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Enfer des prisons de Habré: ‘’Quand il faisait très chaud, il y avait jusqu’à huit morts, par jour’’
Publié le vendredi 16 octobre 2015  |  Enquête Plus
Ouverture
© AFP par SEYLLOU
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




Les témoignages se poursuivent et continuent de révéler la face hideuse de la machine répressive mise en place par le régime Habré. Hier, Fatimé Hachim Saleh, Yacoube Haroun Ibrahim et Gaston Alifa ont témoigné de ce qu’ils ont vu et vécu.



Agé de 23 ans à l’époque, le jeune Zaghawa Yacoube Haroun Ibrahim a assisté au décès de son père et de ses deux frères. ‘’On les a exécutés dans des endroits différents’’, a-t-il déclaré d’emblée. D’abord son père a été arrêté en compagnie de 16 autres personnes. Ils ont été transférés et emprisonnés à Jener, où ils ont péri. ‘’Les 17 morts ont été enterrés dans une fosse commune’’. Ses frères ont été arrêtés en pleine rue, avec six autres. Selon son témoignage, ils ont été introduits dans une caisse, avant d’y mettre le feu. ‘’On n’a trouvé que leurs têtes. Je les ai reconnus grâce à leur dentition, parce qu’ils avaient les dents espacées’’. Au cours de leurs recherches, ils ont trouvé 24 autres personnes exécutées. Toutes de vieilles personnes qui devaient avoir la soixantaine.

Le témoin, partie civile dans ce procès, a ajouté connaître ceux qui avaient procédé aux arrestations de son père et de ses frères. L’un d’eux s’appelle Ali Bedrin. ‘’Je les connais. Ce sont tous des militaires de Hissein Habré. C’est lui-même qui avait donné cet ordre’’, a-t-il dit au juge Gustave Kam. A l’instar des autres témoins avant lui, Yacoube Ibrahim a confié que son père a été arrêté, parce qu’il est Zaghawa. Idem pour ses frères Ousmane et Tahir. Pourquoi n’a-t-il pas été tué comme les membres de sa famille ? lui a demandé le juge après sa déclaration. ‘’Je ne sais pas’’, a-t-il répondu. Il a ajouté qu’après une visite de Hissein Habré à Iriba, beaucoup de gens ont été exécutés. ‘’Habré nous a beaucoup fait souffrir. Nous espérons que justice sera faite’’, a-t-il lâché, avant de rejoindre tristement le box des témoins.

‘’Abubakar Torbo me dictait les causes de mort’’

Ensuite, Gaston Alifa, infirmier militaire dans les prisons en 1984, s’est présenté à la barre. Il a axé son témoignage sur les maladies récurrentes, les causes de mort et autres conditions d’incarcération. ‘’On était quatre infirmiers chargés de soigner dans trois prisons : le Camp des martyrs, la DDS et les Locaux. Il y avait un déficit d’alimentation. D’ailleurs, au départ, on ne leur offrait rien du tout. Ils étaient le plus souvent atteints de malnutrition, paralysie, dysenterie, diarrhée hématophage, rhumatisme, entre autres maladies causées par la mauvaise alimentation. Certains détenus malades refusaient de manger les mêmes repas. Mais surtout, il n’y avait pas assez de médicaments.’’ Sur le choix des infirmiers affectés dans les prisons, Gaston Alifa a laissé entendre que le seul critère était de savoir garder le silence sur ce qui s’y passait.

Ensuite, le procureur a voulu savoir pourquoi la cellule C était appelée ‘’Cellule des cadavres’’. Le témoin a répondu qu’elle était la plus grande. Qu’elle était surpeuplée et que la chaleur y était insupportable. En prodiguant des soins, l’infirmier avait constaté de nombreuses traces laissées par des cordes. ‘’C’étaient les effets de l’arbatachar, une forme de torture qui provoquait la paralysie’’. Quid de Habré ? Une fois, a-t-il raconté, Hissein a débarqué par surprise, un après-midi. Il a appelé le chef de poste et lui a demandé de faire sortir un prisonnier de sa cellule. Il l’a regardé et s’en est allé.

Mais dans les prisons, les choses allaient de mal en pis. Les morts augmentaient de jour en jour. Plus, il faisait chaud, plus il y avait de mort. ‘’Quand il faisait trop chaud, on notait trois à quatre morts, par jour. Des fois, on comptait jusqu’à huit morts’’. Un avocat de la partie civile lui a demandé ce qui était mentionné dans les certificats de décès. ‘’C’est Abubakar Torbo qui me dictait les causes de mort. C’est lui qui me disait ce je devais écrire. On ne pouvait pas faire autrement’’.

Avant ces deux témoignages, Fatimé Hachim Saleh a dit tout le mal qu’elle pense de l’ex-homme fort tchadien. ‘’Je demande à Habré de venir me dire pourquoi il m’a séparée de mon mari et de mon enfant. Au Tchad, il y a un marché qu’on appelle ‘’Hissein a fui’’. Devant le tribunal, il refuse de parler. Je dis : Hissein a peur. Je demande au tribunal de lui infliger une lourde peine. Il doit venir rendre compte à la barre. Mais il rendra compte devant Dieu, le jour de la résurrection.’’
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