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Mise à disposition des paquets de service, dotation en manuels scolaires et entretien des infrastructures: L’Acte 3 étouffe des écoles primaires
Publié le samedi 12 decembre 2015  |  Enquête Plus
élève
© Autre presse par DR
élève dans une école primaire de la ville de Dahra




L’éducation est une compétence transférée aux collectivités locales, depuis l’entrée en vigueur de l’Acte 3 de la décentralisation, le 20 mars 2013. Mais cette réforme fait le malheur de certaines écoles primaires. D’après un constat fait sur le terrain, une bonne partie des établissements sous la tutelle des municipalités sont sans paquets de service (craie-cahiers-stylo-éponge…).



A l’école Manguiers 2, la dotation en manuels scolaires est effective. Cependant, selon les explications du directeur Wally Ndiane, les conditions de travail sont difficiles. Parmi les maux, il liste la non-disponibilité des paquets de service, l’entretien des salles de classe et des toilettes. En réalité, dit-il, la qualité n’est pas la meilleure. ‘’Il y a l’action de la mairie qui devait se faire sentir avec le transfert de compétences et les fonds de dotation venant de l’Etat. Malheureusement, l’usage qui en est fait pose problème, parce qu’ils devaient nous demander de faire l’expression des besoins.

Mais tel n’est pas le cas’’, se désole le directeur. M. Wally Ndiane n’apprécie guère l’absence d’accompagnement de la municipalité. ‘’Si je vous dis que toute l’année, nous recevons 8 boîtes de craie blanche et 4 de couleur, alors qu’un maître utilise en moyenne, dans le minima, une boîte de craie tous les quinze jours... L’année dernière, je n’ai rien reçu’’, se lamente-t-il. A cela s’ajoute le problème de la maintenance et de l’entretien des salles de classe. Ce qui lui fait dire que si ce n’était pas le comité de gestion, l’école serait foutue. Car, souligne-t-il, ce sont les parents d’élèves qui dépensent énormément en matière de craie. ‘’Depuis que je suis là, j’ai fait trois ans de service, il n’y a eu aucune intervention de la mairie au niveau des salles de classe, alors que l’éducation est une compétence transférée. Je vous assure que ce sont les parents d’élèves qui peignent les tableaux, réparent les tables-bancs. De manière globale, ils font tout’’, s’offusque-t-il. Un cas qu’il juge ahurissant et catastrophique.

‘’Le CGE agit à 90%’’

Cette année, le directeur Wally Ndiane admet tout de même, qu’à titre exceptionnel, ils ont reçu un lot de cahiers ainsi que des taille-crayons, des crayons, venant de la mairie. Une dotation qui a permis à chaque élève d’avoir deux à trois cahiers. Ce qui ne l’empêche pas de déplorer le problème de la maintenance. ‘’Tant que le comité de gestion de l’école (CGE) n’agit pas, rien n’est fait. Elle (la municipalité) avait programmé la réfection de toutes ces salles de classe. Depuis bientôt huit ans, rien n’est fait. Ils ont démoli nos fenêtres, les ont laissées ici et sont partis. Ce sont les gens qui se débrouillent’’, gémit le directeur qui attribue 90% de ce qui se fait au comité de gestion. ‘’Il y a des fenêtres qui ne s’ouvrent pas et le comité était obligé d’installer des ventilateurs dans les salles de classe. Il a remplacé les ampoules et paient les femmes de ménage, à raison de 30 000 F CFA par mois. Ce qui fait 360 000 F CFA par an.’’

Du côté de l’hygiène, la mairie ne donne qu’une bouteille de détergent et d’eau de javel. ‘’Vous savez que les cotisations sont interdites dans l’élémentaire. C’est vraiment dur ce que nous subissons. Il y a urgence à réfléchir et revoir certaines choses pour que l’enseignement aille de l’avant’’. Le chef de l’établissement prend l’exemple de son petit bureau qui est envahi par les toiles d’araignée. Il ne doit son salut, soutient-il, qu’à l’intervention de ses enfants qui viennent le secourir pour assurer le nettoiement. Au regard de toutes ces difficultés, il invite les autorités à une prise de conscience. ‘’L’Etat injecte beaucoup d’argent dans les collectivités locales. De 2 000 à nos jours, ce sont des milliards qui ont été versés aux collectivités locales. J’ai été conseiller pendant dix ans. Là où j’habite, je vous assure que les maires croient que si nous nous rendons là-bas pour leur demander de faire quelque chose, c’est comme s’ils nous donnaient de l’aumône. Ce n’est pas sérieux’’, fulmine-t-il.

Si l’on en croit ce directeur, les outils lui parvenaient correctement avant les transferts de compétences. Avant l’Acte 3 de la décentralisation, il n’y avait pas ce déficit, puisque l’Etat procédait directement à la distribution. Ainsi, il souhaite que les fonds destinés aux écoles soient utilisés à bon escient, pour que les enseignants puissent s’acquitter de leur travail correctement. Ceci dans le souci de garantir une bonne qualité de l’enseignement. ‘’Tant que les collectivités locales ne procèdent pas de cette manière, il n’y aura pas de rendements’’, prévient-il. M. Fall, enseignant en classe de CM2, dans son boubou traditionnel assorti d’un chapeau sur la tête, soutient qu’il y a deux types de déficit d’instruments d’apprentissage. ‘’Il y a un programme qui n’est plus adapté à l’éducation de base. Depuis quelques années, le programme a été changé et il y a la deuxième et troisième promotion du curriculum. Nous avons constaté qu’il y a toujours les livres dans les écoles publiques.’’ Un problème en phase d’être résolu. Il reste cependant le problème des outils, la qualité des tableaux, les perrons des salles de classe troués un peu partout, les rats qui circulent à longueur de journée, les fenêtres rouillées depuis des années, l’éclairage ainsi que l’encadrement des enseignants.

‘’La mairie m’a remis 7 boîtes de craie blanche et 7 de couleur’’

Non loin de Manguiers 2, il y a l’école Djaraaf Ibra Paye, ex-Manguiers 1. Il est 11 heures passées de quelques minutes. Les cris des élèves résonnent dans la cour. On saute, on court et on crie. Rares sont ceux qui restent dans les salles de classe pour revoir leurs leçons. La peinture des murs toute fraîche laisse croire qu’elle est récente. Là, tout semble neuf. Mais les outils didactiques font défaut, confie Niokhor Diouf, responsable de l’école. Il soutient que la municipalité ne lui a remis que 7 boîtes de craie blanche et 7 de couleur. ‘’C’est nettement insuffisant. Ça ne peut pas tenir pendant un mois’’, déclare le directeur.

C’est pourtant meilleur que l’année dernière où son établissement n’avait rien reçu. ‘’Pas de cahiers ni de craies, encore moins d’ardoises. Rien ! Chaque fin du mois, j’envoie ma secrétaire pour qu’on lui remette des produits détergents. Cette année, ils nous ont fourni des cahiers de 32 pages, 272 cahiers de 50 pages, 261 cahiers de 100 pages. Chaque élève peut avoir trois cahiers’’, détaille le directeur. Par contre, il apprécie l’effort de la ville de Dakar qui a offert cette année les tenues gratuitement, à raison de deux par élèves.

‘’Si l’école ne dépendait que des mairies, nous aurions fermé’’

A l’image de son collègue directeur de Manguiers 2, lui aussi est très remonté contre la municipalité. ‘’Si l’école ne dépendait que des mairies, nous aurions fermé nos portes depuis le début de l’année’’, se désole-t-il. Pour le moment, il ne peut compter que sur le comité de gestion pour faire fonctionner l’établissement. Un sentiment d’abandon qui le pousse à lancer un cri du cœur à l’intention des élus locaux. ‘’Ce que je voudrais dire aux autorités municipales, c’est que les fonds de dotation dont ils ont la responsabilité doivent servir aussi aux écoles. Qu’ils nous affectent une part à temps et en quantité suffisante’’. Et comme un malheur ne vient jamais seul, même les crédits de fonctionnement qui passent, depuis l’année dernière, par les inspections de l’éducation et de la formation (IEF) ne leur sont pas parvenus, ajoute-t-il. ‘’Qu’on mette les moyens. Si nous voulons de la qualité, il faut des moyens.’’

‘’J’ai de la craie pour toute l’année’’

Il est à noter toutefois que la situation n’est pas mauvaise partout. La directrice de l’école HLM 4, Siranding Dramé, elle, ne se plaint pas du tout. Au contraire, elle apprécie le travail du maire de sa commune Ababacar Sadikh Seck qui leur a remis quatre caisses de craie, une photocopieuse, des sacs pour chaque élève contenant six cahiers, une ardoise, deux stylos rouges et bleus, un crayon et une taille-crayon. ‘’Je n’ai pas de déficit concernant les outils pédagogiques. J’ai de la craie pour l’année. Un témoignage confirmé par le président du comité de gestion, Maguette Ba. Il reconnaît que le maire est en train de réaliser des efforts énormes. Selon lui, Ababacar Sadikh Seck attache un prix à l’éducation des enfants. Leur seul souci actuellement reste la pérennisation des initiatives. Les engagements du maire et la recherche de partenaires semblent les rassurer. D’où cette volonté d’aller plus loin. ‘’La situation de certains élèves nous amène à voir avec le maire s’il est possible d’installer des cantines dans l’école’’, révèle-t-il. Ainsi, il invite les parents à accompagner et encadrer les élèves, afin que les objectifs fixés soient atteints.

COMPTES BANCAIRES DES ECOLES

Les parents d’élèves rechignent à cotiser

Concernant la mise en place des comptes bancaires des écoles, les directeurs ont souligné que tous les parents d’élèves ne cotisent pas correctement. D’où la difficulté d’approvisionner les comptes bancaires ouverts au nom des écoles. Le directeur de Manguiers 2, Wally Ndiane, a du mal à récolter une somme conséquente, en dépit du fait que chaque élève doit verser 2 000 F. ‘’Nous n’arrivons pas à avoir 50 000 F CFA par an, sur un effectif de 239 élèves.

Nous nous débrouillons pour avoir des fonds.’’ La même situation est décriée à l’école Djaraaf Ibra Paye, ex-Manguiers 1. Là aussi, les cotisations sont fixées à 3 000 F. Mais, les parents ne déboursent pas. Il faut noter qu’à l’école primaire, il n’y a plus de frais d’inscription. Certains directeurs renvoyaient parfois des élèves pour défaut d’inscription. Mais depuis 2012, une circulaire interdit toute exigence de frais d’inscription à l’élémentaire.
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