Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aDakar.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Dr Hélène Hélène Jaffe devant les CAE: ‘’Habré est moins malade mental, mais tout aussi dictateur que Sékou Touré’’
Publié le mercredi 14 octobre 2015  |  Enquête Plus
Hissène
© Autre presse par DR
Hissène Habré, l`ancien président du Tchad poursuivi au Sénégal pour crimes contre l`Humanité




Le procès de l’ex-président tchadien Hissein Habré se poursuit au palais de justice de Dakar. Hier, le médecin Hélène Jaffe, fondatrice de l’Association des victimes de répression en exil, a été appelée à la barre. Elle a apporté son témoignage sur la mission qu’elle a menée au Tchad entre 1991 et 1996.



À la suite des experts de l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale, le médecin Hélène Jaffe, fondatrice de l’association des victimes de répression en exil, s’est présentée hier devant la barre de la Chambre d’assises des Chambres africaines (CAE). Elle a mené sa mission entre 1991 et 1996 au Tchad. Avec son équipe, ils ont commencé par passer des communiqués à la radio, demandant aux victimes de venir bénéficier de leurs soins. Ainsi, ils ont pu faire le tour de la ville et visiter les bâtiments de la Dds. Ils ont trouvé des traces de sang dans les couloirs de la ‘’Piscine’’, la fameuse prison, ainsi que des restants d’aliments conservés dans des boîtes. Selon son témoignage, les tortures avaient lieu dans le bâtiment annexe. Toujours, pendant leur séjour, ils ont trouvé des personnes affamées qui n’attendaient que de l’aide. Ils ont mis à leur disposition des médicaments. Entendues, les victimes ont confié la perte de quasiment tous leurs biens.

Après cinq ans de mission auprès des victimes, la dame a révélé à la Cour que les prisonniers trouvés sur les lieux avaient mal partout. Sur leurs corps étaient visibles les stigmates de leurs souffrances. De gigantesques cicatrices, des articulations touchées, des traces de fractures. L’arbatachar (une des formes de torture) avait laissé des traces sur les colonnes vertébrales, les épaules et les chevilles des victimes. Selon toujours son témoignage, les hôpitaux étaient tellement surchargés que Dr Jaffe et ses associés faisaient des examens physiques à la demande des patients.

‘’On a reçu 581 victimes, mais le nombre le dépasse…’’

D’un âge assez avancé actuellement, la brave dame a expliqué qu’elle a eu à examiner 581 victimes de tortures d’Habré. Seulement, elle a tenu à faire savoir devant la Chambre que le nombre de blessés dépasse de loin ce chiffre, puisque d’autres n’ont pas voulu se faire consulter par les services d’enquête. D’ailleurs, apprend-on, 90% étaient des victimes directes, des prisonniers, des victimes de guerre. Le reste était constitué de victimes indirectes, notamment des enfants et des femmes. Pour étayer ses dires, elle a projeté des photos dans la salle d’audience, montrant des blessures insoutenables, la salle d’attente de leurs cabines de consultation et certains bâtiments où étaient logées les victimes.

Le médecin a fait une autre révélation surprenante concernant le président Idriss Déby. Avant de se rendre au Tchad, ils avaient retenu, à l’ambassade, de parler de toutes les formes de torture relevées sur place. Mais au Tchad, ‘’une fois qu’on parlait des cas de torture à Idriss Déby, il donnait un coup de pied sur une table en verre, comme pour montrer sa frustration. Et il ne disait absolument rien’’, a-t-elle confié. Selon la dame, les médecins tchadiens avaient peur de prononcer le mot torture, à cause de la terreur.

Au cours des débats d’audience, le médecin spécialiste des tortures a été interpellé par l’avocat de la défense sur des propos consignés dans le procès-verbal des auditions. Faisant une appréciation des présidents Sékou Touré et Hissein Habré, le docteur avait dit : ‘’L’un (Sékou Touré) était connu pour être un grand malade mental et, de surcroît, dictateur. Mais pour l’autre (Hissein Habré), il est moins un malade mental, mais tout aussi dictateur’’.

En effet, le témoin a d’abord accompli une mission similaire en Guinée. D’ailleurs, c’est grâce à cette expérience qu’un juge tchadien l’a mis en rapport avec Amnesty. Toujours est-il que l’avocat lui a fait remarquer qu’il s’agit d’un diagnostic psychiatrique, alors qu’elle n’est pas psychiatre. Cela a fait réagir le président des chambres africaines extraordinaires Gberdao Gustave Kam. ‘’Mais, on dirait que vous êtes inspecteur Colombo !’’ lui a-t-il lancé.

Après ce petit intermède, Madina Fadoul Kitir, victime de tortures à la brigade spéciale d’intervention rapide, s’est présentée à la barre pour témoigner. Elle a été arrêtée pour avoir accueilli son époux qui s’est évadé de prison en juillet 1989. Son séjour carcéral a duré trois mois ferme. Elle a été libérée, après maintes séances de torture, en même temps que deux autres femmes, à l’occasion de la fête du nouvel an. Elle n’a pu revoir son mari qui a été exécuté en prison. Son témoignage se poursuit aujourd’hui au palais de justice de Dakar.
Commentaires