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Artistes sénégalais décédés: Sitôt disparus, sitôt oubliés
Publié le lundi 19 octobre 2015  |  Enquête Plus
Doudou
© Autre presse par DR
Doudou Ndiaye Rose est décédé, ce mercredi, à l`âge de 85 ans




Ce sont Doudou Ndiaye Rose, Pape Ibra Tall, Vieux Sing Faye, Moussa Ngom, Pacotille, Ya Cheikh, Demba Dia, Pape Mboup, Omar Bassoum, Malick Ndiaye Farathial Thial, Thierno Ndiaye Doss, Isseu Niang, Yandé Codou Sène etc., qui ont bercé bien des générations et qui sont décédés. Mais dès qu’on les a enterrés, on a presque cessé de parler d’eux. Pourtant, ils ont consacré leur vie à faire rayonner la culture sénégalaise ici et ailleurs. Et rien que pour cela, ils méritent qu’on leur rende hommage. Ce qui n’est pas le cas. Au Sénégal, on a l’impression qu’aussitôt enterrés, les morts sont oubliés. Un traitement que ne méritent pas nos illustres artistes. Un devoir de mémoire s’impose.



‘’Ku dee yaa perte’’, a-t-on l’habitude de dire au Sénégal. Cet adage s’applique parfaitement aux artistes sénégalais. De leur vivant, ils donnent tout à leur pays, mais, une fois morts, ils sont jetés aux oubliettes. De l’annonce de leur décès à leur enterrement, tout le monde parle d’eux. Des journaux aux discussions dans les transports en commun. Ils sont au centre de tous les débats. On aime à rappeler leurs hauts faits et ce qu’ils ont apporté pour le rayonnement du Sénégal. Les autorités étatiques ainsi que leurs collègues artistes sont prompts à rappeler les services rendus à la Nation et à dire qu’ils se sont sacrifiés pour le pays, la musique, le théâtre, etc. Ils ne vont pas faire plus que des discours, pour rendre hommage à quelqu’un dont tous s’accordent à dire que le Sénégal lui doit beaucoup.

Mais dès qu’on les enterre, on les oublie. Même la presse passe à autre chose et trouve déjà que le sujet est caduc. Et aucun artiste n’a pu échapper à cela. Même pas le tambour-major décoré un peu partout dans le monde, qui a toujours accompagné le Président Léopold Sédar Senghor et grâce à qui, en Asie aujourd’hui est bien connu ‘’le tama’’. Doudou Ndiaye n’y a pas échappé. Il est décédé il y a à peine deux mois. Et depuis déjà longtemps, on ne parle presque plus de lui. ‘’C’est quelque chose qu’il faut déplorer. A la mort de l’artiste, on parle abondamment de lui dans les médias. Il est à la une de tous les journaux et fait celles des éditions radiophoniques. Après, c’est fini. On oublie’’, constate le journaliste à radio Sénégal international (RSI) Alioune Diop.

‘’Les artistes méritent qu’on parle souvent de leurs œuvres’’

Pour le comédien et président national de l’association des artistes comédiens du théâtre sénégalais (ARCOTS) Lamine Ndiaye, ‘’c’est le monde du théâtre qui souffre le plus de cela. Malheureusement, ceux qui quittent ce bas-monde sont tout de suite oubliés au Sénégal. On parle à peine d’eux et pourtant, ils ont beaucoup apporté au peuple sénégalais’’. Car, dit-il : ‘’dans le domaine du théâtre, les artistes ont beaucoup participé à l’éducation de différentes générations. Ils ont sensibilisé les masses et participé à la construction du Sénégal. Donc, on ne doit pas les oublier. Ils méritent qu’on parle souvent de leurs œuvres’’. Ainsi, ces artistes n’ont pas de retour d’ascenseur. Pourtant, ils le mériteraient bien. Et comme dans l’adaptation du livre ‘’Le Revenant’’, d’Aminata Sow Fall au théâtre, il serait bien légitime qu’ils viennent réclamer la part de ceux de l’au-delà. Puisque, c’est grâce à eux qu’aujourd’hui beaucoup ne pensent plus que le chant, le théâtre, les arts plastiques, le cinéma, etc. sont pour les jeunes désœuvrés, les jeunes délinquants ou les jeunes socialement pervertis.

Pourtant, les gens ne se rappellent souvent pas de la date d’anniversaire de leur décès. ‘’Il faut s’amuser à demander autour de soi ces dates d’anniversaire de mort des artistes. Personne ne s’en souvient. C’est honteux. C’est une honte. Il ne faut jamais oublier ceux qui nous ont accompagnés, ceux qui nous ont aidés à avoir une paix sociale et qui nous ont fait plaisir. Qu’ils soient musiciens, cinéastes, des comédiens, des hommes de lettres ou des plasticiens. Il ne faut pas les oublier. Malheureusement, au Sénégal, on oublie et cela est regrettable. C’est une honte’’, pense Alioune Diop. Cela ne signifie nullement qu’ils ne rendent pas hommage. Mais plutôt qu’on n’en fait pas assez. ‘’C’est vrai qu’on va te rendre hommage et parler de toi 2 à 3 jours, mais après, c’est fini’’, déclare Lamine Ndiaye. Alors qu’ailleurs, aux USA par exemple, les journaux parlent encore aujourd’hui de Michaël Jackson et assez souvent, alors qu’il est décédé en 2009.

A qui la faute ?

A qui la faute ? a-t-on envie de se demander. ‘’Au public, à l’opinion’’, répond sans détour l’animateur des matins de RSI. Ainsi, ce sont les fans et l’entourage de l’artiste qui devraient se réunir pour organiser des évènements en l’honneur de leur idole ou parent, comme cela se fait hors de chez nous. D’autant plus que, pour Alioune Diop, ‘’ce n’est pas à un ministère de rendre hommage à un artiste. Le ministère accompagne l’artiste de son vivant, à travers sa politique culturelle’’. Ce que confirme, le comédien et acteur Lamine Ndiaye. ‘’Ceux qui disent que c’est la faute du ministère de la Culture, ils doivent savoir que le ministère ne fait que nous accompagner, mais ce n’est pas son rôle d’aider les artistes ou de leur rendre hommage.’’

Le plasticien Viyé Diba embouche également la même trompette. ‘’Aujourd’hui, il est très facile de rejeter la faute sur l’Etat, mais la grande responsabilité, dans tout cela, nous revient. On n’a jamais situé notre part d’obligation, parce qu’on ne fait pas partie de cette logique sociale de rendre hommage à nos disparus. Chacun veut rester dans son coin et essayer de s’en sortir seul, en oubliant ceux qui nous ont précédés. Donc, c’est un problème global qui blesse le milieu artistique. Maintenant, on ne peut pas critiquer l’Etat, si on n’est pas capable de faire quelque chose pour ces disparus’’, analyse-t-il. Pourtant lui et ses pairs ont un travail important à faire dans cette quête de reconnaissance.

‘’Notre rôle était d’essayer de montrer en quoi le travail de ces défunts a été rentable, pour que les Sénégalais sachent ce qu’ils ont fait pour leur pays. Les Sénégalais ont besoin de comprendre les œuvres que les artistes ont laissées, pour qu’ils puissent les considérer. En résumé, il faut que les artistes se réveillent et essayent de revoir leur position’’, pense-t-il. Pour résorber ces écueils, ‘’il faut que tous les artistes se retrouvent, non pas pour régler leurs problèmes économiques, comme ils ont l’habitude de le faire, mais essayer de donner plus de vie aux œuvres artistiques, de manière générale. Surtout, celles des artistes disparus parce qu’il faut le dire : l’art ne vit pas. Maintenant, si nous restons dans ces circonstances, tout artiste qui quittera ce bas-monde sera automatiquement oublié’’, conseille-t-il.

La partition des médias et des artistes

Les médias ont aussi un rôle à jouer dans le processus d’immortalisation, tout comme les artistes. ‘’Leurs collègues artistes doivent aussi se souvenir d’eux’’, pense Alioune Diop. ‘’Il y a un manque d’implication des artistes eux-mêmes’’, selon l’artiste plasticien Viyé Diba. Car ces derniers ne composent même pas de chansons en l’honneur de leurs illustres disparus, encore moins, n’organisent des mémoriaux. Même si, indique Alioune Diop, ‘’certains n’aiment pas les hommages et qu’il faut respecter leur volonté, il faut se souvenir d’eux. Pour cela, il faut l’aval des familles’’. Aussi, l’organisation n’est pas toujours simple. ‘’Il y a eu des artistes disparus à qui on a rendu hommage et après, il y a eu des scandales financiers. Ça c’est une réalité’’, informe le journaliste.

Par conséquent, certains tenteraient de se faire de l’argent sur le dos des morts et de leurs familles. Et à côté, certaines familles jouent sur la sensibilité des Sénégalais pour leur soutirer de l’argent. Beaucoup d’enfants d’artistes utilisent le répertoire téléphonique de leurs pères ou mères décédés ou le nom de ces derniers pour bénéficier d’avantages et se remplir les poches. Certains ont annoncé dans les médias des mémoriaux qui ne se sont jamais tenus, alors qu’ils ont encaissé énormément de lettres de soutien.

D’autres, par contre, vivent dignement leur deuil. Pour ceux-là, Lamine Ndiaye lance un appel à l’endroit des autorités. ‘’On trouve des familles qui n’ont plus rien. Je demande aux autorités, en guise de reconnaissance, de prendre en charge les familles de ces icônes du théâtre disparues, parce que ce sont des gens qui ont beaucoup apporté à cette nation. Ils sont des fils de la nation, on ne doit pas les oublier.’’

‘’Au Sénégal, quand tu meurs, on t’enterre avec tes œuvres’’

Par ailleurs, même s’il est vrai qu’‘’il ne faut jamais oublier ceux qui nous ont quittés’’, comme le souligne Alioune Diop, ces derniers devraient aussi, selon Lamine Ndiaye, faire de sorte de rester éternels. ‘’Pour ne pas tomber aux oubliettes, il faut que l’artiste lui-même pose des jalons pour cela. C’est-à-dire essayer de son vivant d’investir dans son domaine artistique pour qu’au moins, après sa mort, on ne puisse pas oublier ce qu’il a fait pour le Sénégal. Un avis que ne partage pas le plasticien Viyé Diba. ‘’Au Sénégal, quand tu meurs, on t’enterre avec tes œuvres. C’est un constat général que je fais et c’est vraiment triste’’, affirme-t-il. Même s’il précise que pour eux les plasticiens, ‘’les œuvres de Pape Ibra Tall resteront toujours dans les annales parce qu’il a beaucoup fait pour les arts’’.
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