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Procès de Hissène Habré: Un ex-prisonnier de la DDS dénombre 2 053 détenus morts
Publié le samedi 31 octobre 2015  |  Enquête Plus
Ouverture
© AFP par SEYLLOU
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




A la place de Clément Abaïfouta, c’est un autre ancien prisonnier de la DDS qui a comparu hier, à la barre de la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE), dans le cadre du procès de Hissein Habré. Hissein Robert Gambier, qui a encore décrit l’horreur dans les centres de détention pour y avoir séjourné, a dénombré 2 053 morts durant les cinq années de son séjour carcéral.



‘’Nul ne peut fuir son destin.’’ Cet adage peut être bien vérifié avec le cas de Hissein Robert Gambier, une des victimes présumées du régime de Hissein Habré. A cause de la guerre qui sévissait dans son pays, dans les années 80, il s’était réfugié au Cameroun. En apprenant le décès de son parrain qui l’avait baptisé lorsqu’il avait quitté le judaïsme pour embrasser la religion chrétienne, il avait décidé de rentrer au bercail, en décembre 1985. Alors qu’il était en train de chercher la tombe de son parrain, il a été surpris par des hommes en tenue qui l’ont pris pour un Libyen, du fait qu’il est métissé. Son père est un français et sa mère une tchadienne d’ethnie arabe.

A l’en croire, bien qu’il ait brandi sa carte de réfugié, les militaires n’ont voulu rien comprendre et l’ont conduit directement au Palais présidentiel. ‘’Hissein Habré qui était vêtu d’un Djellaba léger, discutait avec eux dans une langue que je ne comprenais pas, mais j’ai pu capter le mot direction’’, a raconté hier Hissein Robert à la barre de la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE).

Ce fut le début de son cauchemar qui a pris fin avec l’arrivée d’Idriss Déby au pouvoir. Durant ses cinq années d’incarcération, Hissein Robert a séjourné dans les différents lieux de détention de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS). Selon son témoignage, il a vu plusieurs de ses codétenus mourir sous ses yeux. A cet effet, il a fait état de 2 053 morts environ. D’après ses estimations, au Camp des martyrs, plus de 10 personnes mouraient par jour et la plupart des détenus de droit commun sont décédés de malnutrition. Il a dénombré 460 décédés au Camp des martyrs, suite à la pulvérisation de la cellule avec de la poudre toxique.

Il a aussi fait état de 187 morts à la gendarmerie et 102 à la DDS. ‘’Comment avez-vous fait pour survivre pendant cinq ans ?’’ lui a demandé le substitut Moustapha Kâ. ‘’Tous les matins, je buvais un litre d’eau. Lorsque le repas était servi, je prenais trois gros morceaux et je n’attendais pas qu’il refroidisse, car il devenait toxique. Mais les autres s’en gavaient et cela leur donnait la diarrhée et ils finissaient par succomber’’, a révélé l’ex-détenu.

‘’Sabadal mouth’’ ou ‘’celui qui court plus vite que la mort’’

Il a également expliqué sa survie par la ruse, car il a feint à plusieurs reprises la mort. Une fois, il a pris le sang d’un détenu décédé pour le mettre dans ses narines. C’est pourquoi, a-t-il expliqué, Aba Moussa, un responsable de la DDS, l’avait surnommé ‘’Sabadal mouth’’ ou ‘’celui qui court plus vite que la mort’’. Hissein Robert a certes échappé à la mort, mais pas à la torture et dans toutes ses formes, comme ‘’le supplice du bâton’’ qu’il a démontré à la barre, à l’aide de deux baguettes qu’il a apportées. Il consiste à coincer la tête d’une personne avec deux bâtons et à y taper.

Il a cité parmi ses tortionnaires Issa Arway qui aurait un jour baissé son pantalon pour tirer sur ses parties intimes. ‘’Il a tellement tiré sur « mon roi et ses princes » que j’ai senti le nerf atteint. C’est grâce aux soins du docteur Hélène Jaffé que j’ai pu avoir 4 enfants’’, a ajouté la partie civile avec un sourire en coin. Pourtant, tout au long de l’interrogatoire, il avait du mal à cacher ses émotions, à cause de ses pleurs qui l’ont plongé par moments dans le silence. Au cours de sa déposition, il a également révélé que certains de ses codétenus sont devenus fous, que lui ne s’habillait que grâce aux boubous des détenus morts, car en cinq ans, il n’a jamais reçu de visite.

Hissein Robert est certes libre, mais 25 ans après, il n’arrive pas à se libérer des atrocités auxquelles il a assisté. ‘’Je suis handicapé à vie. Mes oreilles bourdonnent. La nuit, les morts me viennent à l’esprit et souvent, je me mets à parler tout seul au point d’intriguer mes enfants’’, a déclaré Hissein Robert dont le récit est loin de convaincre la défense.

Le procès reprend le 9 novembre prochain avec la déposition de Clément Abaïfouta, président de l’Association des victimes de crimes du régime de Hissein Habré (AVCRHH).
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