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Le Synide de la miséricorde: Dans l’Église, les divorcés remariés civilement "devraient être plus intégrés ..."
Publié le mardi 24 novembre 2015  |  Sud Quotidien




Le Synode qui s’est tenu à Rome au mois d’octobre dernier s’est interrogé autour de la famille, en abordant la question des « divorcés remariés». Le texte final du synode en parle en ses articles 84 à 86. Un prétexte pour Sud de susciter le débat sur cette problématique en donnant la parole aux hommes et femmes d’église de même qu’aux fidèles laïcs. Mais ce qui ressort des débats est que le problème des « divorcés remariés » est abordé avec beaucoup de prudence puisqu’il touche au fondement même du sacrement du mariage chrétien.

«Ils devraient être plus intégrés et de différentes façons possibles. Le Saint-Esprit déverse aussi en eux des dons et des charismes pour le bien de toute la communauté ».
Le Synode de l’Eglise, dont le rapport a été publié dans le site de « Radio Vatican » le 24 Octobre passé, prêche pour une meilleure intégration des divorcés remariés dans l’Eglise, pour un discernement des différentes situations et pour un accompagnement pastoral qui les conduirait au repentir dans leur for interne.
Trois articles du rapport de ce Synode, ont été consacrés expressément aux divorcés remariés civilement. Une invitation à une attitude de miséricorde et d’intégration, à un discernement (différenciation) des situations et à un appel des divorcés-remariés au repentir dans le for-interne.

Le paragraphe 84 du rapport final, invite à un accompagnement pastoral, plaide pour une intégration et une participation des personnes divorcées et remariées dans les services à la communauté ecclésiale. « Les fidèles qui sont divorcés et remariés civilement devraient être plus intégrés dans les communautés chrétiennes, de différentes façons possibles, en évitant tout risque de scandale. La logique de l’intégration est la clé de leur pastorale, parce qu’ils savent seulement qu’ils appartiennent au Corps du Christ qui est l’Eglise, mais il peut y avoir une expérience joyeuse et fructueuse».

Une position qui se base sur le fait que ce sont des fidèles qui ont reçu de l’Esprit-Saint des dons et des charismes, qu’ils peuvent mettre au service de la Communauté ecclésiale. Par le fait de ne pas accéder à la table eucharistique, ils ne doivent pas se sentir excommuniés, «… mais ils peuvent vivre et grandir comme membres vivants de l’Eglise, et sentir comme une mère qui les accueille toujours, qui prend soin d’eux avec affection et les encourage dans la voie de la vie et de l’Evangile».

Une intégration que le Synode veut également étendre aux enfants des divorcés remariés, pour qui soins et éducation chrétienne sont jugés capital par le rapport. «Cette intégration est également nécessaire pour les soins et l’éducation chrétienne de leurs enfants, qui doit être considérée comme le plus important ».

Et à l’égard des chrétiens, le Synode se veut rassurant ; cette visée ne trahit nullement le caractère indissoluble du sacrement de mariage. « Pour la communauté chrétienne, prendre soin de ces personnes, n’est pas un affaiblissement de leur foi et de leur témoignage sur l’indissolubilité du mariage: l’Église exprime plutôt très soigneusement sa charité».

Charité également lorsque le synode demande de différencier les situations vécues par les divorcés remariés. En s’appuyant sur l’exhortation de Jean Paul II Familiaris Consortio, le paragraphe 85, invite les pasteurs à un « discernement » dans le traitement des différents cas, des personnes qui ont fait leur possible pour tenter de sauver leur premier mariage et ont été abandonnés injustement, le cas de ceux qui ont brisé un sacrement valide et enfin le cas de ceux qui ont contracté un second mariage pour le bien des enfants. «St. Jean Paul II a offert une politique globale, qui reste la base de l’évaluation de ces situations: “Les pasteurs doivent savoir que, pour l’amour de la vérité, sont obligés de discerner les situations. Il y a en effet une différence entre ceux qui ont sincèrement essayé de sauver leur premier mariage et ont été injustement abandonnés, et ceux qui, par leur propre faute grave ont détruit un mariage canoniquement valide. Enfin, il y a ceux qui ont contracté un second mariage pour le bien des enfants, et sont parfois subjectivement certains en conscience que leur mariage précédent, irrémédiablement rompu, n’a jamais été valide» (FC, 84) ».

Trois situations où la responsabilité de la personne est différemment engagée. Situations qui devraient par conséquent avoir différents traitements. «Le discernement pastoral, tout en tenant compte d’une conscience correctement formée du peuple, doit assumer la responsabilité de ces situations. Les conséquences des actes ne sont pas nécessairement les mêmes dans tous les cas ».

Le discernement pastoral devrait aussi vérifier la responsabilité du divorcé remarié envers ses enfants et envers la communauté des fidèles. «Les divorcés remariés devraient se demander comment ils se sont comportés envers leurs enfants lorsque l’union conjugale est entrée en crise; Bien qu’il y ait eu des tentatives de réconciliation; de même que la situation des partenaires abandonnés; quel effet a le nouveau rapport [nouveau lien] sur le reste de la famille et de la communauté des fidèles; comme telle, elle offre aux jeunes qui se préparent pour le mariage. Une réflexion sincère peut renforcer la confiance en la miséricorde de Dieu qui ne soit refusé à personne».

Enfin ce parcours de discernement devrait conduire le fidèle à une prise de conscience devant Dieu, c’est le paragraphe 86, qui évoquera la question du “for interne“. «Le processus de discernement dirige ces fidèles à une prise de conscience de leur situation devant Dieu. L’entretien avec le prêtre, dans le for interne, contribue à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une plus grande participation dans le la vie de l‘Église et les mesures qui peuvent favoriser et faire grandir». Humilité, confiance et amour pour l’Eglise et de son enseignement, sont selon le rapport, des conditions sine qua non pour parvenir à la volonté de Dieu et y apporter une meilleure réponse. « Pour ce faire, sont garanties les conditions nécessaires de l’humilité, la confiance, l’amour pour l’Eglise et son enseignement, dans la recherche sincère de la volonté de Dieu et le désir de parvenir à une réponse plus parfaite pour elle».

L’Eglise offre aux fidèles qui ont fait l’expérience d’un échec conjugal des portes de sortie, face à cette situation qui ressemble à une impasse. L’Église n’abandonne pas les divorcés remariés à cette situation, qui peut ressembler à une impasse. Elle leur propose plusieurs voies de sortie de cette « contradiction objective », la reconnaissance et la déclaration par une officialité de la nullité du premier mariage, la dissolution du premier mariage, la séparation du second couple, ou si cela n’est pas possible, son acceptation de vivre dans l’abstinence sexuelle. Le Motu proprio du Pape François, plaide en faveur de la formation de personnes compétentes, clercs et laïcs, pour ce service ecclésial.
Cf. http://fr.radiovaticana.va/news/2015/10/24/synode__un_rapport_final_sous_le_signe_du_discernement_et_de_la_tendresse/1181838

«...POURTANT L’EUCHARISTIE EST UN SECOURS POUR CEUX QUI VEULENT AVANCER SUR LE CHEMIN DE L’EVANGILE» : La cause des divorcés remariés plaidée par une étudiante

Si le divorce atteint durement les conjoints qui choisissent de se séparer, malgré une vie partagée et la joie d’avoir une progéniture, cette option est encore plus durement vécue par les enfants, qui, en revanche, n’ont rien eu à décider. Une étudiante qui a expérimenté cette souffrance de la séparation des parents, nous témoigne de sa relation brisée avec son père du fait de son remariage. Et comment son jugement a évolué, en travaillant sur un mémoire de théologie alors même que le thème était traité par le synode.

Inscrite dans une université catholique, M.T a choisi de faire son master de théologie morale sur la question de savoir si «les divorcés remariés peuvent accéder aux sacrements ? Présentation et évaluation morale de quelques propositions et exploration de la voie graduelle». Un sujet sur lequel s’interroge l’Eglise universelle. Mais au-delà du contexte d’actualité, son intérêt pour le sujet est lié à la proximité du thème du divorce qui a traversé sa vie d’adolescente. « Faire ce travail de mémoire a beaucoup fait évoluer ma perception des divorcés remariés. Je me revois encore adolescente, lancer à mon papa qui venait de se remarier : “tu n’es plus mon père”». Des mots brefs, mais chargés, un cri du cœur.

Mais si hier, son verdict à l’égard du remariage des divorcés, était sans appel, aujourd’hui sa position a beaucoup évolué, du fait de l’opportunité de ce travail de recherche. «Aujourd’hui encore, je pense qu’il est très grave pour un divorcé remarié de briser ainsi son alliance matrimoniale qui est sacrée. Du fait de cette rupture d’alliance, l’Eglise lui demande de ne pas communier sacramentellement à l’Eucharistie, parce qu’elle est le signe de l’Alliance entre le Christ et son Eglise».

Au-delà de la gravité de la rupture de l’alliance matrimoniale, qui entraîne que la personne doive s’abstenir de la communion, la thèse que défend notre étudiante en théologie morale, est que l’Eucharistie est un secours pour tout baptisé en cheminement vers la sainteté. «Pourtant, l’Eucharistie est un secours pour ceux qui veulent avancer sur le chemin de l’Evangile», soutient-elle. Ce « Pourtant » qui dit toute la controverse sur une doctrine matrimoniale parfois difficile à vivre par tant de fidèles.

Et en conséquence M. T de proposer que ce jeûne ne soit pas illimité, dans certains cas qu’elle définit rigoureusement. « Si donc le premier mariage est irrémédiablement détruit, si le second est stable et vécu dans des valeurs certaines, si encore des enfants en sont nés, si en plus le divorcé remarié tient à demeurer un membre actif de son Eglise et souffre de ce jeûne eucharistique illimité, qui lui est imposé par la discipline actuelle de l’Eglise, rien n’empêche que son cas soit étudié par son évêque. Rien ne s’oppose à ce qu’un cheminement spirituel lui soit proposé avec un prêtre et même avec un groupe restreint. Cela, pour relire l’expérience de son premier mariage et en tirer des leçons de vie. Pour aussi rencontrer éventuellement sa première épouse et ses enfants pour des demandes de pardon et pour vérifier que sur le plan matériel, ces derniers sont à l’abri du besoin ; que lui-même reçoive le sacrement de la réconciliation et ensuite celui de l’Eucharistie ».

Une exception à la règle qui retrace clairement des conditions et circonstances ou l’«Eglise témoignerait ainsi de la largesse du Père qui fait miséricorde à tout péché, sauf bien entendu le péché contre l’Esprit ».

Démarche de miséricorde et accompagnement pastoral et repentir. Une dynamique de progression, qui a tout son sens en cette année que l’Eglise a dédié à la miséricorde. Perspective qui va en droite ligne avec le rapport que le synode a adopté le 22 octobre dernier. La proposition adoptée par les pères synodaux veut que l’Évêque de chaque Diocèse discerne les situations et décide du cheminement et de sa durée au cas par cas.

LES EXIGENCES DU MARIAGE CHRETIEN DEBATTUES AU SENEGAL

Les fidèles chrétiens donnent leur avis sur le mariage tel qu’enseigné par le Christ. Quant à la question de la communion des divorcés remariés, la majorité des personnes interrogées se veut prudente.

CHOISIR LE MARIAGE EN TOUTE CONSCIENCE : Sœur Marie Diouf nous parle de la préparation au mariage

Abordant la question des divorcés remariés, le sourire qu’arbore notre interlocutrice, nous fait sentir qu’il y a quelque qui cloche. En effet, si les profanes que nous sommes, usons sans réserve du terme « divorcé remarié », pour l’Eglise, c’est un abus de langage. «Je souris, parce que dans l’Eglise, canoniquement on ne parle pas de divorce, le terme utilisé, c’est la nullité du mariage. Au niveau du tribunal ecclésiastique, on constate que le mariage n’a jamais existé, qu’il n’y a jamais eu de mariage, à cause de vices de forme ou de vices de fond intervenus avant ou pendant la procédure qui a conduit au mariage. En constatant à posteriori, que les conditions pour qu’il y ait mariage n’étaient pas réunies, on permet alors aux époux de faire une «sanation», c’est-à-dire de se marier, soit avec le même conjoint, soit avec un autre de leur choix».

Mais il n’y a pas que la sanation, que l’Eglise offre comme porte de sortie aux conjoints, lorsque la vie commune devient impossible ou risquée pour l’une ou l’autre des parties, comme l’explique la Sœur Marie Diouf. «Il y a aussi le cas de la séparation de corps, quand des torts n’ont pas été pardonnés ou qu’il y ait une forme de vie dure pour l’un des conjoints ou pour les deux, on peut leur permettre de faire une séparation de corps, en espérant une réconciliation».

En tout état de cause, le divorce prononcé par un tribunal civil est banni de la réalité ecclésiale, selon la sœur : «étant donné que l’Eglise n’admet pas le divorce, je ne peux pas me permettre de parler de divorce, ni de remariage des divorcés», poursuit-elle.
Mais si le terme ne sied pas à la situation, la réalité est quand même là, des fidèles mariés, ont malgré tout contracté un second lien, sans avoir fait constater la nullité de leur premier mariage. Une situation bien triste, selon l’appréciation de la Canoniste. «C’est triste pour eux, c’est triste pour l’Eglise et pour nous. Les époux eux-mêmes sont dans la tristesse. Parce qu’ils se sont engagés de façon sérieuse. Mais à cause des aléas de la vie, ils en arrivent à rompre leur mariage».

Un second lien qui ne reste cependant pas sans conséquence, dans la vie de foi de ces fidèles. Ce que nous précisera la canoniste. «Au niveau canonique, s’ils contractent un second lien, ils ne peuvent plus s’approcher de la table de la communion, parce qu’ils ont rompu leur communion avec l’Eglise et ils le savent», nous précise la Sœur.
Une situation d’irrégularité canonique qui coupe le fidèle de l’accès aux sacrements. Et si les personnes qui font ce choix de secondes noces, n’étaient pas conscientes de cette restriction ? De l’avis de la formatrice, tous ceux qui suivent les sessions de préparation au mariage en doyenné sont suffisamment informés de cette disposition. «Dans les sessions de préparation au mariage, j’évoque ce sujet ; les époux sont donc informés de ces dispositions de l’Eglise», nous rassure Sœur Marie Diouf. «Oui, on leur dit que le mariage est un sacrement irrévocable, qu’on s’y engage pour la vie. Une fois que le mariage est valide, il devient sacrement, donc irrévocable. Les conditions de la validité du mariage sont d’abord la validité du consentement, ensuite la validité de la forme du mariage et enfin qu’il n’y ait pas d’empêchement (respecter l’âge du mariage, se marier en toute transparence, c’est-à-dire qu’on ne doit pas tromper l’autre pour se marier, le consentement libre du mariage, les mariages avec consanguinité jusqu’au 3ème ou 4ème degré... Les empêchements sont au nombre de 11)».
La préparation au mariage

La préparation au mariage, une étape de formation importante dans le parcours conjugal et qui a son sens. Les futurs époux sont invités à se former, pour d’une part, prendre la pleine mesure de leurs engagements dans le mariage, et d’autre part se former à une fidélité qui dure toute la vie.

C’est dans la cour des Martyrs de l’Ouganda, une paroisse sise à Dieuppeul, que nous avons vu cette cellule en action. Une belle animation, cet après-midi du jeudi 15 octobre. Beaucoup de jeunes présents dans et devant la salle Georges Courrier, du nom du premier curé de cette paroisse. Ce sont les aspirants au sacrement du mariage, venus de tout le doyenné du Grand-Dakar-Yoff, pour assister aux jeudis de préparation au mariage. Nous pouvons distinguer dans l’équipe d’animation de cette cellule Me Henri Gomis, avocat au Barreau, des prêtres dont l’Abbé Simon, Curé doyen et notre interlocutrice, la Sœur Marie Diouf. C’est elle qui devait animer la session du jour, portant sur le canon du mariage catholique. Une religieuse Sénégalaise, la cinquantaine, petite de taille et tout de blanc vêtue, son voile, sa robe de religieuse et sa croix au cou. C’est elle qui se prêtera volontiers à nos questions sur l’actualité de l’Eglise universelle, le synode sur la famille. «J’interviens dans la préparation au mariage des jeunes couples depuis 2001, en tant que canoniste. Comme autre charge, je suis la Supérieure Générale des Filles du Saint Cœur de Marie. Une congrégation religieuse fondée au Sénégal en 1858, qui a pour charisme l’évangélisation de l’Afrique». Spécialiste du droit canon, qu’elle enseignait au Centre saint Augustin, elle nous donne des éclairages sur le thème du mariage. «Je fus chargée de cours au Centre Saint Augustin de 2001 à 2012 ; un centre qui forme les futurs prêtres et religieux, mais admet aussi des laïcs depuis 2ans, pour un parcours philosophique et théologique».

Poursuivant notre entretien, sur la cause des nombreux divorces, la formatrice s’interroge elle-même sur la conscience qu’ont les futurs époux qu’elle forme, de l’importance donnée à cet engagement et comment ils reçoivent et assimilent les connaissances transmises lors des sessions de cette préparation au mariage. «Moi, j’assure une séance sur le droit canonique, je leur explique qu’est-ce que le mariage, les finalités du mariage, dans quelles conditions le consentement est dit valide et enfin les empêchements au mariage. Je termine avec la forme qui est requise pour que le mariage soit valide».

Elle n’est pas la seule à intervenir dans la formation. D’autres modules sont dispensés lors de ces sessions, par des juristes, des sexologues, des laïcs mariés, les Religieuses des Maternités catholiques et des prêtres. «En dehors de cela, il y a une session en Droit civil et une autre sur le don de la vie. Les futurs époux reçoivent également le témoignage d’un couple marié ; on les entretient de la gestion de leur sexualité ; et avec une journée de récollection, ils découvrent avec un prêtre, les aspects théologiques du mariage».
Mais si cette session de formation dispose d’un contenu pour bien outiller les futurs époux à comprendre le sacrement qu’ils demandent à l’Eglise de célébrer, ne faudrait-il pas en sus, leur donner les bases d’un amour pérenne, capable de fonder une fidélité pour la vie ?
L’amour romantique ne dure pas…

La Sœur Marie Diouf est d’avis qu’il faille éduquer même l’affectivité des jeunes candidats au mariage, parce que l’amour romantique ne dure pas. «Pour les préparations au mariage, j’aborde moi-même un questionnement sur l’amour. Je pose la question aux futurs époux de savoir ce que c’est que l’AMOUR ; s’il peut être le fondement juridique du mariage ? Est-ce qu’on peut parler de l’amour en droit et en faire un droit ? En général, ils pensent que l’amour, c’est le sentiment. Oui, l’amour «eros» [amour entre un homme et une femme] est très important, mais il ne peut pas constituer une base pour le mariage. Il faut aller à un amour qui soit responsable, qui s’engage, un amour «agape» [amour de Dieu, qui se donne et n’attend pas de réponse] qui soit charité et qui oblige à un devoir d’engagement et de responsabilité vis-à-vis de son conjoint. Sinon le mariage ne peut pas durer».

Un mariage qui dure, traverse le meilleur mais aussi le pire. Sans vouloir juger ceux qui renoncent à partager le pire de l’union conjugale, la Sœur se demande sur quel type d’amour ont été bâtis les couples qui se séparent. «Je ne peux pas les condamner, ni les juger [ceux qui séparent]. Ils vivent des souffrances dont eux seuls sont conscients. Je ne peux pas dire non plus qu’ils se soient engagés d’une façon légère : ce sont des adultes qui s’engagent et non des enfants. Mais ont-ils mesuré l’engagement qu’ils ont pris ; toutes les implications du mariage ? Peut-être oui… Est-ce que l’amour sentimental n’a pas été premier, est-ce qu’ils se sentent responsables l’un de l’autre? Les aléas de la vie, les portent peut-être à se séparer ? Est-ce qu’ils ne se marient que pour le meilleur et quand arrive la souffrance…».

La croix, c’est-à-dire la souffrance, est une dimension de la vie de tout disciple du Christ, pense-t-elle. « Dans la session de préparation au mariage, j’aborde la dimension de la croix dans le mariage. Notre modèle, c’est le Christ qui est l’époux ayant aimé l’Eglise jusqu’à donner sa vie pour elle. Le mariage est figure du Christ époux de son Eglise. Il faut que les jeunes chrétiens en arrivent là, à l’aspect de la croix. Quand Saint Paul parle du mariage, dans l’épître aux Ephésiens, il dit : « ce mystère est grand ! Je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise ». Il est grand parce qu’il est sacrement et parce que c’est un amour qui se donne… jusqu’à la mort. En se mariant, il faut penser à donner sa vie pour celui ou celle qu’on aime. Si on n’a pas cette vision de l’amour, c’est difficile de réussir le mariage chrétien! Parce que quand arrive la souffrance, on en oublie cette dimension de l’amour qui donne sa vie».

Difficile de réussir le mariage, mais si tous s’y mettent, le couple, ceux qui les préparent au mariage, comme leur entourage, il y a de l’espoir, pense la sœur. «Que les couples s’interrogent sur le type d’amour qu’ils mettent en avant, s’ils sont prêts à cet amour qui se donne jusqu’à la croix. Que ceux qui les préparent au mariage soignent cette préparation. Au bout du parcours, si le prêtre se rend compte que le couple n’est pas prêt, ou si l’une des parties essaie de tromper l’autre, qu’il y ait vice de forme ou de fond, qu’il puisse différer, voire renoncer à la célébration du mariage. Il y aura moins de problèmes au tribunal. Il faut en arriver là». Elle lance ainsi un appel à la responsabilité et à la maturité de tous, pour le bien du couple.

M. AUGUSTIN NDIAYE, MARIE ET PERE DE FAMILLE DEPUIS 18 ANS : « La spiritualité conjugale des équipes Notre Dame, nous a bien aidés »

L’Eglise accorde une attention particulière à la famille et demande aux Communautés de faire preuve de miséricorde pour intégrer les divorcés remariés en leur sein. Une recommandation qui, de l’avis de ce responsable d’équipe Notre Dame, cadre avec les commandements du Christ : « C’est ce que le Christ nous demande. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre, parlant de la femme surprise à commettre l’adultère. Néanmoins, le Christ n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir. Il y a des règles dans toute société. Je ne les juge pas, il faut accueillir ceux qui sont divorcés et qui se sont remariés. Mais on ne peut pas permettre un second lien ; l’Eglise ne serait pas cohérente avec les personnes à qui elle a donné le sacrement, en premier».
Une démarche de cohérence qu’il propose de retrouver dans la réconciliation des époux séparés, pour éviter les abus. «J’ai des amis qui sont dans cette situation. Je leur conseille de retrouver leurs épouses dans une démarche de réconciliation. Sinon, ce serait la porte ouverte à tous les abus».
Pour ce qui est de l’effort des communautés à intégrer les divorcés remariés, Monsieur Ndiaye pense que des groupes comme les Equipes Notre Dame, ont une autre cible, que ceux-là. «Nous sommes en train de réfléchir avec l’Evêque, pour mettre sur pied une cellule d’écoute qui accueillerait des couples en difficulté. Dans ce cadre, on pourrait aider les divorcés remariés, mais pas nous ouvrir à des couples qui n’ont pas un mariage sacramentel».

Dans les équipes Notre Dame, Monsieur Ndiaye affirme avoir trouvé une spiritualité pour sa vie de couple. «Grâce à la spiritualité conjugale des équipes Notre Dame, où nous avons adhéré depuis 2009, mon épouse et moi arrivons à surmonter nos problèmes. Nous avons fêté nos 18 ans de mariage».

Pour nous faire découvrir cette spiritualité, le responsable de secteur nous explique que 7 piliers fondent ce mouvement où les couples cheminent ensemble et partagent leurs expériences. «Dans les équipes, il y a 7 piliers que l’on demande de vivre. Le couple prie ensemble, si possible avec les enfants ; il lit la Bible et partage sur la parole ; il fait l’oraison. La spécificité des équipes Notre Dame, c’est le «DSA», devoir de s’asseoir. Chaque couple doit se retrouver seul, une fois dans le mois, dans un endroit approprié (parfois même au restaurant). Il se met en présence du Seigneur, pour discuter calmement des problèmes qui concerne leur vie conjugale. Il cible les points concrets d’effort, il pratique régulièrement la prière conjugale, assure une retraite de 48 h une fois l’an et applique une règle de vie. Si le mari par exemple fait le « afterwork » [prendre un pot après le boulot], sa résolution sera de rentrer plus tôt à la maison, après le travail».

Malgré tous ces principes et règles, les couples équipiers rencontrent comme la majorité des couples des hauts et des bas. Difficultés qui parfois peuvent les conduire au divorce, d’après l’animateur d’équipe. « Les couples qui fréquentent les équipes ND ont aussi des difficultés. Les anciens nous ont dit qu’il y a eu des cas de divorce. Certainement que les équipiers n’ont pas vu venir le coup. Il y en a qui trichent et ne veulent pas partager leurs difficultés. Mais si les gens viennent en couple, le fait de parler, de prier et de partager les problèmes, on arrive à surpasser et parfois même à en rire. On a aussi vécu le cas d’un jeune couple, moins de 4ans de mariage, qui était juste venu pour nous annoncer qu’ils vont se séparer. Mais durant la rencontre, ils ont entendu les anciens partager des problèmes tellement plus graves que les leurs et ils se sont ravisés. Comprenant que leur cas, n’était rien en comparaison de ce qu’ils ont entendu. Ils sont restés ensemble jusqu’à aujourd’hui».

Les facteurs qui déstabilisent les couples de l’avis de M. Ndiaye sont multiples. « Il y en a qui s’enferment dans leurs problèmes, croyant qu’ils sont seuls à vivre ces difficultés. Il y a des couples qui refusent de progresser. La relation en elle-même, évolue et les gens veulent toujours vivre le temps de leurs fiançailles. Les enfants naissent, on est confronté au problème d’éducation, au problème financier. Lorsqu’on s’obstine à vouloir vivre la douceur des premiers instants, cela peut pousser à aller voir ailleurs».

Dans son analyse du divorce, Augustin cible des difficultés qui émanent parfois des femmes, mais aussi les hommes ont leur part de responsabilité. «Il faut que les femmes prennent le temps de jouer leur rôle à la maison. On dit souvent qu’un seul salaire ne suffit pas et que la femme doit travailler. Dans la majorité des couples qui ont divorcé, les femmes travaillent, gagnent bien leur vie et parfois ont un salaire plus élevé que celui de leur mari. Ça ne me dérange pas que la femme travaille, mais que cela ne l’empêche pas de jouer son rôle dans le foyer. Pour les hommes, les facteurs de divorce tournent autour de la sexualité. Dès que les enfants commencent à naître, le centre d’intérêt de son épouse change et c’est la voie ouverte à l’infidélité».

Le conseil qu’Augustin recommande aux couples qu’il accompagne, c’est de maintenir la communication, de se pardonner et d’avoir beaucoup d’humilité. «Il faut veiller à ce que la communication ne soit jamais rompue. Il arrive des moments où il y a blocage dans la communication. Il faut amener l’autre à comprendre ce que l’on attend de lui ou d’elle. Quand on a tort, avoir l’humilité de demander pardon et de pardonner, peut débloquer la situation, et on recommence. Le mariage est une école de pardon, une école d’humilité. En prenant le Christ comme modèle, on pourra supporter. Il est venu soigner, guérir… et on l’a tué. Sur la croix, il a pardonné. Mais on dit bien que ce qui est folie pour les hommes, est sagesse pour Dieu».

Cette expérience de vie conjugale, de la famille Ndiaye est mise à contribution dans la préparation des mariages du Doyenné de Plateau-Médina. «Avec mon épouse, nous participons aux sessions de préparation au mariage, pour partager notre expérience aux futurs mariés. Ce qui apporte un aspect pratique à ces sessions. Avec ces échanges, les jeunes savent ce qui les attend dans le mariage».

RESTEE SEULE APRES UN DIVORCE : Une maman témoigne : «J’avais 40 ans et 4 enfants à charge»

Divorcée à l’âge de 40 ans, une maman qui veut garder l’anonymat, accepte d’expliquer comment elle est restée fidèle au sacrement du mariage, 27 ans durant. «Mon divorce a été une douloureuse expérience ; mais par la grâce de Dieu, je m’en suis sortie. Je suis une catholique pratiquante et je sais que l’Eglise ne permet pas le divorce. Séparation de corps oui, mais le divorce n’existe pas dans l’Eglise catholique. Moi, j’ai sauté le pas, j’ai été jusqu’au divorce. Ce n’était pas de gaité de cœur que j’ai demandé le divorce, mais c’était un moindre mal, par rapport à ce que je vivais».

Si elle a sauté le pas du divorce, elle n’a pas voulu franchir le seuil du remariage après le divorce, malgré les charges auxquelles elles devaient faire face, nous explique Mme D.C. «Ce qui m’a permis de rester fidèle à ce que me demande l’Eglise, c’est-à-dire de m’abstenir d’un second mariage, c’est la foi. J’étais alors âgée de 40 ans seulement. J’avais 4 enfants à charge et le plus jeune n’avait que 12 ans. Je suis restée seule 27 ans. Pourtant ce ne sont pas des occasions de remariage qui ont manqué. Mais je me suis fondée sur la parole de Dieu «que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni».

Rester fidèle au sacrement et se consacrer à ses enfants pour être à la fois leur mère et leur père, voilà le but que poursuivait Mme D.C, après son divorce. «J’avais fait l’option de consacrer ma vie à mes enfants, car une vie donnée aux autres n’est jamais perdue, elle est plutôt réussie. J’ai donné ma vie à mes enfants, j’ai été et leur père et leur mère… sur le plan matériel je veux dire. Parce que sur le plan affectif, l’enfant d’un divorce est seul à savoir ce qu’il peut ressentir, malgré tout l’amour qu’on peut lui témoigner. Je n’avais pas su être une bonne épouse, mais cela ne dépendait plus que de moi, de rester une bonne mère pour mes enfants. En plus, si je me remariais, je ne pourrais plus m’approcher des sacrements. J’ai donc mis sur la balance, mon désir personnel et ce besoin de recevoir les sacrements».
Le conseil que cette Maman donne aux personnes qui sont devant ce dilemme du remariage, c’est de faire le bon choix. «Sur la base de mon expérience, je dirai aux personnes séparées, de faire le bon choix entre le remariage et leurs sacrements, «kounéak li la Yesujaral» [suivre Jésus a un prix]. Si tu mets Jésus au-dessus de tout, quelles que soient les difficultés, avec sa grâce, tu vas y arriver. C’est très difficile de rester seul après un divorce. L’option de la solitude est un véritable sacrifice».

Son opinion sur les orientations de ce Synode d’octobre 2015, d’intégrer les divorcés remariés, penche pour la prudence. Elle propose de limiter l’accès des divorcés remariés aux sacrements, au temps pascal. «Pour l’admission des divorcés remariés à la communion sacramentelle, ma crainte, c’est que trop de facilité ne conduise à un désordre. Si ça devait se faire, on pourrait les admettre à la communion, une fois par an, au temps pascal ; mais pas de leur faciliter ça. On risquerait ainsi de banaliser le sacrement du mariage, qui est très beau. Se marierait alors qui veut et divorcerait aussi qui veut. L’Eglise est très sage. Moi, quand je vois tous les mariages célébrés par an, je me demande aussi combien vont tenir? On laisse partir les couples et il n’y a pas de suivi. Parfois il y a des expériences catastrophiques».

Des catastrophes que l’on pourrait limiter, selon elle, en ayant des critères de choix du conjoint qui soient plus profonds. «Le synode a repensé sur la famille et c’est le mariage qui est le cadre idéal pour la famille. Qu’il y ait des critères plus profonds pour le choix des conjoints. La beauté est éphémère, il faut regarder les qualités de la personne», nous dit-elle.

Analysant la situation des personnes restées seules du fait d’un divorce, elle attire l’attention sur les risques d’apostasie qui guettent celles qui sont plongées dans la précarité. «L’Eglise doit mener une pastorale pour ces fidèles, qu’on a tendance à laisser de côté. Les prêtres qui ont célébré ce mariage, les parents du couple et les groupes d’action, ont un grand rôle à y jouer. L’homme autant que la femme ont besoin d’un accompagnement spirituel et d’un suivi psychologique après un divorce. Mais ces personnes ont surtout besoin d’une aide matérielle. Parce que beaucoup de femmes restées seules, abandonnent la religion catholique, quand on leur propose le remariage. Ne pouvant faire face seules, aux besoins de leurs enfants en bas-âge, elles cèdent. Et qu’est-ce qu’une mère ne ferait pas pour son enfant?».

Convaincue qu’un divorce ne peut être réussi, Mme D.C regrette que certaines mamans encouragent leur fille dans les difficultés, à quitter le foyer conjugal. «Un divorce n’est jamais réussi, même s’il est prononcé au tort exclusif du conjoint, tous sont perdants. Il y a aussi le regard des autres qui vous juge. Dans le cas de mon divorce, nous avons été renvoyés plusieurs fois avant que le tribunal ne prononce le divorce et c’est moi, qui ai insisté. Ma famille comme ma belle famille, sont intervenues pour arranger. Si ça ne dépendait que des deux familles, on n’aurait jamais divorcé. Aujourd’hui, il y a des femmes qui disent à leur fille « Sooguissoullokham, ngadem » [prends tes bagages !]. Parce qu’elles ne supportent pas de voir la souffrance de leur progéniture. Ma maman à moi, partageait son ravitaillement avec moi et me disait « delloul ci sa sey » [retourne dans ton ménage]. Si ça ne dépendait que d’elle, jamais je n’aurai divorcé», raconte-t-elle.

Une expérience certes douloureuse, mais qui n’entame en rien les convictions que notre maman nourrit sur la beauté du mariage. «Je dirai aux jeunes que le mariage est une très belle chose. Mais il faut comme soubassement de la relation conjugale, un amour vrai, c’est-à-dire du respect, de la fidélité et de la confiance», exhortera-t-elle.

LE CARACTERE SACRE DU MARIAGE CHRETIEN FREINE L’ACCES DE CERTAINS AU SACREMENT : Un jeune marié se confie

Le caractère sacramentel du mariage, pousse certains fidèles, comme nous venons de le voir, à rester dans la solitude, après une séparation. Mais il en amène d’autres à différer le sacrement, préférant commencer la relation conjugale par un mariage civil. Marié civilement depuis 2009, ce fidèle de 48 ans est père de 2 filles, qu’il dit magnifiques. Rencontré à la sortie de la messe en semaine, dans la paroisse des Martyrs, il se laisse convaincre pour nous expliquer son option pour le mariage civil. « Il faut bien étudier la question du mariage, qui est un engagement qu’on ne doit pas prendre à la légère. Il faut être conscientisé sur les fondements du mariage chrétien», pense-t-il. Selon R.D «il faut que les gens soient préparés avant de s’y engager. Le mariage n’est pas facile, il faut accepter d’y porter sa croix. Alors il faut dès l’entame s’y préparer. Et ne pas s’engager parce que tel ou tel se sont mariés, mais par conviction profonde. On a dit que c’est pour le meilleur et pour le pire». Ce qui l’étonne, c’est «pourquoi accepter alors de vivre le meilleur et ne pas s’attendre au pire? Se marier, c’est s’engager avec l’être qu’on dit aimer, et surtout le soutenir dans tous les moments de la vie, dans la peine, la joie et les difficultés bien sûr», renchérit-il.

Si son mariage à l’état civil seulement, lui autorise le divorce et reconnaît un second remariage, notre interlocuteur n’en croit pas moins aux principes que défend l’Eglise. «La fidélité pour la vie est possible, bien que très difficile. Si le remariage est facile, on cautionnera aussi le divorce. Le divorce ? Oui, mais… que ce soit selon l’esprit de la séparation accordée par l’Eglise. C’est-à-dire, un temps mis à profit pour une introspection. Réfléchir si on veut continuer sa vie aux côtés de ce conjoint, jusqu’à ce que la mort vous sépare, ou si on désire continuer seul. Alors je dirai que je suis contre le remariage et pour le divorce, en des cas extrêmes», renforce-t-il. «La réconciliation est toujours possible. Le cœur d’un chrétien doit être toujours disposé à pardonner. Mais encore faudrait-il qu’à la base, on se dise la vérité, qui elle, réconcilie. Quand on cache la vérité, la réconciliation n’est pas possible. Vérité et amour vont de pair, Justice et paix aussi», soutient-il.

Pour R.D, que l’Eglise porte une attention particulière à la famille, est une bonne chose, puisque «la famille c’est la cellule de base de la société ; quand une société ne va pas, ça veut dire que du côté de la famille, ça ne marche pas non plus. Il est important alors d’accorder une grande place à la famille, de prendre les mesures correctives idoines, afin de mieux l’orienter et partant de mieux orienter la société».

Une attention particulière conviendrait également aux enfants, pense-t-il, et surtout en situation de crise familiale. «C’est là le plus grand problème. Beaucoup souhaitent demeurer dans les liens du mariage pour sauver les intérêts des enfants. Mais n’est-ce pas un danger si ceux-ci vivent certaines situations dans l’espace familiale : violences verbales au début, violences physiques par la suite. Il faudra éviter ces situations aux enfants. Et en cas de séparation, il faut préparer les enfants, leur expliquer ce qui se passe dans l’espace familial».

Quand on lui demande s’il est pour ou contre un accompagnement des divorcés remariés à redécouvrir la miséricorde de Dieu, le sentiment de ce fidèle est ambivalent. «Le fondement du mariage chrétien exclut le remariage après une séparation, mais les divorcés remariés sont aussi des fidèles. Leur accompagnement est une bonne chose. C’est déjà un pas pour que l’Eglise comprenne les problèmes que vivent les fidèles, dans la société. Parce qu’il y a des évolutions. Alors vivement que l’Eglise trouve une solution». Une démarche qui ne sera pas facile, supposant la relecture d’une histoire de vie et des plaies qui risquent de se rouvrir. «Forcément on va revivre une partie de son passé. Mais c’est le seul cheminement qui puisse mener à une paix personnelle et à la paix entre les conjoints. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œuf. Le salut va être obtenu quand au plus profond de soi, on souhaitera vivre une conversion».

Une conversion à opérer par les pénitents, mais aussi par les communautés ecclésiales que l’Eglise invite à mieux intégrer ces fidèles en leur sein. «Que les personnes se sentent accueillies dans la communauté, oui. Que les personnes participent à la vie et aux services de l’Eglise, oui c’est important. Mais jusqu’à quel niveau il faut les impliquer dans la vie de l’Eglise? Il faut quand même garder une certaine mesure ».

Pour ce qui est de la préparation des jeunes, en vue du sacrement de mariage, R.D pense à une préparation lointaine qui incombe à toute la société. «Il faut mieux encadrer les jeunes aujourd’hui. Il y a beaucoup de laisser-aller, des plus hautes autorités, jusqu’à la plus petite cellule qu’est la famille. Le quotidien des familles Sénégalaises est rythmé par les séries télévisées, qui nous viennent de la coopération culturelle étrangère et qui ne cadrent pas du tout avec notre culture, nos réalités. Les réseaux sociaux qui influencent les jeunes. Ouverture au monde, oui ; mais il faut s’enraciner, mettre des garde-fous pour éviter les déperditions», se défend-il. « Il faut éduquer les jeunes filles à une intelligence sociale ; ce sont elles qui doivent porter la société de demain. Elles sont une matrice, elles sont appelées à enfanter et à éduquer. Il faut les retourner aux valeurs d’intégrité, au respect de soi et à un port vestimentaire décent», poursuit-il. «L’argent a gangréné le monde. Il faut que les hommes retournent à la religion, qu’ils écoutent les prêches», se désole-t-il.

ABBE ALPHONSE DIOMAYE NIANE CHANCELIER, SECRETAIRE GENERAL ARCHEVECHE DE DAKAR : «Nos jeunes doivent comprendre qu’en matière de vie conjugale, il est possible d’aimer, de douter, voire de se décourager, mais...»

L’Eglise a suscité, au mois d’octobre dernier, la réflexion sur la famille, sans occulter la question de l’admission à la communion des divorcés remariés. Dans cet entretien, Abbé Alphonse Diomaye Niane demande aux jeunes de changer de regard sur la vie conjugale (avec des divorces de plus en fréquents), en se disant « qu’il est possible d’aimer, de douter, voire de se décourager, mais aussi de se relever pour aimer plus et mieux ».


L’Eglise s’est réunie en synode à Rome pour réfléchir sur la famille. Qu’est-ce qu’un synode ?

Le mot synode, dans son étymologie grecque, est composé du préfixe «sun» (ensemble) et du substantif «hèodos» provenant du dialecte attique, et qui signifie « le seuil de la maison ». Le mot « synode » désigne littéralement « le fait de franchir le même seuil, de demeurer ensemble », et donc veut dire se réunir. Remarquons par ailleurs qu’un des signes forts du pontificat du Pape François est le souci de la collégialité. L’assemblée synodale qui s’est tenue le mois d’octobre, à Rome pourrait donc être lue comme une manière, pour le Pape, d’inviter les Évêques et toute l’Eglise à réfléchir avec lui. Réfléchir sur la place et le rôle de la Famille humaine en général et chrétienne en particulier, dans la vie du monde.

L’Eglise tient-elle des synodes régulièrement?

Depuis les premiers siècles, l’Eglise, notamment dans ses différentes Provinces ou Patriarcats (IVe siècle), a cultivé l’habitude d’élargir la concertation autour des grands axes de son dogme et de sa vie interne. A l’époque, le terme «synode» avait la même signification que le terme «concile». Depuis lors, cette pratique a prospéré dans l’organisation interne de l’Eglise, à tous les niveaux (diocésain, régional, continental et universel).

La question de la famille revient pour la deuxième fois depuis octobre 2014, dans les débats du synode, est-ce à dire que c’est une préoccupation importante pour le Pape François ?

Certainement pas pour la deuxième fois seulement. Le Synode extraordinaire d’octobre 2014 était une préparation à celui qui s’est déroulé en octobre 2015. Il nous a donc été proposé une année entière pour en arriver là, et ceci ne fait que confirmer le sens même du terme « synode », dont nous venons de faire cas. Est-ce que la Famille est une préoccupation importante pour le Pape François ? Bien évidemment. Nous avons l’habitude de dire et d’entendre que la famille est la cellule de base de la société. Au-delà de l’Eglise, c’est toute l’humanité qui a intérêt à ce que la famille joue son rôle, puisque la dérive de la cellule familiale serait tout simplement une dérive de l’humanité entière.

La question de l’admission à la communion des divorcés remariés brûlait toutes les lèvres. Certaines conférences épiscopales sont confrontées à cette réalité. Ce débat est-il pertinent pour l’Afrique ?

Je tiens d’abord à préciser, comme l’a fait d’ailleurs le Cardinal Peter Erdö, Rapporteur Général du Synode, que la question des divorcés remariés n’est pas l’objet principal du synode. Méfions-nous de toutes ces amplifications autour de la question, qui tendent à détourner nos esprits de l’essentiel : L’AVENIR DE LA FAMILLE. Ceci dit, réfléchir sur la famille, son sens, son rôle et son avenir, c’est d’abord se féliciter de ceux qui vivent l’idéal familial sous le flambeau de l’honneur et du bon exemple. Mais c’est aussi tenir compte de ceux à qui l’expérience familiale n’a pas toujours donné de la réussite et du bonheur. Des couples et des familles du genre, existent partout dans le monde, et ont besoin d’être accompagnés et aidés. C’est sûrement dans ce sens que le Pape François parle de l’Eglise comme d’«un hôpital de campagne, accueillant ceux que la vie a blessés».

Cela n’a rien à voir avec les principes canoniques de l’indissolubilité et l’unité du mariage chrétien, que l’on ne pourrait remettre en question. Le Cardinal Erdö, encore lui, ne s’y trompe pas d’ailleurs, lorsqu’il dit : «Si l’accompagnement pastoral miséricordieux de ces personnes [divorcés remariés] est un devoir, il ne doit en aucune manière remettre en question la vérité de l’indissolubilité du mariage, enseignée par Jésus-Christ lui-même. La miséricorde offre au pécheur le pardon, mais demande la conversion». La question est pastorale, disons tout simplement humaine.

Par ailleurs, ne nous voilons pas la face. Il est très facile, au nom de principes culturels ou sociaux bien rodés chez nous, de dire que telle ou telle autre situation est ou n’est pas africaine. Tout ce qui intéresse l’Eglise intéresse l’Afrique, tant que des chrétiens y vivent. La question des divorcés remariés peut ne pas avoir le même raisonnement en Afrique qu’en Europe ou autre part dans le monde. L’important est de savoir que ces situations existent chez nous, et appellent l’attention et le soin pastoral de nos communautés. Comme il en est du reste pour toutes les situations malheureuses que vivent les hommes. Jésus n’a jamais exclu. Il donne à tous leur chance.

Le synode serait-il un autre coup d’envoi pour la marche de toute l’Eglise appelée à accueillir la brebis perdue ?

Qui est la brebis perdue ? Je ne me vois pas en train de l’identifier plus à un homme ou une femme qui a « raté son mariage » qu’à un prêtre qui ne vit pas l’idéal sacerdotal. Le pécheur, c’est moi, c’est vous, c’est nous. Donc la conversion s’adresse à tous, sans exception, et chaque jour est un appel à s’ouvrir, à reconnaître et à accueillir la miséricorde divine. Tout Synode, quelle que soit la question qu’elle traite, nous aide dans le sens de la conversion et du renouveau en Jésus-Christ.

Y a-t-il d’autres défis, auxquels nos familles doivent faire face aujourd’hui, en Afrique et au Sénégal ?

Bien sûr. Tout furtivement, je noterai par exemple le défi de la pauvreté, qui constitue un poids non négligeable pour nos familles sénégalaises et africaines en général. A cela, j’ajouterai le défi de la sécurité, qui n’intègre pas uniquement les situations de conflits et de guerre, mais aussi les violences dans et hors du cercle familial.

Le nombre des divorces augmente de plus en plus, est-ce que la préparation au mariage est en cause?

On ne peut pas tout mettre sur le dos de la préparation au mariage. Je me réjouis personnellement et félicite nos pasteurs Evêques et mes confrères prêtres de ce que cette préparation soit aujourd’hui vulgarisée dans des cadres plus élargis (préparation groupée avec une gamme diversifiée d’intervenants). Je me félicite aussi de ceux que plusieurs de nos fidèles laïcs aient accueilli cette proposition, et s’y soumettent avec foi.
Ceci dit, il y’a toujours un plus à faire. La persévérance des uns, appelle la conversion des autres. Juste un appel lancé aux uns et aux autres, à considérer le bien du couple, et à œuvrer à ce que nos préparations au mariage privilégient ce bien, sur toute autre considération de type relationnel, familial ou amical. J’ai toujours le sourire aux lèvres et la tristesse dans l’âme quand, dans le cadre de mon travail de chancellerie, j’attire l’attention des couples sur un quelconque défaut dans la constitution de leur dossier de mariage, qui pourrait retarder l’échéance de la célébration. Pour toute justification, ils me disent : « Tout est déjà calé pour le mariage : la salle de réception, la robe de la mariée, et l’église de célébration. » Tant mieux! Mais doit-on sacrifier l’avenir d’un foyer pour une journée de festivités? Le mariage est trop sacré pour mériter un tel égard. C’est aussi un projet que nous soumettons à Dieu. Alors, laissons-le avoir une parole dans la vie du couple!

Abbé, avez-vous une parole d’espérance pour ceux qui vivent des difficultés dans le mariage ou qui se sont séparés?

L’espérance, c’est déjà ce que nous donnent de vivre ces dernières semaines : le fait que l’Eglise, dans le monde de son temps, s’asseye pour réfléchir sur la famille, pour rappeler au monde sa beauté et sa splendeur, mais aussi pour montrer qu’elle voit toute la souffrance des désespérés. Il est d’ailleurs heureux que le Pape ait posé un signal fort, en canonisant le couple MARTIN, Louis et Zélie, parents de la Petite Thérèse. C’est dire qu’il est bien possible d’aller jusqu’au bout. Cela ne signifie pas absence de difficultés et de souffrances, mais confiance en Dieu et en soi-même, pour ce que Dieu nous a donné comme force et capacité à nous relever de nos erreurs. Nos jeunes doivent comprendre qu’en matière de vie conjugale, il est possible d’aimer, de douter, voire de se décourager, mais aussi de se relever pour aimer plus et mieux.

AVEC I.D
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