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Primauté des rivalités sur les préoccupations du peuple: Assemblée nationale, une institution de combines
Publié le vendredi 6 novembre 2015  |  Enquête Plus
Christine
© aDakar.com
Christine Lagarde a tenu un discours devant la Représentation Nationale
Dakar, le 30 Janvier 2015 - La Directrice Générale du Fonds Monétaire International s`est adressée aux députés Sénégalais. Christine Lagarde a été reçue à l`Assemblée nationale par le président Moustapha Niass.




L’Assemblée nationale serait-elle une institution condamnée à perpétrer de petits meurtres contre les députés ou de grands complots dans le dos du peuple ? De 1960 à nos jours, elle est à l’origine de la plus grave crise au sommet de l’Etat et d’une mobilisation sans précédent du peuple. De plus, le Parlement a liquidé presque la moitié des personnalités qui l’ont présidée. La présente bataille pour le contrôle du groupe parlementaire ‘’Libéraux et Démocrates’’ s’inscrit donc dans l’ordre normale des choses d’une Assemblée de combines toujours aux ordres de l’exécutif.



L’Assemblée nationale occupe le devant de l’actualité depuis quelques jours. Une hypermédiatisation qui a pour thème la bataille pour le contrôle du groupe parlementaire ‘’Libéraux et démocrates’’. Lequel combat oppose Modou Diagne Fada exclu du Pds et Aïda Mbodji désignée par Me Wade pour remplacer son ‘’frère frondeur’’ à la tête de la présidence du groupe. Avec ce qui se passe, l’histoire a encore bégayé. L’Assemblée nationale s’est toujours illustrée par ses affrontements fratricides. La marche de cette institution est jalonnée de crises, grandes ou petites. L’explication se trouve dans le fait que cette chambre n’a pas une tradition d’autonomie de nomination.

Les combats au sein des partis sont très souvent transférés à l’hémicycle. Certaines tensions ont eu une envergure nationale. D’autres par contre étaient les résultats de manœuvres et de combines opposant des frères de même parti. Les deux grandes crises ayant réellement concerné toute la nation sont celles de 1962 opposant Senghor à Mamadou Dia, accusé de coup d’Etat constitutionnel. L’autre a opposé le Pds et ses alliés d’un côté et le peuple sénégalais de l’autre. Il s’agissait du fameux ticket présidentiel qu’Abdoulaye Wade a voulu faire voter par les députés le 23 juin 2011. Deux dates définitivement inscrites dans la mémoire collective du Sénégal.

A côté de ces deux évènements majeurs, il y a d’autres évènements qui ont eu comme théâtre d’opération l’hémicycle. En 1983, le président Abdou Diouf décide de supprimer le poste de Premier ministre créé par Senghor en 1970. Ce fauteuil étant occupé par son ami, Habib Thiam, il fallait lui trouver un point de chute. Les élections législatives de 1983 seront remportées à hauteur de 79% par le Ps, conduit par Habib Thiam. Ce dernier devient alors président de l’Assemblée nationale. Mais tout juste après un à la tête du perchoir, Habib Thiam est contraint de céder le fauteuil.

Qu’est-ce qui s’est passé entre les deux premières personnalités de l’Etat qui se tutoient pour qu’il y ait rupture ? Les conséquences d’une possible dualité au pouvoir sont évoquées. Mais l’hypothèse la plus répandue est relative à une orchestration contre Habib Thiam. ‘’Un complot dont le commanditaire était son ennemi juré Jean Collin (c’est sa conviction), avec la bénédiction de son ami Abdou Diouf, le poussera à la démission de la présidence de l’Assemblée nationale (…)’’, écrivent Mamadou Ibra Kane et Mamadou Ndiaye, co-auteurs du livre ‘’Habib Thiam, l’homme d’Etat’’.

En fait, les députés socialistes avaient l’intention de ramener le mandat du président de l’Assemblée de 5 à 1 an. Habib Thiam n’a pas attendu le vote pour jeter l’éponge. Sa frustration est à la mesure des décisions qu’il a prises par la suite. L’ancien premier ministre va en effet démissionner non seulement de la présidence et de son poste de député, mais il va renoncer également à toutes ses responsabilités au sein du Parti socialiste avant de claquer tout bonnement la porte de la formation de son ami.

Rivalités avec Jean Collin

Diouf lui demandera de revenir au moins sur une partie de sa décision, c'est-à-dire sa démission du parti. ‘’Je te le demande comme un service’’, lui dit-il, d’après Kane et Ndiaye. Une invitation à laquelle Habib Thiam répondra ‘’Par devoir et par amitié’’. Le concerné lui-même précise que sa conception de l’amitié ne lui permet pas de refuser un service à Abdou Diouf. Sauf si cela devait ‘’porter atteinte à son honneur’’.

La page Habib Thiam sera tournée, après qu’il eut quitté son poste au profit d’un certain Daouda Sow. D’aucuns disent d’ailleurs que ce dernier a participé à la mise à mort de Habib Thiam. Le poste lui revient-il comme récompense ? Difficile d’être affirmatif. Ce qui est sûr par contre, c’est que le reptile qui avait piqué Habib ne l’a pas épargné, pour reprendre une expression bien de chez nous. Arrivé à la tête de l’Assemblée nationale en 1984, Daouda Sow sera à son tour contraint de démissionner. Là aussi, les rivalités avec le puissant Jean Collin en sont la cause. D’après Momar Coumba Diop et Mamadou Diouf dans leur ouvrage : Le Sénégal sous Abdou Diouf (p 375), les réformes introduites par Daouda Sow avaient pour objectif de limiter les pouvoirs du ministre d’Etat au sein du parti et dans l’appareil d’Etat.

A ce niveau, il est important de rappeler le contexte. A la suite des élections législatives de 1988, les responsables socialistes ont décidé de revoir la situation du parti. En perspective, des journées d’études ont été organisées les 13 et 16 avril 1988. S’en est suivi la révision du fonctionnement du parti lors du conseil national du Ps transformé en congrès extraordinaire le 30 juin. Daouda Sow se voit reprocher par ses camarades de ne s’être pas conformé aux décisions arrêtées lors des journées d’études. ‘’Il est accusé d’avoir manœuvré en coulisses pour obtenir une nouvelle configuration du bureau politique, afin d’occuper le poste de premier secrétaire général adjoint chargé de la vie politique’’.

Dès lors, considérant qu’il a abusé de la confiance de Diouf et qu’il a rompu avec la discipline du parti, il n’était plus question de le laisser dans des sphères du pouvoir. Une motion de censure est introduite par les députés partisans de Jean Collin contre Daouda Sow. A la date du 5 décembre 1988, 87 députés l’ont signée. La marche à rebours n’a pas longtemps duré. Le vendredi 9 décembre, Daouda Sow démissionne de son poste de président de l’Assemblée nationale, après avoir été reçu par Abdou Diouf dans les deux jours précédents. Il sera remplacé par Abdou Aziz Ndao qui sera le troisième président du Parlement en l’espace de 5 ans.

‘’Ceux qui s’attendaient à un légitime refus d’obtempérer aux injonctions des députés versatiles du Parti socialiste et ceux qui espéraient un salutaire sursaut d’orgueil et une saine indignation auront fait les frais de la rumeur. Daouda Sow, à l’image de ses prédécesseurs au perchoir du Parlement (Amadou Cissé Dia et Habib Thiam), s’est rendu avant même de combattre’’, regrette Mame Less Camara sous le pseudonyme Abdou Sow dans les colonnes de Wal Fadjri. Plus loin, il tranche : ‘’Les arguments de discipline du parti ou de centralisme démocratique ne suffisent pas pour expliquer la démission du Dr Sow ni, à plus forte raison, son refus de se défendre’’.

La parenthèse Daouda Sow fermée, on croyait l’Assemblée avoir terminé avec ces petits combines. Mais il faut se rendre à l’évidence. Cet instinct-killer se trouve dans l’ADN de l’institution (elle a fait sa première victime, Mamadou Dia deux ans après sa naissance). Après l’alternance en 2000, les Socialistes vont passer le flambeau aux Libéraux. A peine deux ans au pouvoir que le Président Abdoulaye Wade donne la preuve de la subordination du législatif à l’exécutif. Après les élections de 2001, le Pds obtient pour la première fois une majorité au Parlement. Youssou Diagne est désigné président de l’Assemblée nationale.

Démission de Youssou Diagne

Quelques mois après, interviennent les élections locales du 12 mai 2002. Youssou Diagne, la deuxième personnalité de l’Etat, est battu dans son fief à Ngaparou. Le lendemain des résultats, Idrissa Seck, le puissant numéro 2 du parti à l’époque menace de sanction tous les responsables battus dans leur localité. M. Diagne ne saurait donc échapper au couperet, surtout que ses adversaires ont exploité à fond cette déconvenue. Car, au-delà de la défaite, il lui est reproché d’avoir tenu des propos irrévérencieux à l’encontre des populations de Ngaparou ; ce qui a justifié un vote sanction. Mais le concerné s’en défend. Dans une interview accordée au journal Le Populaire quelques jours après les résultats, il nie avoir vexé qui que ce soit, et présente ses excuses à toute personne qui serait offensée par sa déclaration.

Mais comme dans de pareilles circonstances, les manœuvres avaient déjà démarré. Une fronde est en cours. Elle ne se limite pas d’ailleurs à Youssou Diagne, puisque Babacar Gaye le président du groupe parlementaire des Libéraux est aussi visé pour avoir perdu dans son fief à Kaffrine. Pour ce qui est du président Diagne, son départ du perchoir est imminent. Il intervient le mercredi 12 juin 2002. A l’image de Daouda Sow, Youssou Diagne est allé lui aussi présenter sa démission au chef de l’exécutif. Autre similitude avec le Dr Sow, il a affirmé ne pas vouloir gêner le président Abdoulaye Wade.

L’histoire va continuer sa marche, mais encore une fois elle va se répéter. Comme si les hommes politiques étaient enfermés dans un cercle vicieux, les mêmes attitudes sont notées 24 ans après la démission forcée d’Habib Thiam. Cette fois-ci, c’est le Pds qui est à son deuxième crime. Et la victime s’appelle Macky Sall, celui-là même qui a joué un rôle prépondérant dans la liquidation d’Idrissa Seck. Lui aussi a des points de ressemblance avec Habib Thiam. Car, il a quitté la Primature en 2007 après l’élection présidentielle pour devenir président de l’Assemblée nationale.

A son tour, il fera l’objet de défiance de la part de ses camarades. Son crime a été d’avoir invité le fils de Wade, en l’occurrence Karim, à venir s’expliquer devant les représentants du peuple sur sa gestion de l’ANOCI. Elu pour 5 ans, Macky voit son mandat ramené à un an. S’inspirant sans doute de ses prédécesseurs, Habib Thiam en particulier, il démissionne de toutes ses fonctions de l’Etat comme du parti, avant de rendre sa carte de membre. Son successeur Mamadou Seck connaîtra lui aussi des difficultés dans ce poste.

Mais ce qu’on retiendra, c’est que trois ans après son arrivée à la magistrature suprême, en partie grâce au capital sympathie dont il a bénéficié, Macky Sall est accusé d’être derrière Modou Diagne Fada pour affaiblir le Pds. Vrai ou faux ? Une chose est moins sûre : cette Assemblée dite nationale est plus une officine de combines qu’un espace de prise en charge des préoccupations de la population.

Crise du groupe parlementaire du PDS

Le bis repetita de 1998

Les crises à l’Assemblée ne concernent pas uniquement la tête de l’institution, mais aussi les groupes parlementaires. Ce qui se passe ces temps-ci chez les Libéraux n’est que du bis repetita. Ce n’est pas en effet la première fois que des décisions du secrétaire général du Pds sèment le trouble entre Libéraux à l’Assemblée. En 1998, indique-t-on, le Pds a remporté les élections législatives à Dakar. Ablaye Faye est désigné comme le président du groupe parlementaire des Libéraux. Quelque temps après, il tombe malade. Il se soigne dans un premier temps à Dakar, puis à Paris, l’intérim étant assuré par Abdou Fall. Une maladie qui le rendra pendant longtemps indisponible.

De la France où il se trouve, Wade demande à Abdou Fall d’occuper le poste de titulaire de président du groupe. Une mesure qui provoque la colère des partisans d’Ablaye Faye, notamment Meïssa Sall et Awa Diop. Ils menacent même de quitter le parti ou de rendre impossible la présidence de Abdou Fall. Mais ils finiront par se rendre à l’évidence. Ironie de l’histoire, c’est ce même Ablaye Faye autrefois victime qui, paradoxalement se retrouve, 17 ans après, à la tête de la commission de discipline chargée d’exclure Modou Diagne Fada du Pds pour son refus de céder la présidence du groupe des Libéraux et démocrates.
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