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Art et Culture

En privé avec Coumba Gawlo Seck: ‘’Ce que mes tantes m’avaient dit sur mon mariage…’’
Publié le lundi 2 novembre 2015  |  Enquête Plus
Coumba
© Autre presse par DR
Coumba Gawlo Seck, artiste sénégalaise




Elégante et belle, Coumba Gawlo garde toujours sa prestance et son éloquence. Moulée dans une robe aux couleurs vert et noir, elle a reçu l’équipe d’EnQuête dans ses bureaux à Sacré-Cœur. La diva qui fête ses 25 ans de carrière nous replonge dans cet entretien dans ses plus grands souvenirs. Elle revient également sur ses succès comme ‘’pata pata’’ ou encore ‘’yomalé’’. Toujours égale à elle-même, elle a son avis sur les questions d’actualité et ne se prive pas de l’exprimer.



Un quart de siècle de carrière, vous ressentez quoi quand vous y pensez ?

Cela fait une trotte si je peux le dire ainsi. Je pense au chemin que j’ai parcouru. Je pense au moment pendant lequel j’ai démarré, où je suis passée et là où je suis arrivée aujourd’hui. Je me rends compte après que je n’ai pas beaucoup dormi. J’ai fait beaucoup de choses dans ma jeune carrière. Cela est dû peut-être au fait que j’ai démarré tôt aussi. Je rends beaucoup grâce à Dieu de m’avoir permis de faire tout ce que j’ai pu faire jusque-là.

Au cours de ces 25 ans, vous avez eu à collaborer avec Patrick Bruel. Pouvez-vous revenir sur cette étape de votre carrière ?

Ma rencontre avec Patrick Bruel a été facilitée par un frère africain sénégalais du nom de Seydou Khalidou. Il travaillait dans des maisons de disques. Quand j’ai sorti l’album ‘’Yomalé’’ produit par Ibrahima Sylla, quelqu’un m’a appelée et c’était lui. Il m’a téléphoné un jour et s’est présenté. Je ne le connaissais alors que de loin. Je le connaissais à travers Ismaïl Lô. Il m’a téléphoné, et m’a demandé d’abord si je connaissais Bruel et j’ai répondu par l’affirmative. Ensuite, il m’a demandé si cela m’intéressait de rencontrer Patrick Bruel. Je lui ai dit oui pourquoi pas. Et ma réponse l’avait étonné. ‘’Mais pourquoi pas, c’est tout ce que ça te fait ?’’ me dit-il alors. Je lui réplique : ‘’Tu veux que je te dise quoi ? J’attends de le voir.’’ J’ai rencontré après Bruel qui a beaucoup aimé mes chansons et m’a produite.

Pourquoi n’avoir pas continué avec lui ?

Vous savez, notre collaboration passait par son label. Bruel avait monté à l’époque son label. Moi, j’en faisais partie parmi tant d’autres artistes. Maintenant, il l’a fermé. Cela ne veut pas dire qu’il ne produit plus. Mais moi j’aspirais à autre chose. J’avais envie de revenir en Afrique. Je ne voulais pas couper les ponts avec mes racines et mes origines. J’ai voulu vraiment garder cette proximité avec ma famille, ma culture et mon pays. Alors que Bruel et son label voulaient que je reste en Europe. J’ai dit non, moi je ne suis pas venue pour m’exiler.

Je suis venue faire un travail, représenter mon pays. J’ai envie de rester dans mon pays tout en continuant à le représenter partout dans le monde. Et cela, je ne pouvais le faire qu’en restant dans mon pays car j’ai envie de parler aux jeunes ainsi qu’aux femmes de leurs droits, de l’éducation, de la santé, etc., ça, je ne peux pas le faire en restant loin de ma terre natale. Il me fallait rester proche du peuple pour le faire. J’ai aussi monté mon label parce que je ressentais un besoin d’indépendance et d’autonomie. J’en avais les moyens financiers parce que j’avais gagné beaucoup de millions avec le disque. J’avais également l’expérience requise pour faire cela. J’avais profité de mon séjour en Europe pour apprendre, découvrir et savoir comment les choses se passaient dans le milieu du showbiz.

Quels souvenirs gardez-vous de votre duo avec Koffi Olomidé au Palais omnisports de Bercy ?

Quand j’ai fait Bercy avec Koffi, c’était magique, je l’avoue. Avant, j’avais joué à Bercy. Mais c’était seulement au cours d’émissions de télévision avec des chaînes comme TF1 ou encore M6. La chaleur entre le public et l’artiste que je suis était certes là. Mais avec Koffi, c’était tout autre. Parce que c’était ‘’noir’’ de monde. C’était l’Afrique qui était dans la salle. C’est vrai que Koffi est un grand artiste qui a beaucoup fait pour la culture africaine.

Et votre prestation au mythique stade de France avec d’autres artistes africains ?

Cela m’a honorée énormément. Moi, chaque fois que je monte sur une scène, je me sens motivée. Je me sens fière et heureuse pour plusieurs raisons. D’abord parce que je viens rencontrer mon public et je sais que je vais beaucoup leur donner. Aussi, je sais que je recevrai autant en retour. Donc, c’est une sorte d’échange entre eux et moi. Ensuite, parce que je représente mon pays. Et enfin, cette représentation de mon pays pour qui je porte le drapeau m’honore et j’en suis très fière. J’ai été profondément touchée quand au stade de France j’ai vu le drapeau du Sénégal brandi dans cette foule immense. Je me suis dit : c’est tout ce que je peux faire pour mon pays. Et vraiment c’était de grands moments d’émotion je dois l’avouer.

En 25 ans de carrière, Yomalé reste tout de même l’une de vos plus grandes réussites. Pourtant, certains trouvent que cette chanson est sacrée et que vous ne deviez pas y toucher. Vous avez des regrets aujourd’hui ?

‘’Yomalé’’ est la chanson qui m’a porté chance comme l’indique son nom. Cela signifie en fait ‘’bonne chance’’. Je n’ai pas regretté de l’avoir interprétée puisqu’elle m’a porté chance et m’a ouvert les portes du monde. Parce que c’est grâce à l’interprétation de ‘’Yomalé’’ que j’ai rencontré Bruel. Il a entendu ma voix du Sahel et s’est dit : ‘’Tiens ! c’est qui cette voix étrange, puissante, mystérieuse. J’ai envie de la connaître. Elle me perce cette voix.’’ Et quand je l’ai vu, je me rappelle ses mots. Il m’a dit : ‘’Ah ! Tu es plus belle que Naomi Campbell’’. J’ai ri et on s’est taquiné. ‘’Yomalé’’ m’a permis de faire, grâce à cette rencontre avec Bruel, les grandes scènes du monde. J’ai été reçue sur les plateaux de grandes chaînes du monde. Et cela m’a porté chance.

Vous croyez réellement que cette chanson est sacrée ?

Absolument ! Moi je suis obligée de respecter les croyances de ma tradition, de ma culture et de la caste à laquelle j’appartiens. Puisque je suis une personne de valeur. Et je n’ai pas envie de me perdre avec les modernités actuelles. Et même si je suis une personne moderne, j’ai envie de rester ancrée dans mes origines, mes racines. C’est vrai que mes grands-parents, mes tantes ont beaucoup rouspété quand j’ai repris cette chanson (Yomalé). Elles disaient que je ne devais pas y toucher car j’allais avoir du mal à trouver un mari. Alors cela, elles l’ont dit à tort ou raison, je sais juste que je suis toujours là (ndlr elle le dit en riant). Je ne sais pas mais il n’y a toujours pas de mari. Peut-être qu’elles ont raison. En fait, je ne sais pas mais pour moi, une culture, il faut la faire découvrir et faire connaître aux autres, surtout quand elle est belle. Il faut que les gens sachent d’où ils viennent, qu’ils connaissent leurs histoires et leurs origines. En tant que Gawlo, je suis toujours fière de véhiculer ma culture. Et je trouve que c’est magnifique. Si vous remarquez bien, parmi mes chansons qui ont le plus marché ou ému les gens, il y a celles traditionnelles comme ‘’Yomalé’’, ‘’Djessi’’ ou encore ‘’Ndiawnaré’’, le dernier sorti.

La chanson ‘’Pata pata’’ constitue aussi l’un de vos grands succès. Comment vous est venue l’idée de reprendre cette chanson ?

Pendant 5 ans, on a travaillé sur le disque sorti avec le label de Patrick Bruel. Pendant 5 ans, j’ai vécu là-bas et je travaillais sur ça. Après, j’en avais marre parce que j’étais coupée du reste du monde, de ma famille, etc. Comme je suis quelqu’un d’introvertie, pendant mon séjour en France, je ne me suis pas fait d’amis parce que les paroles de mon père me venaient toujours à l’esprit. Il me disait tout le temps : ‘’Quel que soit l’endroit où tu te trouves, sache que tu es une Gawlo et une Gawlo ne doit pas faire ceci, ne doit pas faire cela.

Tu vas chez les Blancs et tu es une jeune fille noire, très jolie mais tu dois garder à l’esprit qui tu es.’’ Il avait peur quelque part que je verse dans la débauche. Au lieu de me faire des critiques aux relents de reproches, il me chargeait en fait. Il me parlait en évoquant ce qu’il y a de meilleur en moi afin de me rendre fière. Ce qui me permettait de me dire : ‘’Je ne dois pas faire ça.’’ Il avait toujours, mon père, cette technique de te charger. Alors comme j’étais introvertie et que ce que disait mon père me venait toujours à l’esprit, j’étais coupée du reste du monde. Je restais presque toujours dans ce luxueux appartement de Paris et un jour, je me suis levée et j’ai dit : j’en ai marre, je rentre chez moi. On m’a dit que je ne pouvais pas parce que le disque n’était pas prêt alors que cela faisait déjà 5 ans. Ils m’ont expliqué que c’était normal que cela dure parce que tant qu’un chanteur ne tient pas sa chanson, il ne peut pas sortir son album.

Des fois, un artiste peut travailler pendant 5 ou 6 ans sur un disque. C’est parce qu’on n’a pas encore ce que l’on veut. Mais moi, je leur ai expliqué aussi que j’étais fatiguée. Bruel me dit avec Seydou : ‘’Ce n’est pas grave. Va en Afrique te ressourcer et tu reviens après.’’ Ils étaient sûrs qu’à mon retour, je serais revigorée et pleine d’énergie. A Dakar, un jour je capte une radio locale et j’entends ‘’pata pata’’. J’ai demandé qui en était l’auteure et on m’a informée que c’était Myriam Makéba. Et quand je suis retournée sur Paris, j’ai dit à Patrick : j’ai la chanson. Je leur ai fait écouter ‘’pata pata’’. J’ai voulu la reprendre pour rendre hommage à cette femme et donner du soleil à l’album. Il m’a fallu ainsi un retour aux sources pour apporter cette chanson qui a eu un grand succès.

En tant que chef d’entreprise, quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?

Les difficultés sont nombreuses. De manière générale, que l’on soit homme ou femme, on rencontre des problèmes quand on est chef d’entreprise. C’est vrai peut-être qu’il y a un caractère particulier pour les femmes, mais on rencontre les mêmes problèmes que n’importe quel autre chef d’entreprise. A la fin du mois, il y a la pression de devoir s’acquitter de ses charges, de recouvrir l’argent qui est dehors, la course à l’atteinte des objectifs dans les différents services. On veut toujours aussi améliorer les choses, agrandir son entreprise et fructifier son investissement. Il nous arrive de tomber sur des personnes qui ne sont pas les meilleures dans le recrutement.

Un magazine vient de faire un sondage pour déterminer les dix femmes les plus influentes du Sénégal mais vous n’en faites pas partie. Cela vous surprend, vous frustre ?

Cela ne m’a rien fait. Je ne pense pas que c’est moi qui dois être frustrée, vexée ou qui dois avoir honte. Je pense que ce sont les personnes qui ont fait cela plutôt qui doivent l’être. Aujourd’hui, on ne peut parler de dix femmes influentes au Sénégal et me sortir du lot eu égard au parcours que j’ai eu. Je ne m’en vante pas pour autant. Je ne suis pas non plus en train de verser dans l’autoglorification. Nul ne peut parler de soi-même. Ce sont les actes et les faits qui parlent pour toi. Je ne suis pas non plus en train de chercher à forcer que l’on reconnaisse mon travail. Car qu’on le fasse ou pas, mon travail est déjà reconnu. Parce que grâce à Dieu et au travail que j’ai accompli depuis mon jeune âge, mon nom est allé au-delà des frontières.

Là où je vous reçois aujourd’hui est un bâtiment R plus 3 qui a été réalisé sur fonds propres. Le studio qui est au rez-de-chaussée est un investissement de près de 300 millions. Et il y a tant d’autres choses et d’actions que j’ai menées. Alors je ne peux pas comprendre que quelqu’un puisse parler des dix femmes les plus influentes du Sénégal et sortir totalement Coumba Gawlo du groupe. Cela veut dire que ce sont des gens qui n’ont rien compris. Aujourd’hui, je suis membre du cercle des femmes leaders, et il y a quelques années, le magazine de ma brillante petite sœur Amy Sarr Fall, Intelligences Magazine, m’a mise dans le lot des 50 femmes les plus influentes. Je ne lui ai rien demandé. Mais elle a eu l’honnêteté de reconnaître mes combats. D’autres ont préféré me sortir du groupe au moment où je suis invitée sur les grands plateaux de télé comme cela a été le cas récemment sur France 24 et tant d’autres. Cependant, pour moi, ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est de continuer mes combats, rester moi-même, faire mon travail et continuer sur cette voie sur laquelle j’ai toujours été, qu’on le reconnaisse ou qu’on en fasse fi. Je sais au moins ce que j’ai à faire et je le fais.

Qu’en est-il de vos actions aujourd’hui au Niger où vous vous battiez pour que les femmes adoptent la planification familiale ?

Je ne fais pas partie des dix femmes les plus influentes ici au Sénégal mais j’ai au moins une parcelle d’influence au Niger, un pays étranger. Un pays où Coumba Gawlo ne vit pas mais où quand même elle a pu récolter 25 millions de F Cfa qu’on a reversé à la fondation de la première dame. Au moins là-bas, je suis influente à tel point que le Président Issoufou m’a demandé de travailler à ses côtés. Je mène beaucoup d’actions au Niger. On sensibilise beaucoup sur l’espacement des naissances avec UNFPA. J’ai piloté la chanson des 100 femmes du Niger. Dans le lot, on en avait 5 ou 6 qui sont venues ici enregistrer une chanson sous ma direction.

Elles m’ont fait l’honneur de me mettre à la tête afin que je manage ce projet. Aujourd’hui, de manière générale, les filles, dès le bas âge, sont confrontées à beaucoup de problèmes qui entravent leur réussite. L’éducation est le premier de ces problèmes. Les filles ne sont pas généralement scolarisées pour plusieurs raisons. Soit les parents manquent de moyens pour le faire, soit n’y accorde pas trop d’importance. Quand il arrive qu’elles soient scolarisées, les parents les retirent de l’école parce qu’il faut qu’elles aillent puiser de l’eau. Le Président Issoufou me disait : ‘’Ma fille, mes deux rivaux, ce sont l’eau et le mariage précoce.’’ Parce qu’on sort les filles de l’école pour les marier ou les parents leur demande d’aller puiser de l’eau à des kilomètres de là où ils vivent. Si on arrive à mettre des bornes-fontaines ou des puits un peu partout, ce serait génial. Et on travaillait sur ce projet au Niger.

Les artistes pensent que pour réussir sur le plan international, il faut explorer les scènes européennes ou américaines. Mais Coumba Gawlo continue elle d’organiser des tournées africaines ? Qu’est-ce qui explique une telle option de votre part ?

Je vais vous donner deux raisons. La première est que l’Afrique est notre continent et aujourd’hui je pense que l’on ne peut évoluer sans s’intéresser à sa famille. Les Africains, c’est notre famille. Aujourd’hui, il y a tellement de problèmes en Afrique et tellement de conflits qui exigent que les artistes s’engagent, car seules leurs voix pourraient aider à résoudre ces problèmes. Il faut dénoncer, communiquer, échanger et les artistes doivent être les premiers à porter ce combat. La pauvreté, l’éducation, les guerres, les sectes ou mouvements qui pullulent actuellement en Afrique comme Boko Haram ou Aqmi sont des problèmes auxquels les Africains sont confrontés.

Moi, je ne vois pas pourquoi on devrait laisser notre continent avec tout ce qu’il y a à dire, pour aller ailleurs. Il est très important de s’approcher des siens d’abord, de les écouter et d’échanger avec eux. Je vous assure que si les artistes essayaient les tournées africaines, ils n’iraient plus ailleurs. Ils se rendraient compte de combien les Africains ont besoin qu’ils portent leurs combats qui sont multiples. Dans certaines zones, on rencontre des femmes battues ou violées dont les droits sont bafoués et qui ne peuvent pas le dire. La guerre et l’insécurité créent tellement de problèmes en Afrique. Moi, j’éprouve du plaisir à passer par ma musique pour dénoncer tout cela. Et nous, lors de nos tournées, on se dit qu’il ne s’agit pas seulement de venir chanter et de partir. Il nous faut réunir les décideurs lors d’une soirée de gala et leur parler de leurs responsabilités.

C’est notre manière à nous de les pousser à s’impliquer davantage dans la marche de leurs pays. On se bat pour l’emploi des jeunes, le respect des droits des femmes, une meilleure intégration et prise en charge des jeunes, etc. On fait le tout dans une ambiance bon enfant à travers la musique. Maintenant, cela n’exclut pas d’aller tourner en Europe. Mais moi, ça ne m’intéresse pas de venir à un concert pour juste chanter et partir. Je trouve que je peux faire plus que chanter. Les gens sont là pour écouter mes chansons, mais si je peux passer par elles pour lancer des messages forts, je le fais. C’est cela mon rôle. Je pense que la carrière d’un artiste ne doit pas se limiter à un point ou une zone. Si on a la chance de faire le tour du monde, c’est l’idéal. Mais il faut savoir porter les messages de l’Afrique.

Parlant d’insécurité en Afrique, actuellement au Sénégal on a procédé à une vague d’arrestations de gens qui auraient de présumés liens avec des terroristes. Vous en pensez quoi ?

Vous savez, de nos jours, le monde est de plus en plus difficile. Quand il y a une crise et qu’on la qualifie de mondiale, généralement ce sont les pays dits pauvres qui en subissent les conséquences. L’Afrique est un continent dont l’essentiel des pays sont dans le baromètre des pays pauvres. Notre pays le Sénégal vient d’entrer dans la liste des 25 pays les plus pauvres. Je trouve que c’est exagéré de dire cela. Je ne suis pas d’accord.

Le Sénégal a quand même un honneur et une image à sauvegarder. Moi, je pense que ça va quand même et qu’on peut encore s’en sortir. Du fait de la crise et de toutes les difficultés liées à cela, les Hommes cherchent autre chose. Ils cherchent le gain facile encore que je me demande si le djihadisme est facile puisque ta vie en dépend. Tout cela est dû à la conjoncture. Ce qui n’est pas pour autant une raison valable. J’appelle tout le monde à garder la foi. Le rôle d’un imam est de faire des prêches qui puissent renforcer la foi des croyants et non à les pousser vers des dérives. J’en appelle à la vigilance de nos dirigeants pour sécuriser les populations et qu’on retourne à la base qui est pour moi la stabilité.

L’émigration clandestine vous inspire quoi ?

Je ressens beaucoup de tristesse quand je vois ces jeunes braver la mer. Parce que pour en arriver là, il faut vraiment être désespéré et être à la quête d’un espoir qu’on n’est même pas sûr d’avoir. Je suis désespérée de ne pouvoir réussir dans mon pays ou y trouver quoi que ce soit pouvant m’aider dans ce sens, donc je vais chercher autre chose parce que j’ai l’espoir de trouver une vie meilleure. Mais est-ce qu’on l’aura ? On n’en est pas sûr. Je rencontre beaucoup de jeunes qui me demandent de leur trouver le visa et je leur dis que je ne suis ni une ambassade ni un consulat pour donner des visas. Je ne peux pas cautionner quelque chose d’illégal.

Généralement, je demande à ces jeunes de rester au Sénégal, de croire en eux et de travailler pour leur pays. Ils peuvent y arriver parce que certains y sont arrivés. Il y a beaucoup de jeunes qui restent ici et qui réussissent leur vie. Mais un jeune désespéré ne peut pas comprendre cela. C’est pourquoi j’insiste pour leur demander de croire en eux et pourquoi pas de travailler la terre. Je demande aussi à nos dirigeants de développer une bonne politique d’emploi. Il faut que les jeunes travaillent. On leur demande de rester, c’est bien mais qu’est-ce qu’on leur propose en retour ici ?

Que pensez-vous de la politique culturelle du gouvernement sénégalais ?

Je me demande s’il y a vraiment une politique culturelle au Sénégal. J’ai appris que sur les objectifs du millénaire pour le développement, la culture n’est pas prise en compte. C’est à se demander ce que représente la culture. Pourtant, les artistes sont censés être les meilleurs vecteurs de communication, les porteurs de voix. C’est pourquoi moi, je refuse que quelqu’un vienne m’utiliser pour faire sa campagne, lancer son message et m’oublier après. Si l’autorité en face est consciente que mon nom et mon image peuvent servir à drainer des foules, véhiculer des messages, c’est parce que je suis une personne importante. Il faut savoir user de cette importance que l’on a. C’est aussi simple que cela. Pour revenir à votre question, dans ce pays, il y a des artistes qui ont de leur vivant tout donné à ce pays comme Doudou Ndiaye Coumba Rose.

De son vivant, des Japonais étaient même prêts à le financer pour la construction d’un centre de formation. Qu’est-ce que notre pays a fait pour cela ? Il l’a crié sur tous les toits. Et il disait : à ma mort, que personne ne me rende hommage parce que de mon vivant, personne ne s’est occupé de moi. Que je sache pourtant, il n’était pas quelqu’un qui tendait la main. Jusqu’à sa mort, il a travaillé. J’ai beaucoup de regrets pour ce genre d’artistes même si je me dis que c’est le pays qui a perdu. Des artistes comme feu Doudou Ndiaye Rose n’ont rien perdu pour la bonne et simple raison qu’ailleurs, ils sont vénérés et célébrés. C’est notre pays qui a raté le coche pour entrer dans l’histoire. Ce n’est pas pour rien que Senghor voyageait souvent avec Yandé Codou Sène. L’art est important. On ne peut en faire fi. Donc, ces artistes n’ont rien perdu. Parce que l’artiste, quel que soit ce qui se passe, continue son chemin. Et c’est dommage pour un artiste comme Doudou Ndiaye Coumba Rose qui a tout fait pour le Sénégal.
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