche pour faire de la recherche ne mène d’ailleurs pas à grand-chose, parce que sans enjeux ni résultats de proximité.

Mais le malaise serait bien plus profond. Le Pr Ibrahima Thiaw, du laboratoire d’Archéologie de l’Ifan, qui a pris très au sérieux son rôle de modérateur, pense que nos universités devraient tout simplement faire peau neuve, autrement dit se réformer, «avec des savoirs indigènes intégrés à nos programmes académiques», et des intellectuels africains accessibles et certainement pas aériens, engagés et «plus à l’écoute de nos sociétés». Car sans cela dit Ibrahima Thiaw, «nous aurons raté notre mission».

Etre intellectuel africain, ce serait presque un statut, que l’on devrait pouvoir mériter, à moins de vouloir passer pour le traître de l’histoire. Comme Michael Blakey, Ibrahima Thiaw met en garde : «Evitons les rendez-vous manqués avec l’Histoire», ou alors évitons de vivre avec le regret de n’avoir rien fait ou celui de s’être peut-être contenté de manipuler des concepts, parfois pour se donner bonne conscience.

Les concepts, hélas, ne se mangent pas. Car aujourd’hui, dit encore Ibrahima Thiaw, et idem pour Mody Sidibé, quand bien même l’un serait bien plus optimiste que l’autre, qui aurait plutôt tendance à broyer du noir, dans nos petits ou grands pays d’Afrique, «tout est priorité», que ce soit «la pauvreté, l’insécurité, la santé» etc.

Mais encore faudrait-il se méfier de ces méthodes d’analyses importées sinon téléchargées, et que l’on serait tenté de copier-coller machinalement. Ibrahima Thiaw, qui suggère d’être assez critique pour prendre du recul par rapport à ce que nous disent les livres, ou ce que nous raconte l’Histoire, prend l’exemple de ces slogans politiques à la mode, souvent empruntés et parfois déconnectés : la «Renaissance africaine», allusion à la Renaissance en Europe, après la «décadence» de l’époque. De grands mots qui perdent tout de suite de leur substance dès qu’on se les applique comme des automates.

Ibrahima Thiaw a même un mot pour ces universitaires accrochés à la politique, et qui finissent «esclaves de cette politique-là ». «A nous, dit-il, de nous « affranchir des politiciens», et d’être un peu plus proches du peuple.
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