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Zakaria Fadoul Kitir sur le règne de Habré: ‘‘Son erreur monumentale a été de couvrir la DDS’’
Publié le samedi 3 octobre 2015  |  Enquête Plus
Ouverture
© AFP par SEYLLOU
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




Zakaria Fadoul Kitir a été la seule victime à la barre, à l’audience d’hier. Malgré un témoignage globalement à charge, il a parfois trouvé des circonstances atténuantes à l’ancien homme fort de N’Djaména. Son témoignage suspend les débats jusqu’à lundi prochain pour le passage d’autres témoins.



‘‘Avoir un avocat ?’’ s’est étonné le témoin à une question du parquet. ‘‘Ce sont des choses qui existent au Sénégal. A l’époque, cela ne nous effleurait même pas l’esprit’’, a-t-il poursuivi à l’interrogation d’Anta Ndiaye Diop. Ce qui a provoqué l’amusement du public. Dans la continuité de sa déposition d’hier, Zakaria Fadoul Kitir a fait savoir, qu’après interpellation par la DDS, il n’y avait pas de procédure d’inculpation formelle.

La structure étant ‘‘police politique, juge et partie’’. A l’en croire, 46 membres de son cercle familial, dont sept frères, ont ainsi disparu durant l’écrasement de la rébellion d’avril 1989 par le régime de Habré. Deux y ont échappé, car l’un était en Russie et l’autre en Irak. Malgré cette déposition accablante dans son ensemble concernant ‘‘l’intransigeance d’Habré envers ses ennemis et son obsession pour le pouvoir’’, le professeur, auteur du livre ‘‘Les moments difficiles : dans les prisons d’Hissein Habré en 1989’’, a relativisé ses propos, malgré l’insistance du parquet et des avocats de la défense.

‘‘L’erreur monumentale de Habré n’a pas été de combattre la rébellion, mais de s’être attaqué aux innocents ; d’avoir immunisé et couvert cette machine qu’a été la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS)’’, a-t-il déclaré. Poursuivant dans ses propos que la partie civile Me Dioma Ndiaye a trouvé ‘‘un peu perplexe’’, il a parlé de la déchéance de l’homme qui a perdu la haute estime qu’il lui vouait. ‘‘Avant les événements de 1989, je l’admirais tellement. Il était un modèle pour les gens du Nord. Hissein Habré était un combattant pour la justice et la liberté.

Le symbole de l’homme libérateur. En tant que président du Tchad, il est devenu autre chose que ce qu’il a été. Il se pourrait qu’il soit informé des exactions, comme il se peut qu’il ne le soit pas’’, a-t-il lancé, lorsqu’on lui a demandé d’apprécier personnellement le degré d’information de l’accusé. D’ailleurs, en ce qui concerne la responsabilité individuelle de l’ancien homme fort de N’Djaména dans ces crimes, Zakaria n’a pas été catégorique dans ses affirmations. Le témoin, beau-frère de Djamous et neveu d’Idriss Déby au troisième ascendant, deux ennemis irréductibles de Habré, est convaincu que les membres de sa famille étaient fichés par la DDS, avant de disparaître sans laisser de traces.

Contre-interrogatoire difficile

Me Mbaye Sène, fidèle à sa stratégie, a essayé de démontrer que le contexte exigeait du chef de l’Etat d’alors d’assurer la sécurité et l’intégrité territoriale du Tchad, face à une dissidence armée. ‘‘Ne trouvez-vous pas normal que la puissance publique combatte une rébellion armée. Qu’elle était dans son rôle régalien ?’’ Une question à laquelle Zakaria a répondu par une autre interrogation. ‘‘Est-ce normal qu’on exécute les prisonniers, après les avoir capturés ?’’ a-t-il rétorqué. L’avocat est resté suspicieux sur l’audience accordée par Idriss Déby via son association de victimes, avant la venue du témoin à Dakar. Mais selon Zakaria, il s’agissait de proposer à l’actuel président tchadien une formule pour la réconciliation. Mais il faudrait l’éclatement de la justice d’abord.

‘‘Ne pensez-vous pas qu’il devait mettre à la disposition des CAE les personnes nommément visées par les poursuites ?’’ a demandé Me Sène. ‘‘Je n’en vois pas la nécessité’’, a répondu Fadoul Kitir. Les échanges ont été tellement difficiles entre le témoin et Me Mounir Ballal sur le nombre de ses frères germains : cinq au lieu des sept annoncés à l’audition, que le président Gberdao Gustave Kam a prévenu les conseils commis de Habré. ‘‘Par expérience, je sais que l’interrogatoire du témoin est toujours plus difficile pour la défense. Il faut que la défense l’intègre dans sa stratégie’’, a-t-il dit, pour calmer les ardeurs. Me Ballal s’est étonné que Zakaria ait été libéré, malgré la répression féroce sur les cadres zaghawas qu’il a lui-même relatée. Un miracle que le témoin ignore lui-même ; ne sachant pas si ce sont les fortes pressions du HCR et de ses amis occidentaux ou l’intervention de son cousin germain Bichara Idriss Agha, zaghawa qui est demeuré politiquement proche de Habré, malgré la dissidence.

‘‘Le pardon passe avant la vengeance ’’

Le mutisme d’Habré dérange jusqu’aux témoins. Invité par le parquet général, Anta Ndiaye Diop en l’occurrence, à s’adresser à Hissein Habré, Zakaria Fadoul Kitir a été plutôt circonspect. ‘‘L’identité d’une personne, c’est la voix. Est-ce que je peux dire : c’est Hissein Habré ?’’ a-t-il déclaré. Prônant une commission vérité-réconciliation, à l’image de celle de l’Afrique du Sud après l’apartheid, il a déclaré que ‘‘le pardon passe avant la vengeance. Le pire, c’est de ne pas vouloir se réconcilier.

Il faut laisser de côté ce qui s’est passé et avancer’’. Mais la condition, selon lui, c’est que justice soit rendue. ‘‘J’aurais préféré qu’il y ait la justice. On pardonne à celui qui reconnaît ses erreurs, mais à partir du moment où il n’y a pas de parole, s’il n’y a pas communication, s’il n’y a pas d’échanges, comment peut-on parler de pardon ? C’est impossible ! La meilleure façon pour Habré, c’est de dire : ‘‘J’ai fait ça ; je reconnais ; je n’ai pas fait ça ; je ne reconnais pas’’, a suggéré le témoin.
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