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Art et Culture

Quand le texte vole bas: Ces chansons qui chosifient les femmes
Publié le vendredi 5 fevrier 2016  |  Sud Quotidien




Vous passerez presque pour un rabat-joie, ou alors vous traitera-t-on de vieux ringard, si vous avez l’audace d’avouer que vous n’aimez pas beaucoup «Coller la petite», ou la très populaire chanson du jeune artiste camerounais Franko : trop crue ou parfois trop connotée ? Nous avons aussi notre version locale : «Malaw» de Pape Diouf, avec l’intrusion du chanteur gambien Baye Babou. Pour le parolier et conteur Massamba Guèye, qui pense que nos animateurs radio ne sont pas si innocents que cela, ces chansons frisent la bestialité, et «Coller la petite», ce serait quasiment «un appel au viol».

Au-delà du son d’un tam-tam ou de celui d’une trompette, la musique, c’est aussi ce que disent les mots ou l’histoire qu’ils vous racontent, à coups de rimes parfois, ou de formules bien tournées qui vous touchent ou changent votre vie…

Dans la tête de certains chanteurs, il semblerait que ce ne soit pas toujours très clair. Du Cameroun au Sénégal, il arrive que certains artistes vous sortent des opus qui frôlent le scandale. Le dernier en date, c’est le titre de Franko, du nom ce jeune chanteur camerounais qui a plutôt la côte en ce moment. «Coller la petite», le titre de la chanson qui a donné un coup d’accélérateur à sa carrière, n’a pourtant rien d’innocent, et ce n’est certainement pas par hasard si le fameux morceau, qui fait office de tube, a été interdit dans quelque département de son pays. Certains mélomanes vous diront même que «Coller la petite» véhicule, auprès de la jeunesse, une sorte de message pervers, et sans même prendre de gants. Vous n’y trouverez pas vraiment de message instructif, et l’on y assimile même la femme à un objet, ou à un vulgaire morceau de viande.

Il y a par exemple ce passage où l’auteur vous dira qu’il «y’a tous genres de lolos, les babouches et les pointus». Ou alors précisera-t-il que «même si tu chausses le 80 mon frère, aujourd’hui tu vas trouver ta pointure. Choisis ta petite mange-là avec appétit et surtout montre-lui que tu n’es pas petit».

«Apologie de l’inceste» ou «appel au viol»

Et dans cette façon qu’il a de vouloir désinhiber ces messieurs plus ou moins jeunes, et à tout prix, Franko va même plus loin : «C’est ta sœur (…) ta cousine ? Dis-donc colle tes bêtises ». «Même si c’est ta sœur (…) ta cousine (…) ta tante ». Certains vous diront que cette chanson ne serait ni plus ni moins qu’une sorte d’ «apologie de l’inceste».
Et pour quelqu’un comme le parolier et conteur Massamba Guèye, Massamba Guèye, qui connaît la chanson dira-t-on, en jouant sur les mots, ce serait quasiment un «appel au viol», dans la mesure où la chanson de Franko «est dégradante pour la femme», quand elle ne réduit tout simplement pas la relation entre l’homme et la femme à «un acte sexuel».

Chanson «d’arrière-cour», pour «amuser la galerie»

Massamba Guèye dit d’ailleurs qu’il n’y a pas la moindre «maturité» dans ce morceau «d’arrière-cour» et «sans profondeur» qui se contente tout juste d’ «amuser la galerie».
Ici au Sénégal, nous avons notre version locale, avec le titre de Pape Diouf, «Malaw», que se disputent nos stations radio. Vous ne pouvez pas la rater…Et quand on prête attention au texte, au-delà du rythme, ce sont moins les propos de Pape Diouf qui choquent, que ce que dit Baye Babou, le jeune chanteur gambien qui l’accompagne sur ce morceau : entre les paroles très crues sinon très explicites pour ne pas dire vulgaires, on ne s’encombre pas beaucoup d’images et autres allusions voilées pour parler de sexe. L’artiste compare d’ailleurs la femme à un mortier, tandis que l’homme serait le pilon (le texte va même plus loin)…Sans commentaire, sinon celui de Massamba Guèye, qui trouve une forme de «bestialité» dans des chansons comme celles-là, qui incitent selon lui au «dévergondage sexuel».

Ces animateurs radio qui ne jouent pas le jeu

Et si elles plaisent autant, autrement dit si elles sont si populaires, c’est peut-être parce qu’elles finissent très vite par vous trotter dans la tête. Ce sont en général des morceaux faits de «couplets faciles à retenir» et d’un «refrain qui ne veut rien dire mais qui est chantonnant», dit Massamba Guèye, et que l’on ne prend pas toujours le temps de «décoder». Notre interlocuteur pense surtout que dans une «société en déperdition» telle que la nôtre, ce sont les animateurs eux-mêmes qui finissent par les rendre populaires, décortiquant chacune de leurs paroles.

Ce n’est pourtant pas la première fois que cela arrive sous nos cieux. Car avant cela, il y a bien eu «Rimbakh Pa Pakh» de Thio Mbaye, ou alors «Songama» de Mbaye Dièye Faye.
Et malgré ces quelques faux pas musicaux, Massamba Gueye, qui plaide pour une jeunesse plus consciente, et qui appelle les artistes à faire l’effort de produire des textes plus consciencieux et à plus de responsabilité, veut croire qu’il existe encore de vrais paroliers au Sénégal.

Birame Ndeck Ndiaye par exemple, lui qui a écrit plusieurs chansons pour Yousssou Ndour. L’homme, qui tient à préciser qu’il a pris du «recul» par rapport à certaines choses, et qu’il ne souhaiterait pas se prononcer sur cette question et encore moins jouer les «censeurs», commence pourtant par dire que «ça vole bas». «Coller la petite», il ne connaît pas, mais «Malaw», si…Même s’il avoue qu’il n’a pas vraiment prêté attention à ce que racontait Baye Babou.

Pape Diouf, dit-il encore, «n’a jamais été indécent». Le problème selon lui, ce sont souvent ces artistes qui viennent se greffer au texte d’un autre, et qui «improvisent» un peu n’importe comment…en y mettant un peu ce qu’ils veulent.
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