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Procès Habré : La partie civile demande 2 nouvelles accusations
Publié le mercredi 10 fevrier 2016  |  Le Quotidien
Ouverture
© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




Le procès de l’ancien Président du Tchad a repris hier, après une pause de deux mois. Les avocats des victimes ont pris la parole en premier pour faire entendre leur voix, en attendant celle du Parquet et de la défense, qui a promis de plaider l’acquittement de son client. La partie civile a axé sa plaidoirie sur les crimes de masse, l’usage systématique de la torture et démontré la responsabilité personnelle de Hissein Habré dans les faits commis entre 1982 et 1990.

Hissein Habré était poursuivi pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Aujourd’hui, lors des plaidoiries de la partie civile, les avocats de ses victimes supposées rajoutent les crimes sous-jacents de viol et d’exploitation sexuelle contre l’accusé. Il ressort des témoignages des victimes présumées, «le transfert illégal de 9 femmes à Ouadi-Doum s’est fait dans le seul but d’assouvir le désir sexuel des militaires». Me Fatoumata Sall s’appuyant sur le témoignage de ce groupe de femmes «amenées de force à Ouadi-Doum, un cantonnement militaire dans lequel ces dernières étaient utilisées comme des objets sexuels», autrement, relève-t-elle, leur présence dans cette zone aride ne se justifiait pas. L’avocat, qui a voulu corser la dose, a convoqué également le témoignage de Khadija dite La rouge, qui a dit devant la barre être victime de viol de Habré à quatre reprises.

«Aubaine historique» pour les victimes
Quant à Me Philipe Houssine, qui a axé sa plaidoirie sur les actes de torture reprochés à l’ex-Président du Tchad, il a souligné d’emblée que ce jour est une «aubaine historique» pour les victimes qui espèrent tourner une page sombre de leur vie. Pour l’avocat, tout ce qui s’est passé au Tchad, entre 1982 et 1990, est arrivé grâce à la signature d’un homme : celle de Hissein Habré. Il a créé par décret la Direction de la documentation de la sécurité (Dds). Une «entreprise criminelle» que l’ex-Président a conçu et élaboré pour réprimer des opposants ou supposés. Me Houssine s’est employé devant la barre à démontrer l’usage systématique de la torture au sein de la Dds durant la période 1982-1990. Dans cette direction, relève l’avocat, la présomption d’innocence devenait la présomption de culpabilité, la responsabilité pénale individuelle était devenue une responsabilité collective. «Une personne d’ethnie Hadia­raï entre en rébellion contre le pouvoir de Habré, ce sont sa femme, ses enfants ou ses parents qui payent au prix de leur vie», avance-t-il. Il Illustre ses propos et convoque le témoignage de Hissein Robert Gam­bier. «Quand on l’a présenté à Habré, il a dit à ses hommes : «Si cet homme est un agent libyen, il faut le torturer normalement»», relate l’avocat.
Relevant les formes de torture, Me Delphine Djiraïbé cite l’«Arbatacha», l’ingurgitation d’eau forcée jusqu’à évanouissement, les décharges électriques, la bastonnade, le supplice de la cigarette consistant à écraser le bout de la clope fumante sur une partie du corps jusqu’à ce qu’elle soit éteinte, le supplice du pot d’échappement, la pulvérisation de gaz, les baguettes, entre au­tres formes de torture. Pour cette avocate des victimes, la torture était le crime le plus présent de ce dossier. Sans compter, dit-il, la privation d’eau et de nourriture, les conditions difficiles de détention et la torture morale et psychologique. Houssine, qui a comparé Habré à Pol Pot, dirigeant des Khmers rouges, a essayé de répondre aux avocats de la défense quand, dit-il, cette dernière tente de faire croire à la cour qu’à l’époque des faits, «la chaîne de commandement était affectée de beaucoup d’obstacles. Quelle belle échappatoire !», se délecte l’avocat, qui rappelle un des passages d’une chanson composée à l’honneur de Habré par le «Groupe choc», qui disait : «Hissein Habré là, ici et partout.» «N’est-ce pas lui qui est l’architecte de la Dds ?», réplique Jacqueline Moudeina. Me Houssine renchérit : «Il n’est pas au courant quand on tue des civils, mais réagit et met en place une commission pour réprimer des Codos, des Zagho­was ou des Hadiaraïs».
Raillant la défense, Philipe Houssine convoque un fait relevé par cette dernière pour montrer la bonne foi de leur client. «Hissein Habré avait publiquement sanctionné des militaires accusés à Ngalou d’avoir exécuté des civils. Mis au courant, il a ordonné leur exécution sur la place publique.» Reprenant ainsi la défense, pour la partie civile, cet acte est un aveu des charges qui pèsent contre l’accusé. «Habré n’est pas investi d’une mission judiciaire. Cette sanction confirme le caractère arbitraire de son régime et montre qu’il avait un droit de vie et de mort sur les Tchadiens», plaide l’avocat.

«Habré a manqué de respect à ce pays qui l’a accueilli et hébergé pendant plus de 25 ans»
Auparavant, Me Yaré Fall s’est indigné de l’attitude de l’accusé. Au nom de quoi Hissein Habré s’enturbanne, met des lunettes fumées et traite les Chambres africaines extraordinaires (Cae) de «Chambres administratives ?». «Il a porté atteinte à la République, car les Cae sont une institution. Je suis un patriote et j’ai été blessé dans ma dignité de Sénégalais», tonne l’avocat furieux. «Il n’en a pas le droit. Ce pays l’a accueilli et hébergé pendant plus de 25 ans», poursuit-il. Me Fall aborde le caractère «équitable du procès». Pour lui, les différentes parties au procès ont combattu à armes égales, les délais ont été respectés et la présomption d’innocence de l’accusé respectée.

«Dire que je ne suis pas le seul est un aveu»
Revenant sur la responsabilité individuelle de l’accusé, la partie civile s’est employée énergiquement à démontrer l’implication directe de Habré dans la machine répressive de la Dds. «Non seulement il en est l’instigateur, soutient Me Jacqueline Mou­deina, mais il a contrôlé, huilé, et s’est assuré à chaque moment de son fonctionnement. Combien de fois avons-nous entendu des victimes témoigner de sa présence dans les lieux de détention.» La robe noire, très déterminée à démontrer le rôle de Habré dans cette «entreprise criminelle», est venue avec un Kakémono où on pouvait voir l’organigramme de la Dds avec Habré comme donneur d’ordres. Elle va plus loin : «Par moments, il était acteur car ayant lui-même interrogé des détenus et suivi par Talkie-walkie des interrogations. Dire que Habré ignorait ce qui se passait dans son pays pendant 8 ans est une insulte.»
Revenant sur la responsabilité de Idriss Déby, Philipe Houssine anticipe sur la défense qui a convoqué Idriss Déby dans leurs plaidoiries. L’avocat leur oppose l’ordonnance de renvoi qui, selon lui, fait autorité. «Aucune des parties ne l’a contestée», rappelle-t-il. En plus, ironise-t-il, en droit pénal, «on ne dit pas : «Je ne suis pas le seul responsable.» C’est une mauvaise défense», clame-t-il.

«Habré a planifié un plan macabre pour exterminer les Sudistes»
Plus loin, Me Delphine Djiraïbé a axé plus son intervention sur les crimes de masse, les disparitions supposées commises au Sud du Tchad. Devant la barre, elle explique comment Habré a planifié un plan «macabre» pour, note-t-elle, «exterminer des cadres et des paysans du Sud». Ce plan, remarque-t-elle, entre dans un souci de «rééquilibrage des cadres du Nord et du Sud. Quelles drôles de politiques !», s’exclame l’avocate. Sous ses ordres, dénonce-t-elle, il envoie une cellule spéciale dirigée par Mahamat Fadil au Sud, une autre mission à Koumra, et une autre au Logone occidental et oriental. Me Djiraïbé convoque 700 personnes exécutées à la Ferme de Déli et au moins 15 tués dans chaque village. Il révèle que Habré était bien au courant de cette mission. «C’est lui-même (Habré) qui a envoyé Maha­mat Fadil», soutient-elle. D’ailleurs, insiste-t-elle, Maha­mat Fadil ne s’en cachait pas. «Il disait avoir agi sous les ordres du Président. Le fait de convoquer à chaque fois le chef d’Etat-major général des armées de l’époque, Idriss Déby, dirigeant les opérations du Sud à l’époque, n’enlève en rien la responsabilité de Hissein Habré. Votre responsabilité est totalement engagée», plaide la robe noire qui demande au Président Gberdao Gustave Kam de rendre justice aux milliers de victimes qui attendent depuis plus de 25 ans.
Les audiences reprennent ce matin. La partie civile va terminer ses plaidoiries, ensuite ce sera au tour du Parquet de faire ses réquisitions. Enfin, viendra le tour de la défense qui n’a pas encore dit son dernier mot. Elle plaidera jeudi et vendredi prochains.
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