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Présumée victime sénégalaise de Habré : Abdourahmane Guèye pleure son or et ses diamants
Publié le mercredi 25 novembre 2015  |  Le Quotidien
Ouverture
© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




Les victimes du régime de Hissein Habré ne sont pas seulement des Tchadiens. Hier, la Cour a entendu les témoignages du sieur Abdourahmane Guèye et de la dame Satta Gaye, la sœur de Demba Gaye mort en détention dans les prisons du Tchad. Abdourahmane Guèye, témoin et partie civile, est revenu sur les conditions de leur arrestation au Tchad. Il a eu plus de chance que son compatriote Demba Gaye, mais a perdu tous ses biens qu’il évalue à une trentaine de millions de francs Cfa. Il réclame justice.

C’est le Sénégalais Abdourah­mane Guèye et la sœur de Demba Gaye, Satta, qui étaient devant la barre hier pour faire leur déposition. A l’époque, Abdourahmane Guèye et Demba Gaye étaient des hommes d’affaires établis à Ban­gui, en Centrafrique. Ils s’activaient dans le commerce des bijoux en or et des pierres précieuses. Un jour, ils embarquent dans un avion militaire français en destination de Ndjamena. Abdourah­mane Guèye devait livrer une commande de bijoux et de pierres précieuses aux militaires français. A leur arrivée le 25 mars 1987, ils décident d’aller à l’aéroport civil de Ndjamena pour s’acquitter des formalités et déclarer leurs marchandises auprès de la douane. En cours de chemin, Abdourahmane Guèye, Demba Gaye et un autre Tchadien se font arrêter par le commandant de la sécurité présidentielle et envoyer à la Dds pour un interrogatoire. Un homme parmi ceux qui l’ont arrêté, tout de blanc vêtu, lui réclame sa mallette contenant des pierres précieuses, des bijoux en or d’une valeur de plus de 30 millions de francs Cfa. Ils sont accusés d’être des espions envoyés par le guide libyen Kadhafi. Les deux Sénégalais sont séparés : Demba Gaye est envoyé dans une autre prison alors que Abdourahmane est conduit au Camp des martyrs, dans une cellule assez vaste avec une trentaine de détenus. N’ayant été présenté ni à un procureur ni à un juge, ce Sénégalais, étonné, demande à un certain Mahamat Djamil, un capitaine détenu dans la même cellule que lui s’il pouvait avoir un avocat. La réponse du détenu était inquiétante : d’abord il a rigolé et m’a ensuite dit : «Dans cette prison, il n’y a pas d’avocat, ni de magistrat. Ici, c’est la Dds. Il faut juste prier Dieu», relate-t-il.
Abdourahmane reste dans cette cellule des mois durant. Des mois qu’il qualifie d’horreur. Expliquant en détail, il décrit la nourriture servie une fois dans l’après-midi. Du riz mal cuit avec une sauce à base de légumes et de viandes pourries cuit dans un fût rouillé. «Mahamat Djamil m’avait conseillé de ne pas toucher à cette sauce et de manger seulement le riz», soutient-il. L’ex-homme d’affaires dit avoir côtoyé des morts. «Un détenu est mort sous mes yeux après une longue agonie. On a passé la nuit avec lui et le lendemain, les gardes sont venus le sortir», témoigne la présumée victime. Le Sénégalais évoque également l’extraction du capitaine Mahamat Djamil, un Hadjarai emprisonné du fait de son appartenance à cette ethnie en disgrâce avec le régime de Habré. «Abaa Moussa et Abakar Torbo sont venus nuitamment l’extraire de la cellule ainsi que 10 autres. Et depuis ce jour, on ne les a plus revus», révèle Abdourahmane Guèye.

Abdou Diouf et le khalife Serigne Abdou Lahad Mbacké s’implquent pour sa libération
Malade et affaibli de jour en jour, Abdourahmane «désespéré» guette une issue jusqu’au jour où Abakar Torbo et Abaa Moussa viennent le chercher dans sa cellule. Ils l’amènent dans le lieu où il avait été dépouillé de ses biens. Abakar Torbo et Abaa Moussa lui aménagent une chambre. Ils l’autorisent à prendre un bain et lui donnent un djelaba et un caleçon. Il est présenté à un médecin militaire qui lui fit une perfusion. Il reste dans ce lieu une vingtaine de jours avant d’être libéré et amené au ministère de l’Intérieur du Tchad. Sur place, il retrouve l’ambassadeur du Sénégal au Tchad à l’époque, Pape Louis Faye. «C’est toi qu’on est venu chercher, Abdourahmane. Tu as eu plus de chance que ton compatriote Demba Gaye, il est mort en détention», déclare l’ambassadeur qui apprend ainsi à Abdourahmane Guèye la mort de son compatriote. Quant au ministre de l’Intérieur du Tchad, présent à cette rencontre, Ibrahima Itno (frère de l’actuel Président du Tchad), il s’est confondu en excuses et a promis à Abdourahmane Guèye de le dédommager, car disait-il, le Tchad et le Sénégal sont des pays frères.

C’est Alioune Tine qui m’a remis le certificat de décès de Demba Gaye en 2005
L’ambassadeur Pape Louis Faye, expliquant les détails de sa libération, confie à Abdourahmane Guèye que ce sont les plus hautes autorités sénégalaises qui se sont investies pour obtenir sa libération. Le Président Abdou Diouf s’était directement impliqué et avait saisi son homologue Hissein Habré. Entre-temps, du côté de Touba, Serigne Abdou Lahad Mbacké, khalife général des mourides, avait également saisi le ministre sénégalais des Affaires étrangères d’alors, Ibra­hima Fall, pour faire libérer le Sénégalais. Abdourahmane Guèye est certes libre, mais a tout perdu. Il chiffre ses biens à une trentaine de millions de francs Cfa.
Quant à la sœur de Demba Gaye, Satta, constituée partie civile, elle n’a pas été prolixe. N’ayant pas été témoin des faits, elle a juste informé la Cour des démarches qu’elle a faites après le décès de son frère. «J’ai été informée de sa mort en 1988 par les services du ministre des Affaires étrangères. Des démarches auprès de ces services nous ont permis de savoir que Demba avait laissé 90 mille francs Cfa, une montre Seiko, quelques pièces de diamant et une chaîne en or», informe la dame. Seulement, précise-t-elle, «la famille n’a jamais récupéré les biens, car on nous avait dit qu’il fallait un certificat de décès», soutient Satta devant la barre. Elle a dû attendre jusqu’en 2005. Et c’est Alioune Tine, alors secrétaire général de la Raddho, qui lui a remis ce fameux certificat.
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