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Réduction du mandat présidentiel: Les cinq cages "divisent" les juristes
Publié le mardi 5 janvier 2016  |  Sud Quotidien
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Le président a annoncé d`importantes mesures lors de son discours de fin d`année 2015




L’engagement du chef de l’Etat, Macky Sall, de réduire le mandat présidentiel de 07 à 05 ans, réitéré encore une fois lors de l’adresse à la Nation du 31 décembre dernier, n’a pas encore fini de susciter la polémique et la controverse. Après avoir longtemps divisé les spécialistes du droit comme les acteurs politiques des deux camps (pouvoir et opposition) sur la modalité ou procédure institutionnelle à utiliser (voie parlementaire ou référendaire), voilà que la réduction du mandat, via l’article 51 de la Constitution qui met en selle le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale, est en passe de créer une nouvelle confrontation d’ordre… juridique. Au centre du débat, on retrouve l’avis (consultatif ou contraignant, c’est selon) des «Cinq sages» saisis par Macky Sall pour se prononcer sur sa décision de réduire le mandat présidentiel.

Moins de soixante-douze heures après l’adresse à la Nation du Président Macky Sall confirmant la volonté de celui-ci à soumettre au peuple sénégalais un projet de révision constitutionnelle en 15 points, voilà que la polémique enfle sur la question de la réduction du mandat présidentiel et la saisine du Conseil constitutionnel, via l’article 51 de la Constitution. Et pour cause, ce sont d’éminents spécialistes du droit, au cœur de la genèse ou refonte envisagée de notre charte fondamentale (celle de 2001), qui étalent leurs divergences foncières sur la possibilité des «Cinq Sages» de s’opposer à la réduction du mandat en cours. A l’image du Pr Ismaïla Madior Fall, ministre conseiller juridique et président du comité de pilotage des réformes institutionnelles, et de Babacar Guèye, professeur agrégé de droit, de surcroît un des rédacteurs de l’actuelle Constitution. Invités en effet d’une radio privée de la place (en l’occurrence la Rfm), ces deux spécialistes du droit se sont opposés sans restriction sur l’avis du Conseil constitutionnel et son implication sur la réduction du mandat présidentiel.

Pour le Pr et ministre conseiller juridique Ismaila Madior Fall : le président de la République est obligé de respecter l’avis du Conseil Constitutionnel quelle que soit la décision de celle-ci. Pour autant, a-t-il affirmé, « Un avis qui est donné par un organisme consultatif peut être un avis consultatif ou conforme. Quand c’est un avis consultatif, ça ne lie pas l’autorité qui demande l’avis. Quand il est conforme, il la lie. Ici, on n’est pas dans le cadre d’un organisme consultatif, on est dans le cadre d’une juridiction constitutionnelle. C’est un avis judiciaire ». En somme, a fait comprendre le Pr Fall, si les « Cinq Sages » font savoir au Président Macky Sall qu’il ne peut pas réduire son mandat en cours, l’élection présidentielle devrait nécessairement se tenir en 2019. Pour la simple et bonne raison, a fait savoir le Pr Ismaïla Madior Fall, que « Les avis rendus par le Conseil Constitutionnel lient le président de la République. Il ne peut pas se soustraire à l’avis. Il est obligé de suivre l’avis du Conseil constitutionnel. Quel qu’il soit».

A QUEL DROIT SE FIER !

Cette position du spécialiste du droit et ministre conseiller est toutefois loin d’être partagée par le Pr Babacar Guèye, un des rédacteurs de la Constitution de 2001. Réagissant à la sortie du premier nommé, le Pr Guèye a fermement indiqué que le Président Macky Sall n’est pas tenu de se soumettre à l’avis que donnera le Conseil constitutionnel. « C’est juste un avis, et un avis qui ne lie pas le président de la République », a-t-il fait savoir. Par là, le Pr Babacar Guèye confirmait sa position sur l’avis des « Cinq sages », déjà établie sur l’édition n°6796 de Sud Quotidien du Samedi 02 janvier 2016. Interpellé sur la saisine du Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale, via l’article 51 de la Constitution, afin de se prononcer sur la volonté du chef de l’Etat de réduire le mandat présidentiel, le Pr Guèye avait dit sans ambages :« C’est une formalité obligatoire. Mais, les avis que les deux institutions vont délivrer ne sont nullement obligatoires, encore moins contraignants pour lui. Il peut passer outre… »

COMBINER LES ARTICLES 51 ET 103

Le Pr Guèye qui a ramé ainsi à contre-courant du ministre conseiller Ismaïla Madior Fall, est allé plus loin dans son argumentaire en récusant même le recours à l’article 51 de la Constitution dans pareil cas de figure. S’inquiétant en effet de la posture que prendra le chef de l’Etat, en cas d’un éventuel avis défavorable du Conseil constitutionnel du fait d’avoir choisi de passer par l’article 51, et attestant que « le Président devra faire preuve d’un grand courage pour aller contre l’avis du Conseil constitutionnel, même s’il est purement consultatif », le spécialiste du droit a indiqué qu’il y avait pour Macky Sall une voie plus simple et moins risquée. Au micro de nos confrères de Rfm, le Pr Guèye a ainsi dit : « C’est pour ça que je ne suis pas trop d’accord pour passer par l’article 51. Il y a un article qui est dédié à la révision constitutionnelle : l’article 103. La combinaison de l’article 103 et de l’article 27 permet tout à fait de faire cette révision, parce que nous sommes en face d’une révision et non d’une refonte de la Constitution. Si c’était une refonte comme en 2001, le chef de l’Etat serait obligé de consulter le président de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, mais là, nous avons affaire à une révision. (…) ».

L’une dans l’autre, les positions des deux constitutionnalistes avaient fini de renseigner à quel point les citoyens sénégalais risquaient d’être encore confinés dans la controverse juridico-juridique, dans cette question de réduction du mandat présidentiel. Qui plus est, d’être ballotés entre moult interprétations et argumentaires des dispositions de la Constitution comme ce fut le cas en 2011-2012, lorsqu’il s’est agi de valider la candidature de Me Abdoulaye Wade à un troisième mandat à la tête du Sénégal.

RETROACTIVITE DE LA LOI SUR LE MANDAT PRESIDENTIEL EN COURS : L’éclairage de Pape Demba Sy

Le Pr Pape Demba Sy, agrégé en droit et autre rédacteur de la Constitution de 2001, est formel : « le peuple a la possibilité de réduire le mandat et de l’appliquer au président de la République en cours de mandat ». Dans une interview exclusive accordée à Sud Quotidien, le 13/07/2015, le spécialiste en droit avait déjà clos, lui, le débat sur la rétroactivité de la loi en apportant son éclairage sur la polémique qui prenait de plus en plus corps au sein de la société. Extraits.

«D’abord, tous les juristes, je dis bien tous les juristes, ne sont pas des constitutionnalistes. Tous les juristes de droit public ne sont pas des constitutionnalistes. Il faut qu’on se comprenne. Ensuite, le droit constitutionnel a changé considérablement (il insiste-ndlr). Il est devenu un droit non plus institutionnel ou politique, mais un droit substantiel… Et ce droit ne peut plus être compris qu’à partir des positions du juge. Et ça, c’est valable dans tous les pays du monde, je ne parle pas seulement du Sénégal ».

Par conséquent, avait fait comprendre le Pr Sy dans son entretien avec Sud Quotidien, « Donc, on ne peut pas se lever et faire des raisonnements abstraits. On ne peut faire des raisonnements qu’à partir de l’aspect substantiel du droit constitutionnel et c’est ça qui fait que beaucoup de gens interviennent… Si le Président dit : « je veux réduire mon mandat et j’en appelle au peuple», tout le monde sait que le peuple est souverain et notre propre Conseil constitutionnel a eu à le dire. Il est même dit qu’en modifiant le règlement intérieur, l’Assemblée nationale est souveraine à plus fort raison le peuple. Alors, le peuple souverain qui a voté la Constitution et élu le président de la République, peut bien modifier la Constitution et décider aussi de l’appliquer au président ».

Qui plus est, avait dit le Pr Pape Demba Sy, « Donc, la question de non-rétroactivité soulevée aussi me fait rire. Je ne comprends pas, ils ne lisent même pas ce que dit le juge. La rétroactivité, ce n’est pas un principe constitutionnel sauf, en matière pénale. Si on est au niveau constitutionnel, ce que le peuple constituant peut faire, il peut le défaire ». En conclusion, le spécialiste avait affirmé : « De ce point de vue, il n’y a vraiment pas de problème particulier, le peuple a la possibilité de réduire le mandat et de l’appliquer au président en cours de mandat, parce que c’est le peuple qui est souverain. De ce point de vue-là, je ne vois pas pourquoi il y a un débat sur la question ».

THIERNO BOCOUM, DEPUTE A L’ASSEMBLEE NATIONALE SENEGALAISE : «Le Pr Ismaila Madior Fall a encore tout faux»

«Dans un débat à la Rfm, ce dimanche 3 janvier 2016 avec l’éminent professeur Babacar Gueye, le professeur Ismaela Madior Fall a déclaré que “ les avis rendus par le Conseil constitutionnel lient le Président de la République. Il ne peut pas se soustraire à son avis. Il est donc obligé de suivre l’instruction du Conseil quel qu’il soit”. La raison dit-il est qu’« on n’est pas dans le cas d’un organisme consultatif, mais plutôt dans le cadre d’une juridiction constitutionnelle.”

D’abord il faudra que le professeur Ismaela Madior Fall sache qu’une juridiction peut avoir une compétence juridictionnelle et une compétence consultative. C’est le cas du conseil constitutionnel et également du conseil d’Etat. En l’espèce c’est du rôle consultatif du conseil constitutionnel qu’il s’agit.

Ensuite ces consultations peuvent aboutir à un avis consultatif ou à un avis conforme.
Seul un avis conforme peut obliger l’autorité compétente à s’y plier. Ce qui n’est pas le cas pour un avis consultatif. Et en l’espèce, il s’agit bien d’un avis consultatif puisque l’avis conforme n’est exigé que lorsqu’un texte le prévoit expressément. Or, ni la constitution en son article 51 qui prévoit l’avis du conseil constitutionnel, ni la loi 92-23 sur le conseil constitutionnel modifiée par la loi 99-71 ne prévoient expressément un avis conforme en ce qui concerne la saisine du conseil constitutionnel par le President de la république dans le cadre d’une question référendaire.

L’avis du conseil constitutionnel n’engage donc pas le President de la république et il serait étonnant que cette juridiction refuse au President de la république de se référer au peuple souverain en ce qui concerne la réduction de son mandat.
Le professeur Ismaela Madior Fall n’est cependant pas à son coup d’essai en terme de manipulation de l’opinion sous le manteau de son titre de professeur.

Pour rappel, il avait déclaré à travers les ondes de la radio sudfm le 23 juin 2015, en voulant justifier la proposition de loi scélérate de cette 12ème législature sur le nombre requis de 1/10eme pour la constitution d’un groupe parlementaire, qu’ “en 2007, l’opposition avait boycotté les élections législatives. Ce qui a fait que les partis n’étaient suffisamment pas nombreux pour constituer un groupe parlementaire. Il fallait donc permettre à cette opposition d’avoir un groupe parlementaire. Autrement dit, c’est une règle qu’on avait instaurée parce qu’il y avait eu un boycott des élections législatives et parce que l’opposition était numériquement très faible.»
Faux: ce n’est pas en 2007 qu’il avait été convenu de retenir le nombre de 10 députés pour former un groupe parlementaire, mais plutôt en 2002. La loi 2002 du 15 mai 2002 en son article 20 disposait : «les députés peuvent s’organiser en groupes, par affinités politiques : aucun groupe ne peut comprendre moins de dix membres, non compris les députés apparentés, dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 23.”

Dans une interview accordée au journal l’Observateur le 8 juillet 2015, il avait déclaré : “ Le nombre constant, structurel (pour ainsi dire) dans l’histoire parlementaire du Sénégal a toujours été le dixième du nombre de député (8/80, 10/100, 12/120, 14/140, et aujourd’hui 15/150 avec la parenthèse 2002-2015 où il a été de 10/150).”

Faux : la loi 63/63 du 17 juillet 1963, portant règlement intérieur de l’assemblée nationale et publiée dans le journal officiel du 31 août 1963 disposait en son article 20 qu’un groupe ne peut être constitué que s’il réunit au moins 20 membres alors que l’assemblée nationale comptait 80 membres à l’époque. Il s’y ajoute que la loi portant règlement intérieur publiée dans le journal officiel de la république du Sénégal du 29 avril 1978 disposait qu’un groupe “ne peut être reconnu comme administrativement constitué que s’il réunit au moins 15 membres” alors que l’assemblée nationale en cette période ne comptait que 100 membres.

Dans cette même interview accordée au Journal l’Observateur, le Professeur Ismaïla Madior Fall est allé jusqu’à entrer dans des considérations philosophiques pour traiter une question de droit et ainsi déclarer irrecevable le recours des 19 députés en inconstitutionnalité devant le conseil constitutionnel. Il déclare que “le règlement intérieur de l’assemblée même si certains articles de la constitution continuent à faire référence à lui comme Loi organique et même s’il porte encore la mention Loi organique, est juridiquement devenu un acte non législatif, une simple résolution pouvant être coutumièrement assimilée pour les commodités de la procédure législative à une loi, mais que les députés n’ont pas rigoureusement le droit d’attaquer en inconstitutionnalité”
Faux : la loi organique sur le conseil constitutionnel (99-71) dispose clairement en son article 1er: “...Le conseil constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité des règlements intérieurs des assemblées”.
D’ailleurs, le conseil constitutionnel a par la suite déclaré recevable le recours en inconstitutionnalité des députés portant sur le règlement intérieur de l’assemblée nationale.
Le professeur Ismaela Madior Fall a le don de se tromper tout le temps et d’être reconduit pour occuper les devants sur les questions institutionnelles. La raison est qu’il est le seul spécialiste en droit qui accepte d’entacher sa crédibilité pour prendre en charge des projets sinueux de politiques vicieux qui ont décidé de se jouer du peuple pour faire prévaloir des intérêts bassement politiciens».
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