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Art et Culture

Bidew Bou Bess en prélude à son prochain album : Unité nationale pour la famille
Publié le lundi 11 janvier 2016  |  Le Quotidien




Le groupe Bidew Bu Bess se livre. De la vie familiale à la consécration avec le disque d’or du groupe en passant par la maladie de Moctar..., l’arrivée de Ibrahima… le groupe de hip-hop revisite ses 21 ans de carrière et se projette dans l’avenir.

Vous avez récemment fêté votre anniversaire sans faire de la scène. Pourquoi ce choix ?
Baïdy : C’est juste pour innover parce que Bidew Bu Bess, c’est un groupe qui commençait la célébration de ses anniversaires par le social. Ce genre d’actions n’a jamais été laissé en rade. Et on s’est dit qu’il fallait cette année mettre plus l’accent sur le social. On a voulu changer de donne, car quand les artistes organisent ce genre de manifestions, ils le font pour un but lucratif au détriment du côté social. C’est pourquoi on s’est dit qu’on va accentuer ces journées sur du social, vu qu’on prépare quelque chose cette année. C’est ce qui nous a poussés pour notre 21ème anniversaire à mettre l’accent sur le volet social. On a réussi le pari avec les partenaires. C’était bien.

Qu’est-ce que Bidew Bu Bess prépare pour cette année ?
Baïdy : Avant de répondre à cette question, il faut dire que Bidew Bu Bess a mis sur pied une association dénommée Music in service (la musique au service). C’est une association qui œuvre dans le social. C’est une façon de faire une musique participative, histoire de rendre tant soit peu ce que le Sénégal nous a donné. C’est le Sénégal qui nous a vu grandir. Et dans ce contexte, on s’est dit que c’est bien de faire de la musique à but lucratif, mais il faut penser aux autres. Nous n’avons que nos voix, notre musique et on veut les mettre au service des populations sur le plan de la santé, de l’éducation etc. C’est pourquoi nous avons créé cette association qui s’active dans beaucoup de domaines. C’est-à-dire que quand le groupe est sollicité pour la bonne gouvernance, des projets de développement durable, des dons de sang, c’est l’association qui les gère. L’association veut être utile aux populations. C’était important de le souligner.
On prépare notre prochain album. On y est à fond. Je pense que ce sera pour cette année.

Quel sera le titre de cet album ?
Baïdy : On a déjà annoncé la couleur avec le single Belle. Tout le Sénégal l’a bien accueilli. Il est sorti il y a 3 mois. Une chose est sûre ; il y aura beaucoup d’innovations, car cela ne sera pas juste une sortie d’album. Il y aura beaucoup de choses qui vont accompagner cet album. On prévoit de sortir ce produit avec un nouveau concept. Mais pour l’heure, on préfère ne pas développer le concept. En tout cas, notre prochain album sera conceptualisé sur une idée. Je pense que les Sénégalais ne vont pas tarder à le voir. On dévoilera le concept lors de notre point de presse. Et je pense que l’album sortira avant juin.

Vous n’avez toujours pas indiqué le titre de l’album…
Baïdy : On a retenu Unité nationale comme titre. Et le concept sera développé au point de presse. En tout cas, que les Sénégalais se préparent à voir autre chose comme on a l’habitude de le faire.

Que rapporte un disque d’or ?
Oui, Bidew Bu Bess est disque d’or, mais on préfère ne pas en parler, car c’est loin derrière nous. C’est vrai qu’on est le premier groupe de rap à avoir cette récompense, mais cela fait maintenant 15 ans et c’était avec Passi. Ce n’est pas quelque chose dont nous nous glorifions. Entre-temps, le Sénégal a fait beaucoup de progrès avec ses artistes. Le disque d’or, à l’époque, pouvait être considéré comme quelque chose de grand, car il n’y avait pas beaucoup d’artistes qui voyageaient. C’est venu au moment où le hip-hop en avait besoin et Dieu a fait que nous l’avons eu avec Passi. Ce n’est pas le disque d’or de Bidew Bu Bess exclusivement. Non, c’est une collaboration avec Passi. Et cela a permis à beaucoup de jeunes de se dire que c’est possible. Et maintenant, il y a beaucoup de choses devant nous musicalement. C’est plus important que ces consécrations. Certes, quand on fait de la musique on a besoin de consécration, mais le disque d’or est derrière nous. On aspire aux disques de platine, aux Grammy. On est dans ce travail là. On ne lâche pas l’affaire.

Pourquoi Bidew Bu Bess ne s’est pas inscrit dans la durée concernant le disque d’or ? Est-ce un problème de talent ?
Non, c’est par rapport à la carrière. Chaque groupe a sa propre histoire. Ce disque d’or date de 2000. Après, il y a eu beaucoup de problèmes. On n’aime pas en reparler, car cela nous replonge derrière et on a envie d’avancer. De 2000 à 2016, on s’est remémoré. Il ne faut pas oublier qu’entre 2003 et 2010, on n’a pas sorti d’album. C’était une période sabbatique du groupe. Il fallait réorganiser le groupe, car quand on a eu le disque d’or, on était très jeune. On était dans le show, mais on ne maîtrisait pas le business. Les aléas, les contours, on ne maîtrisait rien. Il fallait à un moment donné nous réorganiser.

Vous a-t-on roulé dans la farine ?
Bon, on peut le dire comme ça, mais pas méchamment. La musique est une jungle et il fallait maîtriser certains aspects. Pour être franc, tel n’était pas le cas au tout début. La période sabbatique nous a permis de nous refaire, nous parfaire. Ibrahima, notre frère, a rejoint le groupe avec le côté acoustique. Musicalement, on s’est refait une santé. On a beaucoup plus rebâti les bases. Cela ne veut pas dire qu’on a changé de concept et de style. C’est-à-dire qu’on a évolué. Cela nous a permis de mieux asseoir notre concept et de savoir le genre musical qu’on fait, qui est l’originalité, l’ancrage dans la culture et l’ouverture. C’est le style de Bidew Bu Bess. Ce n’est pas un genre musical, mais plutôt un style.

Le terme originalité revient souvent dans vos morceaux. Quel sens donnez-vous à ce terme ?
Cela veut dire rester soi-même. Cela veut dire ne pas perdre ses racines. Quand tu es Sénégalais, ta base c’est ta culture. Le reste c’est l’ouverture d’esprit par rapport à tout ce qui pourrait venir de l’extérieur et qui pourrait t’être bénéfique pour ta musique. A ne pas confondre avec l’africanité. Les gens confondent souvent l’originalité et l’africanité. Certains artistes pensent que pour percer à l’international, il suffit juste de prendre des balafons, la kora ou autre chose. C’est bien de les mélanger, mais il faut dans ce cas trouver la bonne formule. Pour nous, originalité est un état d’esprit. Par exemple, un mariage entre une kora et un accordéon pour avoir un son original. Cette symbiose, cette innovation c’est ce que Bidew Bu Bess essaye de faire.

Parlons de l’intégration de Ibrahima. Vous êtes-vous dit qu’il y a de l’argent à se faire dans la musique, autant le partager en famille ?
Ibrahima : (rires), ce n’est pas une question d’argent. C’est juste le destin, parce que tout s’est passé naturellement. Comme Baïdy l’a dit, il y a eu beaucoup de problèmes à un moment donné. Mactar a été malade. Il fallait rebondir, car il n’y avait plus de contrat, plus de producteur et plus de tournée. C’est ainsi qu’on s’est dit, pourquoi ne pas repartir sur de nouvelles bases. De là est née la volonté de s’autoproduire, car on a senti qu’il fallait être libre, ne pas être sous l’emprise de producteurs ou de contrats. Aussi, il fallait voler de ses propres ailes afin de développer tout ce que nous voulons. C’est de là que j’ai intégré le groupe.

Et pourquoi attendre après les problèmes pour intégrer le groupe ? N’étiez-vous pas au Sénégal ?
Ibrahima : C’est ce dont je parlais. Je suis le petit frère. Baïdy et Moctar ont commencé la musique très tôt. Ils avaient 12 et 14 ans.
Baïdy : On a formé le groupe quand j’avais 14 ans et Moctar en avait 16. C’était en 1994, on était au collège à l’époque. Mais on peut dire qu’on a commencé de manière professionnelle en 1999, date de la sortie de notre premier album Ndékétéyo avec le label Jololi de Youssou Ndour. On a emprunté le même chemin que tous les groupes de l’époque. Et maintenant, on a 21 ans de carrière. Ibrahima était très jeune quand on a débuté.

Comment s’est faite l’intégration de Ibrahima ?
On a très tôt décelé son talent. Il était à côté de nous quand on répétait. Il avait des idées à partager avec nous, mais comme il était à l’école à cette période, il se concentrait sur les études. Quand on a senti le besoin de se refaire, il est venu naturellement apporter sa pierre à l’édifice. Et maintenant, les gens le connaissent. Il fait toute la programmation de l’album Ndoumbélane. Il sait jouer de la guitare et naturellement, il a apporté cette touche acoustique au groupe. Il s’attèle maintenant à jouer d’autres instruments dans le but de rendre le groupe beaucoup plus éclectique. C’est naturel. Ce n’est pas une histoire à la Jackson 5 pour dire que l’argent va rester entre nous. C’est le cours du destin et on s’en réjouit.

Est-il facile d’être de la même famille quand on fait de la musique ?
Ibrahima : Je dirai que c’est facile, car on n’a pas de problème pour s’entendre sur un sujet. On partage tout. Si tu as la chance de grandir avec tes frères, c’est évident que la compréhension ne va pas poser de problème. Musicalement, cela devient plus simple et facile.
Baïdy : Côté argent, c’est facile. D’habitude, c’est l’aîné qui s’en occupe. On n’a jamais eu de problème de cet ordre.

(A Moctar) : Il n’arrive pas sur des sujets que les petits frères outrepassent votre rôle de grand frère ?
C’est une chance avec l’éducation qu’on a reçu. Mes frères ont vraiment du talent ; je n’ai rien à faire pratiquement. Je joue juste le rôle de superviseur. Ibrahima est toujours calé côté musique, et on lui propose des idées et on en discute à trois. On a une histoire. On ne laisse pas l’argent nous diviser. On a l’expérience d’être avec d’autres personnes. Cela ne s’est pas mal passé et on a gagné en expérience. Voyez-vous, c’est une chance d’avoir des frères qui ont des objectifs. Je ne suis là que pour pousser. C’est eux qui me donnent la force de continuer. C’est un peu la philosophie du groupe.
Ibrahima : c’est une complémentarité.

Ne vous arrive-t-il pas de vous quereller sur un sujet ?
Moctar : Au finish, on arrive toujours à nous entendre. Baïdy a des idées, pareil pour Ibrahima et idem pour moi aussi. C’est toujours dans le bon sens.
Baïdy : Naturellement, chacun a un don. Je peux avoir une idée et je leur soumets ce que je veux faire. S’il y a lieu d’être rectifié, ils le font, ainsi de suite. Il peut arriver qu’on ne s’entende pas, mais dans de pareils cas, on convoque une réunion et on parle du problème. Après, on n’en parle plus. Comme on dit, le linge sale se lave en famille. Il y a de l’humilité. Ce n’est pas parce qu’il est le grand qu’on ne parle pas avec lui. Non, tel n’est pas le cas. Si on doit parler, on se met entre quatre murs, on se dit ce qu’on doit se dire et c’est terminé. En fonction des capacités, les rôles sont distribués. Je sais que je ne peux pas garder de l’argent. Je dépense sans compter, du coup les finances du groupe sont gérées par Moctar.

Vivez-vous en famille ?
Baïdy : Qui connaît Bidew Bu Bess sait que le groupe est très attaché à la famille. Moctar habite juste à côté. On se voit chaque jour. On est très proche de notre mère. On est ensemble presque tout le temps.

A part la musique, comment vivez-vous en famille ?
Baïdy : On n’est pas éloigné, on vit ensemble avec notre maman parce qu’elle occupe une partie importante dans notre vie. On est très soudé et vous voyez là, on est en train de vieillir. Mactar vit à côté de la maison. Mais on se voit presque tous les jours, Dieu merci.

Comment faites-vous pour écrire vos textes ? Est-ce que quelqu’un est chargé d’écrire les textes ou bien c’est au feeling ? Par exemple le morceau Belle, qui l’a écrit ?
Ibrahima : Nous l’avons écrit ensemble. Pour le morceau Belle, c’est la conséquence de plusieurs rectifications musicalement parlant. Après plusieurs concertations et maquettages, on est arrivé à la conclusion qu’il fallait faire une musique dépouillée et simple avec une mélodie qui touche. Après, le reste est venu naturellement. Pour ce morceau, c’est la musique qui a commandé le texte. Des fois, on écoutait la mélodie en prenant le thé et on essaye d’écrire. Après, on se concerte. Mactar me dit, ça c’est bien, ça ce n’est pas bien, c’est ça qu’il faut garder. Jusqu’au jour de l’enregistrement, il y avait des parties qu’on n’a pas pu mettre

Pourquoi ?
Moctar : Parce que c’est au feeling. En plus, la musique est faite de sensation. Et c’est là l’avantage des maquettes. Par exemple si tu fais un morceau, tu vas à la maison, tu l’écoutes après tu te rends compte des imperfections. Et tu essayes d’améliorer ta musique. Le morceau Belle c’était ça, on a laissé parler nos cœurs. On s’est mis à la place de toutes les personnes qui pourraient l’écouter. C’est quelque chose de divin, parce que pour nous l’inspiration est divine. Les gens nous félicitent souvent, mais on leur dit que ce n’est pas nous, car il y a quelqu’un derrière. Mais la plupart de nos morceaux sont écrits au feeling.

Question au grand frère. Etes-vous surpris de l’accueil concernant ce morceau ?
Moctar : Non pas tellement, parce que j’en parlais avant que le morceau ne soit établi et tout. On a cette chance de savoir si le morceau peut avoir un impact ou pas. Pour moi, un vrai musicien doit avoir cette compétence de savoir si ce qu’il écrit pourrait avoir tel ou tel impact au sein d’une population. La preuve en est que depuis que le groupe existe, on a eu beaucoup de tubes qui ont été très bien accueillis par le public. On essaye de garder cet élan, même pour l’album qui va sortir. On respecte le public sénégalais tellement que chaque musique que nous composons, on veut qu’elle soit quelque chose que géant. On ne veut pas faire de la musique ou sortir un album pour tout simplement amuser la galerie. Chaque chanson a une âme, on essaye de ressortir cette âme et de la donner au public. Un genre de rendez-vous du donner et du recevoir. Il ne faut jamais tricher avec la musique, parce que si tu triches, au bout de 5 ans ou 10 ans tu verras les conséquences. Tu peux avoir un grand succès, mais c’est le talent qui reste et qui traversera les âges. Cela fait 6 ans que nous n’avons pas sorti d’album, mais les gens ne se rendent pas compte, parce qu’ils ont consommé l’album comme il le faut. Il y a eu beaucoup de morceaux qu’on aura voulu montrer au public, mais on n’a pas eu la chance d’en faire des clips. Mais on va essayer de nous rattraper. On fait 16 titres sur Ndoumbélane, mais les gens ont consommé 5 ou 6 morceaux. On va essayer de voir sur cet album comment faire pour réduire avec des titres très forts, tout en respectant la musique que nous faisons. De toutes les façons, nous ne sommes pas pressés de sortir à la télé pour dire qu’on est là. Nous voulons rendre au public sénégalais le respect qu’il nous démontre en lui donnant une musique de qualité, comme on a l’habitude de le faire.

Vous avez fait 21 ans de carrière. Qu’est-ce qui vous a le plus déplu ?
Baïdy : Non, rien ne nous a déplu parce que le spirituel est très important chez Bidew Bou Bess. A un moment donné de notre carrière, on a compris que tout ce qui nous arrivait était dû à la volonté divine. On a réussi à l’accepter et du coup, on s’est dit que rien n’était regrettable parce que c’est Dieu qui l’a décidé ainsi. Et c’est cet état d’esprit qui nous permet de rester fort et de continuer. Mais cela, on le doit à notre marabout Baye Niasse qui est une partie intégrante du groupe. Il nous a fait comprendre que le temporel et le spirituel allaient de pair. Il nous a appris qu’il faut vivre dans le «Alham­doulilah». C’est ce qui fait que pour tout ce qui nous arrive dans notre vie, on rend grâce à Allah. Même avec la maladie de Mactar et toutes les difficultés qu’on a traversées, on se dit c’est un mal nécessaire.

Est-ce qu’il vous arrivait de vous dire que vous alliez arrêter la musique ou de douter ?
Moctar : Moi, mon seul problème était ma famille. Vous savez, quand vous êtes malade, la famille prend une autre dimension à vos yeux parce qu’elle vous entoure chaque instant. Comme l’a dit Baïdy tout à l’heure, tout a été positif à la fin. J’avoue qu’au début, cela a été un peu compliqué et j’ai mis un peu de temps à comprendre ce qui se passait. Mais c’était un mal nécessaire parce que j’en ai profité pour écrire beaucoup de textes.

Vous souffriez de quoi exactement ?
Moctar : C’était juste une histoire avec mes pieds, parce que je n’arrivais pas à marcher. Mais Dieu à mis de l’ordre dans les choses. Et c’est reparti.

On dit souvent que dans le showbiz, il n’y a pas vraiment d’amis. Si le succès vous tend les bras, vous avez tout le monde derrière vous, et une fois dans les difficultés, ce monde vous fuit. Est-ce que c’était le cas ?
Baïdy : En fait, nous notre seul ami, c’est la musique. Mais le milieu du showbiz est toujours comme ça. Au Sénégal, il y a toujours cet aspect. Les gens sont toujours avec toi si ça marche. Si tel n’est pas le cas, ils te fuient, c’est la loi naturelle des choses. Mais ce n’est pas important, l’essentiel est de faire ce que tu as à faire et le reste Dieu s’en chargera. Et ça on y croit dur comme fer. Aujourd’hui, même nos ennemis ou ceux qui ne voulaient pas que Bidew Bou Bess soit connu ou qui voulaient nous enterrer durant notre break, on leur dit merci. Parce que sans eux, on n’allait pas avoir cette hargne pour pouvoir continuer. Et dans la musique que nous faisons, on ne cherche pas ce qui se passe, on essaye juste de faire ce qui plaît. Mais il y a des gens qui ont toujours été présents depuis le début et d’autres qui nous ont rejoint après. Nos relations avec ces gens sont humaines avant tout, parce qu’on a partagé des moments forts de notre vie.

On sait qu’ici au Sénégal, les pratiques occultes font partie intégrante de la musique. Est-ce que cela ne vous a pas traversés l’esprit et vous dire à un moment donné que vous avez été maraboutés ?
Moctar : Peut-être que les gens qui vous entourent vont le penser. Personnellement, je pense que c’était une programmation divine. Parce que cela allait trop vite pour Bidew Bou Bess par rapport à notre carrière. En 1999, tu rencontres des chanteurs comme Eminem, Wyclif Jean, tu fais les premières parties de Youssou Ndour dans 66 concerts à travers le monde. En ce moment, on était très jeune, on ne comprenait pas le showbiz. Il fallait qu’à un moment donné que tout s’arrête pour un autre souffle et c’est le côté acoustique. Parce que tout le monde voit Bidew Bou Bess dans ce sens-là. Et je pense que si je n’étais pas malade, il n’allait pas y avoir cette touche acoustique.

On n’entend pas souvent Bidew Bou Bess faire des chansons avec d’autres artistes. Comment expliquez-vous cela ?
Baïdy : Cela relève du naturel, on a eu à partager des scènes avec d’autres artistes. Même s’ils ne sont pas nombreux parce qu’il y a Simon, feu Bouba Djolof de Sen Kumpe. Mais nous avons un problème de temps, nous ne sommes pas un groupe qui reste sur place à cause des voyages. Il arrive souvent que l’on veuille faire quelque chose avec un artiste, mais on est confronté à un problème d’emploi du temps. Mais on n’a pas de problème personnel avec eux. Je pense que si Dieu le veut, cela se fera naturellement. Il faut dire qu’à chaque événement organisé par de Bidew Bou Bess, il y a ses amis artistes qui sont présents. L’année passée, il y avait Carlou D au Grand Théâtre, feu Oumar Bassoum qui faisait de la musique traditionnelle, paix à son âme, il y a Awadi, Deug E Tee et Wally Seck. On n’a pas ce problème de partager la scène avec nos confrères artistes, peut-être qu’on ne voit pas des productions du groupe avec d’autres artistes, mais ça va venir «inchallah».

Une petite explication con­cernant l’album…
Baïdy : Mais déjà j’ai dit que l’album s’appellera Unité nationale et cela donne déjà une idée de ce que l’album pourrait être, car unité nationale, c’est le Sénégal. Et qui dit Sénégal dans ces composantes, il y a tout : culturellement, gastronomiquement, religieusement et toutes les composantes. Les gens peuvent s’attendre à voir un album coloré, riche en tradi-moderne et un album très, très ouvert. Voilà, on a lâché l’exclusivité, car on ne devait pas parler des trucs de l’album dans aucune télé, dans aucune radio. Mais c’est comme ça, on va communiquer et les gens vont voir ce que nous allons dérouler, s’il plaît à dieu.

Quel genre de musique fait Bidew Bu Bess ?
Baïdy : (rire) Il faut retenir que Bidew Bu Bess fait une musique qui lui ressemble, juste ça. On le fait avec le cœur et on essaie de la partager avec les autres. On l’appelle Original one.

On voit que les Nigérians font un tabac actuellement et des artistes sénégalais es­saient de les imiter. Vous qui êtes disque d’or du Sénégal, cela ne vous fait-il pas mal de voir qu’au lieu de créer, les rappeurs vont copier pour exister sur le marché économiquement parlant ?
Baïdy : Oui, je ne parlerais même pas de rap, mais de musique en général, parce que Bidew Bu Bess c’est de la world music. C’est vrai qu’on est entré dans la musique par la porte du rap musique, mais cela a évolué depuis le temps. Donc quand je parle, je ne vais pas parler juste de rap, mais de la musique en général, de la musique sénégalaise. C’est vrai que celle-ci a besoin d’identité dans toutes ses composantes. Que cela soit dans le mbalax, le rap et les autres styles. Moi je pense que l’idée c’est d’être original, de puiser dans nos cultures telles que la culture sérère, diola, manding, le Sénégal oriental, le Fouladou. Le Sénégal a beaucoup d’acquis culturels. Je pense que les artistes sénégalais doivent essayer de voir comment faire une jonction entre nos rythmes et ceux d’ailleurs. Je pense que c’est ce que les Nigérians et les Ghanéens ont compris, parce que leur musique est basée sur leurs cultures d’abord. Donc, nous avons ce complexe de s’approprier nos cultures. Il y a des gens qui le font, mais le mbalax occupe une place tellement forte ici que les autres musiques sont laissées en rade. Mais cela commence à éclore, car il y a les Yoro Ndiaye, les Maréma. Petit à petit, la musique folk est en train de gagner du terrain et c’est déjà bien. Mais je pense que ce qu’on doit faire c’est de puiser dans nos richesses, dans les mélodies traditionnelles qui sont là, les rythmes traditionnels sérères, manjacks, toucouleurs. Il y en a tellement ici et il faut trouver conceptuellement le bon goût pour pouvoir créer quelque chose qui pourra éclore. Je pense que l’idée c’est ça, mais en tout cas l’imitation ou bien le copier-coller n’a jamais mené quelqu’un très loin. Si tu veux faire de la musique, apporter de la valeur ajoutée pour ton pays, si tu as envie que ton pays soit vu sur le plan international, il faudra être original et rester traditionnel à la base. C’est cela mon idée.

Votre dernier mot ?
Baïdy : Je pense qu’il faut rester soi-même, car le Sénégal reste un Peuple indivisible. Par rapport à ce qui se passe politiquement, religieusement, il faut essayer d’être positif dans la manière de penser, car nous sommes un pays très sensible, mais en même temps très spirituel. Donc, essayer de préserver les acquis et retourner à nos valeurs. C’est très important et je pense que c’est la solution pour le futur. Et pour la nouvelle génération, essayer de leur expliquer qu’il ne faut pas désespérer, garder espoir. Ils sont notre avenir. Nous, nous avons fait 21 ans de musique. D’ici 20 ans, ce sera 41 ans de musique ou peut-être que nous ne seront plus là, d’autres viendront. Nous avons un magnifique pays, préservons-le.
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